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La pin-up et ses filles: histoire d'un archétype érotique

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par Camille Favre
Université Toulouse Le Mirail - Master 2 Histoire des civilisations modernes et contemporaines 2007
  

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2. Les Filles de Bill.

2.1 La touche de Bill.

Les filles de Bill, par leur plastique, s'apparentent au système pin-up. Certaines scènes dans lesquelles elles apparaissent sont également proches des mises en scènes plus ou moins crédibles de l'univers des pin-up (Ill. 74, 75). Les filles de Bill se signalent aussi par leurs accumulations de signes ou d'accessoires érotiques usuels. Avenantes, souriantes, souvent coquines, parfois faisant la moue, elles ont une frimousse fraîche et sympathique. Le nez légèrement retroussé, la bouche pulpeuse, les pommettes hautes qui rosissent facilement renvoient à une certaine joie de vivre, une insouciance attrayante. Tout comme avec les pin-up, leurs yeux de biche pétillent et reflètent une espièglerie délicieuse. En effet, le regard de ses filles joue un rôle important dans la mise en place du dispositif de séduction. Ce même regard devient déclencheur, support de fantasme. Avec les paupières mi-closes, les cils immenses qui ourlent leurs oeillades, elles s'inscrivent dans une symbolique où l'oeil et le sexe se trouvent associés. Ces oeillades transmettent un signal d'invite sexuelle (Ill. 73). Cela crée une certaine connivence entre le spectateur-voyeur et les filles de Bill. Ces dernières semblent évoluer dans un monde où le plaisir hédoniste est la règle.

Pour créer ces femmes toute en sex-appeal Bill s'inspire de nombreuses vedettes : « mes fans me demandent souvent où je trouvais les modèles de mes filles. J'ai pris ce qu'il y avait de mieux chez plusieurs vedettes de l'époque. Les paupières lourdes et exotiques d'Ann Sothern m'impressionnaient beaucoup. Je leur ai donné cet aspect et je les peintes en bleu ou vert métallisé. Les lèvres de Marilyn Monroe [mais pas sa silhouette, curieusement] me faisaient beaucoup d'effet. Elles étaient si épaisses ! Pour la silhouette, je me suis inspiré de cette bombe à la poitrine monumentale qu'était Anita Ekberg. Et puis, il y avait un célèbre mannequin, qui a connu un bref succès au cinéma : Suzie Parker. Elle avait les plus beaux cheveux longs et ondulés au monde. Mes nanas ont ses cheveux. Jusqu'à aujourd'hui, quand je dessine ou quand je peins une femme, je visualise les différentes parties du corps de ces femmes. Comme je crois au sexe associé à la grande classe, j'ai toujours voulu mêler les deux pour les filles. J'ai toujours dessiné des boucles oreilles longues comme des pendeloques de lustre, bien avant que cela devienne à la mode. Il y a des années, une chanteuse de night-club portait sur scène de longs gants. Cela m'attirait beaucoup et, si vous regardiez bien, mes filles en portent souvent, sauf au petit déjeuner... Encore ce que ce soit tentant. Les talons aiguilles stratosphériques m'ont toujours excité. J'en dessine tout le temps, ainsi que les bas noirs. Je fais mes nanas comme j'aimerais les voir, avec mes désirs secrets. On dirait que vous êtes nombreux à ressentir la même chose que moi99(*) ».

Tout comme les autres dessinateurs de pin-up, Bill modifie l'anatomie de ses modèles afin d'atteindre un certain idéal de beauté : « la femme moyenne n'est pas bâtie comme il faut. Ses jambes sont trop courtes par rapport au son corps. Pour faire un dessin vraiment sexy, les jambes doivent atteindre une longueur plus agréable à l'oeil. Je suis contraint de modifier considérablement l'équilibre. J'allonge un peu le buste et la longue courbe de jambes bien galbées. Dommage qu'elles n'aient pas été conçues comme ça dès le départ. Enfin, elles sont quand même super au naturel100(*) ». Avec les filles de Bill, on arrive à une représentation du corps féminin « amélioré » afin d'être parfait, sensuel et surtout érotique. Le corps de ses femmes dans son intégralité s'idéalise pour devenir signe, support de fantasme. L'artiste n'hésite pas alors, à hypertrophier les parties corporelles qui renvoient le plus à la sexualité : les fesses, hanches, jambes et les seins afin de pousser à son maximum le dispositif fantasmatique : « l'un de mes dessins représente particulièrement bien mon interprétation de ce qu'est la femme très sensuelle et très glamour. C'est une scène de corrida dans un dessin de 1961. La fille est une blonde à la beauté ravageuse. Un luxueux manteau de vison l'enveloppe, mais la fourrure ne dissimule en rien son énorme torse bombé en avant, ni ses jambes fabuleusement longues, gainées de bas noirs et moulants. Elle est entourée de señores bouche bée, y compris le matador, qui la dévisagent en se désintéressant du taureau101(*) ».

La carrière de Bill Ward ressemble aux anneaux du tronc de séquoia qui permettent d'en donner l'âge. Chaque année, les poitrines de ses filles croissent à mesure que leur taille s'affine (Ill. 76, 77, 78, 79). En effet, les seins généreux qui semblent toujours vouloir d'échapper des décolletés moulants vont devenir très vite la marque de fabrique, la touche de Bill Ward.

L'autre particularité de cet artiste est sa technique de dessin. Pour Eric Kroll, « personne ne sait mieux que lui donner des brillants aux bas de nylon ou de dessiner tous les détails d'une dentelle, autant de signes reconnaissables de son style102(*) ». En effet Bill ne travaille qu'au crayon Conté. Il n'utilise pratiquement pas la couleur pour ses filles sauf un peu de gouache blanche pour rehausser certains détails du dessin : chevelure, bijoux. Néanmoins Bill dans ses dernières productions, celles des années quatre-vingts, emploie plus souvent la couleur jouant avec des dégradés de rouge, rose, orange ou utilise des coloris plus froid tel que le noir, le bleu métallisé notamment pour les dessins aux connotations sadomasochistes. Mais la technique la plus fréquente chez Bill Ward reste bel et bien le crayon Conté qui lui permet une grande variété d'ombrages. Il est à la fois assez doux et assez opaque pour rendre les rehauts, afin que le dessin ait l'air de jaillir de la page. Avec ce crayon, Bill souligne les tracés, les contrastes, les textures et les volumes ou formes.

Comme le précise Dian Hanson : « Grâce à ses dessins au Conté, Bill Ward savait donner un aspect particulier au nylon et au cuir qui rendait ses illustrations et ses dessins humoristiques inoubliables et qui le distinguait des autres dessinateurs de l'époque. Cela lui donnait aussi un côté fétichiste. Le fétichiste ne concerne pas la chair, mais l'habillage de la chair. Ce crayon lui a permis de rendre dans ses images des textures qui excitent les hommes [...] Ces images sont inoubliables. Quand on tombait sur l'un de ces dessins dans un magazine, on ne savait pas trop ce qui le rendait excitant. Mais quand on regarde de près, c'est le cuir, le nylon, le satin [...] Il était le seul à dessiner le tissu. C'était fétichiste. Les gens ne se rendaient pas compte qu'ils étaient excités par des signes fétichistes, mais c'était ça et rien d'autre103(*) ».

* 99 «Ibid».

* 100 «Ibid».

* 101 Idem, p.328.

* 102 «Ibid».

* 103 «Ibid».

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984