II- REVUE DE LA LITTERATURE :
Il existe sur la question des dépenses fiscales, une
production littéraire assez abondante où l'on retrouve deux
écoles aux doctrines opposées. La première, plus ancienne,
est favorable à la pratique de la fiscalité dérogatoire.
La deuxième lui est hostile et propose des solutions en faveur de la
réduction, voire la suppression des exonérations. Il n'est donc
pas superflu, avant d'orienter notre travail de rappeler ici l'argumentaire de
chacune de ces deux écoles.
A- Les courants favorables aux dépenses
fiscales :
L'idée maîtresse de cette conception est que la
fiscalité doit assumer, au-delà de ses impératifs de
rendement, un objectif d'incitation économique qui nécessite
l'introduction de distorsions volontaires destinées à encourager
certaines catégories d'activités ou à répondre
à des besoins conjoncturels. C'est pour cela que certains auteurs
estiment que :
- du moment où il existe un lien négatif
assez fort entre le niveau des prélèvements obligatoires et le
niveau d'activité, des systèmes d'incitations sont
nécessaires pour doper la croissance, relancer la consommation,
encourager les exportations, promouvoir l'emploi, améliorer et redresser
la balance commerciale et la balance des paiements - DUFORT, G.
(1967) : « Economie
Générale »
- les dépenses fiscales sont, à court terme
nécessaires à l'acceptation par les contribuables d'un
système fiscal à taux élevés et à base
étroite dont elles constituent des éléments indispensables
de respiration et d'adaptation - FRANCOZ D. et Y. JACQUIN
(2001), « Evolution et rôle des financements publics de la
R&D des entreprises »,
B- Les courants hostiles aux dépenses
fiscales :
Les auteurs appartenant à ce deuxième courant
reprochent aux dépenses fiscales :
- d'avoir un impact négligeable ou faible si ce
n'est nul car, parmi les facteurs qui influencent la décision de
l'investisseur, le facteur fiscal arrive au 6ème rang :
la qualification de la main d'oeuvre et sa rentabilité, la taille du
marché, l'infrastructure, la stabilité politique et la
transparence du système sont autant de facteurs qui, pour l'investisseur
comptent probablement plus que la variable fiscale; - GOURGEON A-M
(2005) : « Rapport de l'atelier régional sur la
gestion des exonérations »
- de rendre la législation inutilement complexe par
des normes illisibles dont la mise en oeuvre est compliquée tant pour
l'Administration que pour les contribuables - Conseil des Impôts
(2003) : « La fiscalité dérogatoire pour
un réexamen des dépenses fiscales »
- d'engager au-delà de leur coût
budgétaire élevé et difficilement quantifiable de
nombreux frais administratifs (la production d'imprimés
spécifiques, les contrôles, les contentieux, etc.) de même
que le champ des bénéficiaires effectifs ne correspond à
la cible potentielle qu'au prix d'une action d'information significative qui
fait souvent défaut. - LEPETIT M.C (2006)
« Déclarations sur les dépenses
fiscales » - ;
- et de présenter l'inconvénient selon
lequel il est presque impossible de revenir sur une décision
prise même s'il est démontré plus tard que l'Etat n'y tire
aucun avantage car elles engendrent une forme de droits acquis qui, dans un
contexte où la réforme fiscale sans perdants relève de
l'utopie, est un handicap extrêmement lourd - OSSA R. (2007) :
« Administrer l'impôt : les nouveaux enjeux de la
fonction de gestion dans les pays en développement »,
édition Iroko, p141 -
En définitive, ces derniers auteurs postulent
qu' :
un système fiscal rationnel et
économiquement cohérent doit reposer sur un impôt à
base large et à taux faible comportant peu d'exonérations et
d'aménagements (abattements, réductions...), de sorte que la
simplicité des règles facilite sa gestion et en garantisse la
bonne application, étant donnés que l'assiette large et le taux
moyen (ou le taux marginal) faible sont des gages d'équité et de
civisme fiscal. L'interventionnisme fiscal ne se justifie que lorsqu'il demeure
dans le domaine étroit de la technique fiscale mais en s'en
écartant, on fausse les lois naturelles et le jeu normal de la
concurrence - BARRAINE R. (1963) : « Finances
Publiques »
Orientation du présent
travail : De même que les dépenses fiscales
sont acceptées par les uns (idée d'attirer ou de ne pas affaiblir
le capital et l'investissement) et rejetées par les autres (arguments
d'augmentation des coûts de transaction, de risque accru de fraude
fiscale, d'introduction de distorsions et d'effets de cascade dans
l'économie), les solutions préconisées en la
matière concernent soit leur maintien, soit leur suppression. Les
études les plus récentes (rapports de séminaires
régionaux, mémoires d'étudiants à l'ENAM) sont
plus proches ou épousent la deuxième conception, celle
défavorable aux dépenses fiscales. Mais, il faut dire que dans
l'ensemble, ces travaux se révèlent plus conceptuels
qu'opérationnels c'est-à-dire que les questions concrètes
liées à la gestion et à la maîtrise des
régimes d'exception n'y sont généralement pas suffisamment
abordées. De plus, chaque mesure de fiscalité dérogatoire
présentant ses spécificités, les dépenses fiscales
ne peuvent être abordées plus efficacement que dans une approche
ciblée plutôt que globale. C'est pour cela que notre étude
ambitionne de traiter les dépenses fiscales dans leurs aspects
pratiques.
PARAGRAPHE 2 : METHODOLOGIE DE L'ETUDE :
APPROCHES EMPIRIQUE ET THEORIQUE CHOISIES
Nous procéderons, dans le cadre de la recherche, de
deux (02) manières à savoir une dimension empirique et une
dimension théorique.
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