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La prolifération et la circulation illicite des armes légères et de petit calibre en Afrique Centrale: Etude du phénomène et analyse critique des mécanismes de contrôle de ces armes

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par Kisito Marie OWONA ALIMA
Université de Yaoundé 2 - Master en stratégie, défense, sécurité et gestion des conflits et catastrophes 2007
  

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CONCLUSION

Au terme de la présente étude qui consistait à examiner, d'une part, le phénomène de prolifération et de circulation illicites des armes légères et de petit calibre en Afrique Centrale, et d'autre part, à faire une analyse critique des mécanismes de contrôle de ces armes, il y a lieu d'affirmer que toutes les hypothèses de recherche, énoncées au départ, ont été confirmées. Ce qui confirme donc aussi l'hypothèse générale, à savoir : l'insécurité observée aujourd'hui en Afrique Centrale résulte de la prolifération et de la circulation anarchiques des ALPC.

Dès lors, comment mieux contrôler les transferts d'armes ? Quelles stratégies faut-il aujourd'hui pour limiter la prolifération et la circulation illicites des armes légères et des munitions dans la sous-région et peut-être même aussi dans le monde ? Une stratégie qui s'applique au niveau continental, sous-régional et à l'échelle internationale, serait efficace pour mettre fin à la circulation incontrôlée des armes légères.

1- Le rôle de l'Union Africaine

En tant que système de sécurité collective, l'Union Africaine doit pleinement jouer son rôle ; elle doit pouvoir atteindre certains objectifs, notamment :

· Négocier avec les pays concernés la réduction des stocks d'armements hérités de la guerre froide (ou de toute autre guerre de quelque nature que ce soit) et qui risquent de s'étendre ou s'étendent même déjà vers des zones en crise ou de conflit armé ;

· Créer des mécanismes qui favorisent le règlement pacifique des différends, pour éviter que ceux-ci ne dégénèrent en conflits armés, sources d'accumulation des armes légères ;

· Encourager la coopération entre Etats afin de faciliter le contrôle des frontières et la répression des trafics d'armes ;

· OEuvrer pour mettre rapidement fin aux conflits armés, car lorsqu'un conflit dure longtemps, il y a un besoin croissant en armement.

En plus de ces objectifs, l'Union Africaine devrait parvenir à la création d'un traité régional de non prolifération anarchique des armes légères et des munitions.

2- Les mesures au niveau sous-régional

La CEEAC devrait sérieusement s'investir dans la lutte contre la circulation anarchique des ALPC. Sa tâche devrait consister maintenant à renforcer les mécanismes de contrôle des armes qui présentent des faiblesses et qui ont montré des limites, et créer d'autres mécanismes plus efficaces, le cas échéant, au sein de son Département chargé de l'Intégration Humaine, de la Paix, Sécurité et Stabilité, créer un organe spécialement en charge des questions liées à la circulation des armes légères.

· Doter le COPAX d'un organe spécial de contrôle des armes légères 

L'une des lacunes du COPAX vient du fait que la question des armes légères, l'une des causes principales de l'insécurité, a été abordée presque de manière implicite, ce qui le rend moins crédible. Il est donc bénéfique qu'au sein du COPAX il y ait un organe spécialement chargé du contrôle des ALPC doté d'un pouvoir contraignant.

· Renforcer les capacités des institutions de sécurité et impliquer les experts civils 

La lutte contre la prolifération des armes légères requiert le renforcement des structures et l'amélioration des compétences des forces armées et de sécurité ainsi que des techniques modernes de maîtrise du flux des armes et l'application des lois. Le « renforcement des capacités » est une composante essentielle dans la stratégie de lutte contre les armes légères. Son absence est un blocage à la réussite des politiques nationales de lutte contre les ALPC. Le renforcement des capacités est également une des conditions de réussite des programmes de collecte des armes, car ce n'est que lorsque les forces de sécurité et les forces armées seront en mesure d'assurer efficacement la sécurité des populations que la tentation de celles-ci d'avoir recours aux armes pour se défendre va diminuer et de ce fait auront des raisons légitimes de remettre volontairement les armes. Les Etats membres de la CEEAC, avec l'appui des organisations internationales, devraient donc oeuvrer pour assurer la formation de leurs forces armées, de sécurité et de police aux techniques modernes de maîtrise du flux d'armes et de munitions, à l'application des lois, à la gestion et à la sécurisation des stocks d'armements.

· Harmoniser les législations nationales 

L'une des causes majeures qui font échouer la lutte contre la circulation illicite des ALPC est la différence des législations nationales. Il serait donc souhaitable que les pays de la sous-région procèdent à une harmonisation des législations. Une harmonisation à deux ou à trois, comme semble être la tendance aujourd'hui, est faible et laisse des failles que pourraient exploiter les trafiquants. Par contre, une harmonisation qui regroupe, autour d'une même table, tous les Etats de la sous-région, est efficace. Il revient par conséquent à la CEEAC d'organiser une conférence sous-régionale sur l'harmonisation des législations nationales.

· Renforcer la coopération bilatérale et la coopération sous-régionale/ sous-régionale 

Le trafic illicite d'armes légères ne peut être bien contrôlé par des pays agissant seuls, car le commerce illicite profite de la perméabilité des frontières. Les trafiquants savent vite trouver les filières où les contrôles nationaux sont faibles et profitent d'une coopération insuffisante entre les autorités chargées du contrôle aux frontières ou de différences entre réglementations nationales. Les Etats de la sous-région gagneraient donc à renfoncer la coopération bilatérale, notamment en mettant l'accent sur l'échange d'informations sur la circulation des armes entre les forces de sécurité et le personnel des douanes. Le Cameroun, par exemple, devrait particulièrement consolider cette coopération vis-à-vis du Tchad et de la RCA, pays partageant leurs frontières à l'Est avec le Soudan (d'où viendraient les armes à cause de la guerre) et fortement instables ces derniers temps ; il devrait également le faire avec le Nigeria d'où se développeraient de nombreuses activités de contre bande.

La coopération sous-régionale / sous -régionale doit aussi être renforcée. Car, les armes sont très têtues ; elles ne respectent pas les frontières. Si elles ne peuvent pas passer par le Sud, elles entreront forcément par le Nord, l'Est ou l'Ouest. Par conséquent, dans sa lutte contre la prolifération et la circulation illicites des ALPC, la CEEAC devrait collaborer avec les autres organisations sous-régionales du continent : la CEDEAO, la SADC et les autres. Elle devrait adhérer à tous les mécanismes et instruments de contrôle des ALPC créés au sein de ces organisations, à l'instar du Protocole de Nairobi ou du Protocole sur le contrôle des armes à feu des pays d'Afrique Australe, et oeuvrer pour la bonne marche des activités relatives à la lutte contre les armes légères, entreprises dans ces espaces géographiques.

· Créer un observatoire sous-régional des ALPC 

Placé sous l'autorité de la CEEAC, il devra avoir pour missions :

- collecter les informations sur les mouvements illicites des armes légères et des munitions et mettre ces informations à la disposition des Etats membres.

- Contrôler les frontières afin de prévenir et d'arrêter les mouvements illégaux des armes et des munitions.

- Elaborer des stratégies, politiques et programmes de lutte contre la prolifération des armes légères.

- Faire des rapports (annuels ou périodiques) sur les armes légères et les munitions.


· S'attaquer aux causes profondes du fléau

En plus de ces actions, les Etats de la sous-région devraient aussi mettre l'accent sur la lutte contre la corruption, surtout en ce qui concerne les forces de sécurité et le personnel des douanes chargés des contrôles au niveau des frontières. Parallèlement, il faudrait combattre la pauvreté. Car en réalité, ce qui pousse les individus à posséder les armes, c'est l'accroissement excessif des besoins face à la modicité des moyens. Les populations affamées n'hésitent donc pas à chercher les armes pour braquer ou tuer pour survivre. Il suffit donc de leur assurer le minimum vital pour que disparaisse la tentation de recourir aux armes comme moyen de survie. C'est donc dire que, combattre la corruption et la pauvreté, c'est combattre la circulation illicite des armes légères.


·Tendre vers l'approche de solutions démocratiques dans les Etats

Cette approche, qui semble réaliste, a l' avantage de permettre d' aller à la source des problèmes et de comprendre aujourd'hui que le déficit démocratique dans un pays est l' une des causes principales des tensions sociales et des conflits armés, sources d' accumulation des armes légères. Le Kenya, affecté ces derniers jours par des tensions sociales meurtrières105(*) (qui laissent d'ailleurs augurer une guerre civile sanglante de longue durée), est un exemple qui confirme parfaitement ce qui précède. Pour amoindrir les causes des conflits armés, les Etats de la sous-région devraient donc opter pour la démocratisation des institutions. Cette démocratisation doit être de nature à garantir la transparence dans les différentes consultations électorales et à permettre l'alternance au pouvoir.

Combattre efficacement la circulation anarchique des armes légères revient donc à renforcer la démocratie dans les Etats, et c'est à cette oeuvre que devrait s'atteler la CEEAC aujourd'hui.

* 105 A la date du 18 janvier 2008 ces tensions sociales auraient déjà fait plus de 700 morts parmi les civils.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry