CONCLUSION GENERALE
La recherche effectuée sur
les dynamiques socio-économiques dans les sites à risque de
Maképé Missoké et Maképé Maturité est
née d'un constat général. Malgré la
sensibilité, l'insalubrité et des interdictions des zones
marécageuses, les individus s'y déploient massivement et y
exercent des activités diverses. Ce qui a des implications sur
l'environnement social. L'objectif de cette recherche a été
dès le départ de mettre en exergue le rapport entre les
dynamiques socio-économiques, les sites à risque pour analyser
ses implications. De manière plus spécifique comprendre et
expliquer les mobiles des dynamiques socio- économiques dans les sites
à risque, décrire et évaluer les conditions de vie de ces
populations, les perceptions qu'elles ont de leur environnement immédiat
et enfin analyser les implications liées aux dynamiques
socio-économiques dans les sites à risque. La question centrale
qui a soutenu l'étude a été : comment comprendre et
expliquer les dynamiques socio-économiques dans les sites à
risque et ses incidences sur l'environnement social ? Le désir de
répondre à cette question a poussé à la formulation
de l'hypothèse suivante : les populations se déploient de
plus en plus dans les sites à risque pour des buts de nature
socio-économique, ouvrant ainsi des potentialités au
déploiement des crises sanitaires.
Cette hypothèse générale a
été opérationnalisée en quatre hypothèses
secondaires à savoir :
H1- En dépit des crises de logement à
Douala, et de la difficulté d'intégration
socio-économique des acteurs démunis dans une ville en pleine
expansion, ceux-ci font recours aux sites à risque comme lieux
d'habitation et d'expression économique.
H2- la perception que les acteurs ont de leur
environnement immédiat dépend de leur niveau d'instruction, de
leur durée de résidence dans le quartier, de leur sexe. Certains
ont une perception positive de leur milieu, d'autres perçoivent
négativement leur milieu mais minimisent les risques.
H3, les populations des sites à risque vivent
dans des conditions déplorables et survivent grâces aux
activités informelles.
H4- les dynamiques socio-économiques dans les
sites à risque produisent des effets négatifs sur la santé
des acteurs et sur la satisfaction des besoins des ménages.
Pour vérifier ces hypothèses, l'observation
documentaire et les investigations ont été retenues. Dans
l'observation documentaire, il s'est agi de faire une connaissance sur le sujet
et préparer les enquêtes de terrain. Pour parvenir aux
résultats, les techniques d'entretien (guide d'entretien semi directif)
et de sondage (questionnaire semi-ouvert) ont été retenues.
L'étude s'est appuyée sur les théories des risques,, de
l'action sociale et de la dynamique sociale.
Les résultats obtenus après l'analyse montrent
la fiabilité et la pertinence des hypothèses car collant à
la réalité du terrain. La première hypothèse a
été vérifiée à la deuxième partie,
plus particulièrement au chapitre quatre. En effet les dynamiques
socio-économiques dans les sites à risque d'une part s'expliquent
par la crise de logement à Douala, d'autre part du caractère
inégal des populations urbaines dont les plus pauvres et démunies
recherchent des sites d'abri correspondant à leurs revenus. La crise de
logement est due à une forte croissance de la population de la ville de
Douala. Laquelle ne s'accompagne généralement pas
d'infrastructures adéquates. La pression démographique est
beaucoup plus forte et les capacités d'accueil des couches
démunies bien plus faibles. La forte variation des prix fonciers selon
la situation des terrains à bâtir par rapport au centre ville, la
tendance lourde à une consommation accrue d'espace par habitant provoque
des dynamiques socio-économiques dans les sites à risque. Ici les
logements sont favorables aux couches démunies. L'installation de la
population migrante dans ces sites est une conséquence de la
difficulté qu'elle rencontre quant à leur intégration dans
le territoire et l'économie urbains. Si certains sont arrivés
sous l'influence d'un proche ou d'un ami, il demeure que le recours aux sites
à risque trouve en général son explication dans le
caractère pauvre de la population. Les revenus faibles ne leur offrent
aucune possibilité de s`installer ailleurs que dans ces zones. Ces
derniers sont des lieux de refuge pour des couches sociales démunies,
lesquelles vivent en toute insouciance dans ces milieux parce que ne pouvant
pas faire autrement dans un environnement où le coût de la vie est
de plus en plus élevé. En outre, un environnement où
l'accès au minimum vital est devenu un luxe pour la masse laborieuse.
Les caractéristiques montrent que ces populations sont
constituées en majorité des jeunes (25-35 ans), venant
essentiellement des zones rurales à la recherche d'un mieux être.
En outre, ce sont des individus dont le niveau d'éducation est bas
(23,5% des illettrés, 48% des personnes ayant fréquenté
sans atteindre le niveau secondaire). Ces acteurs sont issus des couches
sociales démunies et pauvres et dont le revenu moyen par mois et par
ménage s'élève à 20 000 FCFA.
La deuxième hypothèse a été
confirmée toujours au chapitre quatre. De manière
générale, les populations ont une perception positive de leur
milieu. Elles n'assimilent pas leur milieu à un danger. Mais certaines
variables ont permis de comprendre de manière spécifique la
différence dans la perception sur l'environnement immédiat.
L'instruction est le principal déterminant de la perception
négative de l'environnement immédiat. Les individus instruits
assimilent leur milieu à un danger. Ceci s'explique par le fait qu'une
perception des dangers dans un milieu dépend largement de la
compréhension de leur processus, laquelle est redevable d'un minimum
d'instruction. Les individus qui ont mis long dans les sites ne
perçoivent pas à priori les risques comme un danger. Plus les
individus expérimentent un cadre de vie insalubre, mieux ils s'y
habituent et ignorent les dangers. Sous l'effet de la crise économique,
les individus ravalent la prétendue urgence des problèmes
liés à l'environnement immédiat au rang de l'accessoire.
On assiste à l'émergence des perceptions qui ne s'ajuste que par
rapport à l'économique. La désappropriation du cadre de
vie par les populations au profit du pouvoir apparaît à la fois
comme une transaction mentale et une stratégie en ce temps de crise.
L'illustration en a été donnée par les types d'analyses
appliqués. En effet, dans l'esprit des personnes interrogées, la
protection du cadre de vie incombe au pouvoir public. Cette
désappropriation qui se lit à travers la gestion de ce même
cadre de vie.
La troisième hypothèse a été
vérifiée au chapitre cinq où il apparaît que les
populations des sites à risque vivent dans des conditions
inadéquates. Elles survivent grâce aux activités
informelles basées essentiellement sur les commerces. En effet,
l'analyse révèle une forte proportion des individus vivant dans
des taudis, des maisons en carabottes construites sans traitement de bois au
préalable (près de 65% de la population enquêtée).
Les ménages connaissent une forte concentration d'individus. Parfois
plus de dix personnes qui partagent une maison d'une chambre un salon. Pour
pallier aux difficultés de ravitaillement en eau, les populations
consomment l'eau des puits dont la profondeur ne dépasse
généralement pas cinq mètres. Ces puits connaissent des
infiltrations souterraines (verticale et horizontale). Plus de 31% de la
population enquêtée ont pour source de ravitaillement les eaux des
puits non traités. Les latrines qu'utilisent les acteurs sont des fosses
creusées à ciel ouvert et qui coulent parfois à vue. Ceux
des individus n'ayant pas d'espace pour s'offrir un W.C. utilisent des
écailles pour se mettre à l'aise. Ensuite ces écailles
sont acheminées dans les eaux des rivières. Pour pallier aux
besoins quotidiens de survie, les populations des sites à risque
développent des activités multiples. Les tontines et associations
représentent non seulement un secours matériel, mais aussi et
surtout un environnement sécurisant car ces populations ont une
aspiration à une reconnaissance sociale. Les fonds
épargnés sont utilisés pour des investissements soit dans
les sites, soit au village. Les fonds permettent de prévoir un
événement. La mise au travail des enfants génère
des revenus dans les ménages. Plus de 60% des ménages vivent du
travail des enfants. Le transport par moto parce que ne nécessitant pas
une éducation préalable, ni un fond important pour la formation
est adopté par les hommes pour générer des revenus dans
les ménages (15% de la population masculine). La pratique des
élevages traditionnelles, les petits commerces et la vente de sables
creusés au bas fond de la rivière Ngoné sont aussi
adoptés par la population comme activité de survie, le but
étant de générer de finances qui leur permettent de
satisfaire les besoins pressants des ménages.
La quatrième hypothèse, a été
vérifiée au chapitre six. Les pollutions de toutes sortes,
l'usage combiné de l'eau de robinet et l'eau de la rivière ou
celle des puits pour pallier aux besoins insinuent une problématique de
gestion du site et de la qualité de l'eau. Ce qui engendre des risques
sanitaires dans ces sites. L'analyse révèle que les populations
sont régulièrement victimes des maladies respiratoires et des
épidémies. La pollution des eaux de la Ngoné par la
GUINESS, par les rejets des résidus alimentaires se manifeste par des
pathologies aigues comme des bronchites et l'asthme. Sur 50 cas de maladies
qu'enregistre le centre de santé la grâce par semaine, 3 %
souffrent des maladies respiratoires dues à la pollution du site. De
même les familles sont régulièrement victimes du paludisme
et du cholera et les plus vulnérables sont les enfants de moins de 16
ans. Ces maladies constituent un lourd fardeau économique pour la
population car prend en compte non seulement le coût de traitement mais
aussi la perte résultante de l'invalidité du malade. La
sensibilité du site, les constructions anarchiques, l'utilisation des
bougies comme moyens d'éclairage accroissent les risques de sinistres.
Les inondations et les feux se traduisent par des pertes matérielles et
humaines. La satisfaction des besoins des ménages ne connaît pas
un succès. Les conditions de vie des populations à risque ont une
incidence sur l'alimentation dans les ménages se traduisant par une
réduction quali-quantitative du nombre de repas journaliers (une fois
par jour). Aussi une baisse ou une sous scolarisation des enfants. Chez les
filles, sur un échantillon de 80 filles en âges scolaires, seules
25 sont effectivement scolarisés (31,25%). De même chez les
garçons, 100 sont en âges scolaires et 45 seulement sont
scolarisés (45%). Sur le plan psychologique, la vie dans les milieux
à risque constitue un lourd fardeau psychologique. Les individus font
face aux menaces d'expulsion et de déguerpissement tous les jours, ce
qui freine des actions dans la gestion de leurs cadres de vie. Dans la gestion
des risques, les populations se constituent en associations dont le but est de
créer un climat favorable dans le milieu à travers des
investissements (création des pistes, canalisation des eaux, destruction
des maisons encombrants, initiation des projets),
Les sites à risque présentent des avantages pour
les acteurs. Ils sont souvent les premiers points d'arrêt des migrants
ruraux et offrent des opportunités de logement et terrains à bas
prix. Aussi favorisent le développement des activités
informelles. Même s'ils présentent des implications
négatives, il n'en demeure pas moins qu'ils peuvent aussi donner
naissance à de nouveaux mouvements culturels. En outre, renforcer la
solidarité entre les tribus. Les habitants des taudis et leurs
activités constituant aussi autant des forces motrices de la vie
urbaine.
Les conclusions de cette recherche peuvent être
généralisées à l'échelon urbain, national et
international. A l'échelon urbain car la ville de Douala est
constituée d'une multitude de quartiers à risque où les
populations s'activent de manière anarchiques dans des multiples
activités socio-économiques, même s'ils ne
présentent pas tous une particularité commune. C'est le cas de
Mabanda, Bepanda Safari, Cité CICAM, etc. A l'échelon national et
international, car les villes camerounaises et africaines présentent des
situations similaires où les populations urbaines vivent en
majorité dans des taudis.
Les résultats auxquels nous sommes parvenus n'ont
été qu'introductifs. Un examen minutieux et particulier de chaque
hypothèse ouvrirait de nouvelles pistes de recherche. Rédiger
trois chapitres pour vérifier nos hypothèses n'a fait
qu'effleurer la question de départ, et ne peut certainement apporter des
réponses à de nombreux questionnements, ceci dû au fait que
la recherche n'y était pas centrée. Plusieurs pistes de recherche
seraient envisageables. Notamment des pistes qui mettent l'accent sur les
vulnérabilités humaines et économiques dans les sites
à risque et les conditions alimentaires. La construction et la gestion
des risques par la population des sites à risque. La
responsabilité sociale de l'entreprise dans la construction des
risques.
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