Lutte contre l'excision au Burkina Faso: l'expérience du plan intégré de communication de radio Vénégré( Télécharger le fichier original )par Pagnidemsom Nestor BOULOU Université de Ouagadougou - Maîtrise ès sciences de l'information et de la communication Option: Communication pour le développement 2007 |
CONCLUSION GENERALELa pratique de l'excision est un phénomène qui fait, aujourd'hui l'objet d'une campagne de lutte en vue de son éradication au plan national qu'international. Au Burkina Faso, la volonté de lutter contre cette pratique s'est manifestée par plusieurs actes dont les principaux sont relatifs à la création du Comité National de Lutte contre la Pratique de l'Excision (CNLPE) en 1990 et à l'adoption dans le code pénal de trois articles sanctionnant cette pratique en 1996.La lutte contre l'excision au Burkina Faso est donc caractérisée par deux aspects à savoir la sensibilisation et la répression. Les médias se sont avérés au fil des temps être des moyens à travers lesquels la lutte contre l'excision peut se mener efficacement. C'est dans ce sens que des approches de communications ont été élaborées pour accompagner les campagnes de sensibilisation parmi lesquelles le Plan Intégré de Communication (PIC) est la plus récente au Burkina Faso. Il s'agit en effet d'utiliser des radios locales à vocation communautaire ou associative pour véhiculer des messages de sensibilisation sur l'excision. Le PIC est une initiative soutenue par l'UNICEF et dont la mise en oeuvre incombe au CNLPE. Si la communication est désormais reconnue comme étant l'élément essentiel de la lutte contre l'excision, il demeure cependant que son efficacité dépend de la qualité de sa mise en oeuvre. De nos jours, il est assez notoire que l'approche participative doit sous tendre toute stratégie de communication pour le changement de comportement en ce sens qu'elle conditionne positivement la réceptivité des messages émis. En essayant de travail sur le thème « Lutte contre l'excision au Burkina Faso: l'expérience du Plan Intégré de Communication de Radio Vénégré», nous voulions faire ressortir les forces et les faiblesses de la mise en oeuvre de cette nouvelle approche communicationnelle. Nous sommes parti de l'hypothèse selon laquelle le PIC de Radio Vénégré n'est pas assez participatif aussi bien dans son processus d'élaboration que dans sa mise oeuvre pratique. Au terme de notre analyse, nous pouvons tirer quelques conclusions principales relatives au contenu des messages de sensibilisation, aux supports de communication, aux acteurs impliqués dans le PIC et au processus d'élaboration du PIC. Du contenu des messages Si nous admettons que la sensibilisation doit être menée avec des messages qui sont le résultat d'une négociation régulière et sincère où les points de vue sont discutés et comparés, il apparaît que les messages de sensibilisation dans le cadre du PIC ne s'inscrivent pas dans cette perspective. En effet, les campagnes d'information ont tendance à se focaliser plus sur les aspects négatifs et les risques de répression pour ceux qui pratiquent l'excision. L'aspect négatif de l'excision est une réalité qui n'est pas partagée par ceux qui la pratiquent d'où la nécessité de négocier l'abandon de cette pratique. La répression ne peut intervenir dans une situation où tout le monde est convaincu que l'acte est préjudiciable à la santé et aux droits élémentaires de la femme. Pourtant, ce n'est pas encore le cas d'où l'exclamation de cette dame en ces termes « comment on peut emprisonner des gens tout simplement parce qu'elles respectent leurs traditions »115(*). Le véritable problème est de voir comment amener les personnes concernées à abandonner l'excision sans créer une situation de conflit avec elles. Pourtant, brandir la menace de la loi dans les campagnes de sensibilisation ne fait que créer une atmosphère de méfiance et de discrétion car « l'excision se fait de plus en plus dans la clandestinité. D'autres préfèrent migrer vers d'autres horizons pour leur sale besogne »116(*). Par ailleurs, il convient de noter que les questions liées à l'excision sont délicates en ce sens qu'elles concernent le sexe, sujet encore tabou dans nos sociétés. Les messages véhiculés ou les images présentées aux populations dans le cadre de la lutte contre l'excision méprisent généralement le caractère tabou du sexe117(*). De la crédibilité des noyaux relais Un autre aspect important dans le PIC concerne les acteurs impliqués dans la mise en oeuvre du plan. En effet, en plus de la radio, du théâtre forum et des projections vidéo, la stratégie consiste à constituer des noyaux relais qui bénéficient de séances d'information sur l'excision afin que ceux-ci, à leur tour, puissent sensibiliser leurs concitoyens. Cependant, il est ressorti de nos entretiens que ces noyaux relais ne sont pas suffisamment outillés en communication pour le développement. En réalité, il ne s'agit pas seulement de savoir ce que l'excision peut provoquer chez une fille mais plutôt comment le dire pour que cela soit compris et accepté par ceux qui la pratiquent. En outre, la plupart des noyaux relais sont des jeunes dont la force de parole n'est pas évidente. Dans les sociétés traditionnelles africaines, les questions liées aux coutumes et traditions sont traitées par des personnes généralement âgées et qui jouissent d'une certaine reconnaissance sociale tels que les leaders d'opinion toute chose que Pascaline TAMINI, Ministre de l'Action Sociale et de la Solidarité nationale du Burkina Faso a reconnu en ces termes : « Pour nous, le meilleur moyen de mobiliser ces communautés est de passer par ceux là mêmes qui sont en contact permanent avec elles et qui peuvent par leur compétence, sagesse et respect à leur égard influencer les comportements et les préjugés desdites communautés »118(*). C'est pourquoi lors de la commémoration de la 7ème journée nationale de lutte contre l'excision tenue à Yako le 23 mai 2006, les réflexions ont porté sur le thème : « Rôle et place des leaders d'opinion dans la mise en oeuvre du plan d'action tolérance zéro à la mutilation génitale féminine d'ici 2010 ». Du processus d'élaboration du PIC Pour ce qui concerne la conformité du PIC avec les principes d'élaboration d'une stratégie de communication pour le changement de comportements, notre analyse y a décelé des faiblesses. Il n'existe pas de document définissant le PIC à travers ses objectifs, ses cibles, sa démarche et ses modalités de mise en oeuvre. Dans toute stratégie de communication pour le changement de comportement, il existe trois étapes charnières qui permettent de constituer une « feuille de route » dans la résolution du problème. Dans un premier temps, le processus débute avec l'analyse de la situation où les considérations socioculturelles sont prises identifiées et prises en compte. Cette étape permet également « d'identifier les forces et les faiblesses, les atouts et les opportunités d'une part, et les obstacles et contraintes d'autre part dont il faudra tenir compte lors de la planification puis de l'exécution de la stratégie ainsi que les risques et les postulats sur lesquels cette stratégie est fondée »119(*). Cette première étape permet d'aboutir à l'élaboration de la stratégie qui dégage tous les moyens nécessaires à la mise en oeuvre efficace de celle-ci. En effet, grâce à des messages appropriés, véhiculés vers les cibles concernées par des canaux adéquats, la communication peut favoriser les changements nécessaires à la résolution du problème de départ. Dans le volet opérationnel de la stratégie, la formation des ressources humaines et le renforcement des capacités sont déterminants pour l'efficacité de la mise en oeuvre de la stratégie. La dernière et importante étape du processus est que l'évaluation doit être participative afin de soulever de manière objective les difficultés à prendre en compte dans la perspective d'amélioration de la stratégie. Dans le cadre du PIC, les fiches de rapport dont se servent les acteurs pour apprécier la mise en oeuvre des actions de sensibilisation ne contiennent pas en réalité des informations qui permettent de mesurer les vrais problèmes de la stratégie. En somme, il faut reconnaître que, même si la prise de conscience de lutter contre l'excision à travers des approches communicationnelles intégrantes est à saluer, le PIC comporte des insuffisances qu'il convient de corriger afin de lui conférer tous les atouts nécessaires à l'atteinte des grands objectifs de la lutte contre cette pratique. * 115 Entretien réalisé 19 août 2005 avec une vieille dame à Wavussé * 116 Article paru dans L'indépendant n° 664 du 30 mai 2006 * 117 Danielle BOUGAIRE, thèse de doctorat sur "L'approche communicative des campagnes de sensibilisation en santé publique au Burkina Faso" p118 * 118 Article paru dans L'indépendant n° 664 du 30 mai 2006 * 119 FAO, Processus d'élaboration d'une stratégie de communication multimédia, www.fao.org, p10 |
|