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L'"arbitralisation" de la cour internationale de justice: une étude critique

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par Pierre Barry NJEM IBOUM
Institut des Relations Internationales du Cameroun - Diplome d'Etudes Supérieures Spécialisées 2010
  

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CONCLUSION DU CHAPITRE

Mécanisme séculaire, l'arbitrage a brillé de mille feux et séduit - l'histoire moderne de l'arbitrage interétatique remonte généralement au traité de Jay de 1794139(*). L'affaire anglo-américaine de l'Alabama140(*) de 1872 réglée par arbitrage a constitué une phase importante dans l'épanouissement et l'attraction de l'arbitrage. Cette dernière affaire a notamment servi à démontrer l'efficacité de l'arbitrage pour le règlement d'un litige important et a suscité des évolutions concrétisées par la création d'une Cour permanente d'arbitrage fondée en 1899141(*) - . S'il en a été ainsi c'est sûrement du fait des avantages que celui-ci présente par rapport aux autres mécanismes de règlement des différends, notamment le règlement judiciaire. À coté de la rapidité du fait que l'arbitrage soit débarrassée des lenteurs et des formalités de procédure, l'on présente aussi le coût moins élevé de celui-ci ; de même parle-t-on souvent d'une justice de meilleure qualité, les parties pouvant désigner un spécialiste au lieu de s'en remettre à un tribunal dont les connaissances en la matière sont parfois moins approfondies et enfin la discrétion dont fait preuve l'arbitrage.

Ces éléments laudateurs, s'accompagnent d'un élément qui est en fait la caractéristique forte de l'arbitrage, c'est que celui-ci est et demeure une justice privée. Pour autant, du fait notamment de l'application du droit, et de par le fait qu'il soit institué juge par les parties, la sentence que rend l'arbitre est bien revêtue d'une force obligatoire. La nature de juge de l'arbitre étant plus fermement établie dans le cadre d'un arbitrage institutionnalisé, du fait notamment des nécessités de la fonction.

Il existe cependant un fait qui pourrait être considéré dans une certaine mesure comme le « talon d'Achille142(*) » de l'arbitrage c'est que étant justice privée, donc des parties, il est parcouru tout le long par cette logique. En clair, les parties ont en matière d'arbitrage des pouvoirs bien énormes qui au final font ressembler la sentence arbitrale à un simple avis. Mais des possibilités de « correction » de ce « défaut » existent. Une autre faiblesse de l'arbitrage existe notamment dans l'arbitrage interétatique. C'est que ces divers tribunaux ad hoc de composition différente ne peuvent établir en matière de droit international une jurisprudence aussi cohérente que celle d'un tribunal ayant un caractère permanent, ayant une compétence qui va au-delà de l'affaire à lui soumis.

PREMIERE PARTIE

L'INFLUENCE DES ETATS PARTIES AU LITIGE SUR LE FONCTIONNEMENT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE.

Nous ne reviendrons plus dans cette partie sur les mérites supposés ou réels de l'arbitrage, nous essayerons plutôt d'en percevoir les manifestations dans le fonctionnement de la Cour.

Organe de règlement des différends de l'ONU143(*), la Cour s'acquitte fort bien de cette tache à en juger par le nombre sans cesse croissant d'affaires portées devant elle144(*). Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour justifier ce succès, mais quelques unes des plus convaincantes peuvent sans nul doute être le fait que la Cour soit l'organe d'une organisation d'États qui se sont engagés solennellement à respecter ses décisions. De plus elle jouit d'une force dissuasive145(*) renforçant son autorité, enfin, l'usage qu'elle fait du droit. Mais il ne faudrait pas croire à une efficacité totale de la Cour dans le règlement des différends car sa saisine pouvant être en réalité une stratégie dilatoire des parties sachant pertinemment qu'elles n'exécuteront pas la décision finale.

Cet idéal de fonction de la Cour n'a pas ou n'est pas toujours atteint car celle-ci manquant souvent des moyens juridiques nécessaires à cette entreprise. Et ainsi, la Cour a dû composer très tôt avec cette capacité limitée et, sous l'influence des juges et des parties, prendre des distances à l'égard du modèle mythique (judiciaire) et parfois hypothétique et favoriser une participation moins spectaculaire mais non moins significative au maintien de la paix et de la sécurité internationale. C'est dire en réalité que la Cour subirait une transformation stratégique passant d'un mode judiciaire vers un mode arbitral. Pouvait-il en être autrement la Cour ayant pour justiciable des êtres souverains ? Assurément non et si cette logique a été réfrénée, elle s'exprime de plus en plus clairement. L' « arbitralisation » de la Cour s'affirme par une forte implication des parties dans tout le processus de règlement des différends de la Cour146(*) (Chapitre 1). Il n'est pas jusqu'à la justice rendue par la Cour qui ne soit teintée de cette coloration. De toute façon l'essentiel étant de réaliser l'article 33 de la Charte qui demande aux parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationale de rechercher la solution par la voie de moyens de règlement pacifiques147(*). Cependant, des limites à l'influence des Etats existent qui contribuent à préserver la nature judiciaire de la Cour telle que l'ont pensé ses pères fondateurs (chapitre 2).

* 139 Voir note 27.

* 140 Aux termes du traité de Washington de 1871, les États-Unis et la Grande-Bretagne sont convenus de soumettre à un tribunal les réclamations que les premiers formulaient contre la seconde pour avoir violé sa neutralité pendant la guerre de sécession. Le tribunal arbitral a rendu une sentence par laquelle il a condamné la Grande-Bretagne au versement d'une indemnité et cette sentence a été exécutée.

* 141 La Cour internationale de Justice, op. cit., note 30. Mais il faudrait tout de même souligner que l'idée des pères créateurs de la C.P.A. était la création d'un véritable tribunal international où le droit serait amené à jouer un rôle prépondérant dans le règlement des différends. « La raison pour laquelle on a maintenu le terme « arbitrage » se trouvait dans des considérations d'ordre plutôt doctrinal : la souveraineté de l'État s'opposerait à la soumission de l'État à une vraie « juridiction » ; la « juridiction » supposerait la reconnaissance d'un supérieur commun ; l'arbitrage au contraire, même l'arbitrage obligatoire, ne serait pas en contradiction avec les principes de la souveraineté » J.P.A. FRANÇOIS, La Cour permanente d'arbitrage son origine, sa jurisprudence, son avenir, Recueil des cours de l'Académie de droit international, Volume 87(1955-1), pp.457-553, à la page 467.

* 142 Le talon d'Achille désigne tout simplement le point faible d'une personne, en référence à Achille, héros de la mythologie grecque. A sa naissance, sa mère Thétis le trempa dans les eaux du Styx, réputées pour rendre invulnérable. Cependant, pour le plonger dans le fleuve, elle le tenait par le talon. C'est à cause d'une flèche empoisonnée reçue dans la seule partie vulnérable de son corps qu'Achille mourut. Source : http://www.linternaute.com/expression/langue-francaise/191/le-talon-d-achille/ consulté le 21 mars 2009.

* 143 ORDO pour faire un parallèle avec son homologue de l'OMC l' ORD, entendez Organe de Règlement des Différends.

* 144 Depuis l'an 2000 près de 22 affaires ont été porté devant la Cour. 2009,Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c. Sénégal) ;2008,Immunités juridictionnelles de l'État (Allemagne c. Italie),Application de l'Accord Intérimaire du 13 septembre 1995 (ex-République yougoslave de Macédoine c. Grèce),Application de la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie),Demande en interprétation de l'arrêt du 31 mars 2004 en l'affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d'Amérique) (Mexique c. Etats-Unis d'Amérique),Epandages aériens d'herbicides (Equateur c. Colombie),Différend maritime (Pérou c. Chili) ;2006,Certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France),Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay),Statut vis-à-vis de l'État hôte d'un envoyé diplomatique auprès de l'Organisation des Nations Unies (Commonwealth de Dominique c. Suisse) ;2005,Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua) ;2004,Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine) ;2003,Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie/Singapour),Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c. France),Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d'Amérique) ;2002,Demande en révision de l'arrêt du 11 septembre 1992 en l'affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant)) (El Salvador c. Honduras),Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda),Différend frontalier (Bénin/Niger) ;2001,Différend territorial et maritime(Nicaragua c. Colombie),Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne),Demande en révision de l'arrêt du 11 juillet 1996 en l'affaire relative à l'Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires (Yougoslavie c. Bosnie-Herzégovine) ;2000,Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique). Source http://www.icj-cij.org/docket/index.php?p1=3&p2=3

* 145 Article 94 de la Charte des Nations Unies.

* 146 Non pas que l'on imagine que celles-ci ne doivent pas y participer ce qui serait utopique la Cour étant crée par les États et ceux-ci élisant les juges de la Cour, mais cette participation est très importante et tend à confondre les rôles.

* 147 La Cour a exprimé cette idée dans son arrêt du 27 juin 1986 rendu dans l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d'Amérique), CIJ, Rec. 1986, p.145, par.290 : « la Cour a constaté dans le présent arrêt que, par ses activités à l'égard du demandeur, le défendeur a violé plusieurs principes du droit international coutumier. Elle doit cependant aussi rappeler un autre principe du droit international - complémentaire des principes d'interdiction examinés plus haut - et qu'il est indispensable de respecter dans le monde aujourd'hui celui qui veut que les parties à un différend dont la persistance risquerait de mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales, s'efforcent d'y trouver une solution par des moyens pacifiques. Consacré par l'article 33 de la Charte des Nations Unies, qui indique d'autre part plusieurs moyens pacifiques auxquels il est possible de faire appel, ce principe a également le caractère d'une règle de droit international coutumier ».

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