Du rapport imagination transcendantale -temps et le problème de la finitude et la métaphysique du Dasein chez Heidegger, une lecture thématique de "Kant et le problème de la métaphysique"( Télécharger le fichier original )par Davy DOSSOU Université Canisius, Buffalo - Licence de philosophie 2008 |
1.2.2 - L'imagination comme racine des deux souchesQuel est ici le problème de Heidegger ? Il s'agit tout simplement de montrer que l'origine de l'intuition et de la pensée pures réside dans l'imagination transcendantale14(*) en tant que faculté. Cela ne veut pas dire que l'intuition et la pensée pures seraient un simple produit de l'imagination, une simple fiction, mais que leur structure s'enracine dans la structure de l'imagination transcendantale. Autrement dit, l'imagination transcendantale ne peut imaginer quelque chose que par son unité structurelle avec les autres facultés. L'imagination dont il est question ici n'est pas à confondre avec le « pur imaginaire » (l'apparence ontique). Elle ouvre aux clairières de la vérité ontique, de la compréhension de l'être, de la connaissance ontologique. Et en tant que racine, elle est formatrice. Mais comme le stipule Heidegger lui-même, tout cela n'est à comprendre que dans la mesure des indications données par l'instauration kantienne. Le désir de Heidegger est tout simplement d'assurer la subordination de l'entendement et de la sensibilité à l'imagination qui se retrouve dès lors promue source originaire de toute connaissance, car « c'est par elle que l'espace et le temps sont tout d'abord donnés comme intuition ». Mais notre auteur, pour parvenir à sa finalité, va abandonner le donné « espace » au profit du « temps ». D'où le rapport imagination et temps qu'il établit. 1. 3- Du rapport imagination transcendantale - tempsHeidegger semble établir un rapport entre l'imagination transcendantale et le temps. Il ébauche cette relation dans la troisième section intitulé « l'instauration du fondement de la métaphysique en son authenticité » et en particulier dans le grand C où il est question de l'imagination transcendantale et le problème de la raison humaine. Dans le §.32, Heidegger affirme : « nous avons principiellement prouvé que le temps surgit, comme intuition pure, de l'imagination transcendantale. Il est cependant nécessaire d'expliquer par une analyse particulière la manière dont le temps se fonde sur l'imagination transcendantale »15(*). Le temps « coule constamment », comme pure succession de la série des maintenant. L'intuition pure intuitionne cette succession sans l'objectiver. Le rapport qui lie l'imagination transcendantale au temps peut être compris de trois manières, d'après l'interprétation kantienne par Heidegger de la triple fonction qu'exerce l'imagination. D'abord la faculté d'imagination comprend la faculté de former des images, qui engendre des représentations du présent, ensuite la faculté de reproduire des images, qui engendre des représentations du passé et enfin, la faculté d'anticiper des images, qui engendre des représentations de l'avenir. Selon Heidegger, bien qu'en cet endroit Kant ne parle pas de l'imagination transcendantale, il est pourtant fort clair que la formation d'image par l'imagination est en elle-même relative au temps. L'imagination pure, parce qu'elle forme spontanément son corrélat, doit, puisqu'elle est elle-même relative au temps, constituer [former] le temps16(*) . Le temps comme intuition pure, renchérit Heidegger, n'est ni uniquement ce qui est intuitionné dans l'acte pur d'intuition, ni uniquement l'acte d'intuitionner, privé de son « objet ». Le temps comme intuition pure forme spontanément ce qu'il intutionne. Tel est, pour notre auteur, le concept intégral du temps. Si chez Kant, le temps ne doit pas être pensé comme un champ quelconque dans lequel l'imagination s'est engagé pour les besoins de son activité, alors sur le plan ordinaire de l'expérience, celui-ci doit être regardé comme pure succession des maintenant. Cette succession n'est aucunement le temps. C'est au contraire l'imagination transcendantale qui fait surgir le temps comme succession des maintenant et donc - comme origine de ceux-ci - le temps originel. Le problème de Heidegger ici est de savoir si l'unification originelle de l'unité essentielle de la connaissance s'accomplit par le temps. Autrement dit, n'est-il pas manifeste que l'imagination transcendantale est le temps originel ? Pour répondre à cette question, Heidegger fait recours aux trois modes de synthèse que sont la synthèse pure comme appréhension pure, la synthèse comme reproduction pure et enfin la synthèse comme récognition pure. Ces diverses synthèses ont un rapport immédiat avec le temps d'après notre auteur et en ce sens, il affirme : « il est nécessaire que nous disposions aussi d'une synthèse appréhensive pure parce que, sans elle, nous ne saurions avoir la représentation du temps, c'est-à-dire l'intuition pure elle-même. La synthèse appréhensive pure ne s'accomplit pas dans l'horizon du temps : c'est elle qui forme le maintenant et la succession des maintenant. La synthèse pure comme appréhension, en tant que présentative du « présent en général », forme le temps. C'est pourquoi la synthèse pure de l'appréhension a en soi un caractère temporel »17(*). Quant à la synthèse reproductive, elle forme selon le mode de reproduction, le passé comme tel. Cela ne signifie pas que l'imagination pure est, relativement à ce mode de synthèse, formatrice du temps. Elle peut être dite une re-production, non pas parce qu'elle vise un étant qui a disparu ou qui fut perçu autrefois, mais parce que, en général, elle révèle l'horizon qui rend possible la rétrovision, c'est-à-dire le passé ; elle forme ainsi la postérité et le retour sur ce qui fut18(*). Enfin, la synthèse reproductive se rapporte par nature à un étant qu'elle tient pour identique, et dont elle a expérimenté l'identité avant, pendant et après qu'elle s'accomplit dans la perception présente19(*). En ce qui concerne la synthèse récognitive dans son rapport au temps, il sied de souligner avant tout qu'elle est celle qui forme l'avenir. Elle prospecte et épie ce qui devra être pro-posé comme identique afin que les synthèses appréhensive et reproductive puissent découvrir un domaine circonscrit d'étants, à l'intérieur duquel elles pourront en quelque sorte fixer et recevoir comme étant ce qu'elles apportent et rencontrent. Sa prospection est, en tant que pure, la formation originelle de ce qui permet tout projet, c'est-à-dire l'avenir. Alors que des doctrines s'étaient bornées à dire que le temps, mais aussi l'espace forment l'horizon à l'intérieur duquel les affections des sens peuvent nous toucher et nous solliciter, Heidegger, pour sa part, va plus loin et estime que c'est le temps lui-même qui affecte, mieux, le temps est affection. En effet, parler d'affection, c'est évoquer, c'est désigner une manifestation par laquelle s'annonce un étant déjà donné. Or le temps n'est ni un étant déjà donné, ni quoi que ce soit d'extérieur à nous. Dès lors une question se pose : d'où vient donc si le temps nous doit affecter ? A cette question, diverses sont les solutions que Heidegger suggère. D'abord, le temps n'est intuition pure, selon lui, que parce qu'il préforme de lui-même la vue de la succession et se pro-pose à lui-même (en tant qu'activité réceptrice et formatrice) cette vue comme telle20(*). Le temps est, par nature, pure affection de lui-même, c'est-à-dire, ce qui justement forme la visée qui, partant de soi, se dirige vers de telle manière que le but ainsi constitué jaillit, reflue sur cette visée. Ensuite, le temps comme affection pure de soi n'est pas une affection effective qui touche un soi concret. En tant que pur, il forme l'essence de toute auto-sollicitation. Enfin, si le temps comme affection pure de soi laisse surgir la succession pure de la série des maintenant, ce qui surgit est, d'ordinaire uniquement considéré dans l'expérience vulgaire du temps, mais ne peut absolument pas suffire à déterminer sa vraie essence21(*). Du début de notre démarche jusqu'ici, nous avons parcouru avec Heidegger dans quelle mesure l'imagination transcendantale est en étroit rapport avec le temps. Il s'agit maintenant pour nous de dégager la compréhension heideggerienne de la finitude. * 14 Ibid., p. 196. * 15 Ibid., p. 229. * 16 Ibid., p. 230. * 17 Ibid., p. 235. * 18 Ibid., p. 237. * 19 Ibid., p. 240. * 20 Ibid., p. 244. * 21 Ibid., p. 248. |
|