Optimisation du sytème de gestion des déchets solides municipaux de la commune urbaine de Ouagadougou( Télécharger le fichier original )par B. Denis Akouwerabou Université de Ouagadougou - DEA en économie 2007 |
INTRODUCTIONL'augmentation du volume des déchets solides municipaux (MSW)1(*) pose actuellement de sérieux problèmes dans les zones urbaines. La croissance démographique, l'augmentation du niveau de revenu par tête et du niveau de l'activité économique, notamment la consommation, ont eu pour conséquence d'augmenter la production des déchets solides qui constituent une menace pour la qualité de l'environnement. Ces déchets exercent une pression sur le sol, les ressources en eau et compromettent ainsi la santé humaine et animale. La commune urbaine de Ouagadougou (CUO) a produit 69313 tonnes de déchets solides soit environ 535373.612 m3 en 2006. Ce chiffre pourrait augmenter jusqu'à 1019557.676 tonnes soit 7875056 m3 d'ici 2025 (centre d'enfouissement technique -CET- de la CUO, 2006). L'infiltration des déchets est susceptible de provoquer une contamination des nappes phréatiques par le virus de l'hépatite ou de la poliomyélite. Ainsi, une telle infestation des eaux souterraines peut avoir des effets sur la santé à long terme, mis à part les plus immédiats comme la dysenterie et le cholera (Snigdha et al, 2003). Le problème de gestion des déchets solides est particulièrement alarmant dans les pays en développement (PED), où leur collecte et leur traitement sont empêchés par le manque de moyens financiers et technologiques. Gerlagh et al (1999), estiment qu'une bonne partie (10 à 40%) du budget des communes urbaines est utilisée pour la résolution des problèmes liés aux déchets solides dans les PED. Une récente étude commanditée par l'agence française du développement (AFD) montre qu'en terme de dépense collective globale (publique et privée), les estimations vont de 42 millions de francs CFA par an pour Louga, à plus de 4,6 milliards de francs CFA par an pour Dakar (Sénégal). Cette dépense rapportée à l'habitant et au tonnage donne respectivement 460 FCFA/ habitant à Bobo et à Louga, 4590 FCFA/ habitant à Fès; 2623 FCFA par tonne à Bobo et 23614 FCFA par tonne à Fès (Doukouré et al, 2003). La présente étude qui porte sur la réduction des coûts de gestion des MSW de la CUO est la première du genre pour le cas spécifique du Burkina Faso. De nombreuses analyses similaires ont été réalisées, mais uniquement pour le compte des villes de pays développés. ProblématiqueLa commune urbaine de Ouagadougou (CUO) est caractérisée par un taux de croissance trimestriel du volume des MSW de 0.036% et un nombre élevé des tas sauvages. Les MSW jonchent ainsi les rues, les caniveaux et empêchent l'écoulement des eaux usées et pluviales. La gestion des MSW est pourtant bien organisée par la direction de la propreté de la ville, mais le taux de collecte reste très faible suite à l'incapacité de ramasser tous les tas sauvages. Une des contraintes qui explique cet état de fait réside au niveau des coûts de gestion et plus précisément les coûts de transport qui sont très exorbitants. L'entretien de l'ensemble des activités de gestion de déchets peut être compromis si les coûts de collecte et de traitement excèdent les subventions reçues. De plus, la croissance rapide des coûts de remblayage et les problèmes environnementaux liés ont eu pour conséquence de mettre une pression sur les décideurs municipaux à ce qu'ils introduisent un programme de recyclage des MSW. Par conséquent, la recherche de stratégie de réduction des coûts reste un objectif à atteindre. La stratégie la plus immédiate est de produire de nouveaux matériaux vendables et de trouver des marchés pour ces produits (Khator et al, 1993 ; Thomas et al 1997). La question qui se pose est alors de savoir quels types de MSW faut-il valoriser ; quelle fraction d'eux et à quelle date (Baetz et Neeb, 1994). Toutefois, l'ajout d'une activité de valorisation au service traditionnel de collecte, d'enfouissement et d'incinération entraîne une hausse remarquable du budget global de gestion des MSW. Une telle hausse résulte des coûts fixes qui seront couverts, car ces coûts ne sont pas corrélés au taux de valorisation des MSW. Ors les coûts de collecte, du transport et du remblayage sont fonction du volume de MSW (Hunt et al, 1997). Les questions généralement abordées portent sur les initiatives et les motivations pour la valorisation, les modes de collecte et de traitement des déchets, les infrastructures et les technologies nécessaires pour réduire les déchets. Cependant, le souci fondamental dans la gestion des déchets solides réside au niveau des services en charge dont les coûts sont trop prohibitifs. L'analyse coûts/avantage de la gestion des déchets peut conduire à des résultats contradictoires selon qu'elle tient compte à la fois des effets économiques et environnementaux ou non. Morris et al (1993) aboutissent aux résultats selon lesquels dans toutes les circonstances, les coûts de gestion ont toujours excédé les avantages liés mais de toute évidence, ces coûts sont encore moindres en présence du recyclage et de la consignation que toute autre technique2(*) de gestion. La limite de leur analyse réside pourtant dans le fait de n'avoir pas tenu compte des avantages non économiques tels que la qualité de l'environnement. A cet effet, la contribution de Chang et al (1996) est instructive pour se soustraire de cette insuffisance et aboutit au fait que les bénéfices nets sont énormes quand on considère les effets environnementaux. La réduction du coût de transport contribue énormément à l'amélioration des performances économiques des programmes de gestion des MSW (Highfill et al, 1994). Mais l'identification des véritables coûts sociaux des divers scénarios de gestion des déchets passe par la résolution du problème de manque de données sur les coûts et les bénéfices réels (Wisman, 1991). Dans la recherche de solution pour réduire les coûts des systèmes de gestion des MSW, Garrick et al (2002) montrent qu'il est possible de maximiser le revenu issu du recyclage par la construction des entrepôts pour stocker les matériaux valorisés. Leur étude montre que la construction d'entrepôts peut conduire à une réduction d'au moins 10.6% du coût moyen global de gestion des MSW. L'efficacité dans la gestion des déchets solides dépend non seulement de la qualité des équipements, des coûts des options disponibles, mais également des caractéristiques des déchets. Keeler et al (1994) font cependant remarquer que les facilités offertes par l'incinération et/ou le remblayage réduisent les incitations pour le recyclage. La nécessité de recycler (impossibilité de remblai due au manque de fosse, les mandats légaux pour le recyclage), l'influence inter-pays (imitation) et les facteurs économiques (réduction des coûts) sont les principaux facteurs qui conduisent à expérimenter le recyclage (West, 1992). Le succès des programmes de recyclage dépend des stratégies adoptées et la façon dont elles sont mises en application, plutôt que des caractéristiques des communautés locales (Folz et al, 1991). Certains auteurs se sont préoccupés des questions relatives à la rentabilité du recyclage par rapport à l'incinération, la contribution des services de recyclage sur l'emploi, ainsi que l'effet du financement, grâce au revenu issu des taxes par tonne de déchets produits par ménage, sur l'efficacité de la gestion des déchets. Les taxes sont une source de revenu potentielle aux mains des autorités municipales qui peuvent permettre de supporter une grande partie des charges (Atri et al, 1995). Mais les ménages peuvent adopter un tout autre comportement (rejet anarchique des déchets) afin d'éviter la taxation (Dobbo, 1991 ; Fullerton et al, 1995). L'axe principal de la recherche dans le domaine de la gestion des déchets solides se résume à l'identification des variables qui influencent le choix des municipalités pour le recyclage, les déterminants du succès des activités de recyclage, ainsi que la faisabilité et le financement des différentes activités de gestion des déchets à long terme, mais également sur les solutions de rechange aux visions opposées entre gestion publique et privée. Le passage de contrat entre les municipalités et les services privés est une des approches les plus efficaces en matière de réduction de coûts (Kemper et al, 1976 ; Savas, 1977 ; Edwards et al, 1978). Cependant, les contrats peuvent engendrer d'autres coûts supplémentaires tels que les coûts de transaction liés à leur signature, à la surveillance et à leur application ; les entreprises privées pouvant tenter d'utiliser les ressources liées sur d'autres chantiers (Williamson, 1979 ; Hart ,1995 ; Edlen et al, 2000). Ce comportement s'explique par la différence entre les fonctions objectifs, l'entrepreneur maximisant son bien-être individuel, alors que le gouvernement local a pour souci la maximisation du bien-être collectif (Shleifer et al, 1997 ; Williamson, 1999). Au regard des objectifs environnementaux jugés trop importants, il est de plus en plus difficile aux yeux des autorités municipales, de passer des contrats avec le privé dans ce domaine. De ce fait, la gestion publique, plus rigoureuse, est alors préférée au privé. Stigler (1971) et autres auteurs (Becker, 1983 ; Boycko, et al, 1996) justifient ce choix par le fait que la réduction des coûts et l'efficacité économique ne font pas de toute façon partie des objectifs des gouvernements locaux ; ces derniers étant plutôt préoccupés par la maximisation de la probabilité de réélection (Moargaret et al, 2002). L'investissement dans la gestion des déchets pose deux inquiétudes aux autorités municipales. Le premier est le coût des infrastructures (fixe et variable) et le second est l'incertitude au sujet des prix futurs des matériaux recyclés. La présente étude porte sur la première inquiétude, et cherche à montrer, en se basant sur les prix des produits recyclés, qu'il est possible de réduire considérablement les coûts de gestion des déchets à moyen et long terme. Par ailleurs, elle explore les voies et moyens pour rendre utiles les dépenses incompressibles de la gestion des déchets. La principale question qui se pose est alors de savoir si la taille actuelle des activités de recyclage du système de gestion des MSW de la CUO permet de réaliser des économies d'échelle. Autrement dit est-ce que, i) l'implantation d'un grand centre de collecte par arrondissement, ii) de même que l'augmentation de la quantité de la main d'oeuvre et enfin iii) l'installation d'un centre de traitement et de valorisation des déchets (CTVD) au sein des cinq grands centres de collecte ne permettront-ils pas de réaliser des économies d'échelle ? Plus spécifiquement, quel est l'effet de la construction des entrepôts et l'intensification des activités en main d'oeuvre sur le coût de transport et, de façon générale sur le coût global de gestion des déchets de la commune de Ouagadougou ? Enfin, quel impact aura l'augmentation du taux de recyclage sur la durée de vie des cellules conçues pour le remblayage et sur le coût global du système entier sur la période retenue ? L'énorme complexité du système de gestion des déchets et le développement substantiel des frais et coûts d'exploitation, montrent la nécessité d'outils de planification avec lesquels il serait proposé, analysé et évalué les différentes configurations possibles de gestions alternatives. Les modèles d'optimisation disponibles incluent la programmation linéaire (LP), la programmation linéaire entière partielle (MILP)3(*), la programmation dynamique (DP) et les modèles de programmation multi-objectifs (MOP). Lund (1990) a développé une approche de LP pour étudier le recyclage et la gestion optimale des MSW, tandis que Baetz et al (1994) ont utilisé un MILP pour déterminer les niveaux optimaux de développement des activités de recyclage. Chang et al (1996) ont quant à eux utilisé un MILP qui prend en compte les impacts environnementaux tels que la pollution de l'air dans un modèle de « localisation/allocation » pour analyser le système de gestion des MSW. Beatz (1990) applique un modèle DP pour déterminer la capacité optimale des entrepôts. Perlack et al (1985) se sont basés sur un modèle de programmation multi-objectifs pour la recherche d'une organisation optimale du système de gestion des MSW. Le choix d'un modèle non linéaire d'optimisation dynamique pour la vérification des hypothèses de recherche rapproche la présente contribution de celle de Garrick et al (2002). La différence fondamentale réside au niveau du choix du taux d'actualisation. Les caractéristiques4(*) de l'économie américaine ont permis à ces auteurs de prendre directement le taux d'escompte. Le recyclage n'étant pas une activité de production classique, son efficacité doit être analysée non pas au sens de Pareto, mais selon le critère de compensation Hicks-Kaldor (1939). Ainsi, l'efficacité économique du recyclage impliquerait que la somme des avantages liés soit aussi élevée pour compenser ceux qui supportent les coûts. La compensation réelle n'est pas exigée, mais est simplement énoncée en terme de compensation potentielle (prise en compte des effets sur les générations futures). De ce fait, il est plutôt mieux de considérer un taux d'actualisation proche de zéro (Guesnerie 2004). Aussi, cette étude marque une différence essentielle en ne considérant pas le compactage comme un moyen de réduction du volume des déchets enfouis uniquement, mais également comme une possibilité de réduction des coûts de transport. Des auteurs comme Mohamadou Moustafa (1996) se sont intéressés au cas des déchets au niveau de la ville de Ouagadougou ; mais sa contribution s'est plutôt portée sur la quantité de déchets produits par les différentes catégories de ménage. Les études menées par Koffi et Anomanyo (2004) respectivement sur la ville d'Abidjan et celle d'Accra sont proches de la nôtre, mais ces auteurs se sont limités uniquement à l'évaluation des coûts traditionnels. La présente étude permettra de comparer le cas du système de gestion des MSW de la ville de Ouagadougou aux résultats obtenus au cours des études menées sur « le cas » des grandes villes des Etats-Unis d'Amérique. * 1 Définition anglaise : Municipal Solid Waste * 2 Réduction par l'incinération ou par enfouissement * 3 Mixed-Integer Linear Programming * 4 Disponibilité du taux d'intérêt du marché financier |
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