Les inégalités de la mortalité des enfants de moins de cinq ans selon le sexe: cas du Congo( Télécharger le fichier original )par Arsène ODZO DIMI Institut de Formation et de Recherche Démographique/Université de Yaoundé II - DESSD 2007 |
IV.2. Facteurs socioculturels des inégalités sexuelles de mortalité des enfantsLes inégalités sexuelles de la mortalité sont généralement le fait de deux catégories de facteurs ; les facteurs internes encore appelés facteurs biologiques et les facteurs externes ou socioculturels et économiques. Dans cette section nous envisageons étudier exclusivement les facteurs socioculturels. Cette méthodologie comporte un petit biais dans la mesure où les facteurs biodémographiques de la mère qui peuvent beaucoup contribué pour expliquer les inégalités sexuelles de la mortalité ne sont pas pris en compte dans cette étude. Néanmoins, nous pouvons examiner comment ces inégalités varient en fonction des caractéristiques socioculturelles des mères. Cependant, les caractéristiques socioéconomiques feront l'objet de la deuxième section. IV.2.1. L'ethnie de la mère
L'examen des rapports de masculinité des quotients de mortalité selon l'ethnie révèle quelques nuances. Car, la surmortalité masculine n'est plus systématique à l'exception des ethnies Kongo et vili pour les quelles on observe une surmortalité masculine dans toutes les tranches d'âges. Tandis que chez les M'bochi on observe une surmortalité féminine en dehors de la surmortalité féminine post néonatale qui se dégage. Cette dernière ethnie se caractérise une fois de plus par sa propension à discriminer les filles dans la mesure où la surmortalité masculine infanto juvénile est presque quasi-totale dans toutes les autres ethnies du Congo. En effet, ce n'est que chez les M'bochi qu'on observe une surmortalité féminine pour les moins de cinq ans où le rapport de masculinité infanto juvénile s'établit à 84,1 %, soit une surmortalité féminine de 16,1 %. Le rapport de surmortalité masculinité infanto juvénile le plus élevé est enregistré chez les vili avec une surmortalité de 60%. Ces résultats confirment la réalité sociale du Congo. La surmortalité masculine dans les ethnies Kongo et Vili peut s'expliquer par leur appartenance au système matrilinéaire. Le système matrilinéaire est un concept utilisé en Sociologie et Anthropologie pour désigner l'organisation sociale dans lequel les origines sont retracées par la lignée des femmes, et où tous les enfants appartiennent au clan de la mère. Ce système est associé à l'héritage par la lignée féminine des biens matériels et des prérogatives sociales. De même la surmortalité féminine chez les M'bochi trouve son origine dans le système patrilinéaire. Dans ce système la descendance est déterminée par la lignée masculine et où tous les enfants portent le nom du père ou appartiennent à son clan8(*). Le système est également associé avec l'héritage par la lignée masculine des biens matériels et surtout des prérogatives sociales. Seulement chez les M'bochi, la primogéniture9(*) n'est pas souvent pratiquée, car de son vivant le père peut repérer un des fils qui suscite sa confiance et à qui il peut léguer les prérogatives sociales. Tableau4.2 : Rapports de masculinité des quotients selon l'ethnie de la mère
Le quotidien des congolais semble également confirmer ces résultats. En effet, de nos jours une descendance féminine nombreuse est synonyme de richesse à cause des biens procurés par la dot. Autre fois la dot10(*) était symbolique pour vérifier la maturité et l'engagement du futur époux, voire se rassurer de l'épanouissement de la jeune mariée. Mais actuellement la dot est devenue un prestige que seules les couches privilégiées peuvent s'offrir à cause du prix à payer. Le système matrilinéaire n'est pas exempt de cette situation car, donner une fille en mariage peut être vécu comme une perte lorsque celle-ci ne reste pas dans le système. Cela a pour conséquences les obstacles des mariages inter ethniques et la sur taxation de la dot. Dans certains groupes ethniques, les Tékés, les Vili et les Kongos, ce montant peut être exagérément élevé. Pour ces deux groupes, la dot est considérée comme une sorte de preuve de la détermination du garçon. L'ethnie de la mère est donc très révélatrice des inégalités sexuelles de mortalité des enfants, du point de vue de leur nature et leur ampleur. En ce qui concerne la nature, on peut distinguer les ethnies matrilinéaires caractérisées par la surmortalité masculine des ethnies patrilinéaires caractérisées par la surmortalité féminine. Lorsqu'on examine l'ampleur des inégalités sexuelles de mortalité des enfants, on constate que les Bembé se détachent des Kongo et Vili, qui constituent tous le grand groupe Kongo. Graphique4.2 : Variation du niveau de surmortalité selon l'ethnie de la mère
Le graphique ci-dessus nous aide à visualiser le niveau de surmortalité masculine ou féminine à chaque tranche d'âges pour toutes les ethnies. De façon générale, les niveaux de surmortalité masculine les plus élevés sont enregistrés chez les vili alors que la surmortalité féminine (néonatale et juvénile) est plus intense respectivement chez les M'bochi et les téké où elle dépasse 50 %. * 8 Groupe de famille se reclamant d'origines communes, Ancartha, 2004. * 9 Terme désignant le droit du fils aîné à bénéficier en priorité de l'héritage d'un parent defunt, généralement celui du père. * 10 Ensemble des biens que l'un des époux apporte au moment du mariage pour subvenir aux besoins du ménage. La dot c'est aussi la compensation donnée au groupe de la jeune fille pour la perte d'une femme et, si l'on se réfère au symbole de fécondité que représente la femme dans beaucoup de ces sociétés, la perte des futurs enfants de la femme.(c) 1993-2003 Microsoft Corporation. |
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