1.3 CONSTITUTION DE L'OEUF ET INSTALLATION DE LA FLORE
DIGESTIVE DU POULET
1.3.1 CONSTITUTION DE L'OEUF
1.3.1.1 Définition de l'oeuf à couver
Dans la filière chair, l'oeuf, d'une manière
générale et l'oeuf à couver en particulier, est un oeuf
fécond produit par des reproducteurs sains, ayant une maturité
sexuelle correcte conditionnée par de très bonnes conditions
d'élevage et spécialement une très bonne adaptation du
programme lumineux. L'oeuf produit, dès la vingt sixième semaine
d'âge, d'une caractéristique nuancée par l'espèce
d'oiseau (Wolanski et al., 2007) , par la souche (du
blanc au blanc légèrement teinté et jusqu'au foncé
extra roux), d'un poids variable (50- 65 grammes) en fonction non seulement de
la souche mais aussi de l'âge de la poule (Peebles et
al., 2004 ; Fasenko, 2007 ; Yalcin et
al., 2008).
Les dimensions moyennes sont de huit centimètres de long
et de cinquante cinq millimètres de diamètre. Il existe une
corrélation positive entre la taille de l'oeuf et une suplementation
alimentaire (Yassin et al., 2008).
Cette taille des oeufs peut avoir une influence sur les performances des
progénitures (Peebles et al., 2001).
1.3.1.2 Composition anatomique de l'OAC
La taille et la composition des oeufs sont liées
à des facteurs génétiques et d'autres non
génétiques (Yassin et al., 2008). La
structure anatomique d'un oeuf (figure 4, 5 et 6) est composée (Renoux,
1971) de l'extérieur vers l'intérieur comme suit :
La coquille
Elle donne la couleur de l'oeuf en fonction des facteurs
génétiques. Sa structure physique semi-perméable lui
procure un rôle de protection contre les chocs et l'évaporation,
laissant passer l'oxygène et le gaz carbonique (respiration de
l'embryon) à travers les pores en nombre de millier (Evearaert
et al., 2007) et empêche la
pénétration des germes. Grâce à la cuticule et avec
la membrane coquillère, elle constitue la première
barrière contre l'agression des micro-organismes (Nakano et
al., 2003). Son épaisseur peut être un facteur
important dans l'éclosabilité (Pedroso et
al., 2005 ; Yassin et al., 2008).
L'intégrité de la cuticule reste un excellent indicateur de la
pratique d'élevage observée sous l'effet des U.V.
La membrane coquillère
Elle est dédoublée en membrane coquillère
externe fortement adhérente à la coquille et en
membrane coquilère interne très
rapprochée de l'externe jusqu'au bord arrondi de l'oeuf laissant place
à la chambre à air sous la membrane externe.
La chambre à air
Elle est quasiment absente au moment de la ponte. Elle
commence à se former lors du refroidissement de l'oeuf et forme une
poche d'air entre les deux membranes coquillères du coté du bord
arrondi de l'oeuf.
L'albumen=blanc d'oeuf
Constitué de deux sortes d'albumen, un albumen externe
et interne de consistance relativement fluide (40% d'albumen) et un albumen
médian plus visqueux (57% d'albumen) et qui entourent le vitellus
(figure 5). Son poids total est en fonction de l'âge de la poule, et
est plus élevé avec les bandes plus
âgées (Yalcin et al., 2008) mais sa
qualité se trouve diminuée (Tona et
al., 2004).
L'albumen en entier sert d'amortisseur de choc pour le
vitellus avec les chalazes et lors du développement embryonnaire il est
source d'eau et de protéine. Il assure un vrai rôle
antibactérien par ses caractéristiques bactéricides et
bactériostatiques.
Les chalazes
C'est une paire de cordons d'albumen (3% d'albumen). Il s'agit
de chalaze sénestre (située sur le coté droit de
l'embryon) et de chalaze dextre (sur son coté gauche), enroulés.
Elles fixent solidement le vitellus et son contenu au centre de l'oeuf.
Le vitellus=jaune d'oeuf
Il est entouré d'une membrane vitelline
constituée de disques jaunes (vitellus jaune, de synthèse diurne)
et de disques blancs (vitellus blanc, de synthèse nocturne) formant le
jaune d'oeuf d'un diamètre de trois centimètres. La masse
centrale du vitellus, la plus anciennement formée est formée par
la latebra qui constitue le col et le noyau de pander qui marquent le chemin de
la migration de la cicatricule (le disque germinatif) d'un diamètre de
trois millimètres vers la surface et qui commence à se
développer dès le premier jour à 37,5°C (Pedroso
et al., 2005). Le noyau de pander est
constitué de telle manière que son poids spécifique le
fait tourner vers le haut qu'elle que soit la position de l'oeuf.
Il existe un rapport jaune-blanc d'oeuf qui varie en fonction des
souches et des lignées (Peebles et al, 2001)
ainsi que de la taille de l'oeuf.
Figure 4 : Constituants anatomiques d'un oeuf Figure 5 :
Proportions des différents
constituants
(D'après RENOUX, 1971)
|
|
1. pore
2. cuticule
3. couche cristallite=coquille calcaire
4. membrane coquillère externe
5. membrane coquillère interne
Epaisseur = 0.32-0.40 mm
|
|
Figure 6: Composition schématique de la coquille (selon
GLOOR et al)
1.3.1.3 Constituants organiques de l'OAC
La coquille : elle renferme la trame
protéique kératinisée, des cristaux d'hydroxy-apatite, du
carbonate de calcium, des pigments de coloration : la porphyrine, des
dérivés des sels biliaires et de l'hémoglobine et d'autres
sels minéraux.
Le blanc : Composé essentiellement de
protéines :
Ovalbumine constitue la protéine majeure du
blanc d'oeuf. Elle est un nutriment essentiel pour l'embryon. Il ne
possède aucune activité inhibitrice de protéase, sauf dans
certaines conditions très particulières.
Ovotransferrine : Protéine
chélatrice de fer ayant une triple action sur les micro-organismes :
· Action antimicrobienne par concurrence au fer
disponible et nécessaire pour le développement microbien, action
démontrée vis-à-vis de Pseudomonas
spp, Staphylococcus aureus,
Escherichia coli (souche entéroxique),
Streptococcus mutans (Valenti et al.,
1983), Salmonella enteritidis
(Baron, 1998).
· Action de potentialiser les effets des antibiotiques
vis-à-vis des bactéries en secrétant la â-lactamase
(Babini et Livermore, 2000).
· Action directe sur le pathogène, en
perméabilisant la membrane externe de certaines bactéries comme
Escherichia coli (Ibrahim et al.,
2000).
Ovomucoide : interagit avec une toxine de type SHIGA
d'où son activité antimicrobienne contre certaines souches
d'Escherichia coli enterotoxiques (Miyake et
al., 2000).
Ovo mucine : glycoprotéine constituée de
deux sous unités (alpha et beta) insoluble en solution diluée et
qui confère au blanc son aspect gélatineux. Elle peut se lier
à Escherichia coli O157 :H7 par l'un de ses
peptides (Kobayashi et al., 2004)
Avidine et flavoproteine : ont une forte
affinité pour la biotine (vitamine B8) et la riboflavine (vitamine B2)
entrainant ainsi une diminution de leur biodisponibilité donc une action
antimicrobienne dont la croissance nécessite la présence de ces
vitamines.
Lysozyme : ses activités antimicrobiennes
peuvent être soit en action seule ou liée contre certaines
bactéries, telle Pseudomonas et
Escherichia coli par activité d'une nuramidase (Decker
et al., 2008).
Phosvitine : c'est l'une des protéines les plus
phosphorylée qui emmagasine le Ca++ et le fer pour l'embryon
et agit par concomitance entre sa propriété de chélateur
d'ions métalliques et son action sur les surfaces de bactéries
sur les souches enterotoxiques d'Escherichia coli
(Sattar Khan et al., 2000).
Le vitellus : dont les formations essentielles
sont :
§ Des lipides : Triglycérides et Phospholipides
§ Du cholestérol
§ Des protéines
§ De l'acide phosphorique
§ Des vitamines et des minervaux (vit A, vit D, choline,
phosphore, ZN)
§ Immunoglobulines maternelles : les IgY équivalent
des IgG chez les mammifères sont
transmis de la poule à l'embryon via le jaune d'oeuf
(Villate, 2001). Après une
immunisation par un antigène, le jaune d'oeuf peut
contenir jusqu'à 135 mg d'IgY (Ruan
et al., 2007) dont 2-10% sont des
anticorps spécifiques (Chalghouni et al.,
2008).
Ces immunoglobulines empêchent l'adhésion des
pathogènes et facilitent ainsi leur élimination comme c'est le
cas pour Helicobacter pylori (Shin et
al., 2002), Escherichia coli (Giraud
et al., 2001) ou des salmonelles
(S. enteritidis et
S. thyphimurium) (Barman et al.,
2005).
D'une manière globale un oeuf de 60 grammes est
composé en grande partie d'eau (75%) et de matière sèche
(25%) comme indiqué dans le tableau 1.
Tableau 1: Principaux constituants d'un oeuf (oeuf de 60
grammes)
2) Matière sèche 25%
Protéines 8,1 gr
Lipides 6.5 gr
Cholestérol 250 mg
|
1.3.1.4 Etapes de formation de l'OAC
Le parcours de l'oeuf, de la cavité coelomique (lieu de
l'ovulation) jusqu'au cloaque (urodaeum) est l'oviducte. Chez la poule, seul
l'oviducte gauche reste fonctionnel, c'est un milieu naturel où une
série d'événements chronologiques et séquentiels se
produisent aboutissant à la formation de l'oeuf entier (Villate,
2001).
Pour assurer le développement autonome de l'embryon
dans un milieu externe, la poule doit participer durant 21 jours (Rehault
et al., 2007), avant même l'ovulation, par la
mobilisation d'un ensemble de nutriments et des systèmes
régulateurs et de protection, nutriments nécessaires à la
croissance embryonnaire qui s'effectue en dehors du corps maternel.
Le cytoplasme actif contient les chromosomes maternels
concentrés en une petite zone du vitellus appelée blastodisque
qui est identifié comme une petite tache blanche de 2-3 mm de
diamètre (Villate, 2001).
Infundibulum : pavillon permettant la réception
de l'ovule (jaune d'oeuf), sa fécondation en présence d'un
spermatozoïde et sa consolidation par la membrane vitelline. Il est, en
moyenne, de 0.9 cm de longueur. La durée de passage est de 18 mn
(Villate, 2001).
Magnum : c'est la plus longue fraction de l'oviducte.
D'une longueur de 33 cm. Elle est caractérisée aussi par des
parois très épaisses. C'est dans le magnum qu'ont lieu les
sécrétions des 40-50% de l'albumen (blanc d'oeuf). La
durée de passage est de 3h (Villate, 2001).
Isthme : lieu de sécrétion de l'albumine et
des membranes coquillères, il mesure 10 cm de long. La durée de
passage est de 1h (Villate, 2001).
Utérus : c'est le lieu où le temps de
séjour de l'oeuf dans l'oviducte est le plus long (20-22 heures)
permettant l'achèvement de la formation du reste de l'albumen (60-50%)
par le phénomène du `'plumbing» (enrichissement en eau et
en sels minéraux à travers les
membranes coquillères par pression oncotique) et le
dépôt de calcium nécessaire à la formation de la
coquille. C'est la chambre à coquille. Il mesure 11 cm (Villate,
2001).
Vagin : d'une longueur de 12 cm (Villate, 2001), il
permet le séjour de l'oeuf pour la formation de la cuticule et
l'oviposition en vue de son expulsion. La durée de passage est de
quelques mn.
1.3.1.5 Principales anomalies de l'OAC
OEufs souillés : C'est la traduction
d'une hygiène défectueuse de la litière en particulier au
niveau des nids et/ou une collecte peu fréquente. C'est le Principal
problème des OAC.
Absence de coquille et coquille molle :
l'absence totale de la coquille ou une coquille fine ou molle de
l'oeuf peut être observée sporadiquement sans aucune
étiologie mais parfois sa fréquence signe un état de
stress nocturne ou une déficience calcique et/ou vitaminique (vit D)
mais surtout une perturbation du rapport phosphocalcique (Lim et
al., 2003) dans l'alimentation des reproductrices et dans
certaines pathologies graves telles que la bronchite infectieuse et la Laryngo
Trachéite Infectieuse (Villate, 2001).
Coquille rugueuse : Anomalie attribuée
à la génétique mais peut aussi être observée
à la faveur d'un phénomène pathologique comme l'expression
d'une atteinte de l'oviducte lors de la maladie de bronchite infectieuse
(Chousalkar et al., 2006) ou le résultat d'une
surconsommation d'antibiotique ou de calcium surtout en âge avancé
des poules (Gordon et al., 1997).
Coquille craquelée : Défaut de
coquille observé à la faveur d'un surpeuplement ou d'une mal
conception des nids ou parfois lors d'un stress lié à une forte
élévation de température.
Taches de sang : Phénomène
observé sur le blanc ou le jaune d'oeuf, pouvant survenir lors d'un
grand stress à une demi-heure avant l'ovulation ou suite à des
variations d'ambiance marquées par forte fluctuation de
température, un éclairage continu ou suite à une
utilisation prolongée de sulfamides. Les carences en vit K et en vit A
semblent jouer un rôle dans ce type d'anomalie, et l'origine du sang est
le follicule ovarien (Villate, 2001).
Liquéfaction du blanc : Le blanc d'un
oeuf fraichement pondu est de consistance aqueuse et sa consistance visqueuse
est acquise lors de son refroidissement. Une liquéfaction anormale est
synonyme d'un contact important avec l'ammoniac atmosphérique (Benton et
Brake, 2000).
1.3.2 RAPPELS SUR L'INSTALLATION DE LA FLORE DIGESTIVE CHEZ LE
POULET
1.3.2.1 Cinétique de l'implantation des microorganismes
A l'éclosion, les poussins incubés dans des
conditions et un environnement d'hygiène optimale, possèdent un
tube digestif totalement stérile (Yegani et Korver, 2008).
L'implantation et la colonisation des microorganismes dans la muqueuse, qu'ils
soient pathogènes ou commensaux, commencent dès les premiers
instants de la vie de l'oiseau pour s'intensifier avec les prises alimentaires,
et ceci par leur présence dans la lumière intestinale et/ou par
leur adhésion aux sites de fixation qui tapissent la muqueuse des
entérocytes. Ceci a été démontré avec la
paroi du caeca par plusieurs auteurs, notamment par Barrow et
al., 1987 et Rao et Chauhan, 1987.
Il existe une compétition pour ces sites
d'adhésion entre les microorganismes pathogènes et commensaux et
l'implantation précoce au niveau des sites par la microflore
bénéfique, protège l'animal contre des infections
salmonelliques ultérieures (Humbert et al,
1989). Cette occupation, qui commence dès les
premières heures (tableau 2), semble atteindre son optimum vers
l'âge de 15 jours et perdure durant toute la vie de l'oiseau (Humbert
et al., 1989). Lors d'une ingestion orale de
salmonelles, la colonisation intestinale est la première étape de
l'infection, provoquant une excrétion persistante dans les fientes pour
atteindre ensuite le foie, la rate. Le site principal de multiplication reste
le caecum (Hudault et al., 1985).
Au moment de l'éclosion de l'oeuf, l'environnement va
jouer un rôle capital. l'environnement définit l'ordre dans lequel
les oiseaux sont exposés aux microorganismes et de leurs aptitudes
à coloniser l'intestin (besoin en nutriments, lieu de
développement et interactions entre ces microorganismes) (Gabriel
et al., 2003 et 2005 ; Zhou et
al., 2007 ; et Yegani et Korver, 2008) d'autant plus que
l'immaturité du système immunitaire des poussins les
prédispose dès leur naissance.
Tableau 2: Chronologie d'apparition des bactéries
chez le poulet EOPS
(Humbert, 1989)
Age (en jours) Bactéries du tractus
digestif
6 Coccis +quelques bacilles
|
8 Les bacilles sont en abondance
11 Diversification de la flore et apparition des
spirales
|
15 Feutrage bactérien
117 La même densité et morphologie
que j. 15
|
1.3.2.2 Impact anatomo-physiologique du développement
microbien sur le tube digestif du poulet
Bien que le tube digestif (TD) du poussin soit anatomiquement
complet à l'éclosion (Sklan, 2001) la microflore du TD du poulet
lui confère une anatomie particulière par le fait que les
intestins sont plus lourds et plus longs, comparativement aux oiseaux
axéniques dont la paroi est moins épaisse. Cette
propriété est due à la richesse en tissus connectifs
(Karcher et Applegate, 2008) particulièrement la lamina
propria, et aussi à l'augmentation de la taille des tissus
lymphoïdes (plaques de PAYER). C'est ainsi qu'on peut constater, chez un
poulet dont l'installation de la flore digestive est arrivée à
son niveau optimal, que les villosités intestinales sont plus hautes, de
formes irrégulières et que les cryptes sont plus profondes car ce
système gastro-intestinal doit assurer la fonction de nutrition du
poussin après épuisement des réserves de l'oeuf (Yegani et
Korver, 2008).
Uni et al., en 1999 et en 2003
démontrent que ce sont les entérocytes, par leurs
villosités (figure 7), qui vont assurer la fonction d'absorption
digestive et que cette mosaïque d'entérocytes existe à la
naissance, mais un délai de 1-2 jours est nécessaire pour une
utilisation efficace du début de l'alimentation (Sklan, 2003).
La prolifération de cette muqueuse, résultat
d'une hyperplasie cellulaire, est en faveur d'une grande optimisation de la
surface d'absorption, en concomitance avec une augmentation du poids de
l'intestin.
Age (jours) Age (jours)
Figure 7 : Volume des villosités
intestinales et Nombre d'entérocytes par villosité chez un
poussin (selon Uni et al, 1999)
1.3.2.3 Répartition de la microflore sur le TD du
poulet
Le poulet renferme quelque 29 genres bactériens qui
représentent 200 différents types métaboliques (Gabriel
et al., 2003 et 2005). Cette multitude de
microorganismes peut être répartie en trois grands groupes :
Une flore dominante :
représentée par les anaérobies stricts et
spécifiques de l'espèce aviaire avec une densité de
107germes/g et où on trouve Lactobacillus
et Enterobacter. Une flore
sous dominante : avec une densité de
105-107 germes/g et qui est surtout
dominée par les streptocoques et des
entérobactéries moins spécifiques de l'espèce
avicole. Une flore transitoire : d'une densité
inferieure à 105 germes /g renfermant surtout des
anaérobies stricts.
|