4- Revue de littérature
Relativement aux contraintes économiques et
écologiques que subissent les agriculteurs villageois ces
dernières décennies, plusieurs stratégies de
réponses sont déployées par ceux-ci pour faire face
à la situation. Certaines sont construites à partir d'une
démarche de diversification et d'anticipation du risque alimentaire.
Cette stratégie se manifeste par la production de cultures
vivrières pour l'autoconsommation et pour la commercialisation (Eric et
Patrice : 2005) et aussi la pratique d'autres cultures pérennes.
Pour d'autres, la stratégie adoptée consiste à
développer à côté des activités agricoles,
d'autres activités génératrices de revenu en ville
(Labazée : 1997). D'autres encore s'adonnent à
l'exploitation pure et simple des ressources naturelles disponibles. Pour ce
dernier cas on peut citer l'exploitation des produits forestiers non ligneux
(PFNL) ou encore l'exploitation artisanale des minerais.
L'exploitation artisanale des minerais ou orpaillage est une
activité économique qui a intéressé beaucoup de
chercheurs de disciplines diverses. Historiens, sociologues et biochimistes ont
abordé ce terme, bien sûr sous plusieurs angles. Les
thématiques développées peuvent être
regroupées en trois groupes : l'ancienneté des
méthodes d'exploitation, les risques sanitaires et environnementaux et
les incidences économiques et sociales induites par cette
activité.
Les pierres précieuses surtout l'or et le diamant, ont
une grande importance dans chaque société. Les hommes ont
accordé une valeur économique, sociale et même religieuse
à ces minerais, depuis l'époque préhistorique.
L'orpaillage est sans doute, de toutes les méthodes utilisées
pour la récupération de minerais, la plus ancienne et celle qui a
le moins varié (Nations Unies : 1973). En France par exemple, son
histoire remonte à l'époque néolithique (Gandon :
2007). Les méthodes et les moyens utilisés restent les
mêmes dans toutes les sociétés. Cependant, le lavage
à la batée est la plus partagée. En Afrique (Nations
Unies : opcit), en Amérique latine (Orau : 2001), comme en
Europe (Gandon : opcit) et même en Asie (Fischer : 2006), les
orpailleurs utilisent la méthode de la batée pour
récupérer l'or sur les sites alluvionnaires. Si les
méthodes et les outils des orpailleurs en Europe et en Amérique
latine connaissent quelques améliorations technologiques, il n'en est
pas de même pour ceux de l'Afrique en général et de
l'Afrique noire en particulier.
L'exploitation artisanale de minerais engendre en outre des
risques sanitaires et des conséquences néfastes sur
l'environnement. En effet, la situation sanitaire sur les sites d'orpaillage
est très précaire en général. Selon Lougue et al
(2006), à propos de la problématique sociale et sanitaire sur
les sites d'orpaillage de Siguinvoussé, Pouskgin et Touwaka au
Burkina-Faso, les populations sont exposées à un risque de
maladies infectieuses liées au manque d'installations sanitaires
appropriées. Les conditions d'hygiènes, d'alimentation et les
comportements à risques, sont à la base de la
détérioration de la santé des orpailleurs. Les populations
des sites d'orpaillage sont souvent confrontées au paludisme, aux
maladies diarrhéiques, aux infections respiratoires aigues et aux IST /
VIH-SIDA. Par ailleurs, l'utilisation de mercure dans la purification de l'or
et aussi certaines particules chimiques contenues dans les résidus de
pierres et du sous-sol entraînent des dépôts
sédimentaires qui polluent les milieux aquatiques et
atmosphériques (Orru : opcit). Les recherches de Polidori et al
(2001) portant sur le cycle biochimique du mercure ont mis en évidence
en Guyane, le rôle aggravant de l'activité aurifère et
particulièrement de l'orpaillage, d'une part par les rejets
supplémentaires de mercure métallique ; d'autres part par
une érosion certaine des sols qui favorise la mobilisation et le
transport du mercure métallique jusqu'aux points les plus bas (bas-fond,
cours d'eau). Il est clair que les dégâts sanitaires et
environnementaux sont avérés sur les sites d'orpaillage.
Les problèmes sociaux engendrés par l'orpaillage
sont aussi évoqués. Il s'agit du banditisme, des conflits
fonciers. Selon un article du ``Faso.net'' paru le 18 septembre 2006, un
affrontement aurait opposé orpailleurs exploitant le site de Fafora au
Burkina-Faso et la population autochtone. Les autochtones reprochent aux
orpailleurs de pratiquer un déboisement intensif, de leur manquer de
respect et à leurs lieux sacrés et enfin de voler leurs
volailles. Ils les accusent également de délits
d'adultère. Selon cette même source, les services d'actions
sociales et de solidarité nationale de Gaoua et de Kompti ont
noté une multiplication des cas de viols, de trafics d'enfants, de
conflits de famille du fait de la présence des orpailleurs. Dans la
commune rurale de Kompti par exemple, pour le seul mois de Juillet 2006, le
service social a été sollicité pour la résolution
de cinq (5) cas de viols, six (6) cas de drogues et onze (11) cas de conflits
conjugaux.
La lecture des études sur l'orpaillage
révèle que cette activité est à l'origine de
plusieurs désagréments au niveau de l'environnement, de la
santé des acteurs et de la sécurité sociale. Mais les
conditions de l'exercice de cette activité relatées par ces
études sont différentes de celles de Hiré. D'une part,
ailleurs au Mali et au Burkina-Faso, dans les régions
mentionnées, les populations font traditionnellement de l'orpaillage une
activité économique principale. D'autre part, l'orpaillage n'est
pas pratiqué en réponse à une crise agricole. Ce qui veut
dire que ces sociétés sont initialement organisées autour
de cette activité.
Dans une économie de plantation en crise comme celle de
Hiré, où la population essaie une recomposition sociale en vue de
s'adapter à la situation, le développement de l'orpaillage
mérite d'être observé de près. Cela au regard des
problèmes sociaux que cette activité induit. La contribution de
cette recherche est d'identifier les changements sociaux que connaissent les
riverains et plus particulièrement les unités de productions
économiques familiales. Il s'agira d'identifier les enjeux
socio-économiques de l'orpaillage et de montrer les incidences de la
pratique de cette activité nouvelle sur :
- La sphère familiale par rapport aux nouvelles
conditions d'accès aux ressources et de contrôle de la force de
travail.
- Les transformations des rapports entre les formations
sociales en présence : entre aînées et cadets, entre
hommes et femmes, entre parents et enfants.
En somme, il s'agira de comprendre la manière dont les
populations rurales répondent aux modifications profondes de leur
environnement écologique et économique et les mutations sociales
provoquées par les stratégies d'adaptation initiées par
elles.
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