1.2 Un rituel viril.
Mais la Seconde Guerre Mondiale va permettre de renouer avec
la tradition du tatouage, tradition de marin, et notamment avec des tatouages
représentant des femmes. Les périodes d'attente, semblent longues
et induisent chez les soldats, une volonté de s'occuper. Se faire
tatouer, en temps de guerre, relève de plusieurs raisons :
appartenance au groupe et la la volonté de marquer dans la chair les
épreuves liées à cette période très
particulière comme un rite d'initiation. Le tatouage, par sa pratique,
demande un certain courage, du sang froid. Il devient alors un défi qui
fait appel à des qualités dites viriles pour le relever,
perpétuant ainsi le mythe du héros viril.
Les pin-up tatouées, tout comme les images de femmes
que l'on trouve dans les baraquements des soldats, pallient elles aussi, une
absence affective. Elles rappellent aux soldats les motifs de leurs combats.
Elle symbolise la fiancé, la fille d'à côté, celle
qui patiente jusqu'au retour des jeunes hommes. Nous avions remarqué
lors de l'analyse de la présence d'images féminines dans les
lieux quotidiens militaires, que le soldat donne à ces pin-up une valeur
de fétiche, de talisman porte-bonheur. Elles alimentent le besoin de
celui-ci d'être rassuré grâce à une image connue et
intime. La pin-up est celle qui l'accompagne dans les moments les plus durs et
dangereux de la guerre. Elle est féminité apaisante, la
protection du soldat, son porte-bonheur, l'enjeu de superstition,
peut-être celle à qui l'on parle, rêve, se confie, se
motive. La pin-up, par son rôle de soutien et d'accompagnement tout au
long de la guerre, autorise l'avènement du soldat héros.
Celui-ci, avec la Seconde Guerre Mondiale, peut se définir comme tout
homme digne de l'estime publique, de la gloire, par sa force de
caractère, son dévouement total à une cause. Il se
distingue par ses exploits, sa fermeté exceptionnelle devant le danger,
la douleur et son courage extraordinaire notamment dans le domaine des armes.
Cette remarque s'applique particulièrement aux pin-up tatouages. Le
tatouage permet au soldat d'avoir sa pin-up gravée dans la chair, de
l'avoir dans la peau. En plus d'être un talisman, la pin-up tatouage est
alors symbole de son engagement et signe son appartenance au groupe, au
régiment, à l'escadron.
L'accès à la virilité se conçoit
comme l'intégration d'un comportement normatif. L'objet de valeur de la
virilité le plus significatif est la sexualité. Les images de
pin-up sont un bon stimulus sexuel notamment en période de guerre. Car
elles sont une sorte de palliatifs à l'absence affective et sexuelle de
ces hommes sur les fronts sans pour autant l'exacerber ce qui aurait des
conséquences désastreuses pour les combats. Mais le soldat
affirme également son hétérosexualité au vu de tous
grâce au tatouage d'une femme sur son corps. Car dans un milieu masculin,
où la frustration sexuelle peut être importante et
l'homosexualité tentante, il est pour les soldats plus que jamais
important de s'inscrire dans une sexualité normative et
exclusive : l'hétérosexualité.
Nous avions vu que collectionner les pin-up devient au sein
des armées un geste de camaraderie, elles permettent une certaine
solidarité. Mais elles renforcent aussi les hommes dans leur
virilité : les soldats essaient d'impressionner leurs semblables en
étalant leurs collections de pin-up mais aussi leurs tatouages. Elles
sont une conquête de plus. Le tatouage apparaît en temps de guerre
comme un rituel d'intégration. Non seulement le soldat tatoué
réussit une épreuve virile, preuve de ses qualités comme
le courage, la résistance à la douleur mais aussi s'affirme dans
le monde des hommes hétérosexuels en tant qu'homme à
femmes, séducteur à succès, playboy et coureur de
jupons.
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