Le christ comme médiateur du salut, essai d'herméneutique africaine du message chrétien à la lumière de la christologie de karl Rahner( Télécharger le fichier original )par Thomas RAINCHOU Grand séminaire notre dame de l'espérance de Bertoua - Attestation de fin d'étude de théologie 2006 |
INTRODUCTION GENERALELa question du salut est une question fondamentale pour toutes les religions du monde, mais plus particulièrement pour le christianisme qui s'autodéfinit et se conçoit comme le salut non seulement pour ses membres, aussi bien du passé que de l'avenir, mais aussi pour tous les hommes et jusqu'à la consommation de l'histoire. Claude Geffré pense à ce sujet que la prétention du christianisme à l'universel, qui se réfère entièrement à la médiation historique et absolue de Jésus-Christ, lui qui est l'irruption même de Dieu dans le monde, le place dans une position tout à fait spéciale et exceptionnelle par rapport aux autres religions1(*). Cette prétention du christianisme s'appuie avec force sur l'enseignement même du Christ qui affirme être « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6), envoyé par son Père pour annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume auquel tous sont appelés ; et qui demande aux Apôtres de faire de toutes les nations ses disciples (cf. Mt 28, 19). L'Eglise a aussi exprimé cet enseignement de manière officielle en affirmant au deuxième Concile de Vatican que « Le verbe de Dieu, par qui tout a été fait, s'est lui même fait chair, afin que, homme parfait, il sauve les hommes et récapitule toutes choses en lui »2(*). C'est qu'en effet, le Christ étant à la fois du monde de l'homme et du monde de Dieu, ayant assumé l'humanité de l'homme, est l'unique source par laquelle tout homme pourrait revêtir la divinité et être sauvé. Ce message du christianisme qui a fait l'objet de réflexion de plusieurs croyants dans l'Eglise ressort aujourd'hui de manière particulière dans les réflexions du Théologien Allemand Karl Rahner3(*) qui pense qu' « en Jésus Christ et en l'Eglise, qui est le nouveau peuple de Dieu, milieu de la grâce et de la miséricorde de Dieu, culminant en Jésus-Christ, le chemin du salut est ouvert à l'humanité et à l'individu, l'histoire est manifestée comme histoire du salut. »4(*) Il s'agit donc, dans le message chrétien, de l'affirmation de la médiation absolue de Jésus-Christ dans l'oeuvre du salut. Une affirmation qui sans doute pose problème à ceux qui ne partagent pas la foi chrétienne et pourtant sont fortement interpellés ; une affirmation qui pose aussi problème aux hommes de notre temps dont la conscience de la relativité historique du christianisme et des richesses des autres traditions religieuses se fait de plus en plus grandissante et vive ; une affirmation qui pose problème à la mission de l'Eglise en face du nombre exorbitant de ceux qui en ignorent consciemment ou inconsciemment la teneur . Jean Paul II l'exprimait déjà dans sa Lettre Encyclique Redemptoris missio en faisant remarquer qu' « au terme du deuxième millénaire, un regard d'ensemble sur l'humanité montre que la mission de l'Eglise en est encore à ses débuts. »5(*) Si donc, conformément au message chrétien, l'affirmation du Christ comme unique voie du salut pour tout homme et pour chaque homme n'a pas empêché l'Eglise de porter un jugement positif sur les autres traditions religieuses au point de discerner en elles des semences de bonté, de vérité et même de sainteté6(*), quelques questions deviennent impératives : Comment concilier l'universalité et l'exclusivité du salut en Christ avec la prise de conscience actuelle de la relativité du christianisme ? Quelle peuvent être les implications de ce message sur l'existence chrétienne et sur la mission de l'Eglise ? Comment peut-il être reçue et appropriée dans un contexte socio-culturel autre que celui des contemporains du Christ ? Ce travail qui s'intitule Le Christ comme médiateur du salut, essai d'herméneutique africaine du message chrétien à la lumière de la christologie de Karl Rahner voudrait apporter quelques éléments de réponse à ces différentes questions. Précisément, à la suite de Karl Rahner, il s'agira d'abord de prendre au sérieux l'universalité et l'exclusivité du salut en Jésus-Christ, don de Dieu et Sauveur de l'humanité ; ensuite d'en dégager les implications existentielles et missiologiques pour mieux appréhender la particularité historique du christianisme sans renoncer à sa vocation universelle. Enfin, tenant compte du contexte de l'Afrique, la réflexion s'orientera vers un essai d'herméneutique africaine7(*) du message chrétien de la médiation universelle du Christ; où il s'agira non seulement d'interpréter en chrétien les réalités vitales du monde africain, mais aussi d'interpréter le message chrétien à la lumière des réalités africaines actuelles, en vue d'une bonne saisie du sens authentique du message chrétien et de la possibilité pour un africain « conscient de son identité, de ses continuités et de ses solidarités »8(*) d'être chrétien. La méthode sera à la fois analytique et herméneutique et s'appuiera sur une relecture de la christologie de Karl Rahner. * 1 Cf. C. GEFFRE, « Prétention du christianisme à l'universel », dans www.sedos.org/french/geffré.htm * 2 GS 45. * 3 Karl Rahner est né en 1904 à Fribourg-en-Brisgau en Allemagne. Il intègre la Compagnie de Jésus en 1922 et est ordonné prêtre 1932. Préparé à l'Université de Fribourg pour enseigner la philosophie, il devient théologien sous l'influence d'un professeur de philosophie catholique. Il enseigne la théologie systématique en Autriche (Innsbrück 1937-1964) puis succède à Romano Guardini à l'Université de Munich. Il joue un grand rôle au Concile de Vatican II où il avait accompagné le Cardinal Koenig. Il a publié plusieurs ouvrages dans les quels il transmet l'essentiel de ses recherches sur l'homme et sur Dieu. Ses volumes réunis sous le titre Ecrits théologiques, abordent des questions très diverses et son Traité fondamental de la foi, se présente comme une synthèse de sa réflexion sur le christianisme. Il meurt en 1984 après avoir servi comme membre de la Commission Théologique Internationale auprès du Saint-Siège en laissant à la postérité un héritage théologique inestimable. (Pour une biographie détaillée voir Karl LEHMENN, « Karl Rahner », dans BTX2, pp. 836-874). * 4 PDTC, p. 439. * 5 RM 8. * 6 NA 2. * 7 Il sera essentiellement question dans toute la réflexion de l'Afrique Noire (l'Afrique au Sud du Sahara). * 8 F. EBOUSSI. BOULAGA, Christianisme sans fétiche, Révélation et domination, Paris, Présence Africaine, 1981, p. 87. |
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