4 Compatibilité des éléments de
l'agriculture de type Ikigai aux yeux des acteurs
En tenant compte de l'héritage de la modernisation
agricole productiviste, les trois éléments constitutifs de
l'agriculture de type Ikigai que nous avons établi dans le schéma
représentationnel de celle-ci (Qualité de vie ; Lien social et
territorial ; Production matérielle), pourront-elles être
compatibles non seulement aux yeux des agents gestionnaires et partenaires du
Projet, mais également à l'épreuve des divers
intérêts des stagiaires de la formation Nô-Life ?
Question de rééquilibrage global et
d'identité du bien commun
D'abord, cette question de compatibilité des
éléments représentationnels de l'agriculture de type
Ikigai nous amène directement à reprendre la direction
proposée par Boltanski pour surmonter la fragilité du compromis :
il s'agit justement de la nécessité d'envisager la
compatibilité des « êtres et objets »
hétérogènes relevant de mondes différents afin de
consolider le compromis. A cet effet, il faut doter le compromis d' « une
identité propre » tout en mettant au service du bien commun ces
élements hétérogènes a priori incompatibles. Et
ceci de sorte que la forme de ces éléments
hétérogènes ne soit pas reconnaissables, sous une nouvelle
identité.
Concernant le contexte du Projet Nô-Life, il s'agit de
doter l'agriculture (bien commun) d'une nouvelle identité, à
savoir Ikigai, afin de renforcer l'agriculture comme un bien commun. Et afin de
consolider ce bien commun face à la fragilité du compromis
basé sur celui-ci, nous devrons envisager un rééquilibrage
(ou ajustement) global de la relation déséquilibrée de
représentation, de pratique et de pouvoir qui constitue la source de
cette fragilité. Et ceci au travers d'une revalorisation des
éléments dévalués dans cette situation.
Pour des propositions concrètes...
Mais comment s'y prendre ? Revenons ici à notre dernier
constat de la réalité pour repérer les
éléments en question : du côté des agents
gestionnaires et partenaires, c'est l'orientation productiviste du Projet
Nô-Life qui reflétait leur rapport de forces
déséquilibré dans le dispositif de la mise en oeuvre du
Projet, à savoir l'emprise de l'ensemble des agents du monde agricole
professionnel. Et derrière cette orientation, nous avons constaté
une certaine divergence de points de vue entre les agents appartenant au
secteur agricole (CAT, ECV), l'agent gestionnaire principal (BPA) ayant une
double appartenance au monde agricole professionnel et à celui des
services publics locaux, et les agents appartenant au monde plus public (ou
civil), l'un au monde des services publics locaux du vieillissement (SCI) et
l'autre au monde syndical et salarial (CFLS).
Du côté des stagiaires, non seulement cette
orientation s'avérait techniquement et économiquement
inadaptée à la capacité productive des stagiaires, mais
surtout elle ne tenait pas compte de leurs divers besoins complexes aux niveaux
socio-culturel et économique représentés dans leurs
motivation et engagement. D'où l'effet de marginalisation de cette
orientation à l'égard des stagiaires sur les plans
représentationnel (idées qui n'ont pas pris sens), pratique
(activités de la formation inadaptées) et relationnel (perte
éventuelle de confiance dans les gestionnaires).
En suivant la direction de Boltanski sur le bien commun, il
serait intéressant d'envisager ici quelques propositions
concrètes destinées aux acteurs du Projet Nô-Life vers une
redéfinition de l'agriculture de type Ikigai qui serait possible et
pertinente aux yeux de ces acteurs. Et ces propositions visent à
modifier l'orientation du Projet Nô-Life qui sera susceptible de
régler la situation de marginalisation, et ainsi de rendre
réellement compatible les éléments
représentationnels de l'agriculture de type Ikigai.
Rappel d'apports théoriques
Transaction sociale : pour une création de nouveaux
dispositifs alternatifs...
Avant de formuler ces propositions, il serait utile de tenir
compte des apports de l'approche de la transaction sociale proposée par
M. Mormont, et celle du transcodage de P. Lascoumes.
Dans l'optique de la transaction sociale, M. Mormont insiste
sur la nécessité de créer de nouveaux dispositifs
alternatifs permettant aux agents d'anticiper et de s'engager pour mettre en
oeuvre une politique publique tout en maintenant leurs perspectives
identitaires respectives. Et ceci s'accompagnant d'une complète
reconsidération de « l'appareil de règles » du monde
professionnel portés par un ensemble d'agents dominants, comme porteur
de cadre stabilisateur des anticipations de tous les agents
concernés.
La création de tels nouveaux dispositifs apparaît
nécessaire, d'autant plus que cette proposition de M. Mormont se base
sur le contexte d'une politique agricole européenne en matière
d'environnement, qui risque toujours de mettre en cause l'identité de la
profession agricole basée sur le productivisme historiquement
constitué depuis les années 50, dont la définition
légitime est portée par le monde agricole professionnel.
Concernant le cas du Projet Nô-Life, bien que le
contexte soit fort différent de la politique européenne, nous
pouvons rejointre la direction de M. Mormont dans la mesure où la
définition de la profession agricole et de l'agriculture est mise en
question, tout en tenant compte également de la présence de
« l'appreil de règles » porté par les agents principaux
du monde agricole professionnel.
Il faudrait donc envisager, dans nos propositions, de nouveaux
dispositifs alternatifs dans lesquels les agents gestionnaires et partenaires
du Projet Nô-Life mettent en place un cadre stabilisateur des
anticipations de tous les acteurs concernés pour que les stagiaires
marginalisés et les agents institutionnels faiblement
représentés puissent s'y engager pleinement.
Redéfinition de l'agriculture par rapport à sa
définition historiquement légitimée
Puis, concernant la redéfinition de la profession
agricole et de l'agriculture, pour en trouver une alternative, il faudrait
d'abord dépasser la définition officielle de l'agriculture de
type Ikigai, telle qu'elle est présentée par la
Municipalité de Toyota et le Projet Nô-Life, qui est basée
sur la dichotomie entre l'agriculture de type industriel et celle de type
Ikigai (nous l'avons examiné dans le chapitre 2 avec le Plan de 96).
En effet, comme nous l'avons vu, dans le Projet Nô-Life,
l'agriculture de type Ikigai est officiellement promue par un ancien slogan (un
million de yens de revenu agricole annuel) repris de l'histoire de la
modernisation agricole japonaise datant de l'époque de la Haute
croissance économique des années 60-70 au cours de laquelle le
problème de la disparité économique entre les couches
agricole et salariale était important, et où le rattrapage du
retard économique constituait un thème global de la politique
agricole au Japon (Comme M. Kamihata, un stagiaire et ex-agriculteur de
Kagoshima, se le remémorait lors de notre entretien ). On a alors
réduit le critère de la définition de l'agriculture au
seul critère économique. Ce qui risque d'ignorer les autres types
d'éléments représentationnels de l'agriculture : la
qualité de vie et le lien social et territorial. Ceux dans lesquels
l'aspect environnemental peut également être pris en
considération tant au niveau de la production qu'au niveau de la
consommation et du style de vie.
Pourquoi cette reproduction de la définition dominante
et historique de la profession agricole dans la définition de
l'agriculture de type Ikigai est-elle promue par le Projet Nô-Life ? Cela
est non seulement dû à l'emprise de l'ensemble des agents
institutionnels du monde agricole professionnel, mais également à
l'absence de critère alternatif pour définir l'agriculture d'un
nouveau type qui porterait une identité propre. Dans le sens de
Boltanski, cette identité devrait se référer aux
représentations présentes au sein des acteurs concernés,
et être justifiable dans le cadre de la politique du Projet
Nô-Life.
D'ailleurs, le Centre Nô-Life est déjà
doté de nouveaux dispositifs pour pouvoir développer les
agriculteurs et l'agriculture d'un nouveau type. Les quatres activités
principales du Projet déjà établies (formation, entremise
de terrains, entremise d'emplois agricoles, recherche de nouveaux produits)
seront peut-être à réarticuler avec des idées
alternatives pour régler la situation
déséquilibrée. A cet effet, il peut toujours s'appuyer sur
les dispositifs de l'administration agricole, ainsi que ceux du secteur
agricole qui est en coopération avec lui. Mais ceci tout en cherchant
à les valoriser autrement que dans l'orientation actuelle...
Transcodage à opérer
Et pour pouvoir maintenir une nouvelle identité
agricole, la technique du transcodage pourrait être pertinente : il
s'agit de « rendre gouvernable » l'agriculture de type Ikigai
émergeante au travers d'incessants efforts de concertations et de
traductions réciproques des représentations et pratiques des
acteurs concernés, afin de les « rééquilibrer
».
Cette approche nous semble importante d'autant plus que,
depuis l'inauguration du Centre Nô-Life en 2004, les activités du
Centre Nô-Life sont exclusivement gérées par celui-ci sans
concertation, ni des autres agents partenaires et extérieurs, ni des
stagiaires. Monsieur S, directeur des activités agricoles de la CAT,
nous a confirmé que ceci est encore actuellement le cas avec la CAT qui
est co-gestionnaire du Projet Nô-Life. Ceci alors que, comme nous l'avons
vu, la communication et la coopération intersectorielle étaient
très riches dans le
processus de la construction du Projet Nô-Life avant
2004.
Cette situation est liée au fait que le Projet est
encore dans un stade de tatônnement, et qu'il est débordé
par ses tâches quotidiennes ou la gestion de ses activités
à court terme. Mais nous avons constaté lors de notre entretien
que, Monsieur K, président du Centre Nô-Life, était
déjà conscient de ce problème de manque de communication.
Il regrettait d'ailleurs un peu l'engagement faible de la part de la CAT. Voici
sur ce point un décalage d'engagement entre les cogestionnaires.
En plus, au fur et à mesure que le nombre des
stagiaires et ex-stagiaires augmente, il manquera de plus en plus
d'employés, soit venant de la Municipalité de Toyota, soit venant
de la CAT, pour gérer les activités du Centre Nô-Life.
Pour régler cette situation, pour les gestionnaires, il
faudrait avoir plus d'éléments justificateurs du Projet dans les
prochaines années à venir, surtout auprès de la
Municipalité et de la CAT en tant qu'une politique légitime pour
ces deux organismes. Mais, nous l'avons vu avec le propos de Monsieur S,
directeur des activités agricoles de la CAT, il est difficile pour la
CAT de s'investir plus dans le Projet Nô-Life en raison de sa faible
importance économique pour la structure interne de la CAT, de
l'ambiguïté de la finalité du Projet et de l'effet
symbolique (mérite) du Projet résidant plutôt du
côté de la Municipalité (maire).
Nous devrons donc envisager dans nos propositions, de «
traduire » ces préoccupations internes de la CAT en sorte qu'elles
soient « transcodables » pour celle-ci et compatibles avec les autres
éléments susceptibles de constituer un nouveau compromis
consolidé du Projet Nô-Life...
En tenant compte de ces apports théoriques et
réflexions préalables, nous essaierons de formuler quatre
propositions destinées non seulement aux agents gestionnaires, mais
à tous les acteurs concernés en vue d'améliorer la
situation du Projet Nô-Life sur le court terme, et de consolider le
compromis entre tous les acteurs du Projet Nô-Life, et ainsi de rendre
plus durable, gouvernable et rejustifiable la politique de l'agriculture de
type Ikigai dans la Ville de Toyota sur le long terme.
Quatre propositions pour une restructuration des activités
Nô-Life : vers une redéfinition de l'agriculture de type Ikigai
Nos quatre propositions portent sur : 1 Etablissement de
nouveaux cadres de concertation sur la gestion des activités du Centre
Nô-Life ; 2 Modification de l'orientation globale du Projet Nô-Life
; 3 Ajustement du programme de la formation Nô-Life ; 4 Etablissement
d'une association de stagiaires Nô-Life
1 Etablissement de nouveaux cadres de concertation sur la
gestion des activités du Centre Nô -Life
Premièrement, nous proposerons de créer de
nouveaux cadres de concertation sur la gestion des activités du Centre
Nô-Life. Sur ce point, le Centre Nô-Life organise
déjà des occasions de concertation des avis des stagiaires pour
améliorer les activités du Centre Nô-Life dont notamment le
programme de la formation, via des réunions irrégulières
(deux ou trois fois par an) intitulées « réunion
d'échange d'avis (Iken kôkan kai) » ou des enquêtes par
questionnaire etc. Nous pouvons rejoindre cette pratique déjà
mise en place avec notre première proposition. Cependant, ce cadre de
concertation tel qu'il est actuellement mis en place par le Centre
Nô-Life, reste seulement consultatif au service des gestionnaires du
Centre Nô-Life, avec pour objectif de prendre en compte les avis des
stagiaires pour améliorer leurs activités. Mais dans ce cadre, on
ne remet pas en question les cadres principaux de ces activités, et les
avis énoncés par les stagiaires risquent d'être
dispercés et limités à ceux, plutôt rares, qui osent
exprimer clairement leurs opinions.
Donc, nous proposerons de continuer cette réunion
d'échange d'avis mais de façon à la développer de
manière plus réflexive et interactive. Cette proposition entend
mettre en place des cadres de discussion que la simple consultation des
stagiaires, en mettant en question (pas forcément « en cause
») les cadres principaux du Projet qui ne semblent pas bien fonctionner ou
ceux qui semblent inadaptés aux conditions réelles des
stagiaires
etc. Autrement dit, il s'agit de discuter ensemble d'un
problème quelconque tant du côté des gestionnaires que du
côté des stagiaires.
Puis, nous proposerons, en ajoutant à ce cadre de
concertation « interne » du Centre Nô-Life, un autre cadre
externe sur la gestion du Projet qui prendra la forme d'un « comité
(iinkai) » intersectoriel. Cette proposition se référe aux
expériences du CPCI (Comité pour la Promotion de la
Création d'Ikigai) organisé par le SCI (Section pour la
Création d'Ikigai : Acteur 2) depuis 2000, dans lequel des membres
citoyens volontaires ont joué un rôle important pour
élaborer un rapport de propositions remis au maire concernant les
nouveaux services et activités dans le domaine d'Ikigai des personnes
âgées au sein de la Municipalité de Toyota. Monsieur K,
président du Centre Nô-Life, y a lui-même participé
dans la première période (2000-2002) pour élaborer le
projet de la « Ferme-école des personnes âgées »
(voir la partie de l'Acteur 2 du chapitre 2).
Nous envisageons ce comité intersectoriel, en faisant
appel à tous les agents locaux partenaires et intéressés
(appartenant à différents « mondes ») afin de discuter
librement de possibilités de développer les activités
nouvelles ou déjà existantes au sein du Centre Nô-Life. Une
participation volontaire de stagiaires de la formation Nô-Life y sera
également bienvenue. Nous prévoyons le lien entre ce
comité et l'association de stagiaires Nô-Life dont nous proposons
l'établissement dans la proposition 4.
Cette première proposition de la création de
cadres de concertation vise à renforcer mutuellement la
compréhension et la réflexion entre les acteurs concernés
afin de rééquilibrer leurs représentations, pratiques et
positions.
2 Modification de l'orientation globale du Projet Nô
-Life
Deuxièmement, nous proposerons une modification de
l'orientation globale du Projet Nô-Life via une baisse du montant du
revenu agricole annuel visé dans l'objectif de la formation
Nô-Life. Ce montant sera précisément baissé d'un
million de yens à trois cent milles yens (environ deux milles euros).
En effet, nous avons choisi ce chiffre par
référence à un exemple dont nous avons pu vérifier
la pertinence lors de notre enquête de terrain. En fait, ce chiffre
provient du monde dit « vieillissement actif » dans la Ville de
Toyota : nous avons découvert ce chiffre avec Madame S, responsable du
SCI lors de notre entretien, pour connaître le montant moyen annuel de
rémunération par personne versé aux personnes
âgées inscrites dans le Centre des Ressources humaines
âgées (Silver Jinzai Center) de la Ville de Toyota : un agence
pour l'emploi semi-publique pour les personnes âgées (plus de 60
ans) mise en place dans les collectivités territoriales au Japon depuis
les années 70768 . Les personnes âgées peuvent
s'inscrire dans ce centre pour répondre aux diverses demandes de la vie
quotidienne de la population locale comme par exemple arrachage des mauvaises
herbes dans le jardin, surveillance de parkings à vélos conte le
vol, réparation de la maison etc.
Nous trouvons ce montant mieux adapté à la
réalité ainsi qu'à la motivation des personnes
âgées inscrites dans la formation Nô-Life, que le montant
actuellement présenté provenant exclusivement de l'histoire du
monde agricole (nous l'avons vu). Avec Madame S, nous avons également
vérifié que, dans une enquête officielle
réalisée auprès des personnes inscrites dans le Centre des
ressources humaines âgées de la Ville de Toyota, la
majorité de ces personnes âgées s'engagent dans les
activités de ce centre pour une raison socio-culturelle (santé,
maintien du lien social après la retraite, contribution sociale et
territoriale etc) plutôt qu'économique. Cet aspect correspond
largement aux représentations au sein des stagiaires de la formation
Nô-Life.
Le montant de revenu agricole annuel que nous proposons ici
pour les stagiaires de Nô-Life, pourrait même être un
repère dit « objectif à atteindre » au niveau
quantitatif de la production agricole, qui sera accessible à la grande
majorité d'entre eux y compris ceux qui sont jeunes. Pour ceux qui
veulent aller plus loin en visant un chiffre plus élevé dans leur
production agricole, ce montant leur donnera, dans ce cas, une première
étape à
768 Le montant total des rémunérations
verséers aux membres est de 7 000 000 000 yens (environ 46 666 666euros)
et nous avons divisé ce montant par 2016 (nombre total des membres du
Centre des ressources humaines âgées de la Ville de Toyota). Le
chiffre ainsi calculé est de 350 000 yens (environ 2333 euros). Nous
pouvons en déduire que les membres de ce centre gagnent en moyenne
à peu près 30 000 yens par mois (200 euros) en travaillant deux
ou trois fois par semaine.
franchir.
Cette deuxième proposition d'une modification du
montant de l'objectif économique du Projet Nô-Life, vise d'un
côté à constituer un « incitatif »
économique plus adapté aux conditions objectives et subjectives
des stagiaires, qui est même susceptible de correspondre à
l'intérêt productiviste du secteur agricole (car plus faisable
pour plus de personnes), de l'autre côté, à
rééquilibrer les représentations de l'agriculture de type
Ikigai au sein de tous les acteurs du Projet Nô-Life entre les trois
pôles : qualité de vie ; lien social et territorial ; production
matérielle. Ce rééquilibrage afin de ne pas sacrifier
certains éléments représentationnels pour d'autres, mais
de les compatibiliser dans un objectif réalisable.
Nous pourrons même escompter un effet de
solidarité entre les personnes âgées inscrites dans le
Centre Nô-Life et celles dans le Centre des ressources humaines
âgées en leur faisant partager un même objectif dans leurs
différentes activités d'Ikigai. Ce qui serait idéal pour
la politique publique d'Ikigai des personnes âgées de la Ville de
Toyota.
3 Ajustement du programme de la formation Nô
-Life
Troisièment, suite à la modification de
l'orientation globale du Projet Nô-Life proposée
précédemment, nous proposerons de réorienter le programme
de la formation Nô-Life. Il s'agirait de proposer un mode de production
propre à l'agriculture de type Ikigai à promouvoir dans le cadre
du Projet Nô-Life.
L'objectif de revenu annuel dont le montant sera baissé
à trois cent milles yens permettra aux agriculteurs de type Ikigai de se
distinguer plus substantiellement, d'un côté du modèle de
l'agriculture de type Industriel destiné au grand marché
organisé, de l'autre côté, de celle de type «
jardinage » destinée exclusivement à l'autoconsommation ou
au loisir.
Pour ce faire, se distinguer des modèles dominants de
l'agriculture de manière exclusivement quantitative sera insuffisant -
car leur vision est fondamentalement économique - mais il faut
introduire d'autres types de repères plus qualititatifs. A cet effet,
nous proposerons d'introduire une référence environnementale dans
la méthode agricole enseignée dans la formation Nô-Life.
Parce qu'actuellement c'est de ce type de référence que le
programme de la formation manque dans le Projet, alors que la politique
agricole de la Municipalité de Toyota l'abordait fortement en terme de
la multifonctionnalité de l'agriculture dans le Plan 96. Et,
jusqu'à aujourd'hui, nous ne constatons pas de réalisations
remarquables dans les mises en oeuvre de la politique agricole de la
Municipalité769. De plus, un bon nombre de stagiaires ont
montré leurs intérêts potentiels sur un style de vie ou un
mode de production agricole respectueux de l'environnement.
A cet effet, nous avons déjà un exemple de
« réussite » des anciens élèves de l' «
Ecole de l'agriculture vivante » (lancée en 2000 par la CAT
à la demande du BPA) qui se sont constitués en groupement de
producteurs de l'agriculture biologique au sein de la CAT. Les membres de ce
groupement n'ont pas seulement pour objectif d'exercer la vente commune de
leurs produits mais également d'organiser un apprentisage collectif de
la méthode de l'agriculture biologique via des réunions
régulières. Ce groupement est essentiellement composé de
personnes âgées féminines comme masculines originaires de
foyers agricoles pluriactifs.
Il serait intéressant pour les stagiaires de la
formation Nô-Life, de prendre contact et avoir un rapport
d'échange et de coopération avec ce groupement dans le cadre du
programme de la formation Nô-Life. Ce qui pourrait davantage inspirer les
stagiaires. Et ceci sera même efficace pour rétablir le
décalage entre le Centre Nô-Life et la CAT, d'autant plus que
c'était Monsieur S, directeur des activités agricoles de la CAT,
qui était responsable de l'Ecole de l'agriculture vivante et de sa
« réussite » !
Nous savons même qu'il y a quelques agriculteurs
biologiques célèbres dans le territoire de la Ville de Toyota
qui, nous semble-t-il, pourraient apporter des contributions à la
formation Nô-Life. Par exemple, organiser une visite collective de leurs
exploitations serait intéressant.
Puis, le recours réduit aux traitements chimiques
hautement spécialisés permettrait d'intensifier et d'enrichir
769 Ce point est expliqué dans l'évaluation
finale faite en 2006 par les responsables du BPA sur les projets
réalisés dans le cadre du Plan 96. L'agriculture de type Ikigai
telle qu'elle était prévue dans ce plan prévoyait deux
types de production : production destinée au marché local ;
production susceptible de contribuer à la préservation de
l'environnement.
les activités des stagiaires dans le programme. Car
avec moins de traitements chimiques, ils devront effectuer par eux-mêmes
plus de soins alternatifs pour les cultures, et ainsi avoir plus de
connaissances en la matière. L'intensification des activités dans
le programme est l'une des demandes des stagiaires les plus fréquentes
que nous avons constaté dans le résultat de l'enquête par
entretien. Ceci nous semble important d'autant plus qu'actuellement, ce sont
souvent les personnels du Centre Nô-Life, lorsque les stagiaires sont
absents, qui effectuent les traitements chimiques préventifs sur les
cultures gérées pour les cours pratiques. Mais nous pouvons
évoquer qu'il y a déjà quelques stagiaires qui s'engagent
pleinement à une pratique culturale de type écologique en
employant des produits naturels pour la fertilisation, la prévention des
maladies et des insectes nuisibles (comme Mme. Kawamura)
Cette proposition d'ajustement de la formation Nô-Life vise
à envisager l'agriculture de type Ikigai dotée d'une
identité propre dépassant les catégories dichotomiques de
l'amateurisme et du professionnalisme.
4 Etablissement d'une association de stagiaires Nô
-Life
Enfin, quatrièmement, nous proposerons
l'établissement d'une association constituée par les stagiaires
et ex-stagiaires de la formation Nô-Life. Ceci d'abord en nous
référant à l'idée de M. Itô et M. Suzuki de
monter une association de stagiaires ayant pour objectif d'organiser une aide
aux travaux agricoles des exploitaions fruitières en difficulté
pour cause de maladies, vieillissement des exploitants, manque de main-d'oeuvre
etc. Selon eux, cette association vise également à organiser des
entraides entre les stagiaires ainsi que les ex-stagiaires qui auront besoin
d'échange d'infos, d'aides aux travaux (ex. installation d'une serre,
labour).
Cette proposition implique des intérêts sur
plusieurs niveaux. D'abord, sur le plan pratique, l'association permettrait aux
stagiaires d'avoir plus de sociabilité entre eux. Ce qui est
également l'une des attentes les plus fréquentes des stagiaires
constatées dans le résultat de l'enquête par entretien :
garder le lien avec les camarades de la formation Nô-Life. Puis, cela va
de même pour l'apprentissage collectif, l'entraide et l'organisation
éventuelle d'une vente commune comme un groupement de producteurs «
Nô-Life ». Puis, sur le plan représentationel, l'association
susciterait une prise de conscience des points communs entre les stagiaires, et
par là, le renforcement de leur identité collective. Et sur le
plan de la politique collective, l'association permettrait aux stagiaires de
regrouper leurs avis inviduels sur la gestion des activités du Centre
Nô-Life et de les proposer aux gestionnaires. A cet effet, ils pourront
participer au Comité que nous avons proposé dans la proposition
1.
Cependant, il reste certaines difficultés à
surmonter pour organiser cette association avec succès. Il s'agit de la
nécessité de tenir compte de la diversité des trajectoires
et des enjeux de chacun des stagiaires. En effet, l'association risque
d'être confrontée à une attitude de type « chacun pour
soi » de ses membres. Ainsi, nous ne pourrons pas l'envisager de
manière traditionnelle comme par exemple de petits groupements de
producteurs locaux qui sont souvent basés soit sur le lien de type
« communautaire », à savoir celui d'interconnaissance
lié au sol (ex. habitants du même village), soit sur une condition
sociale partagée (ex. femmes âgées de foyers agricoles
pluriactifs)
Les circonstances et les enjeux individuels des membres de
l'association devront être hétérogènes et «
urbains » à la différence des exemples mentionnés
ci-dessus. C'est pouquoi nous proposerons de doter cette association d'un
caractère « multifonctionnel » ou « multiforme », et
dont les visées possibles seraient les suivantes:
- économique : production (apprentissage de
méthodes agricoles alternatives ; aide aux travaux agricoles des
exploitations agricoles en difficulté ; entraides ; échange de
semances etc.) ; distribution (vente commune à court circuit)
- social : sociabilité (échange d'infos,
fêtes etc) ; constitution d'un réseau de stagiaires
Nô-Life
- politique collective : communication -
coopération avec le Centre Nô-Life, la CAT et les agriculteurs
locaux etc.
Par ailleurs, nous avons constaté que
l'établissement d'une association de stagiaires de ce type est
fortement
attendu par les agents institutionnels : du côté
du monde agricole, dans la mesure où une organisation formelle de
nouveaux producteurs dans le cadre du Projet Nô-Life aura un bon effet
d'incitation pour le secteur, tant au niveau socio-économique, qu'au
niveau symbolique ; du côté du monde des services publics locaux
(BPA, SCI, CFLS), dans la mesure où l'association renforcera l'autonomie
et le lien social et territorial parmi la population locale âgée.
Puis, cela va de même pour divers domaines de la politique publique
locale comme le développement local, l'aménagement du territoire,
car la Municipalité essaie actuellement de promouvoir l'initiative de
type associatif (comme NPO : Non profit organisation) dans le contexte de la
décentralisation. En tous cas, la réalisation d'une telle
association serait une « bonne nouvelle » pour la ville.
Ainsi, cette idée nous semble tout-à-fait
envisageable sur le terrain. D'ailleurs, Monsieur K, président du Centre
Nô-Life, a déjà informellement donné un avis
favorable à M. Itô qui lui a parlé de cette idée
lors de la « fête de la récolte », qui a eu lieu en
octobre 2006 dans le Centre Nô-Life et qui a réuni une grande
partie des acteurs concernés.
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