La pin-up et ses filles: histoire d'un archétype érotique( Télécharger le fichier original )par Camille Favre Université Toulouse Le Mirail - Master 2 Histoire des civilisations modernes et contemporaines 2007 |
Partie I :Retour sur la définition de la pin-up.I. L'inscription des pin-up dans l'histoire de l'art érotique traditionnel.L'érotisme et la pornographie sont liés à une représentation sociale de la sexualité. Ils constituent des discours sur les corps dans lesquels on devine des enjeux politiques3(*). Le biais des images érotiques permet d'appréhender non seulement comment sont générés les savoirs communs et à quel point elles sont empreintes de subjectivité et d'affectivité. Mais aussi comment par leur circulation et leur diffusion au sein de la société, elles favorisent la cohésion sociale et enfin comment elles peuvent également soulever des problèmes de lutte de pouvoir, faisant d'elles des réalités bien mouvantes. Ces représentations sont des acquis culturels qui interviennent dans le façonnage et le maintien des rapports sociaux de même que dans leur transformation. Mais avant de s'intéresser à cette production, il convient de se pencher sur ces deux termes érotisme et pornographie. 1. Erotisme ou pornographie ?1.1 La sexualité : une préoccupation culturelle plus ou moins bien vécue.Il n'est point de société qui n'ait produit des images de la sexualité. Cette sexualité peut revêtir des formes nobles et sacrées, allusives et cachées ou bien triviales, bruyantes et populaires, être évoquée sous forme artistique ou littéraire. L'essentiel réside en ce fait particulier que, dans les territoires de l'humain, la sexualité ne semble pas pouvoir s'accomplir sans commentaires. Et c'est principalement dans le domaine de l'art et ses différents genres : littérature, cinéma, photographie, peinture ou dessin, que ces questions de définitions semblent le plus poser problème. Car l'art est lui-même lié à des histoires de sensibilité, au suggestif, aux goûts et à l'esthétique. Ainsi comme le souligne Richard Ramsay4(*), il existe un usage populaire des termes, qui place sous la bannière érotique tout ce qui exalte la chair joyeuse à l'intérieur d'un langage harmonieux et de situations conformes aux principes de l'ordre établi, symbole d'une sexualité plénière, positive, facteur de cohérence, d'équilibre et d'épanouissement. Par contre, couramment est pornographique ce qui avilit la chair par des descriptions scabreuses ou un langage salace ; ce qui pousse la sexualité à la transgression d'interdits sociaux ou moraux est vite relégué du côté de la pornographie5(*), marquée du signe du négatif, du mépris. On peut même y discerner un rôle disqualificatif des valeurs de la société, de la morale, de la culture, du corps féminin, en privilégiant des pratiques regroupées sous la rubrique de « perversions » : sadisme, masochisme, voyeurisme, exhibitionnisme, triolisme... la plupart du temps discréditées et dénoncées sous l'accusation d'immoralité, de laideur, de délinquance, de misogynie voir de crime. Nous utiliserons, dans ce document, la définition objective de la pornographie en tant que représentation explicite de l'acte sexuel destinée à être communiquée au public. Cette volonté de classer les représentations de la sexualité sous deux formes : l'une érotique, plus ou moins noble, artistique et l'autre pornographique, plus ou moins ignoble, vulgaire, est une volonté particulière à la culture occidentale. On remarquera que peut-être cette volonté de définir de manière précise deux types de représentations de la sexualité est issue d'une idée chrétienne de définir de manière manichéenne deux valeurs de sexualité. Cette définition courante soulève la question de l'acuité du jugement. Ce qui hier était qualifié de pornographique peut nous apparaître aujourd'hui juste érotique : L'amant de Lady Chatterley (1928) de D. H Lawrence (1885-1930) fut au début du siècle taxé de roman pornographique et obscène, aujourd'hui il appartient aux classiques de la littérature érotique. Cet exemple soulève une première remarque : certaines représentations artistiques de la sexualité (écrites ou plastiques) semblent être prises dans un processus qui permet à celles-ci de quitter la sphère de la pornographie, pour entrer dans la sphère de l'érotisme une fois que son auteur est reconnu comme artiste et que ses oeuvres sont inscrites dans un patrimoine culturel. Par exemple, certains dessins de Egon Schiele (1890-1918), sont des représentations explicites de l'acte sexuel pourtant ils sont nommés « érotiques ». Cette remarque s'applique particulièrement à la littérature, au dessin, à la photographie et à la peinture où le nu noble, comme le souligne Gilles Néret, peut être : « émoustillant, fortement pimenté, voir libidineux pourvu qu'il soit culturel et ostensiblement chargé d'histoire6(*) ». Cette notion d'esthétisme se retrouve aussi dans la qualification des films. Certains films dits érotiques, comme les films pornographiques, montrent l'acte sexuel. Mais ils sont labellisés « érotiques » car issus des circuits officiels du cinéma et leurs auteurs sont déjà reconnus comme Nagisa Oshima (1932- ) avec L'empire des sens (1976). La différence entre pornographie et érotisme serait alors une question de forme, de scénario et d'esthétisme. Certaines représentations se situent aussi du côté de la pornographie car liées à une exploitation financière : on parle bel et bien d'industrie pornographique dans laquelle on range pêle-mêle les films, les magazines, les boutiques mais non d'industrie érotique. A cela s'ajoute la notion de réalité, certaines oeuvres sont plus facilement qualifiées d'érotiques notamment la peinture, le dessin ou la littérature car relevant de l'imaginaire ; à l'inverse la photographie ou le cinéma renverraient à une représentation plus réelle ou plus « crue » de la sexualité, ce qui introduit dans la définition de ces deux termes une notion de distance. Les premiers évoquent et suggèrent la sexualité alors que les secondes la montrent sans fioriture. * 3 Nous employons dans tout le document le terme politique au sens éthymologique où se mêle l'économie, la culture, la technique. * 4 RAMSAY Richard, Le dictionnaire érotique, Paris, Ed. Blanche, 2002. * 5 Idem, p.7. * 6 NERET Gilles, L'érotisme en peinture, Paris, Nathan, 1990, p.9. |
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