PARAGRAPHE II : L `ANNULATION TOTALE DU CONTRAT
La chute de tout le contrat par la violation d'une ou de
quelques unes de ces clauses est une situation fort exceptionnelle. Une telle
situation se constate quand la nullité de la ou des desdites(s)
clause(s) est d'ordre public ou encore si la clause nulle constitue une
obligation essentielle du contrat.
L'annulation due à des motifs d'ordre public
L'annulation totale du contrat peut être prévue
explicitement par la loi. C'est le cas de l'article 1172 du
Code civil «Toute condition d'une chose impossible, ou contraire aux
bonnes moeurs, ou prohibée par la loi, est nulle, et rend nulle
la convention qui en dépend ». Ici, le postulat du
législateur est l'anéantissement total du contrat. Les textes
peuvent prévoir implicitement aussi la destruction
totale du contrat. Ainsi, chaque fois que les parties, malgré une
disposition d'ordre public claire, prennent une clause contredisant celle-ci de
façon flagrante; le juge va procéder à l'annulation totale
du contrat.
Par exemple dans un contrat de bail, dont la clause de
durée stipule la perpétuité, en dépit des
dispositions de l'article 1709 du Code civil, le juge déclarera la
nullité totale de tout le contrat sur la base de l'interdiction du bail
perpétuel, alors qu'il avait la possibilité de modifier la
durée de la clause en fonction de la disposition légale. Cette
démarche du juge démontre qu'il est tenu par un vrai automatisme
chaque fois que l'ordre public est en question.
L'annulation due au caractère essentiel de la clause
L'annulation totale du contrat peut être due
également au caractère essentiel de la clause nulle. Dans une
décision du 2 juillet 1958, il fut établi que «
lorsque dans l'intention des parties, toutes les stipulations d'un contrat
sont intimement liées entre elles et que les unes sont la cause
déterminante des autres, la nullité des clauses illicites
invalide les clauses licites ».
Faire dépendre le sort de toute la convention d'une
seule de ses clauses, suppose que cette dernière est essentielle. Mais
comment le juge peut il savoir que telle ou telle clause à un
caractère essentiel ?
Le caractère essentiel d'une clause peut
résulter d'une stipulation expresse des parties qui peuvent relever une
clause au rang d'essentiel. Par exemple dans l'affaire Chronopost, les parties
avaient tenu pour essentielle l'obligation de célérité
dans la mesure où elle était assortie d'un supplément de
prix.
Le juge peut également établir le
caractère essentiel de la clause à travers les circonstances du
contrat. De ces circonstances, il peut résulter une
indivisibilité des clauses illicites et des clauses licites; les
premières constituant « la cause impulsive et entre
déterminante »des secondes. Autrement dit «
l'élément vicié et l'élément sain
forment un tout indivisible, le premier constituant une condition
déterminante du second » et dans cette hypothèse,
l'annulation de l'un ne va pas sans celle de l'autre.
En l'absence de ces indices, la Cour de cassation
décide que pour juger de l'importance d'une clause, « Les
juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si une
clause nulle, présente un caractère essentiel au contrat dont
dépendait l'existence de l'ensemble de la convention ». Mais
la doctrine propose que le juge présume le caractère essentiel
de certaines clauses, comme la clause d'indexation. Mais cette
présomption n'est pas irréfragable.
Hormis le juge, le législateur les parties aussi ont
la faculté de décider (au moyen d'une clause) que la
nullité d'une clause du contrat emportera son annulation totale. Cette
faculté se trouve toutefois altérée car le juge
n'hésite pas à écarter de telles dispositions. Il est
clair que face à de telles dispositions, le juge ne saurait qualifier
la clause litigieuse de secondaire alors que les partie avaient
expressément prévu tout le contraire. Ainsi, dans une
décision la Cour de cassation a censuré les juges du fond pour
avoir jugé que « la nullité de la clause ne
s'étendait pas au contrat tout entier, malgré la stipulation
d'indivisibilité, sous le prétexte qu'une clause ne saurait
être considérée comme véritablement
déterminante dès lors que son inefficacité ne
détruit pas, en fait l'équilibre du
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