3.- Déficience ou échec du système
d'organisation et de gestion économique ?
L'un des traits distinctifs de la filière est son
évolution dans un contexte socio - économique particulier. Par le
passé, il s'agissait d'une gestion répondant aux attentes d'une
économie planifiée et fortement centralisée qui, en
l'espace d'une décennie environ, se devait de se transformer en
économie de marché et créer un environnement
socio-économique totalement différent dont la composante
principale, la population consommatrice de biens et services, n'était
pas préparée.
Toutefois, cette population aux capacités d'adaptation
élevées, possédait dans sa mémoire collective
d'avant la Révolution quelques rudiments de connaissances de ce type
d'environnement de libre concurrence et la proximité de l'Europe
facilitait au mieux l'approche pragmatique d'adoption.
Pour cela, il fallait instituer les outils économiques
visant à faciliter cette modification en passant d'une économie
administrée à une économie d'ouverture, cette
volonté d'adaptation, s'est concrétisée à travers
certaines mesures :
- L'autonomie de l'entreprises publique comme mode de gestion,
rendant celle-ci comparable à une personne morale distincte de l'Etat,
délivrée de toute tutelle administrative, dotée d'un
capital social et désormais régie par les lois universelles de la
commercialité. Au second semestre 1995, deux lois fondamentales ont
été approuvées.
- La loi sur la privatisation des entreprises
- La loi sur la gestion des capitaux marchands de l'Etat.
Holding agro- alimentaire de
Le directoire de L'ENCG
Conseil de surveillance.
Division au niveau du groupe
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Filiales
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PDG filiale
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Conceil d'administration au niveau filiale
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Unité de production
Secrétariat
Figure n° 12 : Organigramme Holding /
ENCG.
Cette dernière a institué le holding,
société de participation, en lui attribuant le droit de
propriété des entreprises et la mission en matière de
stratégie de développement et de restructuration.
Dans cet élan de réformes, les
dévaluations et les dépréciations du Dinar ont eu des
effets marquants sur les entreprises locales de manière
générale et du secteur public en particulier notamment celles,
comme l'ENCG qui employait un effectif souvent supérieur aux besoins en
main d'oeuvre de l'entreprise.
Ces effets ont fragilisé la trésorerie,
désorganisé le dispositif de production, créé la
perte du savoir faire et constitué de larges débouchés
pour les produits des firmes étrangères, qu'il s'agisse
d'équipements industriels, de matières premières et biens
intermédiaires ou de services. Le tout était importé,
introduit par besoin de stratégie socio-économique du fait de
l'incapacité de le produire dorénavant localement ou de libre
concurrence de par sa disponibilité sur le marché international
à des prix intéressants.
L'évolution des importations nationales tous produits
confondus s'est fortement accrue pour atteindre en 2004 un plus de 18 milliards
de dollars américains-CNIS 2005- alors
qu'elles n'étaient que de l'ordre de 9 milliards de $US
en 1998. On peut affirmer, sans être en porte à
faux, que le pays a fortement participé à la valorisation du
capital international de manière générale et en
particulier dans le cas de l'objet de nos travaux, le capital international
spécifique à l'agro -alimentaire et en particulier aux huiles
brutes. Pour montrer cet état de fait, il suffit de revenir quelque peu
en arrière et analyser les différentes étapes qui ont
été traversées. Au départ il faut rappeler le
principe de base repris par M. Boukella en 1993 sous la forme très
claire suivante:
« Face à une demande sociale en croissance rapide,
l'Etat s'est engagé à assurer à tous les Algériens
une ration alimentaire et nutritionnelle relativement satisfaisante, mais au
moyen d'une politique d'organisation de l'offre fondée sur le recours
systématique aux importations » Ce mode de régulation des
approvisionnements a conduit nécessairement à une impasse dans la
mesure où il a fallu faire dépendre l'alimentation de la
population de la recette tirées des hydrocarbures c'est-à-dire du
prix du pétrole en fonction de la valeur de change du Dollar
américain, car toute les ventes étaient libellées en $US
d'une part et d'autre part de la disponibilité des denrées
alimentaires importées et de leurs prix. Ainsi cette politique
était fondée sur trois facteurs sur lesquels les entreprises
importatrices et les autorités administratives de tutelle n'avaient
aucune influence et encore moins de maîtrise.
La politique alimentaire étatique s'est
caractérisée par ailleurs, par la fixation administrative des
prix à la consommation à des niveaux très bas et
gelés sur une longue période. Cette constante stratégique
des politiques nationales durant trois longues décennies à
conduit à des situations paradoxales notamment en matière d'huile
de table. En effet l'évolution des prix de l'huile alimentaire indique
toutes choses égales par ailleurs que le coût du litre d'huile en
1988 a été moins cher que celui de 1966. (Taux de change
utilisé 1966 : 1$US= 5DA ; 1979 : 1 pour 10, 1988 : 1 pour 35 ; 2004 : 1
pour 75.)
Tableau n° 15 : Evolution des prix moyens à
la consommation (détail).
ANNEE
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1966
|
1979
|
1988
|
2004
|
Huiles et corps gras consom (litre/hab/an)
|
10.20
|
15.29
|
17.17
|
19
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Huiles et corps gras
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2,25
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1,22
|
15
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80
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Valeur DA /litre
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Huiles et corps gras En valeur constante
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0,45
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0,12
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0,42
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1,06
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($/litre)
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Source : Vol. 19, 1996 Cahiers Options
Méditerranéennes Pour2004 enquête ONS.
En réalité, vers la fin de la décennie
quatre vingt, la situation au niveau de la filière était beaucoup
plus tendue du fait que le seul représentant (ENCG) de la filière
venait de perdre son monopole sur la matière première d'une part
et d'autre part, la compensation au soutien des prix n'a pas suivi, le faisant
entrer dans le tourbillon de la dette excessive et des difficultés
d'accès à la devise. Ainsi la libéralisation naissante par
le biais des réformes engagées avait touché de plein fouet
la filière des huiles alimentaires. Cette situation s'est
illustrée par l'ampleur de la pénurie en huile de table dont le
prix affiché par l'ENCG était de 30 DA le bidon de 5 litres,
introuvable et celui disponible sur le marché parallèle à
75DA.
En fait, à partir de 1982 , une autre option avait vu
le jour, avec la constitution d'un fonds de compensation (loi 22-01 de mars
1982) à partir des taxes sur certains produits dits de « luxe
», pour financer les subventions et le soutien des prix à la
consommation. Cette option prévaudra jusqu'à la mise en oeuvre
effective des réformes économiques au début des
années quatre-vingt-dix tendant à la rupture totale avec le
système des prix administrés .en plus de l'allégement
attendu des charges sur le budget de l'Etat. L'institution du fonds de
compensation était censée équilibrer les finances des
entreprises bénéficiaires de subventions, puisque le
déficit créé par la différence entre prix
fixés et prix réels devait être entièrement
comblé par le fonds de compensation. Cependant, aucun de ces deux
objectifs n'a pu être atteint.
Le poids de ce type de subvention sur le budget de l'Etat est
devenu tellement excessif et insupportable qu'au début des années
quatre-vingt-dix à la suite du renchérissement dû aux
dévaluations du dinar, « le coût des matières
importées par les industries agro-alimentaires concernées, a
été estimé à 17.2 milliards de DA en 1990, soit
12.6 % des recettes prévisionnelles du budget de l'Etat pour la
même année, fiscalité pétrolière comprise
» (S. Bedrani, 1993). Il semblerait que la contre partie à verser
aux entreprises est demeurée souvent impayée ou, au mieux,
versée avec retard.
Au total, la politique de soutien des prix à la
consommation n'a réussi qu'à contenir, artificiellement, le
phénomène de l'inflation.
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