Chapitre II
CHAMPS THEORIQUES DE L'ETUDE
La saisie de tout phénomène social passe par la
construction préalable du dit phénomène. M. GRAWITZ
(2001 :62) en exprime la nécessite lorsqu'elle affirme
que « la nécessité de l'expérience est
saisie par la théorie avant d'être découverte par
l'observation ». Compte tenu de cette nécessité,
l'étude engagée sur les dynamiques socio-économiques en
zone à risque et ses implications prend appui sur la théorie
sociologique des risques et la théorie de l'action sociale. Cependant la
théorie dynamique et critique est utilisée comme théorie
complémentaire.
II-1-LA THEORIE SOCIOLOGIQUE DES RISQUES
Les dynamiques socio-économiques dans les zones
à risque entrent dans ce que JODELET (1989) appelle
« conduites à risque », c'est-à-dire comme le
signifie M. CHOQUET (2000) une mise en danger du corps, une menace de
l'intégrité physique. L'engouement pour les pratiques à
risque a suscité dans divers champs de la psychologie et de la
sociologie des débats pour tenter de décrire et de comprendre ce
phénomène, éminemment complexe étant donné
la diversité de ses manifestations et la pluralité des
significations qui lui sont attachées. La théorie sociologique
des risques prend effet à partir des changements profonds des conditions
de vies liées à l'urbanisation et à l'industrialisation.
Le métier reliant les conceptions de la forme protestante au capitalisme
naissant. Se met alors en place une gestion statistique de la
société. Cette conjonction va déterminer les zones
sociales à risque où la réforme va pouvoir déployer
ses actions. L'Angleterre dès les 18è et
19è siècles s'oriente dès lors vers une
gestion des conflits P. GAY (1997) en y greffant les travaux scientifiques de
la biologie D. LECOURT (1998). La culture du duel chez les jeunes gens, les
conduites marginales de la jeunesse de Faubourgs, les réseaux de
prostitutions, les épidémies et les maladies liées
à l'insalubrité urbaine, la cruauté gratuite de certains
rites de passage sont quelques une de poche de gestation de mal. Plusieurs
secteurs de la société vont être investis fortement au
19è siècle dans cette optique gestionnaire:
l'éducation, les conditions de vie des ouvriers, le gouvernement des
hommes dans les colonies, les cures de santé. L'émergence de la
statistique et le déploiement des grandes enquêtes sociales vont
constituer des outils des mesures du risque dans la société. En
bref, la sociologie des risques est née à partir des grandes
peurs contemporaines, elle s'est développée à partir des
interrogations provoquées par les catastrophes industrielles , les
problèmes environnementaux , de grandes questions de santé
publique , la sécurité des personnes ou les comportements
à risque.
Dans son ouvrage intitulé le goût du
risque, J. SUSSE pense que les risques font partir
de l'existence quotidienne. Si dans la vie, on supprime les peines, il n'y a
plus de joie car l'existence est faite de contraste. IL écrit:
sans joie ni peine, il y a uniformité donc
ennui et la vie ne vaut plus la peine d'être vécue. Le risque est
le sel de la vie. Tout le monde n'a pas le goût du risque et c'est
heureux, car nous retomberions dans l'uniformité; mais quant vous
découvrez chez un jeune le goût du risque, ne cherchez pas
à le dégoûter des aventures, au contraire, montrez lui
quelles en sont les joies et ne lui en dissimulez pas les dangers , alors il
pourra juger en connaissance de cause et ne se lancera que s'il se sent assez
fort; Regardez tout autour de vous -tous ceux qui ont le goût du risque
vivent intensément; ils ont la meilleur part: déboire, les
accidents, les malheurs,les guettent, mais ils sont vite oubliés car les
joies de la lutte et du succès sont exaltantes J.
SUSSE(1941:1)
J. SUSSE valorise alors le risque comme un model de
construction humaine et social. Cette thèse a été soutenue
par A. QUETELET (1984) qui pense que la société est
conçue comme un système mécanique, dont le centre de
gravité est l'homme moyen. Ainsi, la déviance moyenne peut-elle
être définie comme un écart significatif à la
moyenne observée sur l'ensemble de la population. Ainsi pour les
individus à la recherche de construction identitaire, les conduites
à risque offrent l'occasion de marquer leur différence par
rapport à une société globale sur laquelle ils ont un
regard critique et qui leur inspire, soit de l'indifférence en tant que
modèle, soit un certain mépris. Plus tard, la sociologie des
risques s'est constituée un cadre d'interrogation qui porte sur la
construction du risque. C'est dans cet ordre que (C. GILBERT, 2003) à
ce propos pense que la désignation d'un risque comme problème
public doit être fait :
Ø Comme les résultats d'arbitrages
opérés par les autorités publiques
Ø Le résultat de confrontation entre
société civile et autorités publiques
Ø Les résultats de production liée
à des jeux d'acteurs multiples
Les conduites à risque comme celles des populations de
Maképé Missoké et Maképé Maturité
apparaîtraient comme des jeux d'acteurs. Elles apparaissent comme des
problèmes cruciaux de la société contemporaine et la
compréhension de l'émergence de ce phénomène comme
problèmes sociaux ne peut se faire qu'en mettant en tension le duo
risque subjectif et risque objectif. Ce qui correspond aux deux approches
déjà énoncées par le même auteur:
L'une considérant que les risques existent en
soi ou, ce qui
revient au même, que leur existence est mise
à jour par des efforts
de connaissances, notamment scientifiques ; l'autre
considérant
que les risques sont habituellement l'objet de
perceptions
déformant leur
réalité (C. GILBERT, 1999 :10)
Le risque objectif renverrait aux menaces, aux dommages
corporels, à tous les dangers répertoriables concrètement
par des discours, des chiffres ou des statistiques. Il est l'objet des
recherches de type descriptif telle que l'épidémiologie qui se
rattache à présenter les taux ou des fréquences
d'accident, de dommages, de mortalités récentes, et qui cherche
les facteurs objectifs (le mode de vie, le milieu ambiant ou social etc.)
pouvant contribuer à l'émergence du risque. Le risque subjectif
renverrait quant à lui à l'imaginaire, aux phobies, aux craintes,
de l'individu, et font du concept risque une notion non pas figée, mais
construite : Il est alors objet de représentation, qui est
« l'acte de pensée par lequel l'individu se rapporte
à un objet (et qui) comporte une part de re-construction,
d'interprétation de l'objet » D. JODELET
(1989 :37)
Reflet de la subjectivité de l'individu, la
représentation du risque devient alors un concept central pour aborder
les conduites à risque comme celles des dynamiques
socio-économiques dans les sites marécageux et pollués de
Maképé Missoké et Maképé Maturité.
Là où la seule prise en compte des facteurs relatifs à un
défaut d'information, à la méconnaissance du risque
encouru , ou à un défaut de raisonnement ne permet d'attribuer
qu'irrationalité et dérèglement aux conduites à
risque des individus. JODELET montre que la notion de représentation
redonne du sens et de la rationalité aux comportements. Quand un
individu se représente un risque, il ne se contente pas de le
prévoir, mais l'assimile à son schéma de pensées,
à ses croyances, à ses valeurs ou celles de son groupe social
afin de donner de la cohérence entre ses pensées et ses actes
passés ou à venir. Il ne s'agit plus seulement de faire un
état de lieux de différentes prises de risque à l'oeuvre
dans nos sociétés post modernes tel que prôné par A.
GIDDENS (1994), mais de tenter d'accéder au sens qu'elles revêtent
pour les individus. Les pratiques à risque sont inscrites dans les
schémas de pensées des individus. Nous partageons cette
thèse car les conduites à risque apparaissent comme des
problèmes sociaux dont l'homme est lui-même cause. Elles sont
inscrites dans son schéma de pensées.
Les dynamiques socio-économiques dans les sites
à risque relèveraient de la perte de maîtrise de l'homme.
Ce point de vue trouve ses limites en ce sens que le processus de construction
des problèmes apparaît souvent désordonné, et avec
même des éclipses. C. DOURLENS (2003). Il faut chercher à
savoir si les individus qui fabriquent les risques sont informés par
rapports à ses dégâts. S'ils s'interrogent sur leurs cadres
de vie, s'ils maîtrisent à priori les dangers, les risques, les
implications. Or la connaissance à priori des risques, de faits
présupposés apparaît comme un objectif impossible à
atteindre, tant pour des raisons cognitives qu'économiques. La
théorie sociologique des risques permet ainsi d'étudier les
conduites à risque.
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