II-3. Cadre
théorique didactique
Notre travail de recherche se situe dans le cadre de la
Théorie Anthropologique du Didactique (TAD) développée par
YVES CHEVALLARD à partir des années 1980. Nous avons puisé
la quasi- totalité de nos ressources concernant les concepts clé
de cette théorie à partir de ses articles qui figurent dans la
partie bibliographique (CHEVALLARD, 1991, 1994, 1998, 2002, 2007). Cette
théorie présente un certain nombre de postulats concernant
l'activité humaine : rapports personnels, rapports institutionnels,
les organisations praxéologiques (ponctuelles, locales et
régionales) ainsi que le destin de chaque objet et notamment l'objet du
savoir dans l'écosystème des connaissances. Nous allons
présenter, dans cette partie de notre recherche, les principaux concepts
de la Théorie Anthropologique du Didactique qui sont en rapport direct
avec les « objets » du savoir manipulés ou
même évoqués dans ce mémoire, à savoir
l'analyse praxéologique des activité du chapitre
« Initiation aux graphes » de la troisième
année économie et gestion.
II-3.1. Transposition didactique
La notion de transposition didactique a fait son entrée
dans le champ de la didactique au début des années 1980. Elle
était le premier émergent d'un programme
épistémologique qui se donne l'activité
mathématique comme principal objet de recherche. CHEVALLARD a
montré que le savoir à enseigner ne se réduit pas
à une forme dégénérée du savoir
savant. A propos de la définition de la transposition didactique,
CHEVALLARD (1991) écrit : « Tout projet social
d'enseignement et d'apprentissage se constitue didactiquement avec
l'identification et la désignation de contenus de savoirs comme contenus
à enseigner. [....] Un contenu de savoir ayant été
désigné comme savoir à enseigner subit dès lors un
ensemble de transformations adaptatives qui vont le rendre apte à
prendre place parmi les objets d'enseignement. Le
« travail » qui d'un objet de savoir à enseigner
fait un objet d'enseignement est appelé transposition
didactique. ».
Nous distinguons, dans le processus de transposition
didactique, au moins trois types de savoirs : le savoir savant, le savoir
à enseigner et le savoir enseigné.
· Le savoir savant est celui de la
communauté scientifique. Ce savoir constitue la référence
suprême du savoir à enseigner qui y trouve ses raisons
d'être et sa légitimité.
· Le savoir à enseigner est celui qu'on
trouve consigné dans le programme officiel et les documents
d'accompagnement officiels. Ce savoir est issu des décisions de la
noosphère (inspecteurs, conseillers, intervenants officiels, groupes de
pressions politiques, etc.).
· Le savoir enseigné est, comme son nom
l'indique, le savoir enseigné par les professeurs aux
élèves.
Le passage du savoir savant au savoir à enseigner suit
deux transformations. La première, qu'on qualifie de transposition
externe, concerne le passage du savoir savant au savoir à enseigner. Le
résultat de cette première transformation est
concrétisé par les programmes officiels, les manuels officiels et
les documents d'accompagnement.
La seconde transformation, appelée transposition
interne, et qui est l'oeuvre de l'enseignant, est une sorte de
scénarisation du savoir à enseigner et qui devient, par l'acte,
un savoir « effectivement » enseigné. Cette
transposition interne est conditionnée, entre autres, par :
ü La connaissance de la part de l'enseignant de l'objet
du savoir.
ü Les traditions d'enseignement.
ü Les exigences du programme officiel,
ü La vision propre de l'enseignant quant au profil de
l'élève et les manières qui vont lui permettre d'assimiler
les connaissances mais aussi de sa représentation du métier de
l'enseignant.
Savoir Savant
Savoir à enseigner
Savoir enseigné
Nous résumons par le schéma suivant :
Transposition externe
Transposition interne
La transposition didactique met en relief l'asymétrie
des rôles de l'enseignant et de l'enseigné par rapport à
l'échafaudage d'un savoir en classe. CHEVALLARD (1999) désigne
ces rôles par le terme grec topos qui signifie lieu. Cet
échafaudage, pour un savoir en construction, s'appuie sur un travail
coopératif qui prend une forme de jeu de rôles entre les
élèves et l'enseignant chacun effectuant un geste afin que toute
la construction soit accomplie.
Afin de réaliser les séquences d'enseignement-
apprentissage sur une unité d'apprentissage telle que le chapitre
« Initiation aux graphes », l'enseignant doit être en
mesure de répondre à deux questionnements :
Le premier concerne l'organisation mathématique (ou
organisation praxéologique ponctuelle) que l'on détaillera dans
le paragraphe suivant. Il s'agit, en fait, de répondre aux
questions : Quels types de graphes présenter ? Quels
théorèmes faut-il démontrer ? Quelles sont les
propriétés à admettre ? Quelles sont les techniques
à institutionnaliser ? Sous quelles formes présenter les
algorithmes ?
Le second questionnement, qui concerne l'organisation
didactique (OD), met l'accent sur la manière de réaliser ces
organisations mathématiques : Comment organiser les
séquences d'enseignement? Quels sont les topos des
élèves ? Quel est le topos de l'enseignant ? Comment
élaborer les techniques ? Comment
évaluer l'efficacité des techniques? Quels types de
situations que l'élève doit traiter pour réaliser les
objectifs du programme ?
Dans le Théorie Anthropologique du Didactique on
dénombre six types de situations appelées moments : le
premier moment correspond au moment de la première
rencontre avec le type de tâche , le deuxième moment est
celui de l'exploration de ce type de tâche et l'émergence d'une
technique permettant d'accomplir ce type de tâche , le
troisième moment est le moment de construction du bloc
technologico-théorique , le quatrième moment est celui
de l'institutionnalisation de l'organisation mathématique, le
cinquième moment concerne le travail de cette organisation
mathématique et le sixième moment est le moment de
l'évaluation.
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