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La prolifération et la circulation illicite des armes légères et de petit calibre en Afrique Centrale: Etude du phénomène et analyse critique des mécanismes de contrôle de ces armes

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par Kisito Marie OWONA ALIMA
Université de Yaoundé 2 - Master en stratégie, défense, sécurité et gestion des conflits et catastrophes 2007
  

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IV. Le rôle des réfugiés dans la circulation des armes.

Les guerres civiles en Afrique finissent toujours par produire un grand nombre de réfugiés qui, le plus souvent sinon tout le temps, emportent avec eux des armes légères facilement transportables et dissimulables à cause de leur légèreté. Ces armes, qui échappent aux contrôles douaniers et policiers, peuvent ainsi passer d'un pays à un autre selon les mouvements des réfugiés. Justement, l'Afrique Centrale compte aujourd'hui un grand nombre de réfugiés issus, soit des conflits armés de la sous-région, soit des guerres civiles hors de la sous-région (Soudan, Somalie, etc.). En 2006, le nombre de réfugiés en Afrique Centrale (pays des Grands Lacs inclus) est estimé à 135917522(*) . Il peut donc être imaginé, sans que cela soit exact, le nombre d'armes en circulation dans la sous-région si on admet que chaque réfugié détient une arme.

V. La commercialisation des ALPC

Le commerce d'armes tire sa légitimité de la Charte des Nations Unies elle-même en faisant valoir le droit des Nations à la légitime défense individuelle ou collective à tout Etat membre. Ce droit est reconnu par l'article 51 qui dispose : « Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée ». Dès lors, les Etats ont le droit à l'utilisation et au commerce des moyens de défense que sont les armes.

Le commerce international des armes, qui ne fait pas l'objet de contrôles rigoureux et efficaces, est le principal facteur de prolifération et de circulation anarchiques et illicites des armes dans le monde et en particulier dans la sous-région d' Afrique Centrale. En dépit de leurs responsabilités et de leurs obligations légales, nombreux sont les pays qui continuent librement à fournir des armes et des munitions à des utilisateurs finaux irresponsables, notamment en Afrique. Les pays occidentaux, et en particulier ceux du G8 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-uni et Russie) jouent un rôle de premier plan dans ces transferts excessifs d'ALPC. Sur les huit pays qui composent le G8, six figurent parmi les 10 plus gros exportateurs d'armes à l'échelle mondiale. Les tableaux ci-dessous indiquent respectivement le volume des principales armes classiques fournies en 2003 et la valeur des exportations d'armes légères effectuées en 2001 par les pays du G8.

TABLEAU 1 : Volume des principales armes classiques fournies par les pays du G8 en 2003

Pays

Volume des exportations en millions de dollars américains

Russie

6980

Etats-Unis

4385

France

1753

Allemagne

1549

Canada

556

Royaume-Uni

525

Italie

277

Japon

 

Source: SIPRI Yearbook 2004 Armaments, Disarmament and International Security, Oxford University Press, 2004, Tableau 12A.2.

TABLEAU 2 : Valeur des exportations d'armes légères effectuées par les pays du G8 en 2001

Pays

Volume des exportations en millions de dollars américains

Etats-Unis

741,4

Italie

298,7

Allemagne

156,7

Japon

70,3

Canada

53,6

Royaume-Uni

44,8

Russie

42,2

France

33,7

Source: Small Arms Survey

Les tableaux ci-dessus laissent clairement voir que les pays du G8, sans pour autant négliger les autres pays, figurent au peleton de tête des fournisseurs d'armes à l'échelle mondiale, avec les Etats-Unis comme chef de peleton. Bien qu'il soit difficile, voire impossible de préciser le nombre d'armes exact exportées vers chaque pays, force est de relever qu'une part importante de ces armes est déversée sur le continent africain, en particulier dans les pays de l'Afrique Centrale.

Les importations d'armes des pays africains ont cependant sensiblement diminué entre les périodes 1978-1990 (13,7 milliards de dollars) et 1991-1994(2,3 milliards de dollars) soit une baisse de 83%. Ces chiffres montrent qu'entre 1987 et 1990 les transferts d'armes vers l'Afrique représentaient moins de 10% des livraisons aux pays du Tiers-Monde (1987-1990 :147 milliards de dollars ; 1991-1994 :72 milliards de dollars) alors qu'entre1991et 1994 cette part est tombée à un peu plus de 3%23(*) comme le témoigne le tableau ci-dessous :

TABLEAU 3: Livraisons d'armes à l'Afrique sub-saharienne (en millions de dollars courants)

Périodes

Pays

1987-1990

1991-1994

Etats-Unis

330

123

URSS /Russie

10 000

600

France

400

200

Royaume-Uni

300

300

Chine

400

200

Italie

300

100

Autres pays européens

700

300

Autres pays non européens

1300

500

TOTAUX

13 730

2 323

Source : Congressional Research Service

Faut-il donc conclure que durant ces périodes le phénomène de circulation illicite des armes a diminué en Afrique sub-saharienne et en particulier dans la sous-région d'Afrique centrale ? Ces deux périodes correspondent au moment où il existe de fortes tensions en Afrique (le conflit armé angolais est encore actif, le génocide rwandais commence en 1994, la guerre civile en RDC pointe à l'horizon ou a même déjà commencé, etc.). Forcément, les armes circulent pour alimenter ces foyers de tension. Ensuite, il est très difficile, voire impossible d'avoir des chiffres exacts en matière de vente d'armes, surtout en ce qui concerne les armes légères, en raison du flou qui caractérise les instruments juridiques réglementant l'exportation et les transferts de ces armes. Il est donc fort probable que les chiffres donnés par le Congressional Research Service (CRS) soient loin de la réalité. Enfin, le CRS n'a pas relativisé ses données statistiques en faisant cas du marché noir des armes qui est pourtant florissant.

En somme, la diminution des livraisons d'armes à l'Afrique subsaharienne, telle que présentée par CRS ne doit pas absolument amener à la conclusion selon laquelle la circulation des ALPC a diminué sur le continent du fait de la baisse des approvisionnements pendant les périodes 1987-1990 et 1991 -1994.

VI. Le cybertrafic d'armes légères

Une autre tendance aujourd'hui, favorisant considérablement la prolifération et l'accumulation faciles des ALPC, est le « mariage » entre les innovations technologiques, notamment les technologies de l'information, la mondialisation de l'économie de marché et la montée en puissance et en pouvoir des syndicats de crime organisé. Les activités criminelles de ces syndicats sont maintenant rendues faciles par Internet (International Network). Cette criminalité à partir de Internet est appelée cybercriminalité.

Dans le domaine des transferts d'armements de petit calibre, affirme Anatole Ayissi, « les progrès de l'informatique et des télécommunications permettent aujourd'hui de se livrer, souvent impunément et dans l'anonymat total, à l'abus, à la fois, des règles du droit, des exigences de l'économie de marché et des normes de la morale »24(*). Selon cet auteur, il suffit aujourd'hui d'un ordinateur portable, d'un téléphone/fax et de quelques papiers entête pour qu'à partir d'une chambre d'hôtel ou de son domicile, un trafiquant puisse commander, par exemple, des tonnes d'armes aux Etats-Unis, en Europe, en Asie, en Afrique du Sud, etc... pour les acheminer en Afrique ou ailleurs, sans se faire repérer. Il s'agit là du cybertrafic d'armes.

Après avoir examiné les facteurs de prolifération et de circulation des ALPC, il convient à présent d'en étudier les caractéristiques.

* 22Selon l'information recueillie au site web : www.wikipedia.org

* 23 Richard Grimmett, «Conventional Arms Transfers to Developing Nations, 1987-1994», Congressional Research Service, Washington, 4/08/95.

* 24 Anatole Ayissi, « La prolifération des armes légères et de petit calibre : un défis majeur de paix et de sécurité », in Revue Africaine d'Etudes Politiques et Stratégiques, N° 1, Université de Yaoundé II, FSJP, Yaoundé, 2001, P. 174.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe