B. Section 2: Maisons
d'hôte : Le revers de la médaille :
1. L'autre face du
phénomène sur le plan économique :
§ Le niveau économique
Le potentiel du tourisme, en tant qu'instrument de
développement et de relance économique, est difficilement
discutable. Les investissements étrangers qu'a connu le Maroc, sous
forme de maisons d'hôtes, ont donné naissance à un produit
nouveau, authentique et à la mode, qui est venu révolutionner
l'offre touristique de la ville.
On ne peut nier tous les bénéfices qu'ils
drainent pour la ville en général, et pour la médina en
particulier, tant sur le plan économique, social que culturel.
Cependant, le tourisme en général, quand on n'y est pas
préparé, peut être une arme à double tranchant, une
médaille à double face, la plus visible étant la plus
dorée.
Ceci est le cas de la plupart des pays en voie de
développement, qui s'ouvrent librement aux investisseurs
étrangers qui leur font miroiter des devises alors que la
réalité s'avère bien souvent différente.
En fait, ces investissements peuvent être une forme de
colonialisme moderne, certes masquée et décorée, mais qui
a les mêmes retombées que la forme classique. Ils peuvent aussi
bien devenir un cercle vicieux de l'endettement, de la paupérisation et
de la dépendance aux grandes puissances économiques
occidentales.
Pour ne parler que des investissements étrangers en
Riads et maisons d'hôtes, un certain nombre de problèmes peuvent
être relevés sur le plan économique. « Razzia sur les
riads !» Ce titre récemment à la une d'un hebdomadaire
marocain montre bien l'ampleur du phénomène. Le magazine insiste
sur le fait que 90 % des riads à Marrakech sont détenus par des
étrangers qui se sont improvisés hôteliers et
déplore qu'aucune réglementation n'existe pour ce type
d'établissement. Il est vrai que de nombreux abus ont été
relevés : personnel local non déclaré, absence
d'assurances, restauration anarchique au détriment du voisinage, des
prix exagérés pour les prestations fournies, fraude fiscale... Le
succès actuel des riads auprès des touristes assure la
rentabilité du « business ». Les prix variant entre 60 et 170
€ la nuit, la maison d'hôtes peut assurer un confortable revenu
à son propriétaire. Selon A. Elouarzazi, directeur de
Tarmin-Médina de Marrakech, la branche restauration de l'agence de
location de riads Marrakech-Médina, un riad en gestion locative peut
rapporter en moyenne à son propriétaire 20 000 Dh (2000 €)
par mois. Le double, si le propriétaire s'occupe lui-même de louer
son riad. Un jackpot alléchant qui explique l'actuelle
frénésie immobilière qui parcourt les ruelles
étroites de la vieille ville :
§ L'incertitude statistique
Les statistiques concernant le nombre de clients dans les
maisons d'hôtes, inexactes pour la plupart des cas, ne sont pas soumises
aux services de la délégation régionale du tourisme. Ce
qui rend impossible la tâche de comptabilisation des touristes.
Le phénomène des résidences secondaires
représente, à son tour, des contraintes statistiques de
taille.
En effet, il est difficile d'établir si un
étranger est résident permanent ou de passage. Dans ce cas,
l'augmentation du nombre de touristes ne veut pas dire qu'ils soient nouveaux.
Avec
l'importance que prend le tourisme résidentiel, la
réalité est qu'un même touriste, venu à une ville
pour profiter de sa résidence, est comptabilisé plusieurs fois
par an.
§ La spéculation immobilière
Avec le phénomène des Riads et maisons
d'hôtes, la spéculation immobilière s'est fortement
accentuée.
Cette spéculation, quoique importante, ne laisse aucun
bénéfice à la ville. Au contraire, elle y fait monter le
prix de l'immobilier, si bien qu'il devient inabordable pour les autochtones. A
titre d'exemple, les prix des Riads ont été multipliés par
dix en l'espace de 5 ans. Sur Internet, le nombre d'agences de location ou de
vente de Riads ne se comptent plus, mais là encore, aucun contrôle
n'est effectué.
Et comme tout commerce anarchique, le phénomène
n'a pas manqué d'attirer des arnaqueurs qui se sont improvisés en
intermédiaires (semsaras), faux guide, faux agents immobiliers. Ainsi,
c'est devenu monnaie courante de trouver qu'un Riad a plus d'un
propriétaire, surtout que pour la majorité des maisons de la
médina, il n'existe pas de titre de propriété.
§ L'évasion et la fraude fiscale
L'adoption d'un texte de loi régissant les
activités des maisons d'hôtes n'a pas empêché la
prolifération, en parallèle, d'une activité informelle et
illégale.
En effet, certains propriétaires de maisons
d'hôtes se gardent d'afficher leurs activités pour ne pas
être détectés par le fisc (seulement un nombre des maisons
d'hôtes sont déclarées à Marrakech et à
Fès),
D'autres ne déclarent pas leurs revenus, ajoutons
à cela le caractère ambigu du statut des Riads et le manque de
contrôle, pour faire des villes marocaines un beau paradis fiscal.
Souvent aussi, les propriétaires de maisons
d'hôtes offrent leurs produits via Internet, ou par le biais d'agents
immobiliers, tout en restant dans leur propre pays. Le paiement se fait alors
en devises avant même que les clients n'embarquent pour le Maroc.
Les résidents secondaires, à leur tour,
contribuent à rendre cette offre illégale. Pour rentabiliser
leurs Riads, ils les louent, quand ils ne les occupent pas, à d'autres
compatriotes.
Ces nouveaux touristes rapportent très peu à
l'économie locale, car les revenus sont encaissés à
l'étranger, et qui plus est, échappent à l'impôt.
Tout ceci nous amène à nous poser la
question : quel est l'intérêt pour le Maroc d'abriter ce
genre d'investissements étrangers ?
§ La concurrence déloyale
Avec ces possibilités de fraude, ou d'évasion
fiscale, les maisons d'hôtes font une concurrence déloyale aux
restaurants, ainsi qu'aux hôtels, dont les frais de fonctionnement et la
fiscalité sont beaucoup plus pesants. Parfois, elles sont même
accusées de voler les clients des hôtels. Certains
établissements 5 étoiles font même visiter la médina
à leurs clients sous bonne escorte, de crainte qu'elle ne soit
contactée par un démarcheur pour les maisons d'hôtes.
Sans équité fiscale entre ces différents
établissements, on ne peut parler ni de transparence ni de
concurrence.
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