Le christ comme médiateur du salut, essai d'herméneutique africaine du message chrétien à la lumière de la christologie de karl Rahner( Télécharger le fichier original )par Thomas RAINCHOU Grand séminaire notre dame de l'espérance de Bertoua - Attestation de fin d'étude de théologie 2006 |
Chapitre premier : UNIVERSALITE ET EXCLUSIVITE DU SALUT EN CHRIST SELON KARL RAHNER1.0. INTRODUCTIONLa question du salut se pose chez Karl Rahner en terme de conciliation entre la relativité historique du christianisme et sa prétention à l'universel. Cette conciliation présuppose trois questions : D'abord la question de la nécessité du salut pour les hommes et pour l'humanité prise globalement ; ensuite celle de la possibilité d'unité et de « commerce » entre l'homme qui appartient à l'ordre de la création et l'Auteur de son salut, son Créateur qui lui, appartient à l'ordre de la Rédemption ; et enfin celle de l'insertion de Dieu dans le conditionnement spatio-temporel de l'expérience humaine. Intitulé Universalité et exclusivité du salut en Jésus-Christ, ce premier chapitre voudrait apporter des éléments de réponse à ces diverses questions dans une fidélité à la pensée théologique de Karl Rahner. Ainsi donc, un premier mouvement du chapitre conduira à saisir la situation existentielle de l'homme comme une question de salut, ensuite l'on montrera que la réponse à cette question existentielle de l'homme se trouve inscrite dans le dessein même de son Créateur. Enfin, un troisième et dernier mouvement voudra montrer que cette réponse se réalise de façons éminente en la personne de Jésus-Christ, lieu de communion entre l'histoire et la transcendance. 1.1. SITUATION EXISTENTIELLE DE L'HOMME ET BESOIN DU SALUTIl s'agit ici de voir l'homme d'abord, dans une approche biblique, comme une image de Dieu défigurée, puis ensuite comme un nécessiteux du salut dans ses déterminations essentielles et enfin de montrer en quoi l'homme d'aujourd'hui doit être sauvé. 1.1.1. L'homme, une image de Dieu défiguréeDans son analyse de la situation existentielle de l'homme, une analyse fondamentalement systématique, Karl Rahner fait une référence à l'anthropologie biblique où l'homme est compris comme nécessiteux du salut à travers trois caractéristiques: Créé à l'image de Dieu, une image défigurée et un besoin radical du salut. a) L'homme, un être créé à l'image de Dieu La caractéristique de l'homme comme image de Dieu dans les Saintes Ecritures est largement décrite dans le livre de la Genèse (cf. Gn 1, 1-2, 25). Dans ce récit que les exégètes prennent volontiers pour guide biblique sur les questions fondamentales au sujet de Dieu, de l'homme et du monde9(*), il est question de la création de l'univers par Dieu ; création dans laquelle l'homme, à travers la « personnalité corporative »10(*) d'Adam, occupe une place de choix. Il y est présenté non seulement comme une créature (cf. Gn 1, 27a ; 2, 2-4) au même titre que les autres créatures, mais aussi comme l'image de son Créateur (cf. Gn 1, 27b), et investi, en vertu de sa participation à la vie divine (cf. Gn 2, 7), du pouvoir de contrôler les autres créatures (cf. Gn 1, 29-31) et d'imiter l'action créatrice de Dieu en procréant des êtres vivants à l'image de Dieu (cf. Gn 1, 26ss ; 5, 1 ; Lc 3, 23-38). L'homme est donc ainsi doué d'une dignité éminente qui, pour Karl Rahner consiste en ce que « l'homme se connaissant spirituellement et s'engendrant lui-même librement à la communauté personnelle et immédiate avec Dieu Infini, peut et doit s'ouvrir à l'Amour qui communique ce Dieu Lui-même. »11(*) b) L'homme, image défigurée de Dieu La défiguration de l'image de Dieu en l'homme, dans l'esprit biblique, tient pour la grande part de la désobéissance de l'homme à l'égard de son Créateur. Cette désobéissance est aussi bien exprimée dans l'Ancien Testament (cf. Gn 2, 15-25 ; cf. Gn 3, 1-14 ; Gn 4 ; Gn 11, 1-9) que dans le Nouveau, avec ses implications sur le plan du rapport de l'homme à son Créateur, de la famille humaine en général, du rapport de l'homme avec l'univers, et de la condition existentielle même de l'homme. Il en résulte la rupture ou la dénaturation du rapport de l'homme avec Dieu son Créateur et c'est désormais tout l'ordre de la création qui est bouleversé (cf. Gn 3, 14-19). Saint Paul revient dessus dans une perspective plus éclairée par le mystère du Christ en montrant que par un seul homme, le péché est entré dans le monde et par le péché, la mort, et qu'ainsi, la mort a passé en tous les hommes, situation dans laquelle tous ont péché (cf. Rm 5, 12). C'est dans ce sens que Karl Rahner fait le constat qu' « au témoignage de l'Ecriture, l'homme originel avait été doté à la création du pouvoir d'échapper à la mort. L'homme de l'ordre concret meurt parce qu'il a perdu, en son chef et ancêtre, en ce premier homme qui s'est librement éloigné de Dieu, la justice originelle, c'est-à-dire cette alliance intime avec Dieu »12(*). c) L'homme, un besoin radical du salut Le besoin radical de salut pour l'homme naît de la conscience qu'il prend de son incapacité à se tirer du péril dans lequel il s'est plongé depuis la désobéissance. Lorsque par exemple, Israël se retrouve en situation critique et ne peut s'en délivrer par ses propres forces, il fait l'expérience de son besoin de salut et l'exprime par ses prières. La plupart des Psaumes en offrent des exemples clairs (cf. Ps 3, 2 ; Ps 6, 2-8 ; Ps 25 ; Ps 31, 5-10 ; Ps 70 ; Ps 71 ; Ps 88 ; Ps 102). Cette conscience du besoin de salut chez Israël ne se limite pas seulement aux diverses situations critiques dont il fait régulièrement l'expérience mais touche la condition existentielle même de l'homme et partant, la nécessité d'un salut définitif dans une perspective eschatologique. C'est ainsi que Dieu est désigné dans l'eschatologie prophétique par le titre de Sauveur (cf. So 3, 17 ; Is 33, 32 ; 43, 3 ; 45, 15. 21 ; 60, 16 ; Ba 4, 22) et tout le message de la consolation prophétique (cf. Is 35, 4 ; 45, 22) porte sur le salut définitif que Dieu accordera non seulement à Israël, mais à l'humanité toute entière par l'intervention de son Messie. Le message néotestamentaire fait aussi état de ce besoin radical de salut chez l'homme livré au péché et incapable par lui-même de s'en défaire (cf. Rm 7, 14-25 ; Eph 2, 1-3), si bien que du point de vue chrétien, « la question du Christ et avec elle la question de Dieu se trouve ainsi (...) dans l'horizon de la question du salut »13(*). * 9 Cf. J. TAYLOR, « Le Pentateuque, Introduction », dans La Bible déchiffrée. Une introduction à la lecture de la Bible, sous la direction de Yves Jolly, Paris, Fleurus, 1986, p.125. * 10 X. LEON-DUFOUR, Art. « Homme », dans VTB, col. 442. * 11 K. RAHNER, « Dignité et liberté de l'homme », dans ETV, p. 170. * 12 CM, p. 37. Il faut préciser que l'homme originel étant dotée du pouvoir d'échapper à la mort était cependant appelé à une maturation intérieure qui porterait son être de créature à sa fin propre qui est l'union à son Créateur (Cf. p. 28-29). * 13 W. KASPER, Le Dieu des chrétiens, Traduit de l'allemand par M. KLEIBER, Coll. « Cogitatio fidei », n° 128, paris, Cerf 1985, p. 235. |
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