CONLUSION GENERALE
139. Notre modeste contribution a consisté à
examiner l'extinction normale et incidente de l'instance. Lorsque le juge est
saisi d'un différend opposant deux ou plusieurs parties, la mission dont
il est investi, à savoir trancher les litiges en disant le droit,
conduit à attendre normalement que l'affaire soit instruite dans des
conditions qui permettent à chacun de faire valoir ses
prétentions et de présenter ses moyens de preuves dans le respect
des prescriptions légales. Le juge qui en assure le respect doit pouvoir
à la fin, en confrontant les divers arguments qui lui ont
été présentés de part et d'autre, se forger une
intime conviction et rendre une décision conforme à la loi. Il
tranche ainsi le litige par un jugement, dans son sens large, qui met fin
à l'instance. Il existe plusieurs types de jugements, et de nombreux
auteurs en ont proposé une typologie. Mais seulement, tout jugement n'a
pas pour effet d'entraîner l'extinction de l'instance, et même pour
ceux qui induisent un tel effet, la portée extinctive n'est pas
identique. C'est ainsi qu'il convenait, après avoir
présenté l'exigence préalable d'un jugement contentieux
par opposition à l'office du juge en matière gracieuse,
d'identifier en les distinguant les jugements qui ont un effet extinctif
d'instance. Nous avons ainsi été amené à constater
que les jugements rendus en premier ou en dernier ressort, les jugements
contradictoires, réputés contradictoires et par défaut, et
les jugements définitifs et mixtes avaient pour effet d'entraîner
l'extinction de l'instance, leur qualification tenant à d'autres
critères de distinction.
140. Qu'à cela ne tienne, les jugements extinctifs
d'instance ont des effets similaires. En dehors de l'ouverture des voies de
recours dont la possibilité d'exercice varie quelque peu en fonction du
type de jugement et même du degré de la juridiction, ces jugements
ont en commun l'autorité de la chose jugée, qui empêche que
la même cause, portant sur le même objet et entre les mêmes
parties, soit à nouveau portée devant la même juridiction.
Ils sont en outre revêtus de la formule exécutoire quand ils ne
sont susceptibles d'aucune voie de recours suspensive d'exécution
(c'est-à-dire quand ils sont passés en force de chose
jugée), ce qui permet que leur exécution soit poursuivie
conformément aux voies de droit, et au besoin par l'emploi de la force
publique. De plus, le jugement a en principe un effet déclaratif, dans
la mesure où il constate très souvent des droits ou des
situations qui existaient déjà au jour de la demande en justice,
à l'exception des jugements dits constitutifs.
A ces effets qui s'appliquent principalement aux parties,
mais que le juge ne peut méconnaître, s'ajoute un autre effet
à l'égard de ce dernier : parce qu'en rendant le jugement,
le juge a dit sa part de vérité, sa décision
entraîne son dessaisissement. Il n'est donc plus compétent pour se
prononcer sur le litige visé, sauf quelques exceptions, notamment pour
interpréter sa décision, rectifier une erreur matérielle,
ou pour rétracter sa décision en cas d'opposition, de tierce
opposition ou de recours en révision.
141. Par contre, il existe des cas dans lesquels l'instance ne
parvient pas à son aboutissement logique qu'est le jugement, pour des
raisons qui sont à la fois nombreuses et variées. En effet, des
incidents survenus en cours d'instance peuvent provoquer l'extinction par
anticipation de celle-ci. Il s'agit de l'extinction incidente de l'instance qui
peut survenir à titre principal lorsque la cause d'extinction qui
produit cet effet atteint la seule procédure, le droit d'agir demeurant
intact, garantissant au plaideur qui le souhaite, la possibilité de
réintroduire un recours devant le juge, à moins que l'action
n'ait quant à elle cessé d'exister pour autre cause. C'est un tel
effet qu'entraîne l'extinction de l'instance lorsqu'elle se produit parce
que la demande en justice est caduque ; parce que l'instance, au bout d'un
certain temps se trouve périmée, ou alors que les parties ont
renoncé à poursuivre la procédure en se désistant
de l'instance. Toutes ces causes d'extinction reposent plus ou moins, on le
remarque, sur la volonté des parties, ou du moins de l'une d'entre
elles. La volonté des parties joue également un rôle assez
important dans les cas d'extinction à titre accessoire de l'instance.
142. Accessoirement à l'action, l'instance peut prendre
fin avant que le juge se soit prononcé. C'est le cas par exemple,
lorsque les droits qui étaient mis en cause par la demande en justice ne
conservent plus leur caractère litigieux parce que l'une des parties, en
l'occurrence le défendeur, s'est soumise aux prétentions de son
adversaire en reconnaissant leur bien-fondé, auquel cas l'on parle
d'acquiescement. C'est également le cas, lorsque l'une des parties
renonce à se prévaloir de son droit, en se désistant de
son action, ou alors lorsqu'en cours d'instance, les parties parviennent
à un accord, en acceptant des concessions réciproques, en vue de
mettre fin au litige qui les oppose et qui est pendant devant le juge. Enfin,
à titre accessoire, l'instance peut s'éteindre parce que l'une
des parties à celle-ci est décédée, ou que l'action
qui sous-tendait la procédure est intransmissible et disparaît
avec son titulaire, soit parce que le de cujus était l'auteur d'une
infraction pénale et qu'il décède
prématurément à sa condamnation par le juge
répressif, ce qui a pour effet, non seulement d'entraîner de plein
droit l'extinction de l'action publique, mais aussi d'avoir des
répercussions sur l'action civile née de l'infraction.
Dans tous ces cas où l'instance prend fin suite
à un incident, le juge rend une décision de dessaisissement,
après avoir dans certains cas, donné force exécutoire
à l'accord des parties, ce qui n'est, bien entendu, pas une
décision sur le fond du litige.
143. L'on constate, au regard de tout ce qui
précède, que la volonté des parties joue un grand
rôle dans la conduite du procès. En effet, elles sont libres de
saisir le juge ou de ne pas le saisir, d'accomplir ou non les actes de
procédure nécessaires pour faire avancer cette dernière,
d'attendre la décision du juge ou de mettre fin à la
procédure par anticipation. Le constat d'un tel pouvoir reconnu à
la volonté des parties n'est vrai qu'en ce qui concerne le procès
civil, dans la mesure où les intérêts en jeu sont des
intérêts privés, et que les parties ont, dans la grande
majorité des cas, la libre disposition de leurs droits. Il ne saurait en
être autant pour le procès pénal, notamment en ce qui
concerne l'action publique, qui elle appartient à la
Société et est exercée par son représentant, le
Ministère Public ; ou alors de la procédure administrative
contentieuse, du fait de l'implication de l'Administration, qui poursuit
l'intérêt général, l'ordre public impliqué
restreignant sensiblement les cas dans lesquels la procédure peut
prendre fin autrement que par la décision du juge.
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