I.2.
Facteurs générateurs des inégalités de
mortalité des enfants
Plusieurs facteurs sont responsables des
inégalités sexuelles de mortalité des enfants. Il y a des
facteurs d'ordre socioéconomique, culturel et biodémographique.
Dans cette section, nous présentons quelques uns d'entre eux
considérés comme les plus déterminants.
I.2.1.
Les facteurs culturels
a). L'ethnie
L'ethnie est le reflet de la diversité des cultures,
donc des structures de pouvoir, des mentalités, des modes de vie, des
pratiques et des comportements face à la fécondité,
à l'alimentation, à la maladie et aux systèmes de
santé (traditionnels ou modernes, D. Tabutin, 1994). Dans leur
étude sur les inégalités socioéconomiques en
matière de mortalité en Afrique au sud du Sahara, Akoto et
Tabutin, ont montré que l'ethnie est une variable cruciale pour
l'étude de la mortalité dans la mesure où, ces effets sur
la mortalité restent significatifs après l'avoir
contrôlé par d'autres variables. Les normes et valeurs à
l'égard du sexe de l'enfant varient généralement en
fonction du lignage. Au Sénégal M. Biaye (1994) a montré
que l'ethnie de la mère a une influence sur l'ampleur des
différences de mortalité entre sexes à 1- 5ans : Les
garçons bénéficient d'un avantage dans toutes les ethnies,
mais si le niveau de la surmortalité féminine est comparable pour
les Serer et les Wolof, il est beaucoup plus élevé chez les
Poular qui se distinguent par une nette préférence pour les
garçons. Dans ces conditions, on peut s'attendre à ce que les
ethnies patrilinéaires soient plus enclines à exprimer leur
préférence pour les fils tandis que les ethnies
matrilinéaires le seraient pour les filles.
b). La
religion
La religion véhicule un certain nombre de valeurs et de
normes qui régissent la vie des fidèles sur le plan
comportemental, physiologique et psychique. Elle peut refléter
l'ouverture à la civilisation occidentale (religion catholique et
protestante), le niveau de tradition des gens (religion traditionnelle), et
parfois la situation des individus dans la hiérarchie sociale (par
exemple, dans un pays très christianisé, les catholiques et les
protestants bénéficieraient d'une situation
privilégiée dans la société par rapport aux
musulmans ou adeptes d'autres religions, écrit Akoto (1985). Dans la
plupart des pays d'Afrique, il a été montré que les
quotients de mortalité infanto juvénile les plus faibles sont
observés chez les enfants nés de parents catholiques et
protestants et on estime que la surmortalité des autres religions serait
de l'ordre de 20 à 60% plus. Lorsqu'on le contrôle par d'autres
variables de nature culturelle, la religion perd son pouvoir explicatif. Bien
que la religion n'apparait pas comme un facteur générateur de
différences de mortalité en Afrique, à tout point de vue,
il convient néanmoins de vérifier pour le Congo où l'on
dénombre une diversité de religions chrétienne et
musulmane comment les différences de mortalité varient en
fonction du sexe de l'enfant.
c). Le type d'union
La nuptialité africaine caractérisée par
une proportion élevée d'hommes polygames, n'est pas sans
conséquences sur les chances de survie des enfants. Le système
polygamique conduit partout aux différences de mortalité entre
sexes. Le rôle non négligeable du type d'union a été
observé au Mali, au Sénégal et au Liberia par M. Biaye
(1994) : La monogamie conduit partout à peu de différences
entre sexes, tandis que le système polygamique désavantage
sensiblement les filles, dès la période post néonatale au
Sénégal et au Mali, entre 2 et 5 ans au Liberia. L'auteur
attribue cet état de choses à l'importance souvent
accordée aux garçons dans un contexte polygame :
« Les mères des ménages polygames,
pour leur sécurisation, pourraient compter sur leur(s) fils... Ce type
de comportement des mères peut également prévaloir en
matière d'héritage », M. Biaye (1994, p.138).
d). L'instruction de la
mère
L'instruction est l'une des variables les plus discriminantes
dans l'explication d'un phénomène démographique. Son
rôle sur la mortalité des enfants est très bien connu, mais
les inégalités dues à celle-ci varient selon les pays. En
Afrique, peu de résultats sont disponibles à propos des
inégalités de mortalité entre sexes. Les mécanismes
à travers lesquels l'instruction influence la mortalité des
enfants sont à la fois économiques et culturels. L'instruction
est un facteur de modification des relations familiales traditionnelles. Avec
l'instruction des femmes, le pouvoir de décision n'est plus du seul
ressort du mari ou de la belle mère ; l'autonomie des femmes
scolarisées est généralement accrue, ce qui leur permet de
distribuer plus équitablement les ressources disponibles au profit des
enfants, J. Caldwell (1979). Si le rôle de l'éducation sur la
mortalité générale est bien connu, cela n'est pas tout
à fait le cas pour la mortalité différentielle selon le
sexe. Pendant la décennie 80, que la mère soit instruite ou non,
on a observé au Sénégal et au Liberia (pour des niveaux de
mortalité différents) qu'une légère
surmortalité féminine d'intensité comparable entre 1 et 5
ans (M. Biaye,1994).
A la même époque, un résultat contraire a
été trouvé dans les pays africains,
précisément, plus les mères étaient instruites,
plus paraissait une surmortalité classique des garçons. Les
analyses effectuées récemment sur le Cameroun
révèlent une surmortalité des petites filles qui
disparaît chez les mères ayant le niveau secondaire et
supérieur, tandis qu'au Burkina Faso, mères instruites ou pas,
les garçons et les filles connaissent une quasi-égalité
de mortalité, D. Tabutin et al., (inédit).
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