La pin-up et ses filles: histoire d'un archétype érotique( Télécharger le fichier original )par Camille Favre Université Toulouse Le Mirail - Master 2 Histoire des civilisations modernes et contemporaines 2007 |
Partie II : La pin-up et son genre, les premières déclinaisons.I. Les pin-up des autres pays.Précédemment dans le premier tome, nous nous étions principalement attachés à analyser les pin-up américaines. Nous nous étions penché aussi sur les artistes français de pin-up et leurs oeuvres : Brenot, Okley, Aslan. Or la pin-up apparaît également durant les années trente dans les magazines masculins d'autres pays et plus particulièrement les revues allemandes. Ces publications sont issues de l'Allemagne de l'ouest qui se trouve du côté du capitalisme. Nous retrouvons donc ici, les pin-up en tant que symbole d'une économie florissante et d'un avenir optimiste. Nous reviendrons aussi sur la production française et plus particulièrement sur un artiste : Gino Boccasile dont les pin-up sont graphiquement légèrement différentes de l'iconographie classique de cette figure féminine.
1. Allemagne et ses pin-up, symbole de renouveau économique.1.1 Une tradition du corps nu.Au cours de la première moitié du XXe siècle, des associations de « culture physique » et des communautés nudistes fleurissent dans les pays d'Europe, comme la France, la Suède et l'Autriche-Hongrie, mais c'est surtout en Allemagne que l'adamisme va attirer des centaines de milliers d'adeptes de toutes classes, régions, professions, religions et tendances politiques88(*). C'est également dans le monde germanophone que les magazines nudistes et « de la réforme de vie » défient le statu quo social et religieux, s'imposant dans la sphère civique. Dans une large mesure, avant 1940, l'image du corps nu est celle des dieux et déesses nordiques aux yeux bleus traînant derrière eux une progéniture blonde et svelte, batifolant béatement dans un air pur et un décor sain de champs, de ruisseaux et de rivages champêtres89(*). La Grande Guerre, l'abdication du Kaiser et le déshonneur de l'armistice changent définitivement l'Allemagne. A l'époque de la République de Weimar, Berlin, avec ses prostituées, ses homosexuels et ses cabarets, devient l'incarnation même de la décadence. Par réaction, à partir de 1919, les vieux pionniers du nudisme, à présent rebaptisés Freikörperkultur (Culture du corps libre, ou FKK), publient de nombreux périodiques ou gazettes trimestrielles tels que le proto-nazi Nacksport (Sport nu) ou Der Leib (Le corps)90(*). Parmi les illustrations, un thème revient sans cesse : une fille naturiste et saine opposée à une fille de mauvaise vie. Le plus souvent, un photomontage juxtapose des images de femmes insouciantes dans le plus simple appareil, se lançant des medicine-balls à celles de prostituées photographiées la nuit, le visage ricanant, posant devant les vitrines de grands magasins à l'américaine. A la mi-mars 1933, la République de Weimar cède la place au Troisième Reich d'Adolf Hitler. Dans un premier temps, la plupart des associations nudistes et leurs publications ne sont pas inquiétées, puis, au cours de l'été de la même année, elles sont « aryanisées »91(*) (idéalisation du corps féminin selon les canons esthétiques aryens associés à la mythologie nordique très visible). De manière générale, les revues de charme d'avant la Seconde Guerre Mondiale sont sophistiqués, excentriques et typiquement germaniques dans leur contenu et dans leur forme. Ceux produits à et autour de Berlin entre 1925 et 1933 sont du même niveau que les français de la même époque : les plus extravagants jamais réalisés (originalité des mises en scène, modèles hétérogènes...). Lorsque l'édition allemande reprend après la guerre, ce qu'elle fait aussi rapidement que dans la plupart des autres pays d'Europe, ses publications sont nettement plus modestes. Les magazines nudistes se concentrent désormais sur la santé et la beauté, rien de plus. Les magazines de nu artistique ne se distinguent en rien de ceux produits dans toute l'Europe du Nord. Reigen, le Playboy du Berlin des années vingt, rendu rachitique par les pénuries de papier, est contraint de s'exiler en Autriche. Bolero, à l'origine un périodique de cinéma, mélange des pin-up et les photos de stars de cinéma dans une imitation pâlotte de Paris Hollywood. Gondel possède de magnifiques couvertures avec des pin-up, mais l'intérieur contient un mélange similaire de vedettes de cinéma européennes et américaines et d'articles d'intérêt général saupoudrés de quelques nus artistiques insipides. Paprika est légèrement plus pimenté et l'un des rares à oser aborder des questions sociales liées à l'après guerre sous sa devise « Das Magazin fur Optimisten » (« le magazine des optimistes »). Mix, Neue Melange et Top Fit copient les digests français axés sur les modèles aux longues jambes. Neues Kriminalmagazin, publié à partir des années quarante, mélange les faits divers, les histoires sordides et des nus faisant des cabrioles tandis que Venus, au graphisme Art Déco, propose un poster central dans chacun de numéros. Un des numéros de l'année 1949, montre dans son poster central une fumeuse d'opium, comme un dernier sursaut du Berlin d'autrefois. Au début des années cinquante, le magazine Vénus, a été reconstruit selon les demandes du marché de l'érotisme. * 88 HANSON Dian, The history of girly magazines, Paris, Taschen, 2006, p.79. * 89 «Ibid». * 90 Idem, p.80 * 91 Idem, p.88. |
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