Contribution de la communication dans le fonctionnement du syndicalisme au Tchad:cas de l'Union des Syndicats du Tchad( Télécharger le fichier original )par Augustin DJIMLEM Université N'Djamena - maitrise 2006 |
Section 2 : L'historique du mouvement syndical auTchad. Avant 1944, rien n'interdisait la création des syndicats, mais ce n'était pas dans l'air du temps. Le 7 août 1944, un décret du gouvernement provisoire de la république française siégeant à Alger et signé du général De Gaulle, a institué des syndicats professionnels en Afrique Noire tout en assortissant leur création de plusieurs conditions. C'est après la promulgation de la loi n°1322 du 15 décembre 1952 portant code du travail des territoires d'outre-Mer que le droit syndical a été formellement reconnu « Dans le paysage peu enviable du Tchad, ceux qui détiennent le pouvoir économique ou politique s'attèlent à autre chose qu'au bien - être des populations, non seulement délaissées, mais aussi rackettées. Dans ce contexte où ce sont ceux qui détruisent qu'ils ne produisent qu'on entend, il y a une catégorie qui a choisi d'agir plutôt que de s'agiter, qui calmement, fermement, inlassablement travaille, en organisant les travailleurs du monde rural comme urbain, en oeuvrant pour les meilleures conditions de vie et de travail des salariés, la connaissance du droit des travail.... C'est celle des syndicats »5(*) Au Tchad, le mouvement syndical a connu plusieurs mutations au cours de son évolution. Cette évolution qui a été constamment ponctuée par l'intrusion du pouvoir politique et des querelles de leadership entre les dirigeants des syndicats, a été marquée tantôt par le pluralisme tantôt par le dualisme ou l'unité syndicale. 2.1- Le pluralisme syndical de la première heure Au Tchad, l'introduction des syndicats a été l'oeuvre des syndicalistes français, notamment les communistes arrivés en 1933. Au départ, les premiers syndicats étaient des sections locales des grandes centrales françaises telles que la Confédération Générale du travail (CGT), la confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), la confédération Générale du Travail -Force ouvrière (CGT-FO). Progressivement ces sections vont se transformer en des véritables centrales syndicales. Quatre organisations syndicales vont ainsi voir le jour. - Il y a d'abord l'Union Locale des syndicats du Tchad (ULST) créée en 1946 et affiliée à la CGT. Ses dirigeants étaient les camarades Aristide Issembert (d'origine gabonaise), Djimé Dari, Mambra Naïmou, jean Charlot Bakouré et Ali Salim. - Ensuite, vient la Confédération Africaine des Travailleurs Chrétiens (CATC) créée en 1950. Affilié à la CFTC, ce syndicat avait pour principaux dirigeants, Victor Malot, Gabriel Dombal et Béyéna Béisso - L'Union des Syndicats Autonomes du Tchad (USAT) créée le 31 décembre 1956 par François Tombalbaye. L'USAT était très marquée par des attaches au Parti Progressiste Tchadien (PPT). Lorsque François Tombalbaye était désigné premier Ministre en mars 1959, il avait passé la direction de ce syndicat à M. Robert Goraalah (actuel Oudalbaye Naham). L'USAT était aussi rattachée à la Confédération Générale du Travail- Force Ouvrière (CGT-FO) en France. - Enfin est créée la Confédération africaine des Syndicats Libres du Tchad (CASLT), née de la scission de l'USAT en 1957. ses principaux dirigeants étaient Mahamat Talba, Boukar Maurice, Pierre Yamara Semoko, Ahmed Christian et Ali Service. Ce sont là les principales centrales qui avaient coexisté au Tchad jusqu'à l'indépendance en 1960. Mais trois ans seulement après l'indépendance, le vent de l'unification syndicale commença à souffler. 2.2- La mise au pas des syndicats et la première unité syndicale En mai 1963, lors de la création de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) à Addis - Abéba, les chefs d'Etats africains ont adopté une recommandation spéciale demandant à tous les syndicats de se regrouper en une seule centrale. Ces centrales se devaient d'adhérer à l'Organisation de l'Unité Syndicale Africaine (OUSA) Sur ce point, il faut se rappeler que les premiers chefs d'Etat africains furent en majorité des anciens syndicalistes qui se sont servis des syndicats pour se hisser au pouvoir. Leur premier réflexe était donc tout naturellement de contrôler sinon caporaliser les syndicats dont ils connaissaient la force. Au Tchad, la campagne pour l'unification des syndicats a été entreprise par le président François Tombalbaye dès 1964. Cette campagne a eu pour conséquence la réalisation de la première unité syndicale : le 14 janvier 1964, l'Union Nationale des Travailleurs du Tchad (UNTT) est née de la fusion de l'USAT et de la CASLT. En décembre de la même année, l'ULST intègre le groupe. La première unité syndicale vient ainsi d'être réalisée. Seule la CATC, devenue Confédération tchadienne Démocratique du Travail restait à l'écart. Cependant, suite à des pressions politiques, ce syndicat finit par rallier l'Union le 08 janvier 1968. A cette occasion, l'UNTT changea de sigle pour devenir Union Nationale des Travailleurs du Tchad (UNATRAT), afin de se distinguer de la centrale togolaise qui était aussi dénommée UNTT. Mais un mois seulement après la fusion, une purge a été opérée parmi les dirigeants sous le prétexte de tentative de coup d'Etat. Plusieurs leaders de l'UNATRAT, parmi lesquels le président Maître Gabriel Dombal est alors arrêté et écroués. Certains ne seront libérés qu'en 1971 à la faveur du congrès de la réconciliation de Doyaba. Après cette purge, la direction de la centrale fut confiée à des personnes « sûres » et fidèles au Président François Tombalbaye. Dès lors, l'UNATRAT a pratiquement les mains liées et n'a aucune possibilité d'initiative. Elle est à la solde du parti au pouvoir puisque son président est appointé par le PPT. La chute de François Tombalbaye en avril 1975 n'amorça pas la délivrance de la centrale syndicale mais plutôt son déclin en raison des restrictions de libertés imposées par le régime militaire. Le syndicat unique végètera donc dans l'inaction jusqu'aux événements douloureux de 1979. Curieusement, c'est en ce moment là qu'on assiste à une renaissance du mouvement syndical. 2.3- Du dualisme à la deuxième unité syndicale En octobre 1979, une nouvelle centrale dénommée Confédération Syndicale du Tchad ( CST) a été créée à l'instigation d'anciens syndicalistes. Ce syndicat sera légalisé en novembre 1981. Le même mois, l'UNATRAT, elle aussi, renaît de ses cendres. Ces deux centrales vont coexister tant bien que mal jusqu'en 1988 sans pour autant avoir une grande marge de manoeuvre. Car à cette époque de dictature implacable, toute grève était assimilée à une tentative de coup d'Etat. En 1988, sur l'initiative du parti unique « UNIR », la CST et l'UNATRAT fusionnent pour former l'Union Nationale des Syndicats du Tchad (UNST) Cet élan unitaire allait ainsi permettre à l'UNST de démarrer son action sous de meilleurs auspices tout en gardant ses liens avec le parti au pouvoir. Mais très vite des divergences naissent parmi les dirigeants à propos de la mauvaise gestion financière entraînant du coup des affrontements feutrés entre eux. C'est dans ce contexte qu'intervient la chute du régime de l'UNIR et l'arrivée au pouvoir du Mouvement Patriotique du Salut (MPS) en décembre 1990. L'UNST est alors dissoute à l'instar de tous les mouvements affiliés à l'ancien parti unique. 2.4- Le retour de la pluralité syndicale Après cette dissolution de l'UNST par le nouveau pouvoir, une frange des dirigeants de la centrale dissoute en prend et choisit de créer une autre centrale dénommée Confédération Libre des Travailleurs du Tchad (CLTT), en avril 1991 suite à une assemblée tenue dans l'enceinte de l'Ecole Nationale d'Administration et de la Magistrature (ENAM). Ces derniers, accusés de haute trahison sont aussitôt exclus des rangs de l'UNST. Comme suite à de longs pourparlers avec le pouvoir, l'ancien syndicat unique se transforme le 23 juin 1991 en Union des Syndicats du Tchad (UST) Cette ère démocratique ouvre la voie à la création des syndicats dans les différents services de l'administration et entreprises du pays pour donner ce qu'il convient d'appeler pluralité ou multiplicité syndicale qui anime le monde du travail. Depuis lors, ce sont ces deux centrales (UST et CLTT) qui occupent le devant de la scène syndicale au Tchad sans ignorer bien sûr les syndicats autonomes tels que le SYNECS, SET, SNIT pour ne citer que ceux là. De tous ces syndicats, l'UST dispose d'un grand nombre de militants. Selon son secrétaire général, ils sont 55 000 aussi bien dans le secteur public que privé contre 42.000 militants de la CLTT et 9200 adhérents du SET. Comme on le voit, le mouvement syndical au Tchad a connu plusieurs mutations au cours de son histoire. En dehors de l'époque coloniale qui constitue l'heure de gloire du syndicalisme tchadien, cette histoire est essentiellement marquée depuis l'indépendance, par l'intrusion constante du pouvoir politique qui veut toujours avoir une mainmise sur les syndicats. Cet état de fait a conduit le pays vers la pluralité syndicale suivant les secteurs de la vie administrative. Ceci nonobstant la tendance actuelle qu'est de rendre responsables les travailleurs à tous les niveaux. Un sérieux travail de sensibilisation, d'éducation, de formation et d'information des salariés pour un bon fonctionnement des syndicats reste à faire à cet effet. C'est ce que les syndicats ou du moins l'UST tente de faire grâce à son secrétariat à la communication. Cependant l'on se demande quelle est la contribution de cette communication dans le fonctionnement des syndicats tchadiens ?
CHAPITRE II : LA CONTRIBUTION DE LA COMMUNICATIONDANS LE SYNDICALISME TCHADIEN La communication dans le milieu syndical est très importante parce qu'au Tchad, beaucoup de militants ne connaissent pas leurs revendications, libertés syndicales et autres droits humains faute d'une communication rigoureuse. Pour mener cette lutte sociale il faut que les militants soient informés ; car « le syndicat est un instrument de développement humain, social qu'il fallait faire, qu'il fallait s'organiser en solidarité. Et pour cela, Il faut de l'information et la communication »6(*), a indiqué M. Brahim Ben Seid, Président de la CLTT Pour le premier responsable de cette centrale syndicale, la communication et l'information ont été déterminantes dans la vie de leur syndicat depuis sa création; car nul ne peut imaginer au monde une organisation vivre ou fonctionner sans information et communication. Au niveau de cette organisation syndicale, l'information passe à tous les niveaux à travers le secrétariat à la communication, les secrétaires qui sont à la base. Bloquer la communication c'est bloquer sinon étouffer le syndicat, a-t-il relevé. Le syndicalisme tchadien en général se prétend de masse. L'ambition de chaque organisation syndicale est de regrouper le plus grand nombre possible de travailleurs et travailleuses de toutes catégories sociales pouvant être solidaires dans le respect de la philosophie, de la religion et des motivations de chacun pour la défense collective des intérêts communs. Sont concernés tous ceux qui veulent s'unir pour construire ensemble une société démocratique basée sur les valeurs idéologiques auxquelles le syndicalisme tchadien se réfère. Sans la communication on ne peut convaincre les travailleurs à intégrer les syndicats ou à concevoir une politique de lutte syndicale efficace. Elle a permis et permet aux syndicats d'agir en synergie. Elle est également considérée par beaucoup comme un élément de résolution de conflits interne ou externe et de stratégie que les différents syndicats tchadiens ont adopté dans leur fonctionnement. Ce sont les difficultés à résoudre et le contexte socio - politique qui ont mis en évidence la nécessaire collaboration des hommes pour défendre leurs intérêts communs. Cette collaboration passe inévitablement par la communication de qualité qui, elle-même, sous-tend la motivation ambiante. Dès lors, la communication apparaît, tel un puissant outil des syndicats pour produire des informations à l'intérieur et à l'extérieur de leur organisation notamment à l'endroit du patronat, du gouvernement tchadien et éventuellement à l'opinion internationale surtout au Bureau International du Travail (BIT) et autres organisations internationales soeurs. Ainsi pour emporter l'adhésion de leurs membres et dans le cadre de la stratégie de la défense de leurs intérêts, les syndicats tchadiens, dans leur fonctionnement, disposent généralement des secrétaires chargés de la communication et de l'information. Leur rôle est d'élaborer des stratégies et de s'occuper de la communication interne et externe suivant les objectifs clairs qu'ils poursuivent. Section 1 - La communication interne dans le syndicalisme tchadien. La communication interne concerne tous les échanges au sein même des organisations syndicales. C'est le plus souvent une communication à caractère informative. Elle tente de motiver et d'harmoniser les relations à l'intérieur des syndicats mais tient surtout à informer les militants syndicaux des activités de leur mouvement, des nouvelles relatives aux conditions de travail, le compte rendu des négociations ou des revendications. Au delà de ces objectifs, la communication interne participe à l'éducation et à la formation des syndiqués sur leurs droits et devoirs. Cet ensemble des actions d'informations internes est réalisé par les chargés de la communication dont les termes de référence de mission consistent à mettre en oeuvre les principes d'une politique de communication des syndicats à tous les niveaux. Ces chargés de communication ont généralement une bonne connaissance de la chose syndicale et de ses membres. S'ils ne sont pas des professionnels du métier de la communication, ils sont choisis suivant un certain nombre de critères : disposer d'une potentialité intellectuelle, faire preuve d'un engagement aux choses syndicales, savoir écouter, pouvoir dialoguer, savoir prendre les autres en considération, inspirer la confiance, avoir le souci de la vérité, être objectif, compréhensible, rigoureux et savoir enfin gérer le flux des informations issues du milieu interne comme externe. Cette communication interne des syndicats repose essentiellement sur trois types de communications qui sont : la communication descendante, la communication ascendante et la communication interactive ou interpersonnelle et ce, en fonction de la politique communicationnelle adoptée par chaque syndicat. 1.1- la communication descendante La communication descendante est, par définition celle qui part du haut de la pyramide de la hiérarchie syndicale pour atteindre les employés membres des syndicats. Ces informations descendantes peuvent provenir des responsables de différentes structures syndicales ou du bureau central. Elles touchent le public cible soit par relais, soit par des écrits. Cette communication selon les intéressés, répond à une première fonction pratiquement obligatoire, la diffusion des informations réglementaires. Ces informations bénéficient des supports constitués par les panneaux ou tableaux d'affichage. Ces supports accueillent le règlement intérieur, les notes de service, les communiqués de presse relatifs à une situation donnée, ou communiqués simples d'information et les documents émanant des délégués syndicaux. La communication descendante permet aux syndicats de mieux faire connaître l'environnement de leur organisation et leur organisation elle-même. Elle est considérée par les syndicats comme mode de communication et d'information au service des militants des syndicats afin de leur donner le sentiment réel qu'ils sont pris en considération, et leur permettre de se situer dans l'organisation syndicale et le fonctionnement de celle-ci. C'est à ce prix qu'on peut davantage obtenir leur adhésion. Pour un bon fonctionnement, les syndicats font usage des moyens de communication les mieux adoptés de l'époque. La radio ratisse bien entendu un large public mais son accès n'est pas une sinécure en raison des soubresauts et tensions sociales sous les régimes tchadiens auxquels évoluaient à l'époque les syndicats. Les moyens de communication descendante utilisés sont les notes de service, lettres et circulaires, les tracts, les tableaux d'affichage, les points de presse, discours et visites du président des syndicats, le rapport annuel, les réunions formelles. On ne constate pas les traces du journal d'information interne des syndicats. En clair, s'il y a une communication interne dans les organisations syndicales de l'époque selon notre enquête, ce serait obligatoirement la communication descendante. Voici le schéma de fonctionnement de la communication descendante adopté dans la plupart des organisations syndicales tchadiennes et qui tient lieu de tradition jusqu'aujourd'hui.
INFORMER
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CONVAINCRE
FAIRE ADHERER * 5 Maitre Dombal Djimbague Gabriel, « Ces syndicats qui aident les travailleurs à survivre » in N'Djamena Bi - Hebdo n°72 du 11 janvier 1991 * 6Brahim Ben Seid, Entretien avec Djimlem Augustin le 14 octobre 2006 |
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