La pin-up et ses filles: histoire d'un archétype érotique( Télécharger le fichier original )par Camille Favre Université Toulouse Le Mirail - Master 2 Histoire des civilisations modernes et contemporaines 2007 |
II. Un artiste particulier Bill Ward.
Dans nos premiers travaux sur les pin-up, nous avions volontairement fait le choix de ne pas étudier les oeuvres de l'artiste Bill Ward. En effet, au regard de toute sa production, de nettes différences apparaissent. Les filles de Bill Ward ne sont plus tout à fait des pin-up et constituent peut-être une transition entre le genre classique du dessin de pin-up et les nouvelles figures féminines érotiques. Cet artiste modernise alors le genre grâce à son style particulier, le dessin au crayon à papier Conte, mais aussi grâce à de nombreuses caractéristiques visuelles. Pourtant ses femmes dessinées, par leur graphisme s'inscrivent bel et bien dans l'iconographie des pin-up.
1. Le parcours artistique de Bill Ward.1.2 Des débuts prometteurs.William Hess Ward naît en mars 1919 dans le quartier de Brooklyn, à New York. Adolescent, il enchaîne les petits boulots : d'abord en travaillant l'été sur les bateaux de l'United Fruit Co., dont son oncle Irv est président et son père Wallace le chef comptable, puis en décorant, l'année suivante en 1936, des beer jackets pour les adolescents d'Ocean City dans le Maryland : « c'était la première fois que je me rendais compte que le dessin pouvait être autre chose qu'un passe-temps [...] C'étaient des blousons en jean blanc que les ados portaient pour boire de la bière. On les décorait avec des phrases du genre "Oh, toi ! Prends moi, je suis à toi". Moi je décorais les miens avec des filles et des sirènes. Sur la plage, les mecs m'ont demandé de décorer leurs blousons. Je faisais payer 1 dollar par blouson et j'en ai fait des centaines, ce qui m'a permis de passer l'été dans cet endroit de rêve. Ce qui m'impressionnait le plus, ce n'était pas de gagner de l'argent en dessinant - cela, sans aucune formation artistique-, mais le fait que c'était une façon géniale de rencontrer des filles. C'est là que j'ai décidé de devenir artiste95(*) ». Il effectue ainsi son premier travail artistique rémunéré. De 1939 à 1941, Bill Ward étudie l'art de l'illustration au Pratt Institute de Brooklyn. A la fin de ses trois années d'études, il est embauché par Jack Binder, qui lui apprend les nombreuses techniques de la bande dessinée : arrière-plan, crayonnage, encrage, hachage... En 1942, il quitte Jack Binder pour aller travailler pour Buzy Arnold chez Quality Comics, où il dessine et encre, entre autres, le célèbre Blackhawk et un recueil de Captain Marvel. Mais la guerre le rattrape. Appelé sous les drapeaux le 7 décembre 1942, il continue de travailler de manière clandestine pour Quality pendant ses gardes de nuit à la base aéronavale de Quonset Point (Etat de Rhode Island). L'année suivante, il crée la bande dessinée Ack-Ack Amy pour le journal de l'armée : « une nuit, un lieutenant de marine est venu me voir et m'a dit : " Soldat Ward, on m'a parlé de l'entraînement auquel vous vous consacrez. Qu'est ce que vous diriez de voir votre travail imprimé au lieu de faire ces entraînements ridicules ? Vous pourriez faire une bande dessinée pour le Quantum Scout, un petit journal militaire. Les marins m'ont dit que vous saviez très bien dessiner les filles. Faites-en pour le Quantum Scout." On m'a forcé à la créer. Moi je ne voulais pas. Mais j'ai été littéralement obligé. Elle s'est d'abord appelée Ack-Ack-Amy (Amy la DCA), fille à matelots. Comme il y avait des marins chez nous, il fallait bien que ce soit une fille à matelots96(*) ». En 1943, Bill est muté à Fort Hamilton dans le New Jersey et donne naissance à une nouvelle bande dessinée, toujours pour l'armée, intitulée Torchy : « Torchy a vu le jour. J'ai changé la couleur de cheveux de la blonde Amy, j'ai changé son nom et le tour était joué. Pour son nom, je voulais quelque chose de chaud. Pour être chaude, elle l'était ! J'avais d'abord pensé à Scorchy (Torride) car, pour moi c'était plus chaud que Torchy (Enflammée). Mais à l'époque, il y avait une bande dessinée qui s'appelait Scorchy Smith et je ne voulais pas avoir de problèmes avec eux. Je lui donc donné le nom de Torchy, qu'elle a toujours gardé depuis97(*) » (Ill. 72). * 95 KROLL Eric, The Wonderful world of Bill Ward, Paris, Taschen, 2006, p.321. * 96 Idem, p.323. * 97 Idem, p.324. |
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