CI Les conflits ou le lien à la terre. Histoires
de possession
Rapport à la terre et défense contre
l'invasion
d.
rappOri tbncier CSI un rappoTT social deternime par
l'appropriation de l'espace
Tout lopin de terre semble sujet à des invasions
--occupations informelles et illégales des sols,
impliquant une forme de possession "de fait"(illégale)
(voir détail de la 3ème partie -
Depuis le début, on me racontait les invasions qui
avaient eu lieu à la Vizcachera et la résistance inflexible des
habitants. Je pensais que simplement, ils s'opposaient à ce que des
individus prennent possession d'une partie de leurs terres, sans que leur
installation passe par une décision de la communauté! Mais ces
invasions étaient bien plus pernicieuses I
« La ronde nocturne, c'est pour
protéger la zone. Ils veulent nous virer nous, ils veulent nous retirer
ces terres...11 y a un type qui a acheté ici : il veut
nous les enlever... Non il n 'habite pas ici. Il y a un jugement, et lui est
avec le président de l 'association.
« Ori les empêche de s'installer. Quand ils
arrivent et veulent envahir : on Tes vire, jusqu'à leur lancer des
pierres. On fait la guerre ... Asqu 'à maintenant, aucun n'a
réussi à envahir
Il y a un jugement, mais les terres communales,
ils ne peuvent pas nous les enlever !... [Elle parle aussi des
invasions à El ('hivo, un cerro de
Campoy, qui a fait parler de lui : beaucoup de violence... presque une petite
guérilla]
L]
|
« Tout le pueblo, nous avons lutté
pour défendre nos terres. On les a jeté avec leurs esteras17
1, quand ils envahissent. Il y a 2 ans, ils sont venus envahir, ils sont
arrivés tard, vers 20h... Il (le trafiquant) avait engagé des
gens de mauvaise vie ("gente de mal vivir') pour nous virer... Dans ces cas,
ils viennent en masse ! Un mois de repos, et de nouveau ils
venaient ! Mais c'était dans un autre »
« .lis utilisent des innocents, en leur donnant 20 ou
30 Soles. On les arnaque. On leur dit qu'ils vont avoir leur terrain. C'est les
gens de Mosquero (le trafiquant) qui lima ça, pour nous retirer le
terrain. Mais on les a virés 111 y a eu des morts (un petit vieux).
»
|
Nombreux sont ceux qui commentent la violence de ces
affronts...Il. existe un certaine violence dans le rapport à l'espace,
au sol et à la terre. Un rapport très exclusif (Voir
paragraphe sur les "murailles" de Lima)
170
Etietme LE ROY : 1991 (cf txt analyse anthropo
-juridique novatrice)
In « Avec leurs esteras » : figure
typique de l'envahisseur qui vient à pied, traînant ses 5 nattes
de paille qui permettent l'édification d'une cabane, 16'
installation et occupation des lieux.
« On est venu parce qu'il fallait occuper le
terrain de mon beau-père i« antiguo » qui
est parti habiter ailleurs]. La communauté disait qu'ils allaient nous
enlever le terrain. Il n'y avait pas de mur autour, rien. C'est pour ça
qu'on est venu mettre un mur d'enceinte, puis y habiter. D'ailleurs, on me
demande toujours de laisser l'autre moitié du terrain, qui sert de
garage [son époux est chauffeur et y gare son conrbi ...mais il reste
beaucoup de place bien sûr, on refuse... »
Une vieille dame m'interrogeait : « mais pourquoi tu
ne t'achètes pas un terrain ici ? Quand tu ne seras pas là, je le
surveillerai... ». Pourquoi pas ! Il me reste à construire la
maison de mes mains... Comme quoi, il faut être sur place, ou faire
garder ses terres
Le sens symbolique de la terre :
Propriété et communauté
\Lur, --`
Ce conflit laisse entendre que les terres communales sont
précieuses, vu cette défense acharnée. On s'en rend
également compte par les prises de position qui provoquent des scissions
entre les groupes --qui ont des effets conséquents sur la vie commune,
n'oublions pas que la solidarité et la réciprocité
comptent beaucoup dans les activités en tout genre --, c'est dire
combien le statut d'occupation du sol et le rapport du « nous »
à la terre sont importants.
Mais les terrains ne représentent-ils pas aussi, en
raison de rusufruit" (rachat", dans les dires) d'un "lot", ce terrain propre,
cette maison à soi, que chacun est venu chercher ? N'y a-t- il pas
là une contradiction, entre un désir de "chez soi", qui passe par
la propriété et ces terres dont ils jouissent mais qui
appartiennent à la communauté ? Cela n'a-t-il que peu
d'importance tant que les habitants ont "leur terrain", ou est-ce une
première étape, en vue de pouvoir eux aussi "formaliser" leur
statut foncier et obtenir les titres de propriété ? Le dirigeant
a laissé entendre qu'évidemment, ils procéderaient
à cette régularisation, une fois qu'ils auraient réussi
à donner un terme à ce conflit.
Il peut sembler étrange de voir un tel attachement au
sol commun... J'ai remarqué antérieurement que l'acquisition d'un
« lot », d'une parcelle, d'un terrain était mis en avant par
les habitants pour justifier leur venue et que cela semble être une
réelle quête dans le parcours de migrant vers l'acquisition d'un
"chez soi" et la construction d'une vie commune. Pourquoi les gens s'attachent
autant à ces terres, à posséder "la leur", s'ils n'en sont
pas réellement propriétaires ? Cela peut, peut-être, nous
expliquer pourquoi certains rejoignent le groupe dissident.
En effet la propriété représente l'avenir
de la communauté, puisqu'elle s"aligne"avec la tendance actuelle et peut
prétendre elle aussi à ses avantages. On réalise aussi
l'impact du système achat/vente, alors que tout est régi par des
systèmes communaux, de possession (et ailleurs des possessions
informelles).
Plus symboliquement, c'est peut-être un signe de
réussite, d'ascension sociale, de stabilité dans l'incertitude
de la migration et une certaine « indépendance » vis à
vis de la grande ville et des rapports de domination qui peuvent devenir
aliénants (se libérer de la "domination"
d'un autre - patron d'entreprise ou d'atelier, cousin, oncle ou
compadre, maîtresse de maison pour les empleadas174,
etc.), une sensation de liberté ?
Evolution et avenir de la
communauté
Peut-on encore parler de communauté ? Certes, il s'agit
encore d'une communauté campesina, mais la dimension qu'elle a prise ces
dernières années ne lui réserve-t-elle pas une existence
incertaine pour ces prochaines années... ? Elle n'est plus cette
communauté de l'"entre-soi" peut-être prévue par les
fondateurs, s'agrandissant tous les jours. Aujourd'hui elle est divisée
par des intérêts divergents qui lui vouent peut-être un
autre futur._ La lutte des comuneros saura nous le dire.
En outre, ne peut-on pas présager qu'elle appartiendra
peut-être à Lima... Les habitants évoquent parfois cette
possibilité...
Cela nous pose la question de l'avenir des terres communales,
dans un tel contexte. Sont-elles vouées à être
urbanisées ? Privatisées ?
***
Une identité entre campesino ou serrano,
migrant, citadin ? La première semble désuète, ou
latente, la seconde théorique (puisqu'ils ne se définissent pas
eux-mêmes comme migrant en tant que tel --c'était une façon
pour moi de désigner une situation vécue). Enfin celle de
liménien semble primer sur celle de "citadin" mais c'est surtout celle
de la communauté ou du quartier d'installation qui semble donner tout
son sens. Ne peut-on pas penser qu'il s'agit plutôt d'un mélange
du passé et du présent, et des aspirations propres avec les
conditions qu'implique la migration ?
Nous allons voir comment cela peut s'appréhender dans les
Andes.
En outre, ne peut-on pas se demander, au-delà des
perceptions considérant qu'il s'agit d'une reproduction ou au contraire
d'un effacement, si ce n'est pas plutôt une culture nouvelle qui se
développe, une "culture de migrant" qui peu à peu s'assoit sur
ses propres valeurs ?
174 Christophe MARTIN. Ibid.
I
i
I
I
I
I
I
I
2ème partie
VU DE LA SIERRA -- EXEMPLE DU DEPARTEMENT
DE HUANCAVELICA 5
CARACTERISTIQUES DE LA ZONE 7
Activités 7
Géographie 7
Structure agraire 7
Histoire 7
Démographie migration 8
TAYACAJA : REGARDS SUR. LES MIGRATIONS ET LES FAMILLES. 10
A Pampas et Akrakia 10
Pampas, ou le club de madresdu quartier de Chalampapa
10
Aller à Lima ? Une dame du district de Akrakia
(village à côté de Pampas)
13
La question du départ 14
Salcabamba -- district de la province de Tayacaja
16
Avec Samuel, el tio de Lourdes 16
Avec le maire de Salcabamba 17
Efrain, de retour auprès de sa mère
après un long périple... 17
Le chauffeur de "taxi" de Salcabamba 19
Des raisons de la migration aux modèles de l'ailleurs
20
Conquête d'un ailleurs : quête d'un futur ?
21
CHURCAMPA ET LA FETE. LIENS AVEC LIMA 23
La fête patronale - exemple des carnavals de Churcampa,
dans la province
et à lima 23
De la tradition et du folklore dans la migration 26
Sapan waranwaychallay
sa pachallaykis
waqakullanki
chamana taya waqtakunapi
amaya
arna. chaynaqa waqakusunchu
wakcha lliki Ilikanchikta
imanchapa mayu jinam
wegenchik timpuy
timpukunqa!
iqaparikuspa!
iqayarikuspa!
ripukullasunfia
pasakullasunfia
iiiu llaqui
wakchakunata
a ysa rikuykuspa
chipay
chipaymi
ripukullasun
pasakullasun
kay maniapacha allpachallanchik
flogallanchikwan
·.K4.48,..&Da.tt.ttatiLea
îpasasunfia ripukusuntia
kuchpallafia ankallatia
timpukullaspal.
Lida Aguirrel, Arcilla,
1989
Née en 1953 à Pampas. Monolingue dans les
premières années de sa vie (quechua). A 6 ans, elle part pour
Salipo (selva de Junin) avec sa famille où elle reste 4 ans. Puis retour
à Pampas et départ à Lima. Son père lui interdit de
parler quechua, mais son grand père lui raconte des histoires et des
blagues dans cette langue. A Lima,
Sonia estas liorando hierbita
r-
En la quebrada entre chaman y taya Ya no 'tores [no
hay que llorar asi] Pobres...
Nuestra tela aralia
Como rio muy candeloso
Yanto hierbe (hervira]
Gritando gritando vamonos nos vamos
Jalando a todas nuestras penas
Nosotros bien envueltos latabiadosi nos iremos (bien
ilenos / un montoni
Vantas y pasamos
Ay nuestra Madre tierra inuestar tierrita / pueblito]
Con nosotros para que resucite
Nos vamos
Ya nos hemos ido / pasamos
Coma la galga rodando (volteandonos]
Como gavilan hirviendo Ibrotandof
Que (re)viva siempre con nosotros
Traduction orale et spontanée, par Maura (du quechua au
castellano)
J'en ai reçu une traduction en français, et puis
j'ai montrée la version quechua à une dame venant de la province
de Churcampa qui habite à Lima (Sa mère l'a amenée
à 13 ans pour travailler comme empleada, puis est repartie.
Elle se rend là-bas, en général, lors de la fête des
morts, pour sa mère défunte. Elle a 3 enfants, dont 2 aux Etats
Unis). C'est avec émotion qu'elle me l'a traduit, en exprimant tout ce
que pouvait exprimer et faire ressentir tel ou tel mot,
Le poème reprend le modèle du
Huayno2 : on s'adresse à un
végétal.
elle commence à écrire en espagnol, mais elle
déchire tout. Elle entre à l'université San Marcos pour
être assistante sociale puis se met à écrire en
espagnol et en quechua. Elle enseigne actuellement à
l'université de Cerro de Pasco.
2 Huayno : "C'est la "musique
métisse" qui a accédé, au 20&'''
siècle, à la diffusion massive à travers les fêtes
populaires, les concerts dans les théâtres, les concours
folkloriques et, depuis une cinquantaine d'années, les disques et les
cassettes. Elle est très appréciée par les paysans des
communautés indigènes et les maires de district s'efforcent
généralement de faire venir un de ces groupes musicaux pour
animer la fête patronale de la capitale du district, où affluent
les membres de toutes les communautés environnantes. Le huayno
[...] est le genre musical métis par excellence. Son origine est
coloniale et on le danse en couple, sur le modèle des danses espagnoles,
tandis que les danses d'origine précolombienne comme la qhashwa
sont exécutées collectivement, avec des chorégraphies
moins libres que celles du huayno. [...] Le huaylash est un genre
de musique métisse spécifique à la sierra
centrale du Pérou, en particulier à la vallée du Mantaro,
mais dont la popularité s'étend à l'ensemble du pays.
[...] Dans les concerts de huayno et de huaylash, les
musiciens et les chanteurs arborent généralement le costume
métis de leur région d'origine : jupe bouffante (poilera),
chapeau et escarpins pour les femmes, bottes et ponchos pour les hommes.
(D'après César Itier, Parlons quechua, L'Harmattan, 1997,
p.145)
"Huayno : of ail the musical forms of the
Andes, the huayno is the most common and widespread of ail. There are many
local styles and instrumentations. It is danced by bath mestizos in the city
and campesinos in rural areas. It is a dance for couples and is one of the few
to have survived foret preColumbian times." (glossaire de "A survey of
music in Peru", de Peter Cloudsley, British Museum, Department of
ethnography, 1993, p 43)
Il n'est pas aisé de traduire ce poème. Le quechua
est fait de métaphore qui n'ont pas un rapport figuré
évident pour nous.
Argile (Thématique tellurique)
Petit Waranway3 solitaire
Solito nomas
Tu pleures
Sur les flancs couverts de chamana et
de taypa4
Ne faisons pas ça
r
L
n
n
fl
r
Ne pleurons pas comme ça
[Sur] notre misères
Comme un épouvantable fleuve Nos larmes vont
bouillir bouillir
En criant, en appelant
Allons nous-en maintenant Partons maintenant
En emmenant tout ces tristes
pauvres6
Bien « empaquetés' » (serrés les
uns contre les autres)
Allons nous-en
Partons
Pour que notre petite mère terre reprenne vie avec
nous seulement.
Partons maintenant
Allons nous-en maintenant
Comme des galgal et comme des aigles en
bouillant
Traduction de César Itier
(Professeur de quechua à l'INALCO), du quechua au
français
Un peu contradictoire, sûrement parce qu'aujourd'hui, le
Huayno a la connotation de ce qui est typiquement serrano,
tout en se diffusant largement à la ville. Quand à l'origine
?...
3 Arbre épineux à fleurs jaunes.
(Très nombreux à Pampas -- province de Tayacaja,
département de Huancavelica)
4 chamana et taypa : des arbustes
qui poussent à l'étage (écologique) de Pampas.
5 Lit : « Sur nos pauvres haillons
déchirés »
6 « En prenant bien par le bras »
' Chipay chipaymi : c'est l'idée de quelque chose
qui est très serré, où il y en a beaucoup. Par exemple,
c'est la façon d'envelopper un paquet, quelque chose, avec des feuilles,
des branches pour que ça ne s'écrase pas...
g C'est une grosse pierre qui peut tomber sur nous
et nous écraser. C'est aussi ce que nous disait une vieille dame de
Churcampa, comme menace, pour ne pas que l'on se rende dans un heu qu'elle
considérait comme dangereux, ou indésirable.
Cheminement du poème :
De l'injustice à la colère, le
départ s'annonce et au même moment se déclenche, et
engendrant la solidarité.
En d'autres termes, on a trois phases dans ce poème qui
représentent tout le mouvement. Tout d'abord, l'abandon dans lequel
sont les paysans qui incite l'individu à la conquête
des villes, puis, le refus de la passivité observée au
départ du poème (quand ils pleuraient et se lamentaient...), qui
exhorte les gens à agir tout de suite, sans hésiter
("vamonosya" ! Présence du présent (dans le fia = ya
= déjà, tout de suite) et du futur dans le
terme quechua : "npuicullasunfia"). Et, enfin le fait d'être
solidaires entre pauvres.
Le départ a pour but la résurrection de la
communauté
Structure du poème en un seul mouvement la force
Ce poème et son écrivain
représentent au mieux le ressenti de la migration. Lida Aguirre
a une vie ordinaire (c'est le chemin de beaucoup
de gens de sa ville) : très jeune, avec sa famille,
elle part dans la toute proche Selva, puis ils partent à Lima.
Son père lui interdit de parler le quechua, c'est très
mal vu dans la capitale : il faut mettre de son côté toutes les
chances d'être "accepté" dans la cité. (Le quechua
est la marque de l'infériorité, de la discrimination, de
Pindianité". Honte ! Et pourtant, il peut tant exprimer !)
Regard sur la sierra et la migration
La structure de ce poème est aussi le
cheminement de la réflexion que l'on peut mener. Se rendre compte des
conditions dans la sierra, qui poussent les gens à partir, autrement
dit, la « dépaysannisation » et l'attrait pour d'autres
choses. C'est une culture vivante on ne se laisse pas
dépérir et on va chercher ailleurs ce qu'il n'y
a pas, pas de résignation devant la pauvreté et donc la
décision du départ, avec un caractère conquérant
!
On entre ensuite dans la dynamique de la conquête de
l'ailleurs, de la ville. Elle a pour conséquence positive la
résurrection de la communauté, on refait vivre la terre
mère, celle d'origine (envoi à ceux qui restent, retour
pour les fêtes...) et la nouvelle que l'on fait renaître sur une
autre terre, c'est l'appartenance, le lien. C'est grâce
à la solidarité et à la constitution en
communauté que l'on va s'en sortir, en étant tous ensemble
(« bien empaquetés, serrés les uns contre les
autres »).
Vu de la sierra -- Exemple du département de
Huancavelica
Il ne s'agit pas de comparer la façon de vivre de
"là-bas" et d"ici" (Sierra/Lima ou LimalSierra, selon le point de vue),
mais de transmettre le regard des habitants eux-mêmes, à travers
leurs témoignages et leur vision et ce, par le biais de mes rencontres
et de mes choix, inéluctablement. Cela est évidemment trop
succinct et demanderait à être approfondi.
Par la suite, je propose d'articuler les deux facettes de la
migration à travers l'attachement à la terre, dans deux mondes
qui s'enchevêtrent, s'opposent et s'attirent. Enfin, je m'interroge,
à travers ce processus migratoire, sur la notion de
propriété, son sens et son évolution.
N.B : Je ferai, dans cette partie, quelques liens entre la
Sierra et l'adaptation des migrants. Cependant, je laisse au lecteur la
liberté de s'interroger et de faire des liens, de peur de
systématiser ou d'interpréter trop hâtivement.
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Nous voici donc dans la Sierra centrale, dans le
département de Huancavelica, sur la partie proche de la ville de
Huancayo (département voisin de Junin), grand carrefour au milieu de la
Sierra, dont l'activité est incessante entre Lima et la proche Selva (de
Junin).
Si l'on voulait s'intéresser à d'autres genres
de migrations (pas si différentes, simplement qu'elles demeurent plus en
lien direct avec la province dont les gens proviennent), la ville de Huancayo
aurait été intéressante. En outre, nombre de personnes du
nord du département de Huancavelica y ont choisi résidence. Bien
que très dynamique sur le plan des échanges économiques,
la ville n'en perd pas moins son caractère andin, en zone urbaine.
Les gens des provinces du Sud du département migrent
plutôt vers les vallées et la côte de Ica. Et ceux de l'est,
vers le département et la ville d'Ayacucho.
Parmi les gens que j'ai rencontrés dans les provinces dans
lesquelles je me suis rendue, nombreux sont ceux qui ont séjourné
à Huancayo et qui y ont des membres de leur famille.
Différentes coïncidences m'ont amenée dans
ces provinces, des gens que je connaissais, qui y vivaient, qui s'y rendaient,
qui connaissaient un tel, qui connaissaient un autre... et des choix pour
lesquels j'ai opté.
Les carnavals...
Après un séjour lors des carnavals de Churcampa,
j'ai rencontré Téotilio9, le spécialiste en la
matière des migrations au Pérou, qui m'a proposé de le
rejoindre dans de la vallée du Mantarow, pour les
fêtes de carnaval, afin d'y "recueillir" des données (!!) et de
connaître ces coutumes (et de danser prestigieusement à son bras
--sauf que je n'étais pas une vraie anthropologue parce que je n'ai pas
voulu me déguiser, mais ça va je me suis rattrapée parce
que j'ai dansé, c'était pour l'anecdote !) Je suis donc
allée dans la petite ville de Jaujail ainsi que dans d'autres
villages alentour. La fête était partout présente, un
quartier organisait son carnaval en même temps qu'un autre. On aurait
presque dit que chacun devait se montrer le meilleur, une sorte de concours
tacite... Certains dansaient élégamment autour de la place
pendant que d'autres défilaient dans les rues et jetaient du talc ou de
la farine sur les passants pourtant avertis... ! Quel
mayordomon offrirait la plus belle fête... A la fin
du défilé, c'était le grand moment du
Cortamontel3 , et il fallait danser autour de l'arbre,
malgré la pluie. Pas de déguisement : interdiction de participer
Cette fête-là paraissait jouir de tous les prestiges, et la
moitié des participants semblait venue de l'extérieur...
Dans les villages alentours, les festivités allaient
bon train, selon les jours...Dans le petit village de Paca une dame me disait
que cette année, il n'y avait pas beaucoup de monde. Beaucoup de gens
étaient partis... Le mayordomo, lui aussi venait de Lima. Et
tout autour de la placette, l'on s'abritait devant les maisons pour
échapper à la canicule et "descendre" les caisses de
bières...
Ce n'est donc pas dans la vallée du Mantaro
que j'ai choisi de revenir, mais dans la province de Tayacaja, voisine de
Churcampa... Je n'ai pas opté pour "faire l'étude" d'une
communauté ou d'un village, puisque la migration ne se réduit pas
à celle d'un point A à un point B. Aussi, après avoir
présenté la région, je donnerai un aperçu des
migrations depuis la province de Tayacaja et un district de celle-ci. C'est
à travers les fêtes de Churcampa que l'on
9 Teoflio Altamirano Rua
10 C'est la vallée qui s'étend aux
alentours de Huancayo, où passe le fleuve Mantaro
Première capitale du Pérou, créée par
les colons, avant de se transférer dans l'oasis de la côte,
Lima_
12 Le mayordomo est la personne élue
pour organiser la fête.
13 Cortamonte : une tradition de carnaval,
qui consiste à danser en couple autour d'un arbre et à lui donner
un coup de hache quand vient son tour. C'est à ce moment là que
l'on est invité à boire quelques breuvages... Celui qui fait
tomber l'arbre sera le mayordomo pour l'année suivante.
n
L
s'intéressera aux liens entre la ville et ses
migrés et le rôle du folklore. Ensuite, je soulèverai la
question de la terre et du monde paysan, centrale dans la migration.
Caractéristiques de la zone
Activités
Bien que son activité économique principale soit
agricole et pastorale, Huancavelica est considérée comme un
département minier. L'activité minière utilise peu de main
d'oeuvre de la zone et son impact négatif sur l'environnement est
considérable : sur la transformation du
sol, la qualité de l'eau et de l'air. Néanmoins,
d'importantes mines sont encore présentes.
Agriculture. Principalement cultivées, l'orge
(cebada?), l'avoine, Volluco (tubercule andin), la pomme de
terre 1 'oca et la mashua. (Prix de la pomme de terre
: « 0.10 S/'4. /kg a.0.70 S/. /kg. en blanca y en la
amarina de 0.40 S/. /kg a 1.00 SI. /kg ». Effectivement. le cours de la
patate est très bas, ce que déplorent les paysans ces
temps-ci).
Elevage. Etant donné ses hauteurs. la
région a développé un important élevage, avec de
manière décroissant, l'élevage ovin, bovin, l'alpe&
les vigognes, les lamas et les guanacos (les 4 derniers étant des
camélidés, 30%)
Géographie : La région
présente 5 des huit sous régions naturelles du Pérou
- Zone Yunga : de 500 a 1500 mètre d'altitude
(cultures de café, de canne à sucre, de fruits,
cucurbitacées...)
- Zone quechua, de 1500 et 2500m (culture de maïs,
légumineuses, cucurbitacées, fruits... et c'est une zone de
pâtures naturelles)
- Zone Suni, de 2500 et 3500 m (maïs, pomme de
terre, kiwicha, quinua, oca olluco, mashua (ces 5
dernières sont des cultures andines) fève, petits pois, haricots,
et des fruits à noyau ; et des pâtures naturelles.
- Zone Puna, de 3500 à 4500, ce sont les
pâtures naturelles qui prédominent. On cultive la pomme de terre
native, oca, olluco, cebada, avena, mata. C'est
dans cette région que résident les
camélidés sud américains... C'est aussi l'habitat de faune
sylvestre (comme les vizcacha... ).
- Zone cordillère, à partir de 4000m
(jusqu'à 5200 !). Il n'y a que des pâturages naturels et des
déserts sur les glaciers... On y trouve surtout les vigognes, les lamas,
les loups andins, le condor...
|
Structure agraire
79% du territoire de la possession de la terre correspond
à la propriété communale. Le reste
appartient à de petits propriétaires individuels sans
titres de propriété. La taille des parcelles dans la
possession communale est de 0.25 ha par famille, consacrée à la
production agricole. Elle est plus importante dans la possession individuelle,
mais seulement 1.5% ont des parcelles de plus de 50 ha alors que 80% ont des
parcelles entre 0.5 et 4.9 ha.
J
LI
On distingue les producteurs "d'autosubsistance" --je cite -
(toute la production agricole est destinée à la consommation,
mais 90% du bétail pour le marché) de ceux qui produisent pour le
marché. Ces derniers habitent plus aux abords des villes et
possèdent plus de terre... (5 à 50 ha par famille 0. Leurs
aspirations économiques sont lucratives et leur organisation exclut les
principes de fraternité, de solidarité et de coopération
(je cite).
Histoire
Huancavelica entre dans l'histoire par la porte coloniale quand
le conquistador espagnol découvre le mercure. A cette époque
la ville a, comme Mexico, plus d'importance que
14 Ce qui ne fait même pas 0.03 cts
d'euros.
Londres ou Paris...Marginalisé pendant 150 ans, par
oubli de la république aristocratique, le département continue
à donner des bénéfices à Lima avec les produits
agricoles de ses haciendas.
A l'époque coloniale, la région de Huancavelica
a été grandement exploitée pour ses mines. L'exploitation
minière colonial requerrait une abondante main d'oeuvre, puisée
dans une zone géographique assez ample. L'administration vice
royale15 garantissait la disponibilité de travailleur par le
système de la "mite". La production de mercure et d'argent
généra la plus grande richesse de la couronne espagnole,
notamment la fameuse mine de Santa Barbara. Quand la période de grande
productivité cessa, la mine comme la ville de
Huancavelica commença à chuter... Elle fut totalement
oubliée.
De l'indépendance du Pérou à nos
jours... Huancavelica était devenue la « ville fantôme
»... Elle ne disposait pas d'autre recours pour couvrir le vide
laissé par la chute de la mine de mercure. Son activité agricole
et d'élevage était dans les mains d'une caste
"féodalisant", propriétaire d'haciendas traditionnelles et
improductives. L'apport des communautés paysannes était
insuffisant, limité à l'autosubsistance...qui n'échappait
pas à la suprématie de l'hacienda. C'est au 20 siècle que
l'activité minière commença à resurgir, mais pas au
niveau d'antan.
La réforme agraire, promulguée par le
général Velasco au début des années 70 n'a pas
donné les résultats escomptés : principalement, en raison
du manque d'accès aux crédits et â. l'assistance pour les
petits producteurs... Trente ans ont passé depuis la réforme
agraire et peu de terres ont été redistribuées aux
communautés paysannes.
Pendant les années 80, l'action de la violence
politique du Sentier Lumineux accentua le retard du département, en
agissant contre les commerces et installations minières et en obligeant
les carnpesinos17 à s'enrôler avec eux...
Ces dernières années, les terres qui avaient
été abandonnées, sont en train d'être
récupérées, par le retour des
comuneros18déplacés par la violence.
De nombreuses mines ont été fermées...
[C'est le cas d'une dame de la Vizcachera qui est partie
parce que son mari travaillait à la mine]
D'autres ressources ne sont pas exploitées et ont
été abandonnées, comme l'élevage des
camélidés. Huancavelica avait été le premier
producteur de fibre de laine...
Démographie/ migration
Huancavelica se dispute avec Apurimac la faible augmentation
de sa population (de seulement 1.67% en 60 ans, contre 3.81% au niveau
national. Ce n'est pas seulement le haut taux de mortalité, mais aussi
« la constante sangria de l'émigration19 ». C'est
le département, qui proportionnellement expulse le plus d'habitants (le
ne le savais pas, et ce n'est pas pour
15 Du « Vice royaume », régime
colonial
16 "Mita : travail forcé imposé aux
Indiens qui devaient travailler par roulement (pour des périodes d'un an
tous les sept ans), dans les mines ou dans les ateliers à
l'époque coloniale. La mita, instituée en 1572 par le vice-roi
Francisco de Toledo, ne fut abolie qu'en 1812".Mitayo : Indien tributaire
âgé de 18 à 50 ans, qui allait travailler dans les mines
sous le système de la mita.
In : Carmen Salazar-Soler, Anthropologie des mineurs des Andes,
L'Harmattan, 2002, p. 358
17 Paysans
18 Membres de la communauté
19 Main -- Huancavelica. Atlas departemental del Peru.
N° 10. 2003. ed. PEISA. La republica
cela que je l'ai choisi) ; la majorité est partie vers
la capitale, mais un bon nombre aussi vers les départements proches :
Tunin (Huancayo), Ica et un peu Ayacucho. Huancavelica est une région
située entre ces 4 départements et selon la zone
géographique on s'oriente vers la plus proche... Certains mois, des
gens s'en vont dans les villes les plus densément peuplées
pour offrir leur main d'oeuvre dans la construction et le commerce ambulant et
pouvoir compléter leur "panier" familial de base (revenus).
Un cas intéressant à étudier eut
été, par exemple, celui des émigrés de la zone Sud
de Huancavelica - les districts de la province de Castrovirreyna dispose
désormais d'une route qui dessert la côte (dans le
département de Ica). N'oublions pas que nous sommes dans une
région de hautes montagnes et profondes vallées. Deux villages
peuvent parfois paraître proches sur la carte mais ne sont pas
reliés par une route, et sont séparés par de grands
abîmes. C'est donc dans la ville de Chincha, célèbre pour
sa population d'origine africaine, qu'ils ont élu domicile.
L'émigration de ce département s'est
accentuée pendant la violence politique, mais est due à de
nombreuses causes économiques20...
C'est dans le nord du département que se situe la majeure
partie de la population (Tayacaja, Acobamba, Churcampa)
ü 7 · -- 21
47o de sa population vit en milieu
rural (le plus haut pourcentage du Pérou)
(Churcampa n'a que 14.8% d'habitants dans les ensembles
urbains) c'ets pour cette raison que ceux qui migrent s'en vont vers d'autres
département (et peu à vers les villes de celui-ci...)
ü 27.5% de sa population est analphabète
(34% selon INEI, surtout des femmes et une population adulte). Mais
aujourd'hui, la majorité dispose de services sociaux (centre de
santé et poste de santé) 10` 79% n'a pas dépassé le
niveau d'éducation primaire
ü C'est aussi le département avec le plus
grand pourcentage de personnes parlant le quechua
comme langue maternelle (67%)
ü En comparaison avec Lima, les gens de Huancavelica ont
une espérance de vie de 20 ans de moins I
ü La mortalité infantile est très
élevée, et la dénutrition chronique importante.
ü L'accès aux services est très restreint :
seulement 64.9% de la population dispose d'eau potable (en 2000) (au lieu de
72% au niveau national...). 92.1% ne possède pas le tout à
l'égout.
ü Très paradoxal, seul 32.4% de la population
dispose de l'éclairage public (69.3% au niveau national), alors qu'il
s'agit du département qui génère la plus grande
quantité d'énergie électrique, avec sa centrale
hydroélectrique sur le Rio22 Mantaro : elle ne jouit ni de
l'énergie produite, ni des bénéfices de celles-ci
(centralisation... f), et pis r Le coût de l'électricité
pour Ies habitants est plus élevé qu'ailleurs...
ü L'indice de développement humain des nations unies
situe Huancavelica à l'avant dernière place. Encore faut-il
savoir quelles en sont les références...
Le message délivré par ces statistiques
démographiques : éloquent : « des chiffres terribles qui
dessinent une situation de retard centenaire et qui sont également un
urgent appel à l'action qui doit mobiliser tout le monde : l'Etat, les
entreprises privées, les ONG, et bien sûr, les habitants de
Huancavelica 23».
Huancavelica est classée comme région
d'extrême pauvreté, puisque les nécessités basiques
ne sont pas satisfaites. D'après L'INEI, plus de 90% des foyers ont des
carences de logement, de santé et d'alimentation.
2° Ibid.
21 Sources INEI (Institut National de statistiques et
informatique)
22 Fleuve
23 Ibid.
TAYACAJA
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