Dans un contexte international, le commerce entre vendeurs et
acheteurs se trouve confronté à des obstacles
supplémentaires que représentent la distance et le langage. Face
au risque de non paiement pour le vendeur et au non respect des
quantités, de la qualité ou du délai pour l'acheteur, le
crédit documentaire, s'il est irrévocable et confirmé
présente à la fois un moyen de paiement, une garantie de paiement
et une forme de crédit sous la forme d'un engagement par signature que
la banque octroie à son client. En raison de la multitude de rôle
que joue le crédit documentaire, nous allons le présenter dans
cette section en tant qu'une technique de paiement et non pas une forme de
garantie ou de crédit.
2.4.1 Définition
Le crédit documentaire, couramment nommé
"crédoc", est une technique de paiement adaptée aux transactions
entre un importateur et un exportateur qui souhaitent obtenir des assurances
quant au respect des obligations de chacun et au bon déroulement de
l'opération. Les parties au contrat conviennent que le paiement devra se
faire par l'intermédiaire d'une banque, contre remise d'un certain
nombre de documents, établissant que le vendeur a exécuté
ses obligations.
Le crédit documentaire est un crédit ouvert par
une banque à la demande d'un donneur
d'ordre en faveur d'un
correspondant de celui-ci et garanti par la possession des
documents représentatifs de marchandises en cours de
transports ou destinées à être
transportées24.
Cette définition souligne l'importance du rôle
joué par les banques en la matière. En fait, l'exportateur est
alors payé non par l'acheteur, mais par la banque de l'acheteur. Cette
banque est dite banque émettrice, parce que c'est elle qui émet
la proposition de crédit documentaire, à la demande de
l'acheteur.
Le crédit documentaire est soumis à des
règles précises et largement reconnues par les banques et les
différents acteurs économiques de la quasi-totalité des
pays puisqu'elles sont émises par la Chambre de Commerce Internationale
: les Règles et Usances Uniformes RUU n° 500.
2.4.2 Les intervenants
Un des facteurs de la complexité du crédit
documentaire est le nombre d'intervenants qu'il met en relation :
2.4.2.1 Le donneur d'ordre
C'est l'acheteur qui a négocié un contrat
commercial avec un fournisseur étranger; il donne à sa banque des
instructions d'ouverture du crédit documentaire en faveur de son
fournisseur, où il précise, entre autre, les documents qu'il
désire et le mode de règlement.
2.4.2.2 La banque émettrice
Il s'agit en fait de la banque de l'acheteur, qui après
avoir reçu des instructions de son client, émet le crédit
documentaire, c'est-à-dire procède à son ouverture.
La banque émettrice peut être située dans un
autre pays, mais qui dans la plupart des cas se situe dans le pays de
l'acheteur.
2.4.2.3 La banque notificatrice
C'est la banque correspondante de la banque émettrice.
Elle va notifier au vendeur l'ouverture du crédit documentaire en sa
faveur.
24 Définition donnée par l'article 720
du code de commerce.
La banque notificatrice se situe généralement
dans le pays du vendeur mais ce n'est pas une
généralité.
2.4.2.4 Le bénéficiaire
C'est le vendeur; comme son nom l'indique, qui est le
"bénéficiaire" de l'engagement bancaire d'être
payé.
2.4.2.5 La banque confirmante
Généralement, c'est la banque notificatrice sur
décision de l'acheteur. Dans le cas contraire, elle peut être
toute autre banque mais elle a toutes les chances d'être la banque du
vendeur, sur sa demande et après autorisation de la banque
émettrice.
2.4.2.6 La banque désignée
C'est la banque à laquelle le crédit
documentaire est réalisé. Dans beaucoup de cas, elle sera la
banque notificatrice, mais elle peut être aussi la banque
émettrice, la banque confirmante ou toute autre banque.
Tous ces acteurs interviennent dans l'un des trois
schémas type du crédit documentaire. 2.4.3 Typologie des
crédits documentaires
2.4.3.1 Crédit documentaire
révocable
L'article 8 des règles et usages dispose « un
crédit révocable peut être amendé ou annulé
par la banque émettrice à tout moment et sans que le
bénéficiaire en soit averti au préalable ». Ainsi, le
crédit révocable ne lie pas la banque à l'égard du
bénéficiaire. Il peut être modifié ou
révoqué à tout moment par la banque, soit de sa propre
initiative, soit à la demande de son client, sans que le
bénéficiaire en soit avisé, à la condition que le
droit de modification ou de révocation ne soit exercé, ni de
mauvaise foi, ni à contretemps25.
2.4.3.2 Crédit documentaire
irrévocable
Aux termes de l'article 724 du code de commerce, le
crédit irrévocable comporte un
engagement ferme et direct de
la banque à l'égard du bénéficiaire ou des porteurs
de
25 Code de commerce, article 723
bonne foi des tirages émis. Cet engagement ne peut
être annulé ou modifié sans l'accord de toutes les parties
intéressées.
En règles générales, tout crédit
documentaire indique s'il est révocable ou irrévocable. Mais en
absence d'une telle indication, il est présumé être
irrévocable selon l'article 6 des règles et usages et l'article
722 du code de commerce.
2.4.3.3 Le crédit documentaire irrévocable
et confirmé
C'est la seule formule qui offre une garantie totale pour le
fournisseur. Il peut y avoir confirmation du crédit documentaire
dès l'ouverture. Le donneur d'ordre le stipule à la banque
émettrice qui elle-même demande la confirmation à la banque
notificatrice. Si la banque notificatrice refuse d'ajouter sa confirmation ou
si le donneur d'ordre ne transmet pas cette instruction, le
bénéficiaire est en droit de demander la confirmation d'une autre
banque mais celle-ci doit être autorisée par la banque
émettrice. Dans tous les cas, la banque confirmante sera une banque du
pays du vendeur, ou une grande banque internationale établie dans un
pays autre que celui de l'acheteur.
Aux termes de l'article 724 du code de commerce, la
notification du crédit au bénéficiaire par
l'intermédiaire d'une autre banque ne vaut pas par elle-même
confirmation de ce crédit.
2.4.4 Les modes de réalisation du crédit
documentaire
De même que l'on a trois types de crédit
documentaire, on dénombre plusieurs modes de réalisation.
L'article 1 0a des RUU 500 stipule que "tout crédit doit clairement
indiquer s'il est réalisable par paiement à vue, par paiement
différé, par acceptation ou par négociation".
2.4.4.1 Le crédit réalisable par paiement
à vue
C'est un paiement cash contre documents. Il s'effectue au
guichet de la banque désignée. Celle-ci se situe le plus souvent
dans le pays du vendeur, on voit bien en effet les risques de non transfert
pour le vendeur si la banque désignée est la banque
émettrice. Si la banque désignée est une toute autre
banque, le bénéficiaire devra prendre soin d'obtenir l'accord
exprès, notifié par écrit, de la banque
désignée. Dans le cas contraire, elle n'aurait en effet aucun
engagement dans la réalisation du crédit documentaire.
2.4.4.2 Le crédit réalisable par paiement
différé
Il prévoit un paiement de la banque
désignée au bénéficiaire à la date ou aux
dates stipulées dans le crédit. Cette date prend son origine dans
la réception d'un document déterminé dans le contrat, et
qui peut être par exemple un connaissement ou une facture.
2.4.4.3 Le crédit réalisable par
acceptation
Il a pour mode de paiement une créance
matérialisée par une ou plusieurs traites tirées par le
vendeur sur la banque émettrice, la banque confirmante ou toute autre
banque. Ces traites sont escomptables mais aucune des banques impliquées
dans le crédit documentaire n'est tenue de les escompter.
2.4.4.4 Le crédit réalisable par
négociation
Il oblige la banque émettrice à payer toute
traite tirée par le bénéficiaire sur elle-même ou au
profit d'un tireur. La banque négociatrice peut être
nommément désignée, on parle alors de négociation
"restreinte" ou "fermée". Si le crédit est librement
négociable, on parle de négociation "circulaire" ou "ouverte".
2.4.5 Rôle des documents
Les documents constituent une pièce maîtresse du
crédit documentaire du fait qu'ils conditionnent sa réalisation.
Ces documents sont très divers et sont spécifiés dans le
contrat de crédit. Nous retrouvons généralement : la
facture commerciale, les documents de transports, d'assurance et les documents
accessoires, tels que le certificat d'origine, le certificat sanitaire ou le
certificat d'analyse.
Le paiement par le banquier est lié à la
conformité des documents présentés par le vendeur
bénéficiaire. Il en résulte pour le banquier un devoir de
vérification. Le banquier doit procéder exclusivement à un
examen formel de la conformité des documents par rapport aux
stipulations du crédit. Il ne lui appartient pas de s'assurer, par des
vérifications extérieures, que ces documents reflètent la
réalité.