II- l'incohérence temporelle : source du biais
inflationniste
Le problème de l'incohérence temporelle est
présenté pour la première fois dans un article de deux
économistes américains, Kydland et Prescott, en 1977 (Kydland et
Prescott, 1977). La question posée par ces auteurs est de savoir si un
gouvernement peut parvenir, ou non, à maximiser le bien-être
social en usant de manière discrétionnaire des instruments de
politique économique. Sous-jacente à cette interrogation
apparaît l'idée selon laquelle le gouvernement pourrait, en
certaines occasions, "tromper" les agents économiques et par
delà, améliorer sensiblement son bilan économique. Pour
Kydland et Prescott, cette tentative de "tromperie" reste cependant vaine, les
agents anticipant rationnellement une telle tentative de manipulation et donc,
contrecarrent l'action du gouvernement. Kydland et Prescott résument
dès lors leur pensée en une maxime, "la règle contre la
discrétion", et en un axiome, la règle peut permettre au
gouvernement d'optimaliser le bien-être social, jamais l'utilisation
discrétionnaire.
Ces intuitions seront appliquées quelques
années plus tard à la politique monétaire par deux
économistes de l'Ecole de Chigaco, Barro et Gordon (Barro et Gordon,
1983). En s'appuyant sur une courbe d'offre de Phillips augmentée des
anticipations rationnelles à la Lucas, ces théoriciens
monétaristes en déduisent que l'utilisation
discrétionnaire de la politique monétaire serait indubitablement
contrecarrée par les agents économiques.
1/ la courbe de Phillip
Nous considérons dans cette partie comme base de la
théorie du biais inflationniste et des anticipations rationnelles, les
contributions de Milton Friedman et de Edmund phelps (1968). La courbe de
phillips détermine la relation, caractérisée par la non
stabilité, la non linéarité et la non inversion entre le
taux de chômage et le taux de variation du salaire nominal.
En effet, une demande excédentaire de travail
correspond en même temps à une réduction du taux de
chômage ainsi qu'à une hausse du taux de salaire. Un taux de
chômage faible, correspond obligatoirement à des salaires nominaux
élevés. Simplement, selon cette courbe de Phillips, il est
toujours possible d'atteindre et de maintenir de façon durable un taux
de chômage faible, à condition d'accepter un taux d'inflation
élevé de façon durable selon Phillips (1958).
La vision de Samuelson par exemple est de passer d'une
relation statistique à un trade-off de politique économique. En
effet, il a remplacé le taux de salaire par le taux d'inflation en
supposant que le taux d'inflation n'est autre que le taux de croissance des
salaires nominaux diminué du taux de croissance de la
productivité du travail. Ainsi, plus d'inflation veut bien dire moins de
chômage.
Toutefois, Friedman et Phelps ont critiqué cette
représentation en se basant sur différents concepts, dont les
principaux sont le taux naturel de chômage (Friedman,1968)
déterminé par des facteurs réels, le taux d'inflation
anticipé qui correspond à l'inflation future
déterminée en fonction de l'inflation de la période
précédente seulement (anticipations adaptatives), et la
distinction entre court terme et long terme qui est essentielle vu que
l'ajustement des salaires et la formation des anticipations ne sont pas
immédiats.
Figure 1 : La courbe de
Phillips
Friedman (1977) a
montré aussi que la relation négative entre l'inflation et la
chômage n'est plus stable : elle est temporaire, car la hausse de
l'inflation contre la diminution du chômage est expliquée par la
pente négative de la courbe de Phillips dans le court terme. Cependant,
l'égalité entre le taux de chômage naturel et le taux de
chômage réel explique l'aspect vertical de la courbe de Phillips
dans le long terme.
Les
théoriciens précurseurs à cette courbe de Phillips pensent
qu'elle n'est décroissante que parce que les individus se sont
trompés sur la valeur des salaires réels. Par ailleurs, il
convient de conclure que : tenir compte des anticipations individuelles est
indispensable. En effet, selon Friedman (1994), l'impact sur la production et
l'emploi n'est possible qu'à court terme vu que le gouvernement
réussit à surprendre les individus.
La résolution du
problème du chômage passe nécessairement par l'acceptation
d'un taux d'inflation durablement élevé c'est-à-dire
supérieur aux taux d'inflation déjà
anticipé.
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