Maisons d'hôte, naissance et développement( Télécharger le fichier original )par Salma BELHAJ SOULAMI Ecole supérieure de technologie de Fès - Diplôme Universitaire Technologique 2008 |
IV. Maisons d'hôte : Une arme à double tranchantD'abord phénomène anarchique, les maisons d'hôtes bénéficient maintenant d'un statut d'établissements touristiques, régis par une loi. Cependant, cette dernière n'échappe pas à certaines lacunes dont nous retenons essentiellement l'éloignement du concept original de maison d'hôtes ainsi que son « hôtellisation ». Mais loin du caractère légal du phénomène, nous allons nous intéresser plus loin à ses retombées, tant positives que négatives sur la ville en général et la médina en particulier. L'utilisation des Riads à des fins touristiques sous forme de maisons d'hôtes a certainement des retombées avantageuses sur l'économie locale puisqu'elle contribue à la restauration de vieilles demeures délabrées, négligées et par les autorités et par les habitants. Le phénomène est bénéfique aussi pour la population locale à plusieurs niveaux puisqu'il permet d'améliorer leur niveau de vie, leur procure des emplois, et développe l'industrie touristique de toute la ville. Nous allons essayer de développer tous ces points dans la première section. Cependant, le phénomène d'investissements étrangers en maisons d'hôtes ne constitue-t-il pas une forme de colonialisme moderne, une érosion culturelle et identitaire et une catastrophe patrimoniale ? Ce sont les questions que nous avons cru bon aborder dans la 2éme section. A. Section 1: Maisons d'hôtes : Quels apports socio-économiques à la ville :Les années 70 ont connu le départ de nombreuses familles (notamment les riches) vers la ville nouvelle, dont l'espace est plus adapté aux exigences de la vie moderne. La médina est léguée alors à une population démunie, qui ne dispose pas de moyens pour s'acheter une maison moderne. En plus de cette population originaire de la ville, s'ajoute une nouvelle issue de l'exode rurale. Depuis, les villes marocaines ont connu une très forte croissance démographique surtout au niveau des anciennes médinas de marakech et Fès, cette densité dans la ville de Marrakech par exemple de la population s'élève à 97 ménages par hectare au moment où la moyenne nationale se situe à 70 ménages par hectare.22(*) C'est ainsi que la pauvreté et la dégradation gagnent du terrain, la concentration massive des familles de très bas niveau de vie entraînera une dégradation et dévalorisation du cadre bâti, d'abord par le morcellement des grandes demeures et Riads, qui datent parfois de plusieurs siècles, pour permettre le logement de plusieurs ménages, et encore par manque de moyens pour restaurer et réhabiliter ces maisons séculaires, qui tombent aujourd'hui en ruine. Cette surdensification entraînera une ruine certaine de la médina. Plusieurs maisons traditionnelles anciennes, vétustes et donc fragiles ont été endommagées et d'autres qui se sont effondrées. En terme de chiffres, 37 unités de logement sont tombées en ruine depuis que la Régie Autonome de Distribution de l'eau et de l'électricité avait entamé ses travaux d'assainissement. Une situation qui laisse à désirer, le manque de moyens côté propriétaires- et l'absence d'une conscience active de protection patrimoniale -côté responsables et acteurs contribuent aux processus de dégradation de cet héritage que constituent les demeures de la médina. Il est certain que, faute de stratégies de conservation de ce patrimoine architectural qui draine tout un art de vivre, la transformation de certains Riads en maisons d'hôtes, du fait qu'elle est accompagnée de consolidation et de réaménagement des structures, de rénovation et parfois de réhabilitation, apporte une réponse, même si elle est partielle, à un besoin évident de préservation de ce patrimoine, fortement menacé et fragilisé. Le phénomène a également contribué à la restauration du tissu urbain environnant, ainsi qu'à l'amélioration de la situation dans les derbs de la médina. En effet, habiter un Riad est un rêve qui coûte cher. Après l'achat, un projet d'aménagement s'avère souvent indispensable. Même si le prix de la rénovation dépasse parfois largement le prix d'achat, les nouveaux acquisiteurs n'économisent pas sur les travaux de réhabilitation. Ils aménagent, rénovent et décorent merveilleusement leurs Riads. De plus, ces promoteurs, faisant prévaloir le souci d'une relative sauvegarde au détriment de la rentabilité , qui est leur leitmotiv le plus naturel, entreprennent des travaux, tels que l'assainissement de la médina, le règlement des problèmes d'égouts, de l'éclairage23(*), afin de rendre le derb plus présentable. Ainsi, certains prennent l'initiative de rénover une façade ou une arcade collective pour enjoliver l'entrée au regard des touristes. Parfois, soucieux de gagner la sympathie des habitants et de se rapprocher d'eux, ils entreprennent de véritables actions sociales, telles que l'organisation d'activités distractives pour les enfants du quartier, l'aide aux plus démunis, l'apport d'une assistance à l'occasion de fêtes ou rituels collectifs, ou même créer des emplois au bénéfice des jeunes du quartier.24(*) Pour les touristes, clients des Riads et maisons d'hôtes, naît le désir d'être des acteurs d'un tourisme durable. Le fait de séjourner dans un site classé patrimoine mondial par l'UNESCO les implique davantage pour contribuer à sa sauvegarde. Ils sont sensibilisés sur des aspects plus sociaux, en tant que prolongement de leur voyage et forme d'intégration du tourisme au tissu social.
1. Pour une relance économique
L'émergence des maisons d'hôtes contribue à l'augmentation des investissements, surtout les étrangers d'entre eux. Ces capitaux sont réinjectés directement dans l'économie locale. Ainsi, une centaine de maisons d'hôtes représente 220 millions de Dirhams d'investissements immobiliers.25(*)
Chose qui se traduit par les équipements et les consommations des ménages, l'achat et la construction immobilière, la création d'entreprises...
Les maisons d'hôtes créent du travail pour les architectes, les entrepreneurs lors de la restauration, qui représente aussi des milliers d'heures de travail pour les entreprises et artisans26(*).
L'intérêt des étrangers pour le style de décoration marocaine a développé les exportations dans le secteur de l'artisanat.
N'exigeant pas un niveau d'instruction élevé ou spécialisé dans l'hôtellerie, les maisons d'hôtes recrutent leur personnel parfois parmi les habitants du quartier, surtout les jeunes d'entre eux. Ainsi, plus de 1050 emplois directs sont crées pour un total de 230 maisons d'hôtes, ce qui représente 10% du total des ménages de la médina, et une moyenne de 5 employés par unité.27(*)
Il s'agit de la création d'emplois dans les établissements et les sociétés, liés à la consommation touristique et des entreprises de sous-traitance (nettoyage, entretien, gardiennage...).
Le développement de l'activité des Riads se répercute positivement sur les autres secteurs liés à la consommation touristique (restaurants, bazars, boutiques, transport...).
La clientèle des maisons d'hôtes achète elle-même, ou par l'intermédiaire d'une agence de voyages, ses billets d'avion au tarif individuel ou charter, mais qui rapporte de toute façon plus que les packages. Cela représente une part non négligeable d'augmentation de places payées en plein tarif sur les vols de la Royal Air Maroc
En somme, ce phénomène va permettre à la population locale de bénéficier de la croissance économique rapide qu'il engendre, à condition que cette dernière maîtrise une part importante des activités qui s'y développent. Sinon, seuls les postes de travail non qualifiés vont lui échoir. De plus, les habitants, longtemps renfermés sur eux-mêmes entre les remparts de la médina, vont pouvoir communiquer avec d'autres cultures, et ainsi se désenclaver. Ils auront la possibilité de s'ouvrir sur un autre monde qui leur était inconnu jusque là, et s'enrichir d'apports extérieurs. Le phénomène permettra également de freiner l'émigration traditionnelle, surtout au niveau de la population jeune, qui aura des opportunités d'emploi comme alternative opportunités qui sont crées grâce à l'initiative locale et l'apparition d'autres entreprises ou unités touristiques que favorisent les capitaux drainés par l'activité des maisons d'hôtes. Ainsi, le niveau de vie des autochtones se verra nettement amélioré, ce qui leur permettra d'exercer certaines activités, notamment le tourisme.28(*) * 22 Statistiques officielles. * 23 W.Adam, « dossier spécial maisons d'hôtes », La Vie Touristique Africaine, 15 juillet 2002, p 10. * 24 Etude effectuée par R.Saigh Boucetta, Ecole Doctorale Internationale du Tourisme. * 25 Exemple cité par la fiduciaire « FICASUD » qui regroupe 70% des maisons d'hôtes. * 26 Association des maisons d'hôtes de Marrakech et du sud, notes sur les grandes lignes des aspects positifs favorisés par l'existence des maisons d'hôtes. * 27 B.Berrissoule, « Riads : effets de mode ou tendance de fond », l'Economiste du 22 avril 2002. * 28 Cahiers Espaces, N°200, janvier 2003, p 52. |
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