Pour introduire ce type d'analyses, il est utile d'exprimer
de manière simple les marges de manoeuvre dont on peut disposer dans les
situations qui se présentent dans le cadre de l'impact de la zone de
libre échange.
Ainsi, compte tenu de l'hypothèse de travail de notre
étude, il apparaît à l'issue de ce diagnostic de la
filière quatre niveaux d'analyse :
1°- Le coût de l'huile de table introduite sur
le marché est concurrentielle et par conséquent, elle va
induire la fermeture des usines existantes, ou du moins les obliger à
abaisser leur prix et élever leur qualité à son niveau.
2°-On connaît les prix, les coûts et
quantités disponibles au plan international et les besoins du
marché algérien et par là même les prix
pratiqués à la consommation. De ce fait, au fur et à
mesure du démantèlement des barrières, on réajuste
à la hausse ou à la baisse les prix à la consommation.
3°- On sait qu'il existe un potentiel de
transformation et de savoir faire en mesure de satisfaire la demande
locale. Ce potentiel peut être utilisé et renforcé pour
se placer sur le marché international en plus de la satisfaction de la
demande intérieure. De ce fait, l'importation des huiles de table sera
nulle à non significative. La demande s'exprimera sur le marché
international sous forme de graines oléagineuses à triturer
localement pour la production d'huile brute qui sera raffinée en partie
pour la satisfaction de la demande locale en huile de table et à
l'exportation. On peut noter que dans cette situation la satisfaction de la
demande concerne l'huile brute et le tourteau.
4°- L'ouverture du marché va connaître un
surplus de produits de différentes origines durant les premiers mois,
conduisant à l'établissement de références prix /
qualité. De cette situation, il découle une étude des
tendances du marché et une caractérisation de la consommation
Lorsque le marché se stabilisera, la construction d'un investissement
fondé sur les besoins définis par la tendance appartiendra
à la maîtrise de la technologie, sa performance et sa
rentabilité.
Pour faciliter les calculs, on considère que les taux de
change restent stables inter monnaies au niveau suivant :
1 $ US équivaut à 75 DA .
1 Euro équivaut à 1.32 $ US (Natexis bank, mars
,2005)
Pour le prix de l'huile de table à l'étranger,
il est pris comme référence le prix du litre d'huile de table
Lesieur ( Société Française d'envergure internationale
spécialisée dans la production d'huile alimentaire, )
conditionnée et vendue à l'étalage français :
Base colza : 0,46 Euro à 0,55 Euro
Base tournesol : 0,51 Euro (toutes marques) à 1 Euro
(Lesieur qualité supérieure)(prix à l'étalage en
France, Mars 2005).
En fonction de la première situation
:
- Le prix moyen du litre d'huile de table conditionnée
en bouteille de 1 litre à l'étalage algérien, est de 100
DA et le bidon de 5 litres (Fleurial produit CEVITAL) base tournesol à
450 DA (prix détaillant Mars 2005).
- Le plus haut niveau de qualité d'huile de table base
tournesol fabriqué par la Société Lesieur vendu à
l'étalage en France équivaudrait à 100 DA à
l'étalage en Algérie en bouteille de 1 litre et 400 DA en bidon
de 5 litres (importée en vrac à 0,7 Euro TTC le litre et
prévu au conditionnement localement,)
- Le litre d'huile de colza ne vaudra dans ces conditions que 55
DA et le bidon d'huile de 5 litres 250 DA
Compte tenu du pouvoir d'achat de la population, il est clair
que le choix de la famille algérienne se portera
*quand le pouvoir d'achat est faible, sur le bidon de 5 litres
d'huile de colza à 250 DA marque Lesieur ou autres marques ;
*quand le pouvoir d'achat est moyen, sur le bidon de 5 litres
à 400 DA Lesieur sachant qu'il est de qualité internationale.
Dans cette situation, les entreprises locales, pour pouvoir
se maintenir sur le marché algérien, devront baisser les prix et
améliorer la qualité pour l'amener au niveau international (ISO
14000) au moins.
En fonction de la deuxième situation
:
Le niveau international de disponibilité de l'huile
brute est directement lié à la trituration sous la discipline
imposée par l'appareil de trituration international qui contrôle
aussi le marché de la graine oléagineuse.
Dans le cas de l'Algérie qui bénéficie
de protocoles d'accord bilatéraux, l'approvisionnement en huile brute en
2004 a coûté en moyenne 630 $ / tonne, alors que le
marché spot (libre) à indiqué une moyenne
de 740 pour l'huile brute de tournesol et 680 pour celle de colza.
Le prix de la tonne d'huile brute auquel on ajoute les
charges de raffinage et conditionnement, (données obtenues,en 2005 au
niveau de l'ENCG, détail annexe 01) qui sont de l'ordre de 15 000 DA /
tonne soit 200 $ / tonne, donne un coût de revient de l'huile de table de
830 $/ tonne.
Le prix de vente en 2005, à la porte de l'usine ENCG en
bidons de 5 litres est de 327,35DA hors taxes (soit 0,873 $ / litre ou 916 $ /
tonne (H T)) et 1070 $ / tonne TTC.
Au niveau de la zone de libre échange, les prix sur le
marché international sont applicables à l'intérieur du
pays ce qui se traduira par une augmentation du prix de l'huile produite
localement du fait de l'inexistence des prix contractuels.
A la porte de l'usine le prix de l'huile sera de 80 DA /
litre, arrivé à l'étalage le prix de l'huile avec une
marge respectée de 30% : 105 DA / litre ne pourra concurrencer ni sur le
plan de la qualité ni sur le plan économique du consommateur,
celui qui sera mis sur le marché à partir de l'étranger.
Ainsi dès l'ouverture, la condition « sine qua none » pour
survivre est de réduire les prix à la porte de l'usine et par
conséquent les charges de production.
En fonction de la troisième situation
:
La production de graines oléagineuses n'a pas
cessé d'augmenter à travers le monde. Elle a été de
333 millions de tonnes l'année dernière. Les besoins en huiles
observés sur le marché international sont de l'ordre de 100
millions de tonnes, ( cf Partie 1 §4).
L'Algérie importe chaque année
l'équivalent de 350 000 tonnes en huiles brutes. Elle dispose des
capacités de raffinage pour la satisfaction de la demande interne. Pour
s'insérer sur le marché international des huiles et s'engager
dans la production d'huiles orientées à l'exportation, il est
nécessaire de déployer des investissements pour
l'amélioration des capacités de raffinage et de trituration. Les
besoins en trituration uniquement pour la satisfaction de la demande interne
sont de l'ordre de 1,5 million tonnes
Le coût de trituration du tournesol est de l'ordre de
50 Dollars canadien (Oil Canadian Concil Août 2004) c'est-à-dire
environ 40 $US / tonne. En tenant compte du taux de change moyen, le coût
de trituration des graines oléagineuses au niveau national serait de
l'ordre de 3000 DA / tonne. Les économistes au niveau de L'ENCG et
CEVITAL considèrent que ce coût peut être applicable en
Algérie sans difficultés majeures.
Coût de référence de la graine de soja : 240
$ /tonne soit 18 000 DA Coût de transport et frais d'approche: 70 $/t
soit 5 250 DA
Coût de trituration 40 $/t soit 3 000 DA
Coût de raffinage (y condit.) 200 $/t soit 15 000 DA
Coût de production 550 $/t soit 43 250 DA
A la porte de l'usine le prix du litre d'huile de table
raffinée dans ces conditions sera de 43 DA / litre. Ce coût
représente un coût brut de production sans déduction des
compléments que procure la vente de tourteaux et les résidus
destinés à la savonnerie.
A l'étalage avec une marge bénéficiaire
de l'ordre de 30% le coût du litre d'huile sera de 56 DA / litre. A ce
prix l'huile de table produite à partir de graines importées,
triturées et raffinées localement sera concurrentielle de tout
type d'huile de table importée en l'état.
De plus, suivant cette stratégie, on fait
l'économie des importations de tourteaux à un coût de 240 $
/t pour un volume, (lorsque les installations de trituration de 1,5 million de
tonnes de graines sont en production), de 1, 2 million de tonnes de tourteaux
dont 450 000 tonnes servent à satisfaire la demande interne et le reste
750 000 tonnes à l'exportation.
La trituration des graines au niveau local permet dans ce cas
de faire le bénéfice du coût global des tourteaux
importés actuellement estimé à 200 millions $US (en 2004
l'importation de soja a coûté 192 millions de $ US CNIS 2004) et
de faire une entrée au pays en devises fortes pour 750 000 tonnes x 240
$US = 180 millions de $US qui contribuent à hauteur des 50% pour la
couverture des dépenses opérées à l'importation des
graines.
En doublant les capacités de trituration (3 millions
de tonnes) et en portant le raffinage à 600 000t la transformation
permet la couverture totale de la consommation en huile de la
population locale par l'exportation des excédents en
huiles, tourteaux et autres dérivés pour la savonnerie...
En effet la production d'huile sera de l'ordre de 600 000 t x
550 $ /t = 330 millions $US
Et le tourteau de l'ordre de 2,4 millions de
tonnes x 240 $/ t = 576 millions $US
= 906 millions $US
Cette activité sera à l'origine par ailleurs de
la création d'un effet multiplicateur défini selon la cote
internationale à 1 $US / tonne / jour. Par conséquent le gain
réel de ce type d'opération de cette envergure est de l'ordre de
0,5 milliard $US annuellement.
En fonction de la quatrième situation
:
La prise en charge de la distribution par des
spécialistes locaux et internationaux va conduire à l'exposition
d'un ensemble de marques d'origines différentes. La dualité prix
/ qualité influencée aussi par la puissance du marketing va
décider de la conquête du marché.
De manière générale, on obtiendra
après stabilisation du marché l'équilibre suivant
d'après ce qui se pratique sur marché international :
· Le prix le plus bas / qualité moyenne juste au
niveau des normes admises par la commercialisation et qui sera de l'ordre de 55
DA / litre
· Le prix le plus élevé / qualité
supérieure reconnue de 100 DA / litre
· Le prix moyen / qualité standard adoptée
par la grande consommation de 80 DA / litre.
Cette dualité prix / qualité qui va
déterminer les orientations du marché est fortement liée
à l'espèce d'origine (tournesol, soja, colza, palme) ayant servi
à la production de l'huile concernée.
Dans le premier cas, au prix de 55 DA / litre, il s'agit de soja
ou de palme.
Dans le second cas, au prix de 100 DA / litre, il s'agit de
tournesol ou colza.
Dans le troisième cas, au prix de 80 DA / litre, il s'agit
de coupages à différentes proportions.
Pour que ces différents cas de figures subsistent sur
le marché, en maintenant leur plus value à un niveau de
rentabilité optimum, chaque dualité va entreprendre des actions
de pérennisation dans le sens d'un déploiement de moyens à
même de renforcer sa présence sur le marché.
Ainsi du fait que la trituration + le raffinage conduisent
à un prix de 56 DA / litre à l'étalage pour le soja et 65
DA / litre pour le tournesol, il sera difficile de se maintenir sur le
marché avec de l'huile de table importée en l'état et
vendue à des prix nettement supérieurs même en étant
de très bonne qualité.
Les grandes entreprises vont s'orienter dans ce cas vers la
trituration et le raffinage et par voie de conséquence, assurer la
disponibilité de la graine (par l'importation ou en favorisant la
production localement)à un prix stable et rémunérateur. Le
coût de production du tournesol au dessus des 500 mm est de l'ordre de 31
500 DA / Ha (Partie I) pour un rendement de 2 tonnes / Ha. A l'irrigué
le coût de production sera de 72 000 DA / Ha avec un rendement moyen de 4
tonnes / Ha. Ainsi le prix d'une tonne de graines sera de l'ordre de 18 000 DA
/ t soit 240 $ / t à la porte de la ferme (prix `Bord champ').