RESUME
Depuis la fin de la Guerre Froide, l'Afrique Centrale est
fortement marquée par le phénomène de prolifération
et de circulation illicites des armes légères et de petit
calibre.
· Les raisons qui expliquent le
phénomène
Plusieurs facteurs expliquent la prolifération et la
circulation des armes dans la sous-région d'Afrique Centrale. Parmi
lesquels, les facteurs socio-politiques, les conflits armés, les
mouvements de réfugiés et le commerce international
incontrôlé des armes.
Favorisent également la circulation illicite et
anarchique des ALPC dans la sous-région : l'absence d'une norme
internationale coercitive sur les ALPC, la réglementation mitigée
de certaines armes telle que la kalachnikov (AK-47), l'absence d'un instrument
fiable sur la traçabilité et le marquage des ALPC et enfin les
caractéristiques physiques mêmes de ces armes.
D'énormes quantités d'armes
légères et de munitions sont actuellement fabriquées dans
de nombreuses usines disséminées à travers la
planète, mais fortement concentrées dans les pays du Nord. Dans
cette production sans cesse croissante et où les Etats-Unis figurent au
peloton de tête à l'échelle mondiale, le continent africain
occupe une place non négligeable avec ses industries naissantes, mais
déjà très productives. L'Afrique excelle aussi dans la
fabrication artisanale des armes. Cette fabrication locale est d'une importance
mineure, mais aggrave considérablement le phénomène de la
circulation des armes. Ces armes circulent abondamment et de façon
incontrôlée dans le monde et en particulier dans la
sous-région d'Afrique Centrale, grâce aux techniques de transfert
mises en oeuvre par les trafiquants et à cause de la faiblesse des
contrôles au niveau des frontières.
· Les conséquences du
phénomène
La prolifération incontrôlée et la
circulation anarchique des armes légères ne sont pas sans
conséquences dévastatrices dans la sous-région. En plus de
détruire de nombreuses vies humaines, les armes légères
constituent une grave menace pour la paix, la sécurité et la
stabilité ainsi que le développement durable au niveau
individuel, local, national, régional et sous-régional. En
Afrique Centrale, l'accumulation des armes légères prolonge les
conflits, exacerbe la violence, contribue fortement au déplacement
massif des civils et aux violations abusives des droits humains et du droit
international humanitaire, en particulier au détriment des femmes et des
enfants. Elle favorise également la recrudescence de la
criminalité organisée nationale et transfrontalière ainsi
que le développement des ramifications des liens existant entre le
commerce illicite des armes légères, les trafics de drogues et de
minéraux précieux. En outre, les armes légères
constituent une grande entrave à la recherche d'une solution durable aux
différents conflits qui déchirent le continent et en particulier
l'Afrique Centrale.
Enfin, l'accumulation et la circulation excessives des ALPC
entraînent des conséquences considérables sur le plan
humanitaire : la difficulté d'agir de la communauté
internationale dans les zones de conflits armés à cause des
atrocités perpétrées à l'aide de ces armes, et les
entraves à l'acheminement de l'aide humanitaire vers les populations
civiles en proie aux souffrances multiples.
· Les mécanismes et les instruments
de contrôle des ALPC dans la sous-région
Depuis quelques décennies, plusieurs mécanismes
et instruments ont été mis en place, tant au niveau
sous-régional qu'à l'échelle internationale, pour
combattre le phénomène de prolifération et de circulation
illicites des ALPC. Cependant, ces mécanismes et instruments comportent
des lacunes importantes et ont montré leurs limites. Ce qui a
contribué à aggraver considérablement le
phénomène.
· Les approches de
solutions
Pour mettre fin à la
prolifération et à la circulation incontrôlées des
armes légères, des efforts devraient être faits au niveau
continental, au niveau sous-régional et à l'échelle
internationale.
Au niveau continental, l'Union Africaine, en tant que
système de sécurité collective, devrait pouvoir atteindre
certains objectifs, notamment : négocier avec les pays la
réduction des stocks d'armements ; créer des
mécanismes ou des lieux de discussion afin de permettre le
règlement pacifique des différends pour éviter que ceux-ci
ne dégénèrent en conflits armés, sources
d'accumulation des armes légères ; favoriser la
coopération entre Etats en vue de faciliter le contrôle des
frontières et la répression des trafics d'armes.
Au niveau sous-régional, la CEEAC devrait aussi
atteindre certains objectifs: renforcer les mécanismes de contrôle
qui ont montré les limites et créer d'autres mécanismes
plus efficaces ; doter le COPAX d'un organe spécial de
contrôle des armes légères ; renforcer les
capacités des institutions de sécurité et impliquer les
experts civils dans la lutte contre la circulation illicite des armes
légères ; accélérer le processus
d'harmonisation des législations nationales sur les armes et parvenir
à un régime d'interdiction qui prévoit les autorisations
et non un régime d'autorisation qui intègre les
interdictions ; renforcer la coopération bilatérale et la
coopération sous-régionale/sous-régionale pour permettre
l'échange d'informations sur la circulation des armes ;
créer un observatoire sous-régional des ALPC dont les missions
seraient entre autres, collecter les informations sur les mouvements illicites
des armes et des munitions afin de les mettre à la disposition des
Etats, contrôler les frontières afin de prévenir et
d'arrêter les mouvements illégaux des armes et des munitions,
élaborer des stratégies, politiques et programmes de lutte contre
la prolifération et la circulation illicites des armes.
Par ailleurs, la CEEAC devrait inciter les Etats à
s'attaquer à la corruption, surtout à l'égard des forces
de sécurité et du personnel des douanes chargés des
contrôles au niveau des frontières. Les Etats membres devraient
aussi mettre l'accent sur la lutte contre la pauvreté. Les gouvernements
de la sous-région devraient surtout instaurer la démocratie et
s'efforcer de pratiquer la bonne gouvernance afin d'éviter les tensions
sociales, voire les conflits armés, sources d'accumulation des armes.
Pour ce qui est du cas spécifique du Cameroun, un
module sur les armes légères devrait être ajouté
dans le programme des enseignements du CSID.
Au niveau de l'ONU, des efforts doivent également
être menés. L'article 51 de la Charte, qui accorde une
liberté sans limite aux Etats d'accumuler ou de vendre des armes, doit
être révisé. Le Registre des armes conventionnelles de
1991, qui exclut les armes légères de la liste des armes
classiques faisant l'objet de déclaration, doit être
complété pour intégrer ces armes ; les informations
à communiquer par les Etats doivent inclure les stocks d'armements
existants ; les déclarations des Etats membres doivent être
obligatoires ; le Registre devrait pouvoir intégrer une disposition
qui prévoit un office de contrôle international indépendant
des Etats qui serait chargé d'opérer des vérifications.
L'ONU doit également parvenir à un traité de non
prolifération anarchique des ALPC et des munitions, et à la
création d'une sorte d'agence internationale des armes
légères et des munitions. La mission de l'agence serait
d'inspecter dans des usines de production des ALPC pour voir si les Etats
respectent les normes internationales et les quotas de production
fixés.
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