Annexe 4 : Extrait de l'entretien avec Jean Yves
Leclercq.
? Comment définiriez-vous une
pin-up ?
Une pin-up est un dessin ou une photo représentant une
jeune fille susceptible de séduire celui qui la regarde. La demoiselle
occupe souvent une grande partie de l'image, est représentée en
pied, et a tendance à regarder son spectateur. Ces codes ont
été mis en place par Alberto Vargas dans les années 20,
bien que des artistes antérieurs avaient commencé à
travailler dans cette direction. Les pin-up ont évolué
jusqu'à nos jours au gré des moeurs, de la mode et des techniques
picturales
? Quelques renseignements biographiques : date
de naissance, nationalité...
05-03-1971. Je vis à Liège
? Votre parcours : avez-vous
fréquenté des écoles d'art, pris des cours de
dessins ?
Pas d'études artistiques complètes. J'ai suivi
quelques cours à l'académie de Verviers et à St Luc
à Liège en illustration-BD. J'aime beaucoup apprendre par
moi-même, ce qui est un avantage quand les techniques évoluent
à une vitesse phénoménale.
? Comment en êtes-vous arrivé à
dessiner des pin-up ? Quand avez-vous commencé ?
Pourquoi ? Quelles sont vos techniques de dessins ? Pourquoi avoir
choisi de travailler sur ordinateur ?
J'ai découvert les pin-up dans un livre d'Olivia de
Berardinis. Ca a été une révélation, j'ai tout de
suite voulu faire la même chose. Je dessinais déjà
beaucoup, mais ne connaissais aucune technique de mise en couleurs
appropriée. J'avais 17 ou 18 ans. Il m'a fallu plusieurs années
avant d'arriver à un résultat satisfaisant à
l'aérographe. J'ai ensuite appris à me servir d'un ordinateur et
d'une tablette graphique, curieux de découvrir cette nouvelle
façon de peindre. La technique que j'ai développé sur
photoshop est similaire à une technique mixte pinceau-aérographe.
Je ne travaille plus en `réel', les avantages de l'ordinateur sont trop
grands. Ceci dit, il ne reste qu'un outil. Il est plus pratique, et non pas
plus facile de l'utiliser.
? Travaillez-vous à partir de modèles
vivants ou de photographies ? Comment choisissez-vous vos modèles
ou vos photographies ? Si vous travaillez avec des modèles, comment
se déroule une séance ? Le modèle vous propose-t-elle
des poses ou avez-vous déjà une idée précise de ce
que vous attendez ?
Mes modèles : Soit je pars de photos personnelles
(ma compagne pose pour moi), soit je demande des autorisations pour utiliser
des photos de célébrités du strip-tease ou du milieu
fétichiste (Masuimi Max, par exemple). Ces photos sont parfois
transformées, puis utilisées comme modèles pour un
crayonné traditionnel. Le dessin est scanné et mis en couleurs
à la tablette graphique. Je choisis mes modèles au hasard des
images vues sur le net. Par contre, les photos que j'utilisent correspondent
à des critères techniques assez stricts (`codes' de la pin-up,
éclairages, pose intéressante, accessoires originaux...). Lorsque
je réalise mes propres clichés, ces mêmes critères
sont de rigueur.
? Connaissiez-vous les dessinateurs ou dessinatrices
de pin-up ? Si oui, lesquels ? Vous ont-ils influencés pour
créer vos pin-up ? Si oui, dans quelle mesure ?
Les dessinateurs : des anciens, je retiens Vargas, le
précurseur, et Gil Elvgren, mon préféré. Des
actuels : Olivia, Sorayama, Royo... Certains dessinateurs de bd comme
Barbucci (Sky doll) ont un style moins réaliste, mais leurs posters ou
couvertures se rapprochent parfois de l'image de la pin-up avec beaucoup
d'originalité.
? Connaissez-vous des dessinateurs ou dessinatrices
contemporains des pin-up ? Si oui, lesquels ? Pensez-vous que les
pin-up françaises sont différentes des pin-up
américaines ?
Le phénomène des pin-up vient de USA. Elles sont
culturellement beaucoup plus importantes là-bas que nulle part ailleurs,
y compris en France. Il y a deux temps forts dans l'histoire de la pin-up
américaine : La Seconde Guerre Mondiale, où elles
accompagnent les GIs sur le front dans les magazines US, et les années
50-60, lorsque des artistes comme Elvgren sont au sommet de leur art et
créent des images qui représentent un certain aspect du
rêve américain. Malgré le génie de dessinateurs
comme Aslan, la pin-up française ou de tout autre pays fait figure
d'imitation. Une exception peut-être : le Japonais Sorayama, qui a
su être tellement virtuose et créatif qu'il a surpassé tous
ses contemporains dans un style qui lui est propre.
? De quoi vous inspirez-vous pour mettre en
scène vos pin-up ? Avez-vous des
références ?
Tous les fantasmes masculins. La peur de la feuille blanche
m'est inconnue, tellement le sujet est vaste.
? Par quels moyens créez-vous
l'atmosphère érotique de vos dessins ?
Les moyens : pose évocatrice, accessoires,
décors et couleurs en accord avec la pose.
? De nombreuses thématiques :
infirmière, femme nue sous un tablier, uniforme, femme se masturbant,
femme-animal, ainsi que des accessoires : chaussures à talons,
miroir, lingerie, noeuds ou des textures de tissu : cuir, latex,
soie...reviennent très fréquemment, pourquoi ?
Qu'évoquent-elles pour vous ?
D'accord avec tout ce que vous citez, avec un bémol
pour la masturbation féminine. J'essaye de ne pas aller trop loin, je
préfère l'esthétique du corps à celle du sexe,
même s'il m'arrive parfois de déborder... Pour le reste, on en
revient aux fantasmes masculins.
? Par rapport aux pin-up des années cinquante,
vos pin-up sont plus directe, ont une sexualité plus franche, plus
assumée (certaines se masturbent), pourquoi ?
Les pin-up reflètent leur époque. Il est normal
que les images actuelles soient plus directes qu'il y a 50 ans.
? Qu'est-ce qui vous plait dans le dessin de
pin-up ? Leurs graphismes, leurs courbes ?
Ce qui me plait : J'adore l'esthétique du corps
féminin. Allez savoir pourquoi !
? Dans l'interview donnée à Lui
en 2002, vous parlez d'un projet de figurines en trois dimensions
inspirées de vos pin-up, ont-elles été
réalisé ? Ont-elles eu du succès ? Pourquoi ce
projet ?
Le projet s'est transformé en prototype, dont j'ai
reçu un exemplaire. Puis plus rien...
? Avez-vous bénéficié d'autres
articles dans la presse ?
Quelques articles, des illustrations (Playboy), des
publications dans divers livres (Taschen, Ballistic Publishing), quelques
couvertures de magazines.
? A qui sont destinées vos
pin-up ?
Pour moi, et pour tous ceux et celles qui les
apprécient.
? Etes-vous publié dans la presse
masculine : Lui, Playboy,... ou dans la presse
féminine : Cosmopolitan, Vogue...ou dans la
presse homosexuelle ?
Il m'arrive d'être publié dans la presse
masculine (Playboy, Lui), Pas dans la presse féminine
ni gay jusqu'à présent. Si je devais illustrer un magazine
féminin, je travaillerais dans un style très différent.
? Vivez-vous de votre production artistique ? Si
oui, depuis combien de temps ?
J'ai vécu deux ans de mes pin-up. A présent, je
vis d'illustrations plus rapides à produire et de photos. Je donne aussi
cours de retouche photo.
? Etes-vous connu aux Etats-Unis ? Dans quels
pays vos pin-up sont -elles les plus appréciées ? Savez-vous
pourquoi ?
Connu aux USA ? Uniquement par quelques initiés.
Tout le monde a accès à mes dessins via mon site. Je ne saurais
dire s'il y a un endroit en particulier où elles plaisent plus
qu'ailleurs.
? A votre avis quelles images de la femme renvoient
vos pin-up ? Les qualifieriez-vous de féministes ?
Les pin-up sont la représentation de fantasmes
masculins. Certaines femmes s'y reconnaissent et les apprécient, mais
elles ne peuvent pas être qualifiée d'oeuvres féministes.
Il y a un manque de compréhension entre les féministes et les
dessinateurs de pin-up, du au fait qu'une pin-up est une image très
réductrice de la femme. Pour éviter un trop long débat, je
dirais que les pin-up ne sont pas des femmes-objets. Ce sont des objets, qui
n'ont pas grand-chose à voir avec de vraies femmes. Alors faisons bien
la différence, et ne nous énervons pas...
? Comment positionnez-vous votre travail par rapport
aux pin-up classiques (années 40-60) ? Que pensez-vous de ces
pin-up là ?
Les pin-up des années 50-60 : Je vais parler
d'Elvgren en particulier. Ses pin-up, bien que moins agressives sexuellement
que celles d'aujourd'hui, sont tellement adorables qu'on en tomberait à
mon avis bien plus vite amoureux que n'importe quelle autre. A
côté d'un tel travail, je suis obligé de rester très
modeste au sujet de ce que je fais.
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