La pin-up et ses filles: histoire d'un archétype érotique( Télécharger le fichier original )par Camille Favre Université Toulouse Le Mirail - Master 2 Histoire des civilisations modernes et contemporaines 2007 |
1.3 Erotisme, pornographie et transgression sociale.La pornographie et l'érotisme sont à mettre directement en rapport avec la notion d'interdit. George Bataille aborde cette limite à partir d'une réflexion sur l'excès et la transgression, dont l'érotisme est l'un des témoins privilégiés. L'érotisme, chez cet auteur, se tisse de rapports complexes et essentiels entre interdit et transgression. Alors que les interdits sont l'un des moteurs et des signes par lesquels l'humain se dégage de l'animalité, c'est par leur transgression que se révèle la possibilité ultime de l'humain. La transgression lève l'interdit sans le supprimer, le maintient pour en jouir. L'érotisme valide l'interdit dans sa possibilité de non respect. Au moyen de son rapport intime à la transgression, il suppose alors la présence et le maintien des interdits qui limitent la sexualité humaine qui, par ce fait, la déplace dans le monde du fantasme et la démarque de celle des animaux. Certains chercheurs analysent aussi la pornographie d'un point de vue « féministe ». Après avoir démontré que la pornographie a un pouvoir performatif capable de causer un préjudice aux femmes, ils oublient qu'elle n'est pas uniquement une représentation qui donne une vision particulière (et préjudiciable) des femmes et de la féminité, mais aussi une représentation particulière (et préjudiciable) des hommes et de la masculinité. Les femmes ne sont alors que des objets sexuels, prêtes à assouvir n'importe quels fantasmes masculins tandis que les hommes, pénis sur pattes, sont soumis à des exigences de performance (procurer systématiquement des orgasmes extraordinaires à leurs partenaires, taille de leur sexe...). Ainsi la codification pornographique peut s'avérer dommageable non seulement pour les femmes qu'elle avilit, mais aussi pour les hommes qui tiennent mal la comparaison. Il est à remarquer que tout comme la pornographie, l'érotisme peut lui aussi reproduire certains stéréotypes sexuels, notamment les ouvrages érotiques « féminins » de la collection Harlequin. Ces romans relèvent d'un érotisme soft et acceptable comme celui des pin-up. Michela Marzano, quant à elle, analyse la pornographie en lien avec le capitalisme. Cette analyse pertinente s'applique plus particulièrement aux productions de l'après 1970. La pornographie encouragerait, en effet, le processus général de marchandisation de l'être humain, par la mise en scène de l'aptitude économique à posséder des biens et à les échanger. Pour cette auteure : « comme dans tout autre marché, en pornographie aussi, il y a une offre, une demande, une cotation ; comme dans n'importe quel autre marché, tout dépend du rapport entre moyens et résultats. Par les représentations pornographiques, c'est la sexualité elle-même qui se trouve englobée dans un système marchand dont les éléments principaux sont la circulation, la distribution et l'utilisation, l'individu entier étant ainsi assujetti au métabolisme sans fin du cycle économique10(*).» Le principe de cette marchandisation du corps qu'analyse Michela Marzano dans la pornographie peut s'appliquer à l'utilisation des pin-up par la publicité, en tant qu'indices de la mise en place d'un corps symbole sexuel au service d'une économie et de la création de besoins imaginaires. * 10 MARZANO Michela, Malaise dans la sexualité, Le piège de la pornographie, Paris, JC Lattès, 2006, p.126. |
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