Communication politique et logique d'actualisation dans le champ électoral. Approche constructiviste de la campagne de l'union pour la nation en république démocratique du Congo( Télécharger le fichier original )par Jacques Yves MOLIMA AUTA MISO MAPUMBA DUA Institut facultaire des sciences de l'information et de la communication - Licence 2009 |
II.1.3. FonctionsLes acteurs politiques qui interprètent certains rôles au sein d'un système politique, caractérisé bien évidemment par l'exercice du pouvoir, laissent transparaître la place qu'occupe la communication politique et les fonctions qu'elle exerce dans ce système. Mulumbati Ngasha souligne que la communication politique remplit plusieurs fonctions au sein d'un système politique, notamment « assurer l'adéquation des vues sur le projet social entre les gouvernés et les gouvernants47(*) ». Or, cette adéquation ne peut se vérifier que s'il y a connexion entre les actants du système de communication au sein de la société. Il importe à cet effet que d'un côté, ceux qui détiennent une certaine parcelle de responsabilité puissent avoir une parfaite connaissance des desiderata des différents publics auxquels sont destinés leurs messages. Cette connaissance leur permettra de mieux construire le sens de leurs déclarations politiques. La communication politique sera alors dotée de sa lettre de noblesse au fur et à mesure que l'homme politique comprendra que aspirer à la gestion de la chose publique revient à se doter d'une capacité, non seulement, de convaincre ses potentiels électeurs en leurs faisant des promesses sur sa gestion future, mais aussi et surtout d'être à même de saisir que la communication politique se déploie ou s'exerce sur deux axes bipolaires, à savoir « L'axe horizontal qui va de l'action à la réception ainsi que l'axe vertical qui part des arènes vers les territoires48(*) ». Il s'agira en effet, pour l'homme politique de jauger ses actions par rapport aux réactions des électeurs et user des arènes dans des segments bien ciblés. En effet, André Gosselin pense que la communication politique se déploie d'abord dans ce que l'on peut nommer des territoires. Territoire pris comme aires géographiques ou localités, bref des espaces habités. Cependant, lorsqu'il s'agit de la communication politique des partis politiques, « les territoires de la communication politique seraient alors relatifs aux facteurs organisationnels, structurels, contextuels et événementiels qui définissent les frontières des contraintes et des opportunités des acteurs de la communication politique, notamment au niveau de l'agir téléologique». Par ailleurs, « les arènes de la communication politique sont constituées par l'ensemble des dispositifs, des formules, des cadres, des règles et des stratégies qui définissent les situations d'interaction où les discours des acteurs politiques peuvent se confronter, se diffuser publiquement et s'évaluer ». Substituons de ce qui précède que l'arène concerne les formes spécifiques qui caractérisent les messages de communication politique : signaux, règles et stratégies qui définissent les situations d'interaction entre les acteurs politiques et les médias. Ceci constitue en effet, l'axe vertical de la communication politique. Nous pouvons ainsi tirer une conclusion qu'un territoire donné de la communication politique peut s'exprimer ou comporter plusieurs arènes partant des simples conférences de presse, des émissions politiques, en passant par des colloques, des congrès des partis, des débats et toutes les formes médiatisées des rencontres, jusqu'au débat parlementaire. Ainsi, les acteurs qui organisent leurs actions de communication politique pour un territoire donné ou dans un champ d'activités donné peuvent en effet, rencontrer, dans un même arène, des acteurs actifs et compétents sur d'autres territoires. D'où, la communication politique aura pour fonction : Canaliser les actions des gouvernants, des acteurs politiques et de tous ceux qui aspirent à une fonction publique afin d'être compris, entendu, aimé, soutenu et copter par les gouvernés ou tout simplement par la population. La communication politique permet aux gouvernants et autres leaders politique d'informer les gouvernés des différents enjeux et événements politiques. Bref,... la communication politique permet l'équilibre ou la stabilité du système politique en maximisant ses chances d'être maintenu en place par la logique d'actualisation de ses atouts dans le champ politique. Par ailleurs, quand en ce qui concerne l'axe horizontal de la communication qui part de l'action à la réception ou à la réaction, Gosselin la définie comme l'axe des agir de la communication. A ce stade, il se représente la communication politique comme un champ où se définissent, se croisent et se mettent en oeuvre six formes d'agir, à savoir : - Agir téléologique - Agir axiologique - Agir du type affectuel - Agir par Habitus - Agir dramaturgique - Agir communicationnel.
Pour Gosselin la communication politique procède par intention, calcul, stratégie et anticipation, notamment du côté des acteurs publics de la politique. Nous pouvons dire que l'agir téléologique présuppose des relations entre un acteur et un monde d'états de choses existants. Il est question pour tout acteur politique de savoir saisir l'opportunité de tout événement qui pourrait surgir dans le champ politique, être à même de manipuler les temps et les circonstances pour toujours être au bon endroit, au bon moment. Etre capable de repérer les détours, les contours de toutes les circonstances politiques et en tirer profit afin de maximiser ses chances, c'est-à-dire que l'acteur politique doit être à même de construire le sens de ses activités politiques par rapport au champ dans lequel il se trouve. Enfin, il s'agit surtout pour l'homme politique de mettre en place des stratégies, que ce soit des stratégies de communication ou des stratégies politiques capables de soutenir sa démarche politique. Il s'agit enfin des intentions et stratégies visant un objectif, à l'instar de vote, le cas échéant.
2. Agir axiologique La communication politique consiste ici à vouloir faire naître des nouvelles valeurs et règles dans le jeu de la confrontation des idées ou des idéologies par le biais des médias. En effet, certains acteurs politiques pensent ou s'estiment guidés par des valeurs, des normes ou une quelconque éthique de conviction dans leurs agissements politique. A ce sujet, les idées des autres, des adverses dans un champ électoral par exemple, peuvent servir de soubassement dans le changement de l'orientation de nouvelles stratégies pour l'un.
3. Agir du type affectuel Il s'agit d'un type d'agir qui est de plus en plus présent chez ceux qui débattent de la politique afin de mettre en relief et de saisir les rares « instants de vérité » où le comportement de l'homme politique est à son naturel, c'est-à-dire, lorsqu'il dévoile un peu de sa personne, de ses attitudes profondes et de ses sentiments véritables. A cet effet, la communication politique n'est plus seulement une action qui vise à présenter un acteur modeler, construit à l'image de ce qu'on voudrait qu'il soit dans un champ précis, mais elle consistera également à faire ressortir le fin fond de la personnalité de l'acteur politique, d'autant plus qu'à un certain moment de la vie politique, l'homme politique n'a plus de vie privée étant un homme public. 4. Agir par Habitus Il s'agit de savoir et de comprendre que du bord de la réception comme de celui de l'action politique, des conduites non nécessairement irrationnelles s'installent sans que l'acteur puisse fournir un effort réflexif permanent sur le déroulement, le sens et les conséquences de son action. Nous savons que selon Bourdieu « l'habitus n'est rien d'autre que cette correspondance entre structure mentale et structure objective du champ49(*)». Et le cas d'espèce, l'agir de la communication politique devient une seconde nature pour tout acteur politique qui se veut comme tel. 5. Agir dramaturgique Le concept de l'agir dramaturgique peut être d'autant plus intéressant en communication politique qu'il décrit l'action de ceux qui cherchent à se mettre en scène et à faire naître auprès de leurs vis-à-vis une image qu'ils espèrent contrôler de leur mieux, en sachant très bien que le public, lui, désir un accès plus direct à leurs intentions, leurs pensées et leurs sentiments véritables. 6. Agir communicationnel La communication politique de part le concept de l'agir communicationnel permet de nous rendre intelligible la conduite de celui qui, dans une situation d'interaction et, surtout d'interdépendance, cherche à coordonner consensuellement ses plans d'action avec ceux des autres, en visant une sorte d'intercompréhension afin de négocier avantageusement pour des définitions communes des situations qu'ils partagent. Retenons que dans le champ de la communication politique, toutes ces différentes formes d'agir communicationnelle que nous venons de caractériser ne sont pas l'apanage des seuls gouvernants ou acteurs qui luttent pour l'exercice du pouvoir. Bien évidemment, en ce qui nous concerne dans cette étude, il est d'une importance capitale d'insister sur le fait que nous sommes dans le champ électoral, ce qui place les acteurs politiques en bataille dans une situation de préséance par rapport aux autres catégories de la société notamment les acteurs politiques, les citoyens et les intermédiaires issus de l'univers médiatique, des sondages d'opinion et des agence-conseil en communication des hommes politiques. Comme nous l'avons stipulé peu avant, l'axe horizontal de la communication part de l'action à la réception ou réaction et Gosselin défini cet axe comme celui des agir de la communication. A cet effet, parlant de la réception on peut le concevoir aussi comme un agir car il s'agit du réagir où sont également représentées six grandes formes de réaction à une action de communication. Ainsi, Gosselin estime que « le récepteur peut en effet s'ouvrir à une communication aussi bien dans une intention téléologique que dans un rapport dramaturgique, autant par volonté axiologique que par désir affectuel, et aussi bien dans un comportement par habitus que par un idéal communicationnel ». Nous référant de la manière dont l'agir téléologique a été définie par Gosselin et faisant une relation avec la position de celui qui subit les actions de l'acteur politique engagé dans le contexte électoral, nous pouvons dire que l'individu dans son rôle d'électeur peut chercher à mieux connaître la position de chacun des candidats ou de chacun des partis sur les enjeux qui l'intéressent. Cela sera d'une importance capitale dans le choix qu'il devra opérer et qui maximiserait les chances de la mise en application de la politique qui lui incombe la mieux, il s'agit là de la réaction téléologique. Le comportement d'un électeur peut aussi basculer vers des valeurs et des normes, il s'agit là d'une réaction axiologique, et n'est possible que si et seulement si, l'électeur adhère aux promesses non seulement du candidat mais aussi de son parti avec le sentiment que le devoir s'impose à lui, sans se soucier outre mesure de la cohérence des fins entre elles, sans plus d'égard quant à l'adéquation des moyens proposés avec les fins réclamées, et sans même tenir compte de certaines conséquences qui, pourtant, avec un minimum de réflexion, sont prévisibles. La réaction deviendra affectuelle quand il s'agira par exemple pour un électeur, malgré le fait qu'il soit hautement qualifié, scolarisé et même bien informé, basera son choix électoral, non seulement sur la bonne connaissance des protagonistes et de leurs projets de société, mais, il estimera qu'il pourra se permettre d'arrêter son choix sur quelques attributs des acteurs politiques. Par ailleurs, le choix électoral s'interprétera comme une réaction par habitus si l'individu appartient à une catégorie sociale caractérisée par une identité partisane se transmettant de génération en génération. Retenons tout de même qu'un tel choix n'est nécessairement exempté de toute rationalité, car compte tenu des dispositions personnelles et sociales de l'individu, il lui paraîtra normal et raisonnable de voter comme ses proches ou ses ascendants. Les campagnes électorales étant parfois des moments très intenses d'attention et d'intérêt du public pour les affaires politiques, le chercheur pourra y voir, du côté des électeurs, un modèle dramaturgique de comportement : l'électeur fera naître chez la classe politique une certaine impression de lui-même, en dévoilant plus ou moins intentionnellement sa subjectivité, son degré de satisfaction ou d'insatisfaction pour un régime, un gouvernement ou un parti politique. Il s'agit d'une théâtralisation de la vie et du candidat et des électeurs dans le champ électoral. Le modèle de la réaction communicationnelle pourra inspirer la conduite des électeurs et de la classe politique dans les rares moments où des deux côtés on tente d'élucider les mécanismes d'une intercompréhension langagière idéale afin de définir conjointement, suivant les critères de la vérité, de la justesse et de la véracité, les situations communément partagées. Il est question ici pour le candidat de trouver une bonne orientation dans l'organisation de sa campagne afin d'arriver à correspondre ses idées aux ententes des électeurs. * 47 Mulumbati Ngasha, Op. Cit. p.140. * 48 Notre réflexion parlant des axes horizontaux et verticaux s'est basée sur les travaux d'André Gosselin intitulés : La communication politique : cartographie d'un champ de recherche et d'activités. Toutes les citations en italique s'y rapportent. * 49 Bourdieu, P. Op. Cit. |
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