1.2 Regard sur les pin-up allemandes.
Les pin-up présentes sur les couvertures des magazines
tels que Gondel, Paprika ou Mix s'inscrivent dans la
tradition des pin-up américaines. Les pin-up allemandes
possèdent, tout d'abord, la même plastique que leurs cousines
américaines. Elles ont, elles aussi, un visage enfantin et frais. Elles
portent systématiquement les accessoires de séduction les plus
courants.
Ces pin-up allemandes, vêtues selon la dernière
mode, portent des vêtements très sexy qui mettent en valeur leurs
formes féminines. En tant que sex-symbol, elles ne doivent pas se
déroger à cette fonction, il n'existe pas ou peu de pin-up en
pantalon. Il arrive souvent que, comme leurs homologues américains, les
artistes allemands pour rendre leurs pin-up plus sexy, les vêtissent d'un
déshabillé de voile.
Les mises en scènes dans lesquelles elles apparaissent
sont aussi issues du quotidien. Par exemple, une couverture de Gondel
datant de 1952 présente une pin-up en petite tenue (culotte et soutien
gorge blanc) et talons aiguilles, allongée sur le dos pour pratiquer ses
exercices de mises en formes (abdominaux) (Ill. 61). Elle soutient son
bassin avec ses mains dont les ongles sont vernis. Une de ses jambes est
légèrement repliée. Derrière elle, on devine un
décor de chambre : rideau vert et paravent mauve. Cette pin-up
blonde, regarde le voyeur en souriant comme les pin-up américaines. Mais
à la différence celles américaines, les pin-up allemandes,
pour la grande majorité, regardent le spectateur de manière plus
franche, présupposant évidemment que celui-ci est un homme. Ce
regard franc et séducteur renforcé par un sourire enjoliveur
permet là aussi de déculpabiliser le spectateur-voyeur. Les
figures féminines allemandes s'inscrivent alors dans un autre registre,
celui de la complicité et de la confiance, en comparaison avec leurs
cousines américaines. L'invitation est plus directe, le regard,
renforcé par le sourire, est plus incitateur (Ill. 62, 63).
Par contre, comme avec les pin-up américaines, la
crédibilité de la mise en scène importe peu : dans la
couverture de Gondel la pin-up fait ses exercices sportifs en talons
aiguilles et sous-vêtements. Les artistes allemands instrumentalisent
eux-aussi la scène afin de découvrir, dévoiler la lingerie
de leurs filles. Dans la couverture décrite précédemment,
la position peu commune de la pin-up permet à l'artiste de mettre
l'accent sur les jambes de celle-ci. En effet, les deux tiers de la couverture
du magazine sont occupés par les jambes fines et lisses de la pin-up.
D'autres magazines allemands utilisent aussi ce
procédé : un numéro de Mix de l'année
1950 présente une pin-up qui s'apprête à sortir (Ill.
64). Elle est vêtue d'une robe de soirée en soie ou satin
bleu métallisé. Sa poitrine est mise en valeur grâce
à sa robe bustier et à la rose décorative placée
entre ses deux seins. Elle est accessoirisée : talons hauts et immenses
gants assortis à la robe. Un jeune groom derrière elle lui tend
son manteau de fourrure. Il semble déstabilisé par la belle. En
effet celle-ci a remonté sa robe jusqu'en haut de ses cuisses pour
pouvoir fixer ses bas aux agrafes de son porte-jarretelles, nous
dévoilant ainsi ses longues jambes ornées de bas couleur chair.
On retrouve également une série de pin-up
surprises. La couverture du magazine Cocktail, par exemple, propose
une pin-up en train de s'habiller dans sa chambre (Ill. 65). Elle
porte juste ses sous-vêtements (culotte et soutien-gorge), ses bas noirs
et ses escarpins. Elle est en train d'enfiler une chemise lorsqu'elle est
surprise. Elle nous regarde, la bouche légèrement ouverte entre
sourire et interrogation. L'homme n'est pas coupable de la surprendre. Les
scènes d'intérieur offrent la possibilité au spectateur
masculin d'entrer dans une intimité support de fantasmes et de ce fait
renforcent le côté voyeuriste cher à nos artistes de
pin-up. Le contexte est mis au service du voyeur. Les artistes allemands
respectent ainsi le code graphique des pin-up.
Comme les périodiques américains, ceux
allemands emploient des pin-up en couvertures pour
« doper » leurs ventes. Le numéro de mois de
décembre 1950 du magazine Gondel propose, comme une grande
majorité de revues durant cette période de fête, une pin-up
de Noël (Ill. 66). Celle-ci est vêtue du costume du
Père Noël, légèrement arrangé de
manière à ce que celui-ci soit beaucoup plus sexy : bottines
rouges à talons, ornées de fourrure blanche, jupe courte rouge
ourlée d'une bande de fourrure blanche et enfin un soutien gorge rouge
agrémenté lui aussi de fourrure. Elle porte une toque
égayée d'une branche de houx. Assise sur des cadeaux, les jambes
croisées, elle est en train d'allumer des bougies disposées sur
une couronne de sapin. Derrière elle, un feu de cheminée
dégage une lumière douce et chaude, ce qui renforce
l'érotisme de cette scène. Tout comme les artistes
américains, les dessinateurs allemands jouent avec des couleurs
chaudes : rouge, orangé, rose pour leurs pin-up. Ces couleurs vives
renforcent le côté jeune, frais et gai des pin-up.
Les magazines de charme allemands des années cinquante,
dont de très nombreuses pin-up ornent les couvertures, vont eux aussi
participer à la mondialisation de cette représentation
féminine stéréotypée qu'est la pin-up. Symboles
d'abondance et d'une économie en pleine reconstruction puis en
expansion, les pin-up s'établissent sur le Vieux Continent, en tant
qu'ambassadrices du plan Marshall, constituant alors une aide symbolique. Dans
l'Allemagne reconstruite, et plus particulièrement dans l'Allemagne de
l'ouest, les modèles de prospérité, d'optimisme et de
réussite sont survalorisés comme symbole d'un renouveau et d'une
renaissance économique, politique et culturel.
Une couverture de Paprika de 1950 résume bien
ce nouvel espoir de reconstruction financée par les Etats-Unis (Ill.
67). Une pin-up rousse, typiquement germanique, vêtue d'une petite
jupe verte assortie à son soutien-gorge et ses escarpins, semble
tombée du ciel. Son grand sourire, ses joues rouges et ses yeux rieurs
soulignent sa gaîté. Sa chute dévoile ses bas, son
porte-jarretelles et les dentelles de sa culotte. Au sol quatre hommes
disposés à chaque coin tiennent un immense billet vert allemand
comme pour amortir la chute de la jeune fille. Ce magazine dont le slogan est
« le magazine de l'espoir » remplit bel et bien sa mission
avec cette couverture très symbolique.
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