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Maisons d'hôte, naissance et développement

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par Salma BELHAJ SOULAMI
Ecole supérieure de technologie de Fès - Diplôme Universitaire Technologique 2008
  

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3. Un patrimoine en danger

Réhabilitation, restauration et revivification, autant de termes qui désignent les transformations faites au Riads maisons d'hôtes par les nouveaux acquéreurs. La réhabilitation signifie le rétablissement dans le premier état, quant à la restauration, elle désigne le fait de rétablir ou de réparer, tandis que la revivification, c'est faire revivre l'habitat traditionnel en délabrement.

Les villes de marocaines ont connu, tout au long de leur histoire, des périodes de destruction massive mais aussi de construction, bien que les travaux de restauration ne soient devenus très prisés qu'au début de ce siècle.

Les Almohades ont détruit toutes les constructions almoravides et en ont construits d'autres, afin d'effacer toutes leurs traces. Tandis que les saâdiens, qui étaient étrangers au déclin des Almohades ont rendu hommage à leurs réalisations urbanistiques et ont veillé à leur sauvegarde.

Les oeuvres saâdiens ont été, elles aussi sauvegardées et rénovées, exception faite du palais El Badii.

Les habitants avaient aussi ce souci de sauvegarder et protéger l'héritage historique, tout en apportant quelques modifications qui répondent aux impératifs du développement et de la modernité. Les constructions anciennes, qui ne résistent pas au temps, sont refaites avec les techniques et matériaux contemporains.

Le protectorat, en construisant les nouveaux quartiers, a voulu en fait préserver la médina dans sa richesse architecturale et sociale de toute dénaturation. Le départ de familles riches vers ce nouveau quartier a laissé ces vieilles demeures aux mains de population pauvre n'ayant pas les moyens de les restaurer.

C'est ainsi que l'initiative de réhabilitation n'a concerné, pendant quelque temps, que des habitants étrangers. Ce rachat des Riads par des étrangers, ne traduit-il pas le désengagement des nationaux de la sauvegarde du patrimoine architectural de leur propre médina ? Et dans ce sens, ne serait-il pas souhaitable que les nationaux s'associent avec les étrangers pour offrir un produit associant l'authenticité à la modernité ? L'apport financier de ces étrangers est considérable, et plus le budget conçu pour la rénovation est important, plus le risque de la dénaturation est grand.

Ainsi, certaines pratiques ont été remarquées concernant la restauration des Riads :

v On a tendance à surélever excessivement l'habitation, même s'il existe une loi qui limite la hauteur des construction à 10.5 m.

v Les parterres deviennent de taille plus réduite au profit des allées plus larges.

v A l'étage, les nouvelles pièces sont toutes pourvues de salles de bain privées.

v Certains propriétaires installent même des cheminées, ce qui constitue une note inesthétique dans l'architecture du Riad.

v Quand à la décoration, on a essayé de respecter, plus ou moins, le vocabulaire de la médina, mais avec l'utilisation de quelques matériaux importés comme les faïences et les céramiques à carreaux.

v Les nouveaux propriétaires exigent de plus en plus d'aménagements sophistiqués et ajoutent du béton au pisé. Or, terre, chaux, ciment et plâtre forment, selon un architecte, un mélange explosif qui entraîne des fissures. Il arrive même que des maisons s'effondrent.

v Des piscines, que les étrangers, suffoqués par la chaleur, ont construits sur les terrasses sont, à cet égard, dangereuses : les bassins en béton, alourdis par l'eau, menacent de craquer à tout moment.

Une étude menée par le ministère de l'aménagement du territoire, de l'habitat et de l'environnement, en vue d'édifier un véritable plan de sauvegarde de la médina de Marrakech38(*), a tiré la sonnette d'alarme sur quelques procédés aberrants de restauration qui dénaturent la structure typique du Riad. Parfois, on n'hésite pas à détruire sans autorisation.

L'agence urbaine, qui a un simple rôle de conseiller, est incapable de garantir le succès d'une opération de restauration. La municipalité ne pense qu'à l'aspect lucratif du sujet. Quant aux ministères des affaires culturelles et de l'aménagement, ils sont dans l'incapacité d'oeuvrer ensemble, ne serait-ce que pour enregistrer en bonne et due forme des maisons ou des monuments comme sites historiques. Pourtant, la médina compte une dizaine de demeures arabes qui mériteraient d'être inscrites comme monuments historiques mais, en l'absence de stratégies, la rénovation devient difficilement réalisable selon les règles de l'art.

Le plus inquiétant également reste la gestion hydraulique de la médina. En effet, lorsqu'on dit maison d'hôtes, on songe forcément au confort moderne et donc à des salles de bain agréables. Cependant, le réseau d'assainissement de la médina n'a subi aucune mise à niveau (...), or, toujours selon le même rapport, le volume d'eau s'est multiplié par 300 ou 400. L'antique réseau est obstrué. L'actuel est défaillant. La nappe phréatique éponge cette eau qui devient stagnante. Des risques d'abaissement de terrain ne sont pas à écarter.

Les grands Riads sont les plus concernés par la restauration car plus ils sont grands, plus leur état de délabrement est critique.

Ils nécessitent alors un capital très important pour leur entretien ou encore leur rénovation, et qui n'est pas souvent disponible chez son ou ses propriétaires. Les premiers européens qui ont acheté des maisons dans la médina ont entrepris des travaux de rénovation exemplaires.

Mais pendant les cinq dernières années, la médina a vu débarquer des gens peu soucieux de l'héritage culturel que représentent ces vieux Riads.

Ils ont démoli et dénaturé les logements pour en faire leurs Riads de fantasme. Ils obtiennent, de façon illégale, des autorisations de rénovation qui masquent en réalité une démolition ou un passe droit pour construire une piscine sur le toit (ce qui est strictement interdit), ou encore de surélever l'habitation alors que les maisons traditionnelles ne comportent qu'un étage.

Des maisons ont été complètement démolies sans permis, de grands bétons sont coulés dans le sol friable de la médina où les habitations sont, depuis des siècles, faites en briques de terre cuite ou en pisé. En 2001, M.Fayçal Charradi, architecte, inspecteur des monuments historiques et des sites et délégué du ministère des affaires culturelles, qui a accès aux plans soumis à l'agence urbaine, affirme qu'ils sont pratiquement tous corrects, mais lorsqu'on voit la réalité, on constate plusieurs anomalies. « On donne 250 autorisations de restauration et de reconstruction par an. En comptant tout ce qui est clandestin, cela fait bien 750. Au bout de 15 ans combien restera de maisons authentiques ? » Ajoute-t-il.39(*)

* 38 Etude effectuée par l'architecte Souad BELKEZIZ.

* 39 Magazine Médina, mai-juin 2001, P77.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld