B-L'animal titulaire de droits au regard du droit
pénal :
Il est évident que la loi n'oblige personne à
aimer les animaux. Mais, le législateur a cependant tenu à
condamner le comportement de personnes qui omettent de les traiter
convenablement.
Les attributs de la personnalité juridique
inhérente à l'être humain sont
- une capacité à devenir sujet de droits;
- des droits primordiaux saisissant concrètement la
personne, corps et âme.
Or, la capacité entretient d'étroits rapports
avec l'intelligence et la conscience du droit dont les animaux sont totalement
dépourvus et qu'ils ne peuvent acquérir par un
épanouissement intellectuel et moral.
Quant aux droits primordiaux, ils sont classés par les
auteurs en deux catégories.Il est des droits, comme le souligne M.
BRUNOIS «dont chacun est porteur par décision de la loi, du
règlement, mais qui sont détachables de la personne de leur
titulaire» : il s'agit, à titre d'exemple, du droit de
propriété, de publier ou de se réunir.
Il en est d'autres « qui sont attachés à
l'être, ce sont les droits de la personnalité qui lui
appartiennent par nature ». La doctrine divise ces droits en trois grandes
séries : les droits à l'intégrité physique, les
droits à l'intégrité morale, le droit au travail.
Les seuls droits primordiaux susceptibles de présenter
un intérêt pour l'animal sont ceux relatifs à la protection
du corps dont font partie, entre autres, les droits alimentaires indispensables
pour subsister jusqu'à la prochaine saison.
C - L'intérêt distinct de l'animal.
Puisqu'il ressort qu'il est protégé pour
lui-même par le Code pénal, il semble inutile de démontrer
à nouveau que l'animal dispose d'un intérêt propre,
distinct de celui qui peut exercer sur lui des prérogatives.
Il est par contre nécessaire de justifier l'application
à son intérêt individuel d'une construction voulue pour un
intérêt collectif. Mais J.-P. MARGUENAUD concède que la
technique de la personnalité morale appliquée à l'animal
trouve ici son point faible.
(c) Existence d'un organe susceptible de défendre
l'animal.
Pour que l'animal soit revêtu d'une personnalité
technique, il faut encore qu'il satisfasse à la condition d'être
pourvu d'une possibilité d'expression pour la défense de ses
intérêts.
Il est possible de faire appel tout d'abord au
propriétaire de l'animal : la transformation du propriétaire en
organe lui impose en effet d'agir non plus dans son seul intérêt
mais aussi dans celui de son animal. Or, l'action qu'il peut exercer contre les
auteurs d'actes de cruauté ou d'atteintes contraventionnelles est
subordonnée toujours par l'article 609 du Code pénale à
l'existence d'un préjudice personnel et direct. Il ne peut donc agir
pour défendre l'intérêt propre de l'animal.
Il semble que l'on puisse accorder la qualification d'organe
aux associations de protection animale, qui en vertu du Code de
procédure pénale peuvent exercer les droits reconnus à la
partie civile en ce qui concerne le délit d'actes de cruauté et
les contraventions de mauvais traitements et d'atteinte à l'animal.
L'action de ces organes vise en effet l'intérêt propre de
l'animal, d'autant plus que le texte ne fait plus la moindre allusion à
l'exigence traditionnelle d'un préjudice direct ou indirect aux
intérêts défendus par les associations.
Autrement dit qui les placent dans des conditions
incompatibles avec les impératifs biologiques de l'espèce, et la
première personne mise en cause est sans doute le
propriétaire.
La protection de la dignité animale diminue les
prérogatives du propriétaire, mais elle ajoute aussi des devoirs
à ce dernier qui décrit implicitement l'essentiel de ceux-ci en
réprimant les manquements dont ils peuvent faire l'objet.
Il existe ainsi une véritable obligation d'aliments et
de soins la loi a interdit à toute personne qui garde ou détient
des animaux domestiques ou des animaux sauvages apprivoisés ou tenus en
captivité, de les priver de la nourriture ou de l'abreuvement
nécessaires à la satisfaction des besoins physiologiques propres
à leurs espèces et à leur degré de
développement, d'adaptation ou de domestication. Ce même texte
interdit aux propriétaires de laisser les animaux sans soins en cas de
maladies ou de blessures.
Le maître doit également à ses animaux un
minimum de « confort ». Ainsi, il est interdit, toujours en vertu du
même article, de placer et maintenir les animaux dans un habitat et un
environnement susceptibles de causer des souffrances, des blessures ou des
accidents, en raison de son exiguïté, de sa situation
inappropriée aux conditions climatiques supportables par l'espèce
considérée ou de l'inadaptation des matériels,
installations ou agencements utilisés. Il est aussi prohibé
d'utiliser des dispositifs d'attache et de contention, ainsi que des
clôtures, des cages ou plus généralement tout mode de
détention inadapté à l'espèce
considérée ou de nature à provoquer des blessures ou des
souffrances.
Il émerge de ces dispositions des
notions assez récentes : les notions de bien-être animal et de
souffrance le fondement des interdictions que nous avons déjà
vues, et de celle que nous verrons plus tard, provient du fait que des
expériences ont prouvé que certains animaux sont capables
«d'intérioriser» des données, autrement dit que,
lorsque les stimuli sont agréables, ils sont susceptibles d'être
ressentis comme tels par leur destinataire et qu'ils lui procurent du plaisir
qui se traduit par la notion de bien-être, ou, dans une autre
hypothèse où les stimuli sont désagréables, qu'ils
génèrent un état de souffrance qui se traduit par un
mal-être de l'organisme qui les subit.
« Une expérience sensorielle négative qui
procure des actions motrices de protection, qui a pour conséquences des
réactions de fuite apprises et qui modifient le comportement social
». Les signes de souffrance chez l'animal peuvent consister en des
vocalises pas forcément perceptibles par l'oreille humaine, des
tentatives faites pour s'échapper, des agressions défensives, une
tétanisation, un halètement, une salivation, le fait d'uriner ou
de déféquer, une mydriase, la tachycardie, la sudation et
d'autres réactions végétatives réflexes.
Le droit a admis que l'animal en tant qu'être sensible
peut éprouver une sensation négative, la souffrance, contre
laquelle il s'efforce, la plupart du temps, de le préserver dans ses
relations avec l'être humain.
.
Le Code pénal « prolonge de façon fort
significative le mouvement de prise en considération de
l'intégrité de l'animal ». Il reconduit, en effet, les
Incriminations protectrices de la sensibilité
physiologique des animaux, déjà présentes dans l'ancien
Code, tels que les mauvais traitements et les actes de cruauté, mais il
introduit également des nouvelles incriminations d'atteintes volontaires
à la vie et d'atteintes involontaires à l'intégrité
ou à la vie. [29]
Le législateur a tenté d'établir une
gradation dans les peines encourues suivant l'infraction dont est victime
l'animal.
En résume, le code pénal tente ainsi de faire
une distinction entre plusieurs sortes de comportements susceptibles de faire
souffrir l'animal. On retrouve donc ici l'intérêt profond que le
Code pénal attache à l'intention de l'auteur de commettre une
infraction.
a) Le délit de sévices graves ou d'actes de
cruauté.
Les dispositions visant ce délit se situe implicitement
au sein de l'article 609 du Code pénal.
En constat que le fait, publiquement ou non, d'exercer des
sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un
animal domestique, ou apprivoisé, est puni d'une amende de 10 à
120 DH. (...) Est également puni des mêmes peines l'abandon d'un
animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à
l'exception des animaux destinés au repeuplement ».
Il s'agit d'un délit et non d'un crime, en raison de
l'appartenance de l'animal à la catégorie des objets de droit.
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