INTRODUCTION GENERALE
Nous avons choisi dans le cadre du présent
mémoire de DEA d'étudier la question de l'homme dans ses
activités et son environnement écologique. Les villes
camerounaises croissent avec sa population. Cette croissance
démographique s'accompagne généralement d'une dynamique
socio-économique. Cette dernière se traduit aussi par une
production et un rejet toujours plus grand des déchets. A Douala,
l'augmentation de la population conjuguée à une mauvaise
politique de gestion des déchets industriels génère des
problèmes d'insalubrité et de promiscuité,
entraînant l'habitation des zones à risque ; risques souvent
ignorés par les services publics car l'augmentation de la qualité
de l'effluent se traduit rarement par une intensification des mesures
antipollution. L'industrie, reflet direct du développement
économique qu'elle contribue elle même à promouvoir est une
source multiforme de pollution de l'environnement. Au nom de la
profitabilité, les entreprises ne se soucient guère de la gestion
des déchets toxiques pourtant des lignes budgétaires existent
à ce sujet. Les règlements concernant la pollution industrielle
et d'autres types de dégradation de l'environnement ont
été largement ignorés.
A Douala les systèmes de traitement des ordures
ménagères et les déchets industriels sont insuffisants et
inefficaces. Seuls certains quartiers sont inscrits dans le programme de
ramassage de ces ordures et des déchets. La situation qui prévaut
dans les zones de Maképé Missoké et Maképé
Maturité témoigne de la nature de ce fait. S'accumulent dans le
milieu naturel : détergent, métaux lourds, hydrocarbures,
matières organiques peu ou non dégradées ordures
ménagères et industrielles. Ces zones deviennent des milieux
à écologie peu fiable, sensible, attirant toutes sortes de
bêtes moins agréables pour l'existence humaine. Or c'est vers cet
environnement que les populations affluent, s'installent de plus en plus et
développent des activités socio-économiques diverses.
La ville de Douala est essentiellement marécageuse.
Mais certains sites sont aménagés et ne peuvent nullement
constituer un danger particulier pour la population. Par contre les zones
d'écoulement des déchets industriels et ménagers
constituent de véritables zones à risque. Après les
inondations de 2001 qui ont provoqué des dégâts
considérables, les pouvoirs publics ont pris l'engagement ferme de
résoudre définitivement les problèmes des zones
marécageuses. Des actions de déguerpissement ont
été menées à ce sujet. Plus de cinq ans
après, les lieux jadis déguerpis pour permettre
l'écoulement des eaux ont été de nouveaux investis par la
population. Or les zones marécageuses telles que
développées par K. FODOUOP (1992) constituent un réservoir
de maladie. En outre, ne peuvent être favorables au développement
économique. Pourtant ces sites ne cessent d'attirer la population
malgré la promiscuité et son caractère pollué. Les
sites de Maképé Missoké et Maképé
Maturité sont situés dans l'arrondissement de Douala
Ve, Département du Wouri. Ils sont issus de
l'éclatement du grand quartier Maképé depuis 1972.
Dès lors ces zones ont été rattachées au drain
Tongo- Bass (Confère Carte géographique Annexe 6). La zone de
Maképé Missoké couvre une superficie de 9km2 et
celle de Maképé Maturité 10km2. Ces zones
inondables et Marécageuses connaissent des dynamiques
socio-économiques intenses depuis 1972. Respectivement de 1000 et de
6000 habitants en 1972 (Recensement Général de la Population et
de l'Habitat : RGPH 1987), les populations de ces sites sont
passées à 7500 et 12000 en 1987. Au départ, ces zones
avaient été déclarées sites sensibles et ne
faisaient nullement l'objet de fréquentation intense. Mais le constat
aujourd'hui n'est plus le même : elles deviennent des lieux par
excellence de développement socio-économique de toute nature.
L'actuel petit marché situé entre les deux
zones n'était constitué que de quelques boutiques en 1990. Il
tend aujourd'hui à s'officialiser puisque devenu permanent et attire de
plus en plus de monde. Les activités socio-économiques se
manifestent jusqu'au plus profond des habitations où les populations
exercent en journée de petits commerces. Certaines ont même
transformé une partie de leur maison en boutiques, d'autres construisent
près de leurs cases des tentes qui servent d'abris pour vendre certains
produits comme les beignets, le haricot etc. D'autres encore installent devant
leurs cases des assiettes de cigarettes, des produits issus de la petite
agriculture du milieu. Cette dynamique socio-économique suscite des
interrogations sur les conditions de vie des populations et ses
implications; les sites à risque étant susceptibles de modifier
les comportements humains. Ce qui ne laisse pas insensible un chercheur en
sciences sociales ; car il faut comprendre les motivations des individus
à faire de plus en plus recours aux zones à risque en
dépit de toutes les interdictions et de toutes les campagnes de
sensibilisation. Aussi décrire et expliquer le mode de vie de cette
couche de la population et les risques susceptibles de modifier leurs
comportements.
La raison première dans le choix du sujet tient donc au
fait de cette observation des dynamiques socio-économiques dans les
sites à risque de Douala. Particulièrement dans les zones de
Maképé Missoké et Maképé Maturité
où des populations s'installent et exercent des activités
économiques à proximité de pollutions de toutes sortes.
Cette observation nous a poussé à une curiosité qui
était celle de connaître de cette tranche de la population :
pourquoi elle y est ? Comment vit-elle? Quel sens accorde t-elle à
ses actions, aux risques et à son environnement ? Le
déploiement des populations dans les zones géographiques et de
positionnement induit des effets de milieu tel que analysé par Y.
GRAFMEYER (1998). D'où une autre interrogation : n'y a t-il pas
d'incidences ? Cette curiosité qui était entachée
des jugements des valeurs relèvant ainsi de l'ordre subjectif s'est peu
à peu élargie et nous avons envisagé de réaliser
une recherche scientifique sur le phénomène. D'où le
thème suivant : « dynamiques
socio-économiques dans les sites à risque de Douala et ses
implications sur l'environnement social : cas des populations de
Maképé Missoké et Maképé Maturité
(arrondissement de douala ve)». Ce thème revêt un
caractère général et ne laisse pas apparaître
directement l'objet de la recherche. Mais cette formulation trouve sa
justification en ce sens que l'étude prend en compte tous les acteurs ou
les individus des sites à risque impliqués dans un ou plusieurs
activités socio-économiques.
La deuxième raison dans le choix de ce sujet tient au
fait de l'existence des littératures relatives au sujet de l'homme et
son environnement. Mais ces littératures sont inscrites de
manière globale dans la sociologie des risques. C'est le cas des
études menées par (C. GILBERT, 1999) qui identifient les risques
comme des constructions individuelles.
Les travaux sur le Phénomène
étudié sont rares au Cameroun. Ceux qui existent s'orientent plus
vers la description Physique de l'environnement à l'instar des
études engagées par K. FODOUOP (op. cit.) qui rendent compte des
problèmes liés à l'urbanisation en mettant l'accent sur
l'impact environnemental. La question relative à la croissance humaine
et économique dans les milieux à risque reste peu abordée
au Cameroun en général et à Douala en particulier. Le
retour en force du problème des conduites socio-économiques dans
les sites à risque reflète l'ampleur d'un drame social persistant
comme le montre les faits : la littérature et la multitude des
actions entreprises pour lutter contre l'occupation des sites à risque.
Ces études et actions donnent peu de clarifications et sont pour la
plupart la propriété des gouvernements et des ONG qui tentent de
mettre en place des stratégies permettant de répondre aux besoins
des populations dans les domaines de la santé, du logement etc. Les
universités africaines en général et camerounaises en
particulier se contentent de répondre aux différentes
sollicitations plus ou moins orientées pour un but précis. De
leurs différentes recherches, le phénomène n'est pas
appréhendé pour lui même, mais bien plutôt pour
répondre à d'autres besoins ou pour expliquer les situations
particulières. Or ce phénomène ne se répercute pas
seulement au niveau des idées. Il doit permettre à la classe
pensante d'analyser un mal qui ronge la société afin
d'élaborer des politiques adaptées, capables d'aider les acteurs
sociaux à l'appréhender avec plus de lucidité.
L'étude du phénomène s'ouvre alors d'un apport positif
pour la science car elle constituent l'un des champs le plus prolifique de la
sociologie (économique, des risques, de l'environnement) et revêt
le caractère d'un fait social total M. MAUSS (1968). Notre objectif
étant pour reprendre les propos de (R. T. TAGNE,
2006 :1) « de construire un corpus de connaissance
cohérent dans notre formation académique, lequel est susceptible
de déboucher à cours et à long terme à la mise sur
pieds d'un champ ou d'un pôle de recherche », lequel est
tourné vers une socio économie de l'environnement.
C'est-à-dire un phénomène imbrique qui englobe à la
fois les dimensions sociale, économique, environnemental etc. Il ne
s'agit pas de faire un étalage des questions liées à
l'environnement physique comme le font les spécialistes de
l'environnement. De cette étude, une considération est surtout
portée sur les facteurs explicatifs de la mobilité sociale et
économique dans les sites à risque, les conditions de vie de ces
populations, la perception que les individus ont de leur environnement
immédiat, et ses implications socio-économiques.
Notre volonté de contribuer à la recherche sur
les problèmes sociaux s'est trouvée renforcée par le
caractère actuel de la rénovation urbaine de Douala entreprise
depuis quelques années et dont le but principal n'est autre que
l'amélioration du paysage urbain et du cadre de vie de la population.
Notre recherche pourrait être d'un atout pour les pouvoirs publics. Elle
pourrait être utilisée non seulement dans le cadre des
stratégies de développement urbain, mais aussi dans celui de
l'amélioration des conditions de vie de la population urbaine. Car la
prise des décisions et des initiatives de développement doivent
tenir compte des réalités observées sur le terrain.
Le choix de la ville de Douala et plus
particulièrement les zones, Maképé Missoké et
Maképé Maturité s'explique par le fait que ces zones se
trouvent dans les quartiers où l'insalubrité est criarde. En
outre, elles regorgent chacune de nombreuses habitations et des structures
où les populations exercent des activités économiques au
milieu des eaux souillées, polluées des industries et au milieu
des ordures ménagères. Ces habitations et structures
économiques offrent la possibilité de trouver des personnes
cibles de notre étude, pouvant répondre à nos
préoccupations. Ainsi nous avons comme question de recherche :
Comment comprendre et expliquer les dynamiques
socio-économiques dans les sites à risque et ses incidences sur
l'environnement social ?
Comme questions subsidiaires :
Q1-comment comprendre et expliquer les dynamiques
socio-économiques dans les sites à risque de Douala en
dépit de toutes les interdictions ?
Q2- quelle perception les acteurs
impliqués ont-ils des risques ?
Q3- quelles sont les conditions de vie et
stratégies de survie de ces populations ?
Q4-Quelles sont les implications liées aux actions
des individus dans les sites à
risque ?
L'étude engagée vise donc à mettre en
exergue le rapport entre les dynamiques socio-économiques et les sites
à risque pour analyser les implications
De manière spécifique,
-Comprendre et expliquer les raisons qui poussent les
individus à s'installer et à exercer des activités
socio-économiques dans les zones à risque
-Décrire, évaluer les conditions de vie des
populations et les perceptions relatives à leur environnement
immédiat (sites à risque).
-Identifier, analyser et évaluer les implications qui
sont de deux ordres :
- implications sociales
- implications économiques.
L'étude s'articule autour de deux grandes
parties :
-la première est intitulée :
cadre théorique et méthodologique. Elle est
constituée de trois chapitres. Le premier dans un premier temps
présente les définitions des concepts clés de
l'étude, dans un deuxième temps fait les points des travaux sur
le phénomène étudié. Le deuxième circonscrit
le cadre théorique de l'étude. Le troisième chapitre
définit la méthodologie de l'étude et s'articule autour
des aspects comme, la formulation des hypothèses et la construction des
variables, les logiques de recherche, les techniques de collecte et les
méthodes d'analyse des données.
- la deuxième partie rend compte des résultats
obtenus sur les dynamiques socio-économiques dans les sites à
risque et ses incidences sur l'environnement social. Elle est constituée
également de trois chapitres. Le premier est intitulé mobiles
des dynamiques socio-économiques dans les sites à risque et
perception des risques par la population. Il s'agit ici de
présenter les facteurs explicatifs de la mobilité humaine et
économique dans les sites à risque. Ensuite la
représentation sociale des risques. Notamment la perception de
l'acuité des problèmes liés à leur cadre de vie, de
l'origine des problèmes sanitaires, des causes de l'accumulation des
ordures et de la pollution. Le deuxième est intitulé les
conditions et stratégies de vie des populations des sites à
risque. Dans ce chapitre, sont analysés deux principaux
points : les conditions de vie dans les ménages et les
stratégies de survie des acteurs. Le troisième présente
les résultats obtenus sur les implications liées à
l'habitation et à l'exercice des activités dans les sites
à risque. Il est intitulé dynamiques socio-économiques
dans les sites à risque et ses implications sur l'environnement social.
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