Les eaux usées sont toutes les eaux qui sont de nature
à contaminer les milieux dans lesquelles elles seront
déversées. C'est pourquoi, dans un souci de respect de ces
différents milieux, des traitements sont réalisés sur ces
effluents (collectés par le réseau d'assainissement). Ces
derniers sont débarrassés de leurs plus grands déchets, au
cours des prétraitements, jusqu'aux infimes polluants, au cours des
traitements tertiaires.
Les traitements secondaires biologiques, boues activées,
lagunage naturel et aéré sont les traitements les plus
fréquemment utilisés en Algérie.
Le recours aux traitements tertiaires reste minoritaire et
réservé aux traitements poussés des effluents, du fait
qu'il présente de nombreux inconvénient, à savoir :
· Des coûts d'investissement importants ;
· Les ultraviolets (UV) ne sont applicables que pour de
faibles quantités d'eau ;
· La surchloration peut s'avérer
cancérigène.
Le lagunage naturel est un mode épuratoire
écologique, rustique et peu onéreux du fait de son fonctionnent
non mécanisé, qui donne des résultats satisfaisants et qui
s'avère adapté pour la réutilisation des eaux
épurées.
Nous essayons dans notre étude de vérifier
(contrôler) l'efficacité du lagunage naturel dans la
dépollution des eaux usées ; pour pouvoir ensuite évacuer,
sans risques, les eaux traitées dans le milieu naturel et
éventuellement envisager leur réutilisation.
La figure 1 illustre les diverses origines des eaux
usées, les différents traitements effectués sur ces
effluents au sein d'une station d'épuration et enfin leur devenir.
Origine
Domestique
Origine
Industrielle
EAUX USÉES BRUTES
Origine
Agricole
Origine
Pluviale
RÉSEAU D'ASSAINISSEMENT
STATION D'ÉPURATION
-
PRÉTRAITEMENTS
Coagulation/
Floculation
TRAITEMENTS
SECONDAIRES
Éliminations :
Azote
Phosphore
1
3
Décantation
-
Filtration
Désinfection
-
Désodorisation
Dégrillage
Traitements
Anaérobies
-
Dessablage
2
-
4
-
Déshuilage
TRAITEMENTS
PRIMAIRES
Traitements
Aérobies
TRAITEMENTS
TERTIAIRES
BOUES
Rejets :
Lacs, Oueds, Mer,
...
-
Réutilisations :
Irrigation, Industrie, ...
EAUX ÉPURÉES
Valorisation en Agriculture :
Boues
Humifiées
-
Récupération :
Traitements
Secondaires
Figure 1 : Origines, traitements et devenir des eaux
usées.
Introduction :
Parmi les divers procédés d'épuration
des eaux usées, dont l'application dépend des
caractéristiques des eaux à traiter et du degré de
dépollution souhaité, figure le lagunage naturel.
Moyen rustique d'épuration des eaux usées, il se
distinct des autres techniques de traitement réputées intensives
par de nombreux avantages. Ce procédé écologique, simple
et peu onéreux se base sur les phénomènes responsables de
l'autoépuration des cours d'eau.
3.1. Définition :
Le lagunage est une technique biologique d'épuration
des eaux usées, où le traitement est assuré par une
combinaison de procédés aérobies et anaérobies,
impliquant un large éventail de micro-organismes (essentiellement des
algues et des bactéries). Les mécanismes épuratoires et
les micro-organismes qui y participent sont, fondamentalement, les mêmes
que ceux responsables du phénomène d'autoépuration des
lacs et des rivières (PEARSON, 2005).
3.2. Principe de fonctionnement :
Le lagunage se présente comme une succession de
bassins (minimum 2 et généralement 3) peu profonds (le plus
souvent rectangulaires) dits lagunes. La surface et la profondeur de ces
lagunes influencent le type de traitement (aérobie ou anaérobie)
et confèrent un rôle particulier à chacune d'entre-elles.
L'épuration par lagunage consiste à faire passer des effluents
d'eau usée par écoulement gravitaire de lagune en lagune
où la pollution est dégradée par (VALIRON, 1983) :
· L'activité bactérienne ;
· L'activité photosynthétique et
l'assimilation des substances minérales ;
· Le pouvoir germicide de la lumière et de certaines
algues.
Les matières en suspension de l'eau brute
décantent dans le bassin de tête. Les bactéries assimilent
la pollution dissoute, et l'oxygène nécessaire à cette
dépollution, est assuré par l'action chlorophyllienne de
végétaux qui participent aussi à la synthèse
directe de la matière organique :
· les microphytes ou algues microscopiques ; ce sont
essentiellement des algues vertes ou bleues difficilement séparables
;
· les macrophytes ou végétaux
macroscopiques, qui comprennent des formes libres (ex. lentilles d'eau) ou
fixées (ex. roseaux). Les jacinthes d'eau peuvent s'enraciner ou non.
Les végétaux supérieurs jouent un rôle de support et
doivent normalement permettre d'augmenter la quantité de
bactéries et d'algues épuratrices. (DEGREMONT, 1989).
Les microphytes sont consommés par le zooplancton, et les
macrophytes filtrent l'eau en sortie avant rejet.
L'ensemble de ces phénomènes apparait dans
plusieurs bassins en séries, ce qui autorise l'étagement des
phénomènes épuratoires.
Le processus épuratoire qui s'établit dans une
lagune est particulièrement intéressant, car c'est un
phénomène vivant, un cycle naturel qui se déroule
continuellement. La figure 2 schématise les principaux cycles
biologiques se développant dans une lagune.
ENTRÉE
DE
L'ÉFFLUENT
bactéries
matières organiques
VENTS
microphages
ÉNERGIE SOLAIRE
macrophytes
microphytes
décomposeurs
(bactéries
champignons)
consommateurs
animaux
carnivores herbivores
producteurs
végétaux
détritiphages
sels minéraux solubles
matières organiques
solubles
détritus
SORTIE
DE
L'ÉFFLUENT
TRAITÉ
macrophytes
microphytes
consommateurs
sels
minéraux
résidus organiques
Figure 2 : Cycles biologiques d'une lagune
(d'après CEMAGREF dans DEGREMONT, 1989).
La figure 3 illustre un exemple de lagunage constitué de
trois bassins (de surface et profondeur décroissante) disposés en
série.
Eau Usée
Brute Digue
carrossable
egrillage
phoIde
Eau Usée
Épurée
Bassin n°1 Bassin n°2 Bassin
n°3
Étanchéité
Tuyau en T
Figure 3 : Schéma d'un lagunage à trois
bassins. 3.3. Les différents types de lagunage :
Selon que les lagunes soient artificiellement
aérées ou pas, on distingue deux types de lagunages :
3.3.1. Le lagunage naturel :
Ce sont des bassins artificiels et
imperméabilisés, de faible profondeur pouvant recevoir des
effluents bruts ou prétraités et où la recirculation des
boues biologiques décantées n'est pas réalisée, et
la concentration de la biomasse épuratrice reste faible.
Alimentées d'effluents à traiter, les lagunes naturelles sont
nommées étangs de stabilisation (KOLLER, 2004), que l'on classe
en fonction des filières de développement des bactéries en
trois catégories : anaérobies, aérobies ou facultatifs
(mixtes).
Différents assemblages de ces bassins sont possibles en
fonction des conditions locales, des exigences sur la qualité de
l'effluent final, du débit à traiter, ...
A titre d'exemple, si l'on souhaite un degré de
réduction plus élevé des organismes pathogènes, on
dispose les bassins en série comme suit : étang anaérobie,
facultatif puis anaérobie (CHAIB, 2004).
Le lagunage naturel peut être utilisé, en
traitement complet des effluents ou en traitement tertiaire, pour affiner la
qualité de l'eau traitée par une boue activée (
ex. la désinfection) (DEGREMONT,
1978).
3.3.1.1. Étangs anaérobies :
Les étangs anaérobies sont
caractérisés par un manque d'oxygène dissous causé
par une forte DBO5 (100-400 g/m3/jour), et les solides en suspension
s'y déposent facilement ; ils forment sur le fond une couche où
les bactéries anaérobies décomposent la matière
organique. Un des résultats est la production de gaz :
l'hydrogène sulfuré (H2S) et le méthane (CH4) qui
s'échappent vers la surface sous forme de bulles.
Typiquement, ces lagunes ont une profondeur de 2 à 5 m
et le temps de séjour de l'effluent y est de 3 à 5 jours. Ils
reçoivent des effluents bruts et mènent à des
réductions de la DBO5 de 40 à 60 % et des solides en suspension
de 50 à 70 %.
En générale, on n'y trouve pas de micro-algues
à cause des conditions défavorables à leur croissance
(SEVRIN-REYSSAC et al, 1995).
3.3.1.2. Étangs aérobies :
Les étangs aérobies ou de maturation sont peu
profonds (0,8 à 1,2 m) où la lumière peut
pénétrer et favorisant le développement d'algues vertes.
Par leur action photosynthétique, les algues produisent de
l'oxygène qui permet le développement de bactéries
épuratrices aérobies (DEGREMONT, 1978).
Le temps de séjour dans ces étangs est beaucoup
plus long, de 12 à 18 jours ou plus, et permet un traitement d'effluent
déjà partiellement épuré (SEVRIN-REYSSAC et al,
1995). Ces étangs sont caractérisés par (ANRH,
1996)1 :
· Charge (Kg DBO5/ha/jour) : 111 à 112 ;
· Rendement (% de DBO5) : 80 à 95 % ;
· Concentration en algues (mg/l) : 100.
3.3.1.3. Étangs facultatifs :
D'une profondeur de 1 à 2 m et un temps de
séjour de 4 à 6 jours (SEVRIN-REYSSAC et al, 1995), ces
étangs fonctionnent dans des conditions telle que la partie
supérieure entretient un milieu aérobie, riche en algues et en
micro-organismes aérobies, alors que le fond, couvert de
sédiments organiques, est le siège de fermentation
anaérobie ; entre ces deux zones règne un milieu de transition
favorable aux bactéries facultatives (BEAUDRY, 1984).
1 ANRH : Agence Nationale des Ressources Hydrauliques.
Les fermentations benthiques donnent lieu à un
dégagement de méthane (CH4), de dioxyde de carbone (CO2),
d'hydrogène sulfuré (H2S) et d'ammoniac, ainsi que de
composés organiques de faible masse moléculaire.
Ce produit alimente la flore des zones supérieures et
les composés minéraux dégagés entretiennent les
algues ; une certaine fraction de ces algues meurent et se sédimentent,
venant s'ajouter au lit de boues (BEAUDRY, 1984).
3.3.2. Le lagunage aéré :
Ce sont de vastes bassins constituant un dispositif
très proche du procédé à boues activées
à faible charge. On y effectue une épuration biologique
bactérienne comme celle qui se pratique naturellement dans les
étangs, en apportant de l'extérieur par insufflation d'air ou
oxygénation au moyen d'aérateurs de surface, l'oxygène
nécessaire au maintien des conditions aérobies des
bactéries épuratrices.
Bien que théoriquement elle ne s'impose pas, une
recirculation de l'eau traitée et parfois des boues biologiques en
tête de lagune est souvent pratiquée. Elle permet
d'améliorer le mélange complet et d'assurer une meilleure
répartition de la biomasse.
Il est rare, en raison de la concentration relativement
élevée en matières en suspension, que l'on puisse rejeter
directement l'effluent traité à l'exutoire sans
décantation finale (KOLLER, 2004).
3.4. Influence des conditions climatiques sur les
performances du lagunage :
Le microclimat est le climat local auquel sont soumises les
lagunes, il résulte de l'action de plusieurs facteurs qui jouent un
rôle important dans l'implantation du lagunage naturel ; ce sont
principalement :
3.4.1. La durée du jour et l'intensité de
l'ensoleillement :
La durée du jour conditionne, dans une certaine
mesure, la vitesse de multiplication du phytoplancton. L'intensité de
l'ensoleillement a une influence sur l'activité photosynthétique
des végétaux. Si le ciel reste couvert pendant plusieurs jours,
surtout en été alors que le phytoplancton est abondant, la
production de l'oxygène due à la photosynthèse pendant la
journée devient moins importante, ce qui risque d'entrainer une
désoxygénation passagère (SEVRIN-REYSSAC et al, 1995).
3.4.2. La température :
Les écarts de température exercent une
influence sur le bon fonctionnement des systèmes de lagunage naturel. La
croissance des algues est favorisée par une température
élevée. Lorsqu'ils sont bien ensoleillés et bien
oxygénés, les bassins aérobies ne dégagent pas
d'odeur. Un ciel nuageux, plusieurs jours de suite, affaiblit le
phénomène de photosynthèse créant ainsi des zones
anaérobies dont les produits de fermentation conduisent à de
mauvaises odeurs. La température intervient aussi dans le calcul du
dimensionnement des installations ; les moyennes mensuelles des cinq
dernières années doivent alors être connues (ANRH,
1996).
3.4.3. Le régime des vents dominants dans la
région et leur orientation :
Les vents dominants sont ceux dont la direction est la plus
fréquente. Ce régime des vents étant connu pour une
région donnée, nous permet de fixer l'implantation du
système de telle sorte à éviter le rabattement sur les
habitations des mauvaises odeurs susceptibles de provenir de l'installation, et
de ne pas avoir des effets néfastes sur l'ouvrage (dégradation
des digues par batillage) (ANRH, 1996).
3.4.4. L'évaporation :
L'évaporation est un facteur très important.
Elle est très intense en période estivale (10 à 15 mm/j).
Conjuguée à une infiltration importante, elle peut être
néfaste et doit donc être prise en considération lors des
calculs de dimensionnement des bassins (ANRH, 1996).
3.4.5. La pluviométrie :
Elle devrait également être connue pour le calcul
de la hauteur des digues, afin d'éviter tout risque éventuel
d'inondation (ANRH, 1996).
3.5. Exploitation du lagunage :
L'exploitation des lagunes aérobies ou facultatives
n'exige que peu d'expertise, puisque le préposé à cette
tâche ne peut influencer les paramètres fondamentaux à
l'exception de la hauteur d'eau.
Il devrait néanmoins, à intervalles
réguliers, prendre des mesures de certaines variables telles que le
débit d'arrivée, la hauteur d'eau, la charge organique, la
turbidité, la température et la DBO de l'effluent ; il doit
prendre note des phénomènes anormaux ou singuliers qui peuvent
influer sur le comportement de l'étangs : prolifération
inusité des algues, gel, perte inexpliquée de niveau, etc.
Dans le cas des étangs aérés, il
convient de vérifier le fonctionnement des dispositifs d'aération
et la concentration en oxygène dissous de l'effluent. En revanche, il
faut porter une attention particulière à l'entretien
général de l'étang, des digues, de la clôture et du
terrain compris dans l'enceinte (BAUDRY, 1984).
3.6. Contraintes d'exploitation :
Parmi les contraintes d'exploitation, il faut signaler les
suivantes :
· Passage de l'exploitant une à deux fois par
semaine ;
· Suppression des mauvaises herbes ;
· Suppression des rongeurs ;
· Suppression des matières flottantes ;
· Limitation de la prolifération d'insectes par
l'emploi judicieux d'insecticides ;
· Très faible technicité requise pour
l'exploitant ;
· Très faible consommation énergétique
(voire nulle) ;
· Curage contraignant et coûteux des boues, tous les
1 à 5 ans, dans le bassin de tête, tous les 10 à 20 ans
dans tous les bassins.
3.7. Avantages et inconvénients du lagunage :
3.7.1. Avantages :
Le lagunage naturel présente de nombreux avantages par
rapport aux procédés classiques :
· Excellente élimination de la pollution
microbiologique ;
· Faibles coûts d'investissement et de fonctionnement
;
· Raccordement électrique inutile ;
· Très bonne intégration paysagère
;
· Valorisation aquacole et agricole de la biomasse
planctonique produite et des effluents épurés ;
· Boues peu fermentescibles ;
· Bonne élimination de l'azote (70 %) et du
phosphore (60 %).
3.7.2. Inconvénients :
A l'inverse, le lagunage naturel présente les
inconvénients suivants :
· Variation saisonnière de la qualité de
l'eau en sortie ;
· En cas de mauvais fonctionnement, risque d'odeurs, de
moustiques, de rongeurs ;
· Emprise au sol importante ;
· Difficultés d'extraction des boues ;
· Pas de réglage possible en exploitation ;
· Sensibilité aux effluents septiques et
concentrés.
Conclusion :
Le lagunage est fortement dépendant des conditions
climatiques (essentiellement de la température), et la qualité
des rejets peut donc varier selon les saisons. L'emprise au sol est
relativement importante. Les coûts d'investissement sont non seulement
dépendants du prix du terrain, mais aussi de la nature du sol. Sur un
sol perméable, il sera indispensable d'ajouter un revêtement
imperméable, et dans ce cas, l'investissement peut s'avérer
onéreux, voire difficilement abordable.
Malgré ces défauts, le lagunage reste une
technique efficace (également pour l'azote, le phosphore et germes
pathogènes) bon marché, ne nécessitant pas de construction
en dur (génie civil simple) et s'intégrant parfaitement au
paysage. De plus, aucun apport d'énergie n'est requis si le terrain est
en pente.
Au sein du lagunage naturel et par les processus biologiques
qu'ils créent, les organismes jouent un rôle distinct mais
complémentaire dans l'épuration des eaux usées en formant
un parfait équilibre biologique naturel.
Le Zooplancton