Contribution de l'oralité à l'étude des relations entre les pygmées Baka et les Bantous au sud-est du Cameroun ,des origines à 1960( Télécharger le fichier original )par Joseph Jules SINANG université de yaoundé1, Cameroun - maà®trise 2004 |
B. L'ethnonyme Pygmée BakaLe terme pygmée est un pseudonyme universel que les Grecs ont donné aux hommes de petite taille. Il signifie nabot ou nain. Homère fut le premier à l'utiliser au IVe siècle avant J.C. dans les récits de la guerre de Troie5(*)8. Toutefois, il convient de relever que les anciens Grecs ne connaissaient les Pygmées d'Afrique que des traits légendaires. Ce sont les Egyptiens anciens qui les premiers firent leur connaissance. C'est ce qui ressort des aventures d'Irkhouf, chef de guerre du Pharaon Pepi II qui ramena au souverain les captifs de guerre parmi lesquels un nain du «pays des esprits» et des «arbres» qui fut un grand danseur de la cour5(*)9. D'après le nom qu'ils se donnaient, les Egyptiens les nommaient Aka ; c'est cette inscription que l'on retrouve en hiéroglyphe sur une pyramide en dessous d'un nain agenouillé devant le Pharaon, figure de sa nation vaincue6(*)0. Ce nom revient dans les écrits du chercheur allemand Schweifuth, auteur de leur redécouverte au XIXe siècle. Dans son ouvrage intitulé Au coeur de l'Afrique, il les présente au chapitre VII sous le nom Aka qu'ils portent dans cette région6(*)1. C'est également par ce même nom qu'ils se désignent dans leurs légendes les plus anciennes, leurs chants, leurs incantations6(*)2. Les Pygmées depuis les origines se désignaient eux-mêmes par le nom d'Aka qui signifie en égyptien «les hommes» ; ils se reconnaissent donc comme tels. Ainsi, dans toutes les tribus, le nom originel est «Hommes». Il en est ainsi du terme Bantou qui selon E. Mveng, est le pluriel de Ntu et signifie «les hommes»6(*)3. L'expression «les pygmées Aka» utilisée pour désigner les Pygmées d'Afrique centrale veut dire «les hommes nains». Ceci restitue leur humanité aux Pygmées de façon décisive. Pour ce qui est des Pygmées du Sud-Est Cameroun, ils ont été présentés par le père Schebesta comme étant les Babinga ; terme qui signifie les «hommes de la sagaie»6(*)4. A la question du père Dellemmes de savoir pourquoi ils se nomment eux-mêmes Baka, ils répondent qu'ils ressemblent aux oiseaux qui ne tiennent pas en place ; qui se posent un instant sur la branche (Bakama) avant de s'envoler6(*)5. Ce nom symbolise donc la liberté et la grande mobilité qui les caractérisent. Examinons à présent le problème de leurs origines. C. L'ancienneté des PygméesLa question de l'ancienneté ou de l'antériorité des Pygmées dans la forêt reste l'une des préoccupations majeures des études relatives à ce peuple. Bon nombre de mythes du Cameroun méridional font intervenir les Baka comme une population autochtone préétablie et subissant l'invasion des Bantou. Les légendes recueillies dans les cantons Mpoum-po'oh et Kounabeemb relatent que les Pygmées habitaient les troncs et les souches d'arbres d'où les Bantou sont venus les déloger6(*)6. Les Bangando et les Essel affirment que leur rencontre avec les Pygmées s'est déroulée lors de leurs migrations et que ces derniers leur ont servi de guide dans leur progression et parfois d'éclaireurs lors des différentes campagnes guerrières6(*)7. Ces traditions affirment de façon unanime l'antériorité des Pygmées dans l'univers sylvestre du Sud-Est malgré l'absence des données archéologiques. Par contre, Nda Ywell E Ziem, à partir des faits de l'histoire du Congo, estime que l'antériorité des Pygmées sur les Bantou est contestable. Pour cela, il Photo :une population au caractéristiques physiques prononcées s'appuie sur les similitudes dans le domaine de l'autosubsistance. Aussi écrit-il que «la population archaïque de la région aurait été de deux sortes : les `grands hommes' et les `petits hommes' à l'instar de la situation actuelle»6(*)8. Ce point de vue remet sur la sellette la thèse de l'origine des Bantou en Afrique centrale où ils ont toujours vécu aux côtés des Pygmées. Au demeurant, cette thèse établit l'ancienneté de deux communautés dans la région tout en infirmant l'antériorité des Pygmées sur les Bantou , antériorité attestée par les traditions orales qui ont désormais droit de cité dans l'historiographie africaine depuis que le mythe du document écrit s'est effondré. Ainsi, nous préférons nous en tenir aux propos du Père Trilles qui estime que «les Pygmées constituent la race la plus ancienne vivant actuellement sur la terre»6(*)9. A observer leur mode de vie dans cet environnement, ils se comportent en véritables maîtres des lieux. Ils auraient tout simplement changé d'emplacement. Pour être complet dans cette présentation, il serait utile d'esquisser le portrait physique du Pygmée, qui tout au moins, reste sa principale caractéristique. * 58 E. Endamena Atem, Evolution des Pygmées Baka de Mintom, Yaoundé, MINREST, 1992, p.5. * 59 E. Mveng (R.P.), Histoire du Cameroun, tome I, Yaoundé, CEPER, 1984, p. * 60 Ibid. * 61 Trilles(R.P.), l'âme du Pygmée...P.46. * 62 Ibid.. * 63 E. Mveng (R.P.), Histoire du Cameroun, tome I, Yaoundé, CEPER, 1984, p.23. * 64 Il les identifiait à leur mode de vie où la chasse est la principale activité. * 65 Dellemmes (R.P.), Le père des Pygmées, Paris, Flammarion, 1985, p.55. * 66 Zila Emile, entretien du 7 novembre 2004 à Massiang. * 67 Les Baka que nous avons rencontrés ont confirmé ces informations. * 68 Ndaywel Enziem, «L'Afrique centrale ancienne : les hommes et les structures», T. Obenga (éds.), Le peuple Bantou migrations, expansion et identité culturelle, tome I, Paris, L'Harmattan, 1989, p.256. * 69 Trilles (R.P.), L'âme du Pygmée ..., p.31. |
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