La pin-up et ses filles: histoire d'un archétype érotique( Télécharger le fichier original )par Camille Favre Université Toulouse Le Mirail - Master 2 Histoire des civilisations modernes et contemporaines 2007 |
3. Leurs rôles.3.1 Missions de guerre.La présence visuelle et les rôles qui sont dévolus à ces pin-up de chair vont s'accroître durant la Seconde Guerre Mondiale. En effet elles sont recrutées par centaines pour des missions les plus diverses. Leurs services sont sollicités aussi bien par les organismes de propagande, les oeuvres de bienfaisance, les organisateurs de spectacles destinés à soutenir le moral des civils et des soldats, que par les responsables de campagnes orchestrées pour obtenir le soutien financier et matériel des populations. Elles font la tournée des usines et des chantiers où elles chantent et dansent pour les équipes de jour comme de nuit. Elles se rendent dans les casernes et distribuent soupe et beignets aux foyers des soldats. Elles visitent les blessés rapatriés du front dans les hôpitaux et les maisons de repos. Montées sur de grandes estrades de bois décorées de drapeaux et de fleurs, elles se produisent sur des places publiques au centre des villes, dans les quartiers populaires et dans les villages. Elles baptisent les premiers avions de nouvelles séries sortant des usines de montages, cassent des bouteilles sur des navires de guerre et des sous-marins. Des reines de beauté d'un jour appellent les civils à épargner, habillées selon la saison d'un maillot de bain ou d'un tailleur égayé par une écharpe tricolore nouée en travers de la poitrine. Des célébrités, vêtues d'une tenue de scène légère et décolletée, haranguent les foules en expliquant la nécessité de récupérer pour les fonderies les objets et articles ménagers en métal inutilisés ou superflus. Elles participent aussi à des quêtes destinées à recueillir des fonds pour les secteurs de l'industrie les plus cruciaux, et en particulier l'industrie aéronautique. Des villes, des usines, des clubs, des écoles se voient proposer l'achat collectif de « leur » avion de chasse ou de « leur » bombardier. Quant à celles qui sont déjà connues, les vedettes et les vraies célébrités du monde du spectacle, de la chanson et du cinéma, elles ne sont pas oubliées dans cette vaste mobilisation. Elles aussi oeuvrent à des missions qui leur permettent d'apporter leur contribution à l'effort de guerre. Par patriotisme ou peut-être désireuses de ne pas être supplantées par leurs concurrentes obscures, elles n'hésitent pas à se dépenser et à payer de leur personne. Entre deux tours de chants, Vera Lynn (1917- ) sillonne les villes anglaises pour persuader les femmes de s'engager dans les corps féminins chargés de lutter contre les incendies et de gérer les abris antiaériens collectifs. Jane Russell appelle à souscrire des bons de défense. La strip-teaseuse Gypsy Rose Lee se produit dans des soirées où elle fait payer aux spectateurs le droit de retirer une des étoiles argentées collées sur son maillot de scène de gaze transparente. Rita Hayworth visite les casernes et se fait photographier en train de recoudre le pantalon d'uniforme troué d'un GI. Betty Grable vend ses baisers au cours de galas organisés par la Croix Rouge et sert des repas à la « Gamelle du soldat ». Mais ces femmes apparaissent aussi sur les lieux même de la guerre. Sur les champs de bataille, se produisent les troupes du « Spectacle aux armées », constituées de volontaires peu connues. Les plateaux se réduisent à de grossières plates-formes mal éclairées où elles chantent et dansent. Une des seules vedettes à avoir pris l'initiative de rejoindre le front est Marlène Dietrich. Pendant plusieurs mois, elle quitte Hollywood pour sillonner tous les théâtres d'opération en Europe. Se déplaçant en camion et en jeep, habillée d'un blouson militaire, d'un pantalon kaki et de rangers, elle emmène avec elle une unique valise pour se déplacer facilement avec ses produits de maquillage, ses faux ongles qu'elle ne quitte jamais, et ses robes de scène décolletées à paillettes, à la fois seyantes et commodes, parce qu'elles ne se froissent pas. Avec courage et témérité, elle n'hésite pas à apparaître dans des endroits si proches des premières lignes qu'il n'y a pas de lumière, l'éclairage se faisant avec les phares de véhicules alignés les uns à côté des autres ou des lampes accrochées à des ficelles sur le plateau improvisé. Parfois, les soldats assistent aux représentations sans quitter leurs fusils qu'ils amènent avec eux. Avant de se reposer pour la nuit et de repartir le lendemain pour un autre point de front, elle se fait conduire vers l'hôpital de campagne du secteur. Là, devant un autre auditoire, elle reprend consciencieusement les mêmes numéros et les mêmes chansons, et dans le même ordre : « Je chantais toujours The Boys in the Back Room en premier, parce que c'était celle qu'ils voulaient tous124(*) ». Un film datant de 1944, intitulé Pin-up Girl et réalisé par Libbie Bloch résume parfaitement la situation de ces pin-up durant le conflit. Ce film peut être apparenté à une comédie musicale en raison des nombreux numéros de danse et de chant. Lorry, jeune fille blonde et soignée, sert dans une cantine pour les soldats. Elle correspond avec de jeunes hommes envoyés au front et s'est déjà fiancée avec six d'entre eux. Dans la cantine, elle a beaucoup de succès et de nombreux militaires réclament sa photographie en « pin-up ». Elle rencontre lors d'une sortie Tommy, jeune Marine acclamé à son retour au pays suite à ses exploits militaires. Tommy et Lorry tombent amoureux mais la jeune fille lui cache son statut de sténographe, lui faisant croire qu'elle est une star du music-hall. Suite à une série de quiproquo, Tommy apprend enfin la vérité et Lorry devient finalement une star du music-hall. Le dernier numéro de chant qui clôture l'heureux dénouement montre Lorry et ses danseuses effectuant une danse aux fortes connotations militaires. Toutes vêtues d'uniformes très sexy, elles exhortent les jeunes hommes à s'engager. Au final, sur l'écran apparaissent les mots : Buy Bond (Achetez des Bons). Cette fonction très particulière des pin-up, starlettes ou actrices durant les période conflit militaire est renouvelée lors des conflits suivants : la guerre de Corée, du Vietnam. En 1954, Marilyn Monroe, lors de la guerre de Corée, tout comme l'a fait Marlène Dietrich, va chanter de nombreuses fois dans différents camps et bases militaires. Ainsi de multiples playmates ou bunnies vont, à leur tour, chanter, danser et remonter le moral des troupes sur le front comme on peut le voir dans une séquence du film de Coppola, Apocalypse Now de 1979. Dans cette séquence, trois playmates, vêtues de manière très sexy (costume de cow-boy, maillot deux pièces aux couleurs des Etats-Unis et pagne d'indienne pour la troisième) donnent un spectacle dans un camp militaire. Suite aux danses très suggestives des jeunes filles, la foule s'agite, et la soirée commence à dégénèrer. Les trois playmates sont donc contraintes de s'enfuir en hélicoptère pour échapper aux GI's qui ont envahi la scène. Seule Jane Fonda peut apparaître comme une « anti pin-up » lors de la guerre du Vietnam. Américaine, elle va soutenir les Vietnamiens et dénoncer les ravages de la guerre sur les populations locales, à l'inverse des autres sex-symbol de l'époque, se présentant simplement vêtue d'une chemise et d'un pantalon de toile. * 124 Marlène Dietrich cité par HIGHAM Charles, Marlène, la Vie d'une Star, Paris, Calmann-Levy, 1978, p.154. |
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