« L'OBLIGATION ESSENTIELLE DANS LE
CONTRAT »
SOMMAIRE
Introduction...................................................................................................5
Partie 1. La détermination de l'obligation
essentielle.............................6
Chapitre I. les critères de la
détermination.........................................................7
Section 1. objectivisme ou
subjectivisme ?..................................................................7
Section 2. L'obligation essentielle et notions
voisines..................................................14
Chapitre II. Les fondements de l'obligation
essentielle.......................................... 23
Section 1. L' objet du contrat en tant que fondement de
l'obligation essentielle..................23
Section 2.La théorie de la cause du
contrat........................................................................27
Partie 2. Rôle et Sanctions de l'obligation
essentielle dans la pratique
contractuelle....................................................................................
36
Chapitre I. Le rôle de l'obligation
essentielle.........................................................37
Section 1. L'obligation essentielle et les clauses
afférentes à la responsabilité
contractuelle...............................................................................................................37
Section 2. L'obligation essentielle et la théorie
de la résolution du contrat ........................51
Chapitre II. Sanctions de l'obligation
essentielle....................................................57
Section 1. la violation de l'obligation essentielle
assimilée à la faute lourde......................57
Section 2. Les autres
sanctions...................................................................64
Conclusion...........................................................................................................................72
INTRODUCTION
La théorie des obligations est l'une des branches les
plus vivantes du droit civil français. Elle est fondée sur les
droits des contrats et de la responsabilité civile. Le contrat est une
source potentielle d'obligations. Le terme obligation recouvre diverses
réalités. En droit civil, l'obligation est un terme
désignant le lien de droit créé par l'effet de la loi ou
par la volonté de celui ou de ceux qui s'engagent en vue de fournir ou
de recevoir une prestation. Il existe plusieurs types d'obligations: les
obligations contractuelles, qui résultent de la conclusion d'un
contrat, et les obligations délictuelles qui émanent du fait
juridique.
Le droit civil contractuel, est au « coeur des
préoccupations humaines ». C'est pourquoi il est en
perpétuelle évolution, il change au gré de
l'économique, et des occupations de l'homme. Toutefois, cette
évolution est rendue moins brutale par la perpétuité des
grands principes du droit civil contemporain résultant du droit romain
et surtout par la méthode de codification à droit constant qui
permet au législateur d'introduire des changements tout en maintenant
les textes immuables.
Au début, la tendance du droit des obligations
était le libéralisme contractuel :« Le laisser faire et
le laisser passer ».
Le libéralisme proclame une liberté
contractuelle totale. Elle s'appuie sur le principe de l'autonomie de la
volonté. Selon ce principe « Le contrat repose sur la
volonté de ceux qui s'engagent. L'homme est libre et ne peut être
lié que par ce qu'il a voulu et dans la mesure de ce qu'il a voulu
». Le libéralisme fut délaissé à cause
des abus de l'autonomie de la volonté. Et depuis, le droit des contrats
s'est très « humanisé » ; l'objectif a
changé, désormais ce sont la protection et la défense du
contractant le plus faible qui ont droit de cité. La nouvelle ère
contractuelle essaie de substituer à l'égalité
théorique du Code civil, l'égalité concrète de
traitement des contractants. Le temps de la protection du plus faible et de
l'interventionnisme judiciaire a sonné. Un courant doctrinal a fait de
ce nouveau slogan son cheval de bataille : c'est le courant solidariste. Pour
les solidaristes, « la libre volonté et l'égalité
sont des mythes quand les parties sont inégales en force. Les hommes
étant concrètement inégaux, ils ne peuvent exercer tous
pleinement les droits dont ils sont titulaires. Tout en critiquant l'autonomie
de la volonté, les solidaristes gardent la volonté comme source
de l'effet obligatoire du contrat, mais en soumettent aux exigences sociales
supérieures du solidarisme. Dans cet esprit, le juge et le
législateur ont créé ou développé diverses
obligations à la charge des contractants forts économiquement,
pour que ceux-ci n'abusent pas de leur puissance. La loi solidariste soustrait,
en tout ou en partie, certains domaines à la liberté
contractuelle. Elle a imposé l'ordre public économique, de
direction ou de protection.
Mais il y a surtout le solidarisme judiciaire qui impose au
juge de sanctionner les abus de puissance économique non
prévenus par la loi : c'est la protection du consentement, c'est surtout
la chasse aux clauses qui corrompent l'univers contractuel. Justement cette
dernière est au centre de la tendance actuelle du droit civil des
contrats. Elle a eu pour créneau la loi du 10 janvier 1978 sur les
clauses abusives. Avec cette législation, "Dans les contrats conclus
entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les
clauses qui ont pour objet ou pour effets de créer au détriment
du non professionnel un déséquilibre significatif entre les
droits et obligations des parties au contrat". Cette nouvelle
définition, est désormais en conformité avec celle
prescrite par la directive n° 93/13/CEE du 5 avril 1993 que la France
devait transposer. L'article L.132-1 nouveau du Code de la consommation ne fait
toutefois que confirmer les récentes avancées jurisprudentielles
en matière de lutte contre les clauses abusives : d'une part celles qui
présument l'abus de puissance économique dès lors que le
contrat est un contrat d'adhésion, c'est-à-dire impossible
à négocier pour le consommateur et, d'autre part, celles qui
reconnaissent au juge, en l'absence de tout décret d'interdiction, le
pouvoir de déclarer nulle et non écrite une clause limitative de
responsabilité insérée dans un contrat .
La définition de l'article L.132-1, en ne retenant plus
comme critère de la clause abusive que celui du «
déséquilibre significatif entre les droits et obligations des
parties au contrat » élargit le champ d'application de la
réglementation puisque le consommateur confronté à une
clause abusive n'a plus à prouver l'abus de puissance économique
dont le professionnel profitait pour lui imposer un contrat contenant des
clauses abusives (par ex. : dans les contrats de location de véhicules
automobiles de longue durée, la clause qui fait supporter au preneur la
totalité des risques de perte ou de détérioration de la
chose louée est l'expression d'un abus de puissance économique du
bailleur. De plus, l'article L.132-1 n'écarte pas non plus "les
clauses contractuelles qui reflètent des dispositions
législatives ou réglementaires impératives" et
continue donc de s'appliquer aussi bien aux contrats de consommation de droit
privé qu'aux contrats de service public fixés par voie
réglementaire (par ex. : les contrats de transport de gaz et
d'électricité...).
La législation sur les clauses abusives limite la
protection contre ces clauses aux seuls consommateurs. La notion de
consommateur est alors entendue dans son sens le plus large. Elle a
donné lieu a d'abondantes interrogations et à une jurisprudence
fluctuante. Si la directive du 5 avril 1993 penche pour une définition
restrictive du consommateur et le considère comme une personne physique
n'entrant pas dans le cadre d'une activité professionnelle (art.2, b),
la loi française vise non seulement le consommateur mais aussi le "non
professionnel". La Cour de cassation a adopté une définition
extensive du consommateur en considérant qu'une personne morale pouvait
bénéficier de la protection dès lors qu'elle était
relativement au contenu du contrat "dans le même état
d'ignorance que n'importe quel autre consommateur". Elle a ensuite
adopté une vision plus restrictive en délimitant le domaine de
protection aux contrats n'ayant pas un rapport direct avec son activité
professionnelle.
Mais depuis quelques années, la jurisprudence
étend cette protection aux professionnels aussi. Cela est très
étonnant car le professionnel était supposé avoir une
initiation aux mondes des affaires .Cette présomption faisait que, si le
professionnel était victime d'une clause abusive, il était moins
favorablement traité que le consommateur. Mais exceptionnellement et
surtout grâce à la notion d'obligation essentielle on fait fi de
cette présomption non irréfragable pour protéger le
professionnel au même titre que le consommateur. Ainsi, tandis que le
fondement de la protection est la législation sur les clauses abusives
pour le second, pour le premier, elle est l'obligation essentielle.
Peu connue car n'ayant pas fait jusque là l'objet
d'écrits abondants, la notion d'obligation essentielle est pourtant l'un
des bastions du droit actuel des obligations. Elle existait déjà
en droit international privé avant 1938 sous le nom d'obligation
caractéristique avant d'être systématisée par le
doyen BATIFFOL. De plus, beaucoup d'autres systèmes juridiques
( anglais, belge ,italien) connaissent la notion. Elle est
également présente dans le système européen du
droit des contrats .En droit des contrats, la théorie de l'obligation
essentielle est de plus en plus appelée sur «la sellette «
.Mais à notre connaissance, seul M.Ph .Delebecque a
étudié en profondeur la notion dans sa thèse sur «
Les clauses allégeant les obligations dans les contrats ».
Même là, l'auteur n'étudie la notion que dans le cadre de
son influence sur les clauses allégeant les obligations dans les
contrats. Cette étude est certes très intéressante mais
elle ne peut que nous servir partiellement dans notre étude sur «
L'obligation essentielle dans le contrat » .
Une telle étude a pour intérêt théorique de montrer
toute la place qu'occupe la notion dans la théorie des obligations.
Elle a aussi un intérêt pratique inestimable notamment dans la
pratique contractuelle et surtout au niveau des techniques contractuelles .A ce
niveau, il ne fait aucun doute que la notion d'obligation essentielle est l'un
des moyens les plus efficaces pour lutter contre les clauses abusives.
A la différence de M. Delebecque, nous allons envisager
la théorie de l'obligation essentielle dans sa globalité et dans
son effectivité dans le processus contractuel. Et comme la notion est
omniprésente dans tout ce processus, a priori, il peut paraître
intéressant de démontrer son importance à la formation,
à l'exécution et à l'extinction du contrat. Une telle
vision recouvre un intérêt et une simplicité
évidents, mais elle ignore la logique du plan bipartite et surtout
aboutira à un travail très déséquilibré.
Bref elle conduirait à une restriction de l'envergure de la notion.
La première difficulté que soulève la
notion d'obligation essentielle dans le contrat est le souci de
détermination de cette dernière. Comment faire, pour identifier
l'obligation qui serait essentielle dans le contrat étant donné
que ce dernier contient une panoplie d'obligations ?
Cette première interrogation va nous conduire à
retenir en première partie de notre travail la détermination de
l'obligation essentielle (première partie) ; cette détermination
nécessite des mécanismes particuliers ou des critères
(chapitre I) . Une fois déterminée, il serait intéressant
d'identifier dans un souci d'originalité la notion par rapport à
des notions voisines (chapitre II). De cause à effet, la
détermination de l'obligation essentielle implique l'importance de la
notion. Cette importance s'exprime à travers le rôle que
l'obligation essentielle joue au sein du contrat. Jouant un rôle
unanimement jugé important, il est très logique que la violation
ou le non respect de la notion soit soumis à sanctions. C'est pourquoi
il nous a fallu retenir en deuxième partie de notre travail, le
rôle et les sanctions de l'obligation essentielle(deuxième partie)
.
Le rôle de l'obligation essentielle n'est pas des
moindres. Ce rôle s'impose avec évidence surtout à
l'exécution et à l'extinction du contrat. A l'exécution,
l'obligation essentielle intervient pour limiter les clauses afférentes
à la responsabilité contractuelle. A l'extinction du contrat, la
notion d'obligation s'érige en condition du prononcé de la
résolution judiciaire (chapitre I). Après toute cette
démonstration, nous exposerons les sanctions de la violation de
l'obligation essentielle (chapitre II).
Pour mener à bien notre recherche sur l'obligation
essentielle dans le contrat, nous nous sommes butés à maintes
difficultés. D'abord, un problème de documentation. Il n'existe
pas à notre connaissance un seul ouvrage général portant
spécifiquement sur la notion. De plus, les ouvrages
généraux en droit des obligations ne lui consacrent en
général q'une brève présentation. Ensuite, la
thèse de M..DELEDECQUE qui a été notre document de base
n'est malheureusement pas disponible dans notre bibliothèque
universitaire locale. Enfin, tous les articles que nous avons pu
répertoriés n'abordent la notion que dans ses rapports avec les
clauses afférentes à la responsabilité.
Toutefois, ces difficultés ne nous ont pas
empêché de parvenir à des résultats. Ce sont
justement ceux-ci que nous allons vous restituer dans le présent
document.
PREMIERE PARTIE
LA DETERMINATION DE L'OBLIGATION ESSENTIELLE
Déterminer l'obligation essentielle conduit tout
d'abord définir la notion de façon concise et précise.
Cela peut se révéler une tâche très difficile car
aucune définition n'a été vraiment donnée à
la notion, du moins en droit des contrats. Ni la doctrine, ni la jurisprudence
ne se sont employées à donner une définition
précise à cette notion qui apparaît de plus en plus
incontournable en droit des contrats.
Toutefois, à travers les fondements juridiques que la
Cour de cassation a développé au sujet de la notion à
l'occasion d'arrêts qui y sont relatifs plus ou moins, on peut
déduire une certaine définition. C'est ce raisonnement qu'a
suivi le Professeur DELEBECQUE pour proposer la tentative de définition
suivante : «L'obligation fondamentale ne peut être
définie dans l'absolu, il convient de dégager des
critères permettant de déterminer très efficacement la
notion. Les parties font ce qu'elles peuvent dans un contrat, mais seulement
jusqu'à un certain point ; le point à partir duquel l'engagement
est vidé de toute substance, tel étant le cas lorsque le
créancier ne peut en obtenir l'exécution. » Cette
analyse, bien que rendant compte de la notion, n'en donne pas pour autant une
définition claire. Elle souligne par conséquent de tout le
problème de définition de la notion. En dépit de cette
difficulté, nous pouvons retenir que l'obligation essentielle est
l'obligation déterminante du contrat. Celle sans laquelle celui-ci
manquerait inéluctablement, soit de cause, soit d'objet, soit serait
tout simplement entaché de potestavité.
Donc au titre de cette première partie, tous nos
efforts seront consacrés à définir le mieux possible la
notion d'obligation essentielle. Pour ce faire, nous nous appliquerons à
dégager des critères permettant de déterminer très
efficacement la notion (chapitre I).
En second lieu nous nous attarderons sur les fondements que
les tribunaux arrogent à l'obligation essentielle(chapitre II).
CHAPITRE PREMIER
LES CRITERES DE LA DETERMINATION
Dans son étude sur l'obligation fondamentale
intitulée «L'obligation et la sanction : à la recherche
d'une définition de l'obligation fondamentale », M. JESTAZ
fait la distinction entre l'obligation fondamentale par nature et l'obligation
fondamentale par la volonté des parties. Cela implique l'existence de
deux critères, à savoir objectif et subjectif peuvent
également s'appliquer. Mais à la différence de
l'étude de M. JESTAZ, nous pousserons plus
loin la réflexion en ce sens que nous rechercherons lequel de ces deux
critères sied le plus à la notion. Aussi, nous nous interrogerons
si le ou les critère(s) retenu(s) procure(nt) à la notion une
certaine autonomie. Autonomie grâce à laquelle on pourrait
comparer la notion d'obligation essentielle avec des notions voisines.
En somme, ce chapitre sur les critères de la
détermination de l'obligation essentielle nous impose une
réflexion en deux temps. Tout d'abord nous présenterons lesdits
critères (Section I) et après nous procéderons à la
comparaison de la notions avec des concepts voisins (Section II).
SECTION I : OBJECTIVISME OU SUBJECTIVISME ?
Pour déterminer ou désigner l'obligation
essentielle, deux critères peuvent être retenus : le
critère objectif et le critère subjectif. Le premier correspond
à la désignation de l'obligation essentielle par nature tandis
que le second implique la désignation de cette même obligation par
la volonté des parties.
Pour mieux rendre compte de ces deux critères nous
allons les présenter dans un exposé (paragraphe1), puis nous les
analyserons afin de savoir s'il y a primauté ou
complémentarité entre eux (paragraphe 2).
PARAGRAPHE I : EXPOSE
1) L'obligation essentielle par nature
Sur un plan formel, il est très facile de distinguer
l'obligation essentielle des autres types d'obligations contenues dans le
contrat, notamment des obligations secondaires, car parfois l'obligation
essentielle donne son nom au contrat. Il en est ainsi du contrat d'entretien.
Dans la pratique les choses sont toutes autres, dans la mesure où les
parties peuvent porter des clauses et sur l'obligation essentielle et sur
l'obligation secondaire. La jurisprudence essayant d'établir une
distinction théorique entre les obligations fondamentale et secondaire
a, par la même occasion dressé une liste d'obligations
essentielles en fonction des contrats. Par exemple dans le contrat de vente
l'obligation essentielle du vendeur est la délivrance de la chose,
c'est-à-dire la mise à la disposition de l'acheteur de la chose
vendue. Cela a été entériné par H. BATTIFFOL en ces
termes « la délivrance est l'essence de la vente ; elle ne
peut être que différée dans son exécution et l'on ne
conçoit pas un acheteur qui renoncerait définitivement à
l'usage de la chose ... La délivrance est l'acte spécifique de la
vente par lequel le contrat va se manifester ».
M. DELEBECQUE a illustré ce propos par une
décision de 1977 de la Cour d'appel d'Aix. Il y était question
d'un garagiste belge récupérant des véhicules interdits
dans ce pays, les acheminant avec les pièces nécessaires à
un cocontractant en France, qui les réparait et les commercialisait. Le
contrat s'exécute ainsi pendant un bon moment jusqu'au jour ou le
garagiste envoie un véhicule irrécupérable, plus «
pourri » que les précédents. Son cocontractant le refuse.
Une expertise est initiée. Il s'est avéré que le
véhicule litigieux n'aurait pas pu être remis en circulation
qu'après des réparations trop importantes pour un véhicule
vieux de dix ans. La Cour d'Aix a accepté la prétention du
cocontractant français en relevant que celui-ci «auquel il ne
peut être reproché de revenir à une saine conception
commerciale, refuse à bon droit de régler le prix d'un
véhicule qui lui a été envoyé si ce véhicule
est insusceptible d'être remis en état ».Ce raisonnement
de la Cour d'appel d'Aix implique selon M.DELEBECQUE «que le
véhicule a perdu sa destination qui est de circuler » et que
« le vendeur de véhicule a pour obligation fondamentale de
livrer un engin apte a rouler, obligation dont le vendeur ne pourrait
s'exonérer » .
Beaucoup d'autres décisions considèrent que
l'obligation de délivrance est l'obligation essentielle du contrat de
vente. Ainsi, si l'article 1603 du Code civil met à la charge du vendeur
deux obligations principales, à savoir celle de délivrer et celle
de garantir la chose vendue, c'est à la condition de considérer
la garantie comme corollaire de la délivrance. Seule cette
dernière est essentielle, c'est pourquoi les parties ne peuvent, ni
l'écarter, ni en donner une exception écartant les
critères légaux.
Dans le contrat de bail, il existe une ambiguïté
à propos de la détermination de l'obligation essentielle. Cette
ambiguïté résulte de la jurisprudence de la Cour de
cassation qui admet expressément que le bailleur n'est pas obligé
de permettre la jouissance paisible à son locataire. Une décision
de 1945 a relevé que «l'obligation pour le bailleur de faire
jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée
du bail n'est pas de l'essence du contrat de louage. En réaction
à cette jurisprudence, un auteur a précisé que lorsque la
Cour de cassation déclare que « l'obligation de faire jouir
n'est pas de l'essence du contrat», elle ne vise là que
l'engagement global de l'article 1709 du Code civil et non la prestation de
jouissance de l'article 1719 alinéa 3.
En définitive, l'obligation pour le bailleur d'assurer
la jouissance au preneur est l'obligation essentielle du contrat de bail .
Cette même remarque semble convenir à tout contrat de louage ;
c'est ainsi qu'il fut établi à propos de la location d'un
système d'alarme que l'obligation fondamentale, donc essentielle, est
celle de « mettre à la disposition du client un
système en état de marche et propre à rendre les services
qu'un tel système laisse supposer ».
Toutefois dans le contrat de location de wagons, la
détermination de l'obligation essentielle semble fort délicate
car il faut distinguer selon la nature du wagon en question . Si celui est
isotherme, c'est-à-dire insensible aux variations de
température, l'obligation fondamentale ou essentielle du loueur est de
mettre à la disposition de l'usager un wagon apte à
l'isolation.
Si le wagon est isotherme mais non pourvu d'une installation
produisant le froid, aménagée pour maintenir la glace,
l'obligation essentielle du loueur est de fournir un wagon non seulement apte
à l'isolation mais aussi équipé de telle sorte qu'il
puisse recevoir et maintenir la glace.
Dans le contrat d'affrètement, l'obligation
essentielle du fréteur est de mettre à la disposition de
l'affréteur, son cocontractant, un navire en bon état de
navigabilité, c'est-à-dire présentant un ensemble de
qualités relatives tant à la navigabilité qu'à la
préparation du voyage, qu'à la structure ou au fonctionnement des
cales, des ponts, des aménagements concernant la marchandise.
On ne saurait clore cette partie sur les exemples
d'obligation essentielle sans parler de l'obligation de bonne foi que le juge
impose à toute relation contractuelle et même extra contractuelle.
A ce titre, on peut retenir, non pas sans réserve, que l'obligation de
bonne foi est une obligation essentielle dans toute convention. Mais la
question qui se pose est de savoir si cette obligation résulte ou de la
nature du contrat ou de la volonté des parties.
Pour répondre à cette question on peut dire que
les parties, en concluant, ont par là même entériné
implicitement la bonne foi comme obligation essentielle. Et cette bonne foi
semble inhérente à la notion même du contrat en
général.
A côté de ces exemples d'obligations
essentielles, on peut opposer quelques exemples d'obligations accessoires.
L'obligation accessoire, annexe ou secondaire, est une obligation
nécessaire au contrat mais insuffisante pour entraîner la
nullité de celui-ci. C'est le siège des clauses
afférentes à la responsabilité. L'obligation accessoire
est très souvent relative car elle peut être essentielle dans un
contrat et accessoire dans l'autre. Par exemple, l'obligation de surveillance
est accessoire dans le contrat de parking. Cette même obligation
devient essentielle dans le contrat de gardiennage. De même l'obligation
d'entretien est annexe dans le contrat de parking et essentielle dans le
contrat de garage.
Il y a des obligations qui sont accessoires par nature. Tel
est le cas de l'obligation de garantie des vices cachés ou des vices
apparents (article 1642 du Code civil). C'est cette obligation de vices
apparents qu'on retrouve dans le contrat de bail sous le nom d'obligation de
délivrer le logement en bon état. Logiquement, celle-ci n'a rien
d'essentiel. C'est le même cas pour l'obligation d'entretien en cours de
bail au sujet duquel la Cour de cassation a relevé que « si le
bailleur est tenu en principe d'entretenir la chose louée.... Il ne lui
est nullement interdit de s'affranchir contractuellement de cette
obligation ».
D'autres obligations accessoires sont apparues
récemment. Entre autres on peut citer l'obligation de conseil
(banquiers, notaires, architectes, médecins et assureurs) ; l'obligation
de coopération dans le domaine informatique ; l'obligation de
sécurité (pour le transport de personnes , des produits
défectueux ) ; l'obligation de mise en garde face à un risque ;
l'obligation d'efficacité des agences de voyage ; l'obligation de
prudence (pour les agences d'intérim, auto-école , colonies de
vacances etc.). Toutes ces obligations accessoires peuvent, selon les
circonstances ou selon la nature du contrat, se transformer en obligations
essentielles.
Le manquement à une obligation accessoire n'a pas
d'effets sur la validité du contrat sauf si ce manquement
empiète sur une obligation essentielle. Cela confirme ce que nous avons
déjà constaté, à savoir que les obligations
essentielle et accessoire tendent à se confondre ; tout dépend de
la volonté des parties.
2) L'obligation essentielle par la volonté des
parties
La théorie de l'autonomie de la volonté est
au coeur du droit français des contrats . Elle implique le concept du
consensualisme qui se manifeste par une extériorisation des intentions
des contractants posant la difficile question du type de volonté
devant être prise en compte.
Est-ce la volonté interne (ou réelle) ? ou la
volonté externe ( ou explicite)? Ce débat ayant fait couler
beaucoup d'encre est dépassé aujourd'hui. En effet, le droit
français demeure attaché au système de la volonté
interne car l'accord au contrat ne prend une entière valeur juridique
que dans la mesure où son expression correspond aux
représentations intellectuelles de son auteur. Mais la volonté
réelle ou interne peut être exprimée soit de façon
implicite soit de façon explicite. La détermination de
l'obligation essentielle par la volonté des parties n'ignore pas cette
démarche. Autrement dit, les parties peuvent déterminer
l'obligation essentielle soit par leur volonté explicite soit par leur
volonté implicite.
La volonté explicite est la
volonté déclarée, elle doit correspondre à la
volonté réelle. Les parties n'ont pas besoin de qualifier telle
ou telle obligation d'essentielle car « l'on considérera comme
essentielle toute stipulation qui met en exergue l'élément tenu
pour essentiel, en particulier lorsque cet élément justifie
expressément un supplément de prix ». Les parties
peuvent désigner cet élément comme essentiel d'un commun
accord. Mais rien n'empêche à une seule d'entre elles de
désigner solo consensus l'obligation
essentielle, sous réserve de la porter à la connaissance de
l'autre partie. Dans la pratique, les parties désignent l'obligation
essentielle au moyen d'une clause. Cette dernière, peut servir soit
à mettre en exergue l'obligation tenue pour essentielle, par exemple
suggérer un supplément de prix (comme l'a dit M. JESTAZ)soit
renforcer une obligation déjà contenue dans le contrat . Ce fut
le cas de la clause de célérité, contenue dans le contrat
de transport donnant lieu à l'arrêt Chronopost . Dans cette
affaire le contrat conclu avait généré à la charge
de la société Chronopost une obligation de
célérité qui constituait la cause de l'engagement de la
société expéditrice. Et cette obligation se justifiait
par le paiement d'un prix à la charge de celle-ci. En l'espèce,
le prix était plusieurs fois supérieur au prix d'envoi normal
d'un courrier.
Ainsi, nous pouvons retenir que dès que les parties
prennent une clause pour préciser ou pour mettre l'accent sur une
obligation (même secondaire) du contrat, celle ci sera
considérée comme essentielle ou principale. Cette affirmation se
confirme aussi dans l'arrêt du 2 décembre1998 où les juges
relèvent, à propos de l'obligation de prévenance, que
dès qu'elle « avait été stipulée par une
clause expresse, de sorte qu'elle en constituait une des conditions
substantielles ».
Les parties peuvent également désigner
l'obligation essentielle par leur volonté
implicite. Dans ce cas, l'obligation essentielle se
déduit de ce que les parties ont voulu lors de la conclusion du contrat
. Le juge va chercher ce qui était implicitement prévu dans le
contrat. Pour ce faire, il se réfère aux circonstances ou
même au tarif, au prix même si celui-ci n'est pas enfermé
dans une clause particulière.
Comment distinguer l'obligation essentielle par nature et
l'obligation essentielle par la volonté des parties ?
Cette tâche est très délicate. Mais il
est sûr qu'en présence d'une obligation essentielle par nature,
les parties n'ont pas besoin de désigner quoi que ce soit ; tout se
passe comme si elles avaient désigné implicitement cette
obligation à moins qu'elles ne veuillent ériger une autre
obligation (obligation accessoire par exemple) en obligation essentielle.
Qu'elle soit désignée de façon implicite
ou explicite, le juge s'attache à la volonté réelle des
parties pour établir l'obligation essentielle.
Les modes de désignation de l'obligation essentielle
étant exposés, il convient de les analyser afin de voir les
rapports qu'ils entretiennent entre eux.
PARAGRAPHE II : ANALYSE
L'obligation essentielle désignée par la
volonté des parties soulève beaucoup de questions. En effet, si
les parties ont la faculté de désigner leur obligation
essentielle, ne faudrait-il pas leur permettre d'y porter atteinte à
leur guise? Dans ce cas, sont-elles tenues par un « minimum contractuel
» ? Ne doit-on pas leur permettre de changer d'obligation essentielle en
cours de contrat ?
Nous ne saurons répondre à ces questions de
façon précise. Toutefois, nous pensons que le principe de
l'autonomie de la volonté faisant du contrat la chose des parties
n'exclut pas a priori de tels rôles. Cependant, dans la pratique, les
choses sont différentes. En face d'une obligation essentielle les moyens
d'action des parties sont réduits. En dépit de l'article 1134 du
Code civil, celles-ci ne peuvent y porter atteinte ou la modifier sans
dénaturer ou disqualifier le contrat.
L'obligation essentielle a un caractère
fondamentalement subjectif quand elle est désignée par les
parties. Mais ce côté subjectif s'estompe très vite
quand on sait que les parties sont tenues de préserver l'essence du
contrat. L'essence du contrat renvoie au caractère objectif de
l'obligation essentielle. Ainsi, même si les méthodes de
désignation de l'obligation essentielle sont subjectivistes au
départ, ce subjectivisme se trouve vite supplanté par un
objectivisme patent résultant de l'essence du contrat.
En somme, nous estimons certes que l'obligation
essentielle a un caractère subjectif, mais elle a aussi un
caractère objectif qui a tendance à prendre le dessus. Ce
caractère hybride explique toute l'hésitation de la doctrine
à trouver un fondement sûr de la notion. De plus, les fondements
retenus par cette dernière, à savoir l'objet et la cause du
contrat, servent à confirmer la primauté du caractère
objectif sur le caractère subjectif, l'objet et la cause étant
considérés comme des éléments objectifs du contrat,
contrairement à la capacité et le consentement qui sont les
constituants subjectifs du contrat.
SECTION II : L'OBLIGATION ESSENTIELLE / NOTIONS
VOISINES
A l'instar de toute autre obligation, l'obligation
essentielle peut être de résultat ou de moyen. Mais elle
ressemble très fortement à une obligation de résultat.
Cette similitude ne se limite pas au seul niveau de leur violation où
le seul constat de leur inexécution suffit à entraîner soit
la résolution du contrat soit l'allocation de dommages et
intérêts. Aussi, de même que les parties ont la
faculté d' « essentialiser » une obligation
accessoire, elles peuvent aussi transformer conventionnellement une obligation
de moyen par une obligation de résultat. Hormis ces cas, les deux
notions se dissocient pour tout le reste . Tandis qu'il existe forcément
une obligation essentielle dans tout contrat, tout contrat ne contient pas
forcément une obligation de résultat. Comme avec l'obligation de
résultat, l'obligation essentielle tend à se confondre avec
d'autres notions qui lui sont proches. Les plus importantes de celles-ci sont :
les éléments essentiels du contrat (Paragraphe I), l'obligation
fondamentale ou principale (Paragraphe II), et enfin l'obligation
caractéristique en droit international privé (Paragraphe III).
PARAGRAPHE I : L'OBLIGATION ESSENTIELLE / ELEMENTS
ESSENTIELS DU CONTRAT
Cette distinction a été établie par
Maître Christian Lavabre. A priori, ces deux termes semblent recouvrir
la même réalité. Cependant cela ne doit être
affirmé qu'avec réserve. Si l'obligation essentielle est vue
comme « la prestation qui donne à un contrat son
caractère, qui permet de la distinguer des autres et qui constitue le
centre de gravité et la fonction socio-économique de
l'opération contractuelle » ; les éléments
essentiels eux, sont perçus comme l'ensemble des composantes de la
prestation qui donne son caractère au contrat assurant par là
même l'efficacité du lien contractuel. Les éléments
essentiels se rencontrent depuis la phase pré contractuelle où
les parties négociant en toute liberté vont tout de même
s'appliquer à s'entendre sur des points déterminants ou
essentiels du contrat. Et ces éléments seront maintenus tels
qu'ils dans le futur contrat. Cette technique contractuelle s'appelle la
punctation contractuelle. Dans cette phase pré
contractuelle ignorée par le Code civil, on ne peut pas nous semble-t-il
parler d'obligation essentielle mais plutôt d'éléments
essentiels. Ceux-ci apparaissent aussi dans le mécanisme de l'offre et
de l'acceptation. Cela se comprend aisément car l'offre n'est efficace
que si elle contient des références à ces
éléments là. Dans le cas où l'offre est
dépourvue de ces éléments essentiels, on bascule dans les
pourparlers qui n'ont aucune valeur juridique aux yeux du législateur
de 1804. L'accord sur les seuls éléments essentiels suffit
à impliquer le contrat en dépit des désaccords
persistants sur les points accessoires. Cela est précisé par
l'article 1583 du Code civil à propos de la vente : « elle est
parfaite dès qu'on est convenu de la chose et du prix». La
Cour d'appel de Versailles avait déjà abondé
également dans ce sens à l'occasion d'une décision portant
sur une demande due à la rupture abusive du lien contractuel
«Aucun contrat ferme et définitif n'est intervenu lorsque les
parties ne sont pas parvenues à un accord parfait de volonté sur
l'ensemble des éléments essentiels du contrat et qu'à tous
les stades de la négociation l'une des parties a formulé des
contre-propositions ou réserves impropres à former le contrat et
cela jusqu'à la rupture des relations contractuelles ». Cette
démarche de la Cour d'appel de Versailles est basée sur le fait
que l'ensemble des éléments essentiels du contrat participent
à la détermination de l'obligation essentielle qui, à son
tour, contribue à qualifier le contrat.
La distinction entre obligation essentielle et
éléments essentiels du contrat est très difficile car
elle n'est pas claire. Mais ce qui demeure évident c'est que dans la
notion d'obligation essentielle, il y a un sentiment de contrainte. Celle-ci
est inhérente au terme d'obligation même et si elle n'est pas
respectée, il y aura corrélativement une sanction. Ce sentiment
de contrainte n'existe pas à propos des éléments
essentiels du contrat. Pour schématiser, on relève tout
simplement que si les éléments essentiels sont indispensables
à la formation du contrat, pour que celui-ci soit viable, il faut
nécessairement une obligation essentielle.
Le législateur a déterminé les
éléments qu'il tient pour essentiels dans certains contrats.
Ainsi, la charge de restituer certains biens en nature, constitue un
élément essentiel du contrat de dépôt. De
même, le caractère accessoire du cautionnement est un
élément essentiel du contrat portant le même nom. Enfin, le
rédacteur de la convention de Rome du 19 juin 1980 ,tient pour
élément essentiel la prestation caractéristique. Cela se
déduit de la présomption générale qu'il
établit entre le contrat et le pays où la partie qui doit cette
prestation a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence
habituelle ou, s'il s'agit d'une société, association ou personne
morale, son administration centrale.
La jurisprudence aussi participe à la
détermination des éléments essentiels des contrats, mais
non de la même façon que le législateur. En effet, les
tribunaux tentent d'ajuster « les qualifications incompatibles
» avec les éléments essentiels du contrat. Ce qui peut
les conduire à qualifier les faits et actes litigieux au delà de
la qualification des parties. Selon M.E. PUTMAN, l'article 12 alinéa 3
du NCPC devrait permettre, lorsque aucune règle d'ordre public ne s'y
oppose et que les parties agissent sans fraude, de « reléguer
au rang d'accessoires des éléments habituellement essentiels
».
Enfin , nous retenons que l'obligation essentielle et les
éléments essentiels du contrat sont des éléments
vitaux du contrat, que sans eux on ne saurait parler de contrat.
PARAGRAPHE II : L'OBLIGATION ESSENTIELLE / SUBSTANTIELLE /
PRINCIPALE
La notion d'obligation substantielle a été mise
en évidence par la Cour de cassation dans un arrêt du 2
décembre 1997 en ces termes : " En ne prévenant pas les
propriétaires du magasin qu'elle surveillait comme cela était
prévu au contrat, la société BRINK'S avait manqué
à une obligation substantielle."
Dans son commentaire de l'arrêt du 2 décembre
Mme. BRITON fait la distinction entre les obligations essentielles et les
obligations substantielles. Pour elle, le devoir d'avertir les
propriétaires du magasin ne constituait pas l'obligation essentielle
mais l'obligation substantielle contrat de télésurveillance.
Ce raisonnement ne semble pas convenir, car en pratique il n'
y a pas lieu de faire une distinction entre ces deux réalités. Il
aurait été plus simple et plus logique de considérer en
l'espèce l'obligation de prévenance comme une obligation
accessoire complétant et se confondant avec- l'obligation essentielle
et finalement accédant au régime juridique de celle-ci. Il est
imprudent de faire une distinction là où les textes ne
distinguent pas. La tendance actuelle de la jurisprudence veut que l'on
considère l'obligation substantielle comme une autre appellation de
l'obligation essentielle. C'est ceci que M. D. MAZENAUD a relevé en
commentant le même arrêt : « La première Chambre
.civile emploie le terme de condition substantielle pour caractériser
l'obligation violée et annihiler la clause litigieuse. Pour autant,
même si l'habillage change, l'idée que sous entend la
jurisprudence sur ce point demeure identique ».
Aussi, faut-il reconnaître que l'obligation
substantielle est l'appellation de l'obligation essentielle dans d'autres
droits tels que les droits allemand, italien et belge.
Quant aux rapports entre obligation essentielle et
obligation principale, il faut savoir qu'une obligation peut être
principale sans être essentielle, c'est-à-dire que l'obligation
principale peut participer à la qualification du contrat sans pour
autant être de son essence. Vue ainsi, l'obligation principale
diffèrerait de l'obligation accessoire en ce sens qu'elle lui est serait
supérieure, mais elle s'en rapprocherait car elle pourrait aussi
être l'objet de clauses limitatives de responsabilité. Nous
pouvons donc dire que le contrat se structure ainsi : obligation essentielle
plus obligation principale plus obligation accessoire. Cette déduction
résulte d'une interprétation de l'article 1603 du Code civil, qui
dispose que le vendeur a deux obligations principales, et de la doctrine, qui
fait de l'obligation de délivrance l'obligation essentielle du contrat
de vente.
La distinction obligation essentielle et obligation principale
nous paraît en réalité obscure dans la pratique ou du moins
ne recouvre pas un grand intérêt, car une obligation ne peut
être essentielle que si elle n'est pas principale. Mais l'inverse n'est
pas vrai du moins dans les contrats de louage et de vente. De plus, cette
distinction rend complexe la détermination de l'obligation essentielle.
Elle contribue à créer une catégorie intermédiaire
entre la distinction classique obligation essentielle et accessoire. Cette
catégorie serait celle de l'obligation principale non essentielle et non
accessoire. Donc il nous paraît plus simple de considérer
l'obligation principale comme une autre appellation de l'obligation essentielle
à l'instar de l'obligation substantielle. C'est à cette
conclusion qu'est parvenu M.P. GLAVANIS en distinguant entre
« obligations essentielles ou principales et obligations secondaires
ou accessoires », la conjonction ou exprimant la similitude, la non
différence.
Mais un autre auteur, Mme V. VIANNA, prétend que :
« La différence entre l'obligation essentielle et l'obligation
principale réside dans leur étendue ». Ainsi pour elle,
l'obligation principale serait plus large que l'obligation essentielle. Mais
cet auteur ne donne pas une explication consistante pour soutenir son
affirmation. Au lieu de relever la prétendue différence
existant entre les deux notions, elle se borne à passer en revue
l'obligation essentielle dans différents contrats.
En définitive, il n'y a pas lieu de distinguer ces deux
notions. Il suffit de retenir simplement que les obligations principales
auxquelles font référence les articles 1603 du Code civil
à propos de la vente et 1720 alinéa 1er à propos du bail
ne sont que des obligations spécifiques inhérentes à la
nature même de ces contrats.
PARAGRAPHE III : OBLIGATION ESSENTIELLE / OBLIGATION
CARACTERISTIQUE EN DROIT INTERNATIONAL PRIVE.
Avant 1938, la théorie de l'obligation
caractéristique siégeait déjà dans la doctrine du
droit international privé. On la retrouvait dans les études de
1925-1930 sur les méthodes objectivistes et subjectivistes de
détermination de la loi applicable au contrat. En 1927, après que
la méthode subjectiviste ait révélé ces failles, il
a été proposé d'adopter la méthode suivante :
«Si le contrat comporte plusieurs obligations, ou prévoit
plusieurs lieux d'exécution, il sera considéré comme
soumis à la loi du lieu d'exécution de son obligation principale,
caractéristique de sa nature juridique propre et dont dérivent
les autres obligations ».
C'est en 1938 que le doyen H. BATIFFOL va systématiser
la théorie de l'obligation caractéristique en droit international
privé. C'est sur cette même notion que H.BATIFFOL basera sa
théorie de la localisation. Pour lui, la règle de conflit en
matière de contrats internationaux s'exprime dans la loi d'autonomie.
Ainsi, les parties ne localisent pas la loi applicable à leur contrat ,
elles ne font que localiser exactement l'opération. Cette localisation
est faite en fonction de l'économie du contrat. Elle consiste à
détecter l'élément de localisation qui tient le plus
compte de cette dernière, c'est-à-dire l'élément
qui est essentiel au contrat. En l'absence d'indice clair, c'est l'obligation
essentielle ou principale qui localise le contrat. Donc celui-ci sera
régi par la loi du lieu d'exécution de celle-là. C'est
cette loi qui est réputée avoir le plus de liens avec le
contrat.
H. BATIFFOL ne donne pas de définition à
l'obligation principale. Mais il détermine l'obligation principale en
distinguant entre les types de contrats. Par exemple à propos du
contrat de vente, il déclare que la prestation caractéristique
est « celle pour laquelle la somme versée par l'une des parties
est due ». Aussi, dans le contrat de transport, il pense que c'est
la loi du lieu où s'effectue la délivrance qui est le but
même du transport.
C'est M.Paul LAGARDE qui va donner une véritable
définition à l'obligation essentielle. Il la définit comme
« La prestation qui permet de donner à un contrat son
caractère, qui permet de le distinguer des autres et qui constitue le
centre de gravité et la fonction socio-économique de l'obligation
contractuelle ».
Le principe de la prestation caractéristique recouvre
beaucoup d'intérêts. Pour M. SCHNITZER qui propose de localiser
le contrat d'après sa fonction dans la vie économique, la
règle de la prestation caractéristique « ... est saine,
facile à suivre et donne des résultats des plus pratiques
» . En effet, ce principe comporte une solution organique, au lieu
de partir d'éléments extérieurs, ou fortuits, elle part de
la fonction économique de la catégorie du contrat en question.
L'intérêt pratique de la prestation
caractéristique fait que la notion a reçu diverses applications
dans certains droits internes (France, Suisse) et même en droit
communautaire (la convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable
à la vente mobilière internationale ; la convention de La Haye du
14 mars 1978 sur la loi applicable au contrat d'intermédiaire et
à la représentation).
La convention de Romedu 19 juin 1980 sur la loi applicable
aux obligations contractuelles précise dans son article 4 paragraphe 2
qu à défaut de choix, le contrat présente les liens les
plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la
prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa
résidence habituelle ou, s'il s'agit d'une société,
association ou personne morale, son administration centrale (article4
paragraphe, 1ère phrase). Mais la convention ne définit pas la
prestation caractéristique.
La notion de prestation caractéristique est un
élément permanent dans les systèmes de conflit de loi dont
les règles de rattachement sont souples. Par exemple dans le Common Law
et plus précisément dans le système anglais, la
«Proper Law of Contract » ou la règle de conflit,
implique que la loi applicable est celle qui a le lien le plus étroit
avec le contrat. La doctrine anglaise suppose que cette loi est celle du lieu
de l'obligation principale.
Dans le droit américain aussi, la validité du
contrat est fonction de la loi interne de l'Etat avec lequel, le contrat a le
« plus de parenté ». Cette loi peut être la loi choisie
par les parties, à défaut on a recours à beaucoup d'autres
indices tels que le lieu de l'essence du contrat.
La notion de prestation caractéristique en
matière de conflit de loi connaît des insuffisances. Par exemple,
dans les contrats de prêt et d'échange, la détermination de
la notion paraît très difficile. En effet, toutes les prestations
contenues dans ces contrats sont essentielles. Pour déterminer la loi
applicable à propos des contrats où il est difficile
d'établir la prestation caractéristique, on fait recours à
d'autres éléments de rattachements.
La notion de prestation caractéristique existe aussi
en matière de conflit de juridiction où, classiquement, la
juridiction compétente est celle du tribunal du domicile du
défendeur. Mais, en matière contractuelle, le tribunal du lieu
d'exécution a tendance à prendre le dessus sur celui du
domicile du défendeur. Dans ce cas, l'élément
déterminant sera celui de la prestation caractéristique. C'est
la logique soutenue lors de l'interprétation de l'article 5-1 de la
Convention de Bruxelles I du 27 septembre 1968 sur la compétence
judiciaire et l'exécution des décisions en matières civile
et commerciale. Ce texte disait qu'en dehors du domicile du défendeur
sera compétent le tribunal du lieu où l'obligation a
été ou doit être exécutée. Une partie de la
doctrine a vu dans cette obligation, l'obligation caractéristique
même si la Cour de Justice de la Communauté Européenne ne
l'entendait pas ainsi.
Le règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000
concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et
l'exécution des décisions en matière civile et
commerciale, plus spécifique que la convention de Bruxelles I, dispose
plus clairement qu'en matière contractuelle, le tribunal
compétent est celui « du lieu où l'obligation qui sert
de base à la demande a été ou doit être
exécutée ». Cette affirmation est passible de deux
interprétations. Soit elle fait de «l'obligation qui sert de base
à la demande» l'obligation essentielle, ce qui est moins sûr
sinon cela aurait été
précisé ;soit elle sonne tout simplement le
glas à la notion d'obligation essentielle en matière de conflit
de juridiction car une simple obligation accessoire peut servir de base
à une demande en justice.
Toujours en matière de conflit de juridiction, mais
cette fois-ci en droit interne, l'article 46 alinéa2 du Nouveau Code de
Procédure Civile permet au demandeur de choisir soit la juridiction du
lieu de résidence du défendeur, soit la juridiction du lieu de
livraison de la chose soit le lieu de l'exécution de la prestation
caractéristique. Ainsi en droit interne aussi la notion de prestation
caractéristique est retenue.
La détermination de l'obligation essentielle
était un préalable nécessaire à l'étude de
ses fondements juridiques .
CHAPITRE II : LES FONDEMENTS DE L'OBLIGATION
ESSENTIELLE
Dans sa thèse (précitée) M.
Delebecque soutient que : « La notion d'obligation
fondamentale du contrat n'est pas une notion originale au sens propre du
terme ; l'obligation fondamentale n'est pas un nouveau concept du droit
contractuel, que les juristes auraient imaginé pour répondre
à certains problèmes ; la notion ne s'est pas
dégagée du néant elle s'est élaborée
simplement à partir de techniques préexistantes ; c'est en
d'autres termes l'expression d'un des principes élémentaires qui
ont étés affinés pour résoudre un certain nombre
de difficultés.»
Parmi ces techniques préexistantes, figurent les
notions de cause et d'objet du contrat, auxquelles recourt la Cour de cassation
pour caractériser la notion d'obligation essentielle.
L'objet et la cause sont deux éléments du
contrat intimement liés, ils sont tellement proches l'un de l'autre que
certains droits étrangers, en occurrence le droit allemand, en ont fait
une notion unique contrairement au droit français où la
distinction est maintenue avec toutefois une sorte de primauté de la
cause qualifiée de notion plus vivante. Ce caractère vivant
influe-t-il sur la cause perçue comme fondement de l'obligation
essentielle ?
Parmi ces deux notions laquelle explique le mieux la notion
d'obligation essentielle ?
Pour répondre à ces questions, nous verrons
respectivement l'explication de l'obligation essentielle et par les notions et
d'objet du contrat (section I) et de cause du contrat (section II).
SECTION I : L'OBJET DU CONTRAT EN TANT QUE FONDEMENT DE
L'OBLIGATION ESSENTIELLE
En droit français, la théorie de l'objet du
contrat est plus rigide, comparée à celle de la cause qui
apparaît plus souple et plus incertaine. Le Code civil fait la
distinction entre l'objet de l'obligation (article 1129) et l'objet du contrat
(l'art.1110, alinéa 1). Et la doctrine parle même d'objet de la
prestation.
- L'objet du contrat est l'ensemble des
obligations auxquelles le contrat donne naissance .
· L'objet de l'obligation est ce à quoi
le débiteur s'oblige (donner, faire, ne pas faire) ou encore ses
prestations, qui varient selon la volonté sous réserve des
articles 1101 et 1126 du Code civil
· - L'objet de la prestation : c'est la chose
objet de la prestation. Elle peut être corporelle ou incorporelle ;
matérielle ou immatérielle.
Plusieurs auteurs contemporains voient dans l'objet du
contrat l'objectif juridique des parties, l'opération qu'elles
cherchent à réaliser, c'est-à-dire l'objet de
l'obligation principale et caractéristique.
Une telle conception de l'objet du contrat a sans doute un
lien étroit avec la notion d'obligation essentielle et impliquera de
considérer l'objet du contrat non seulement comme le contenu fondamental
du contrat mais également comme le reflet de la notion d'obligation
essentielle (paragraphe I). Mais l'objet du contrat est classiquement
considéré comme le contenu du contrat (paragraphe II).
PARAGRAPHE I : L'OBJET COMME CONTENU DU CONTRAT.
Au sens classique, l'objet du contrat est le contenu du
contrat. Le contenu du contrat est l'ensemble des éléments
relatifs à la constitution et à l'exécution du contrat et
qui concourent tous, chacun pour sa part, à la réalisation de
l'acte envisagé par les parties. Cette réalité fut mise en
évidence depuis le XVIIIème siècle par Pothier qui
repartit le contenu du contrat en « trois choses différentes
». Il s'agit tout d'abord des « essentialia
» c'est-à-dire des éléments qui sont de
l'essence du contrat. D'après lui, ce sont des choses " sans
lesquelles le contrat ne peut subsister. Faute de l'une ou de l'autre de ces
choses, ou il n'y a point du tout de contrat ou c'est une autre espèce
de contrat "
Par exemple, il est de l'essence du contrat de vente qu'il y
ait une chose à vendre et qu'il y ait un prix (d'achat). C'est
pourquoi si quelqu'un vend une chose en sachant qu'elle a cessé
d'exister, il n'y aura pas de contrat. Il ne peut pas y avoir de contrat de
vente sans une chose qui ait été vendue. Si la cession d'un objet
à un tiers se fait sans paiement, nous parlerons de cadeau ou de don,
mais nullement pas de vente. Dans ces exemples, le défaut de l'une de
ces choses qui sont de l'essence du contrat (d'une entente et de
l'exécution d'une condition sine qua non) empêche qu'il y ait une
sorte de contrat.
Ensuite viennent les « naturalia
» c'est-à-dire les éléments qui
dérivent de la nature du contrat sans être de son essence. Ces
choses font partie du contrat quoique les parties contractantes ne s'en soient
expliquées ; elles peuvent même y être sous entendues. Elles
diffèrent des " essentialia" en ce "que le contrat peut subsister
sans elles et qu'elles peuvent être exclues du contrat par la
volonté des parties". Ces éléments constituent le
champs d'application des clauses limitatives de responsabilité.
Enfin, il y a les « accidentalia
» ou les éléments accidentels du contrat. Ces
éléments, sans résulter de la nature du contrat, ni de
son essence, y sont renfermés par des clauses particulières.
L'intérêt de cette distinction est que certains
de ces éléments sont inhérents au contrat et ne peuvent
en être séparés tandis que d'autres en sont facilement
séparables notamment par le jeu de la volonté des parties. Aussi,
il apparaît que l'obligation essentielle est constituée d' «
essentialia ». Cela implique qu'on peut expliquer la notion d'obligation
essentielle par la théorie d'objet du contrat. C'est d'ailleurs
pourquoi l'objet du contrat est compris souvent comme le contenu fondamental ou
essentiel du contrat.
PARAGRAPHE II : L'OBLIGATION ESSENTIELLE : REFLET DE LA
THEORIE DE L'OBJET DU CONTRAT
Cette idée est reçue de la thèse
(précitée) de M. Delebecque. En effet cet auteur explique
l'obligation essentielle par la notion d'objet du contrat. Dans ce cas l'objet
du contrat cesse d'être considéré comme le simple contenu
du contrat mais plutôt comme le contenu essentiel et fondamental du
contrat. Ainsi, l'auteur donne une définition de ce nouvel objet du
contrat : « l'objet du contrat désigne la prestation à
propos de laquelle l'accord de volontés intervient , autour de laquelle
s'ordonne l'économie du contrat. Quand le contrat est conclu, il
devient l'objet d'une obligation : c'est donc toujours bien de l'objet d'une
obligation qu'il s'agit, mais cette prestation est l'élément en
l'absence duquel les parties n'auraient songé à former le
contrat, c'est à elle que se rapporte les autres obligations que le
contrat ne peut créer ; elle absorbe, en quelque sorte,
l'utilité économique du contrat. On est fondé à
dire en ce sens que elle est l'objet du contrat. »
Cette définition a le mérite de mettre en
valeur l'objet du contrat. Elle contribue à créer un renouveau de
la théorie qui jusque là était considérée
comme le simple contenu du contrat. Dans cette nouvelle perception on constate
que l'objet du contrat ne se compose que d' « essentialia ». De ce
fait, cette vision se démarque de la composition triptyque que Pothier
avait établi à propos du contenu du contrat. Le raisonnement de
M..Delebecque assimile l'objet du contrat à l'obligation essentielle. Ce
point de vue est partagé par un autre auteur qui précise que
« à la prestation essentielle correspond la notion d'objet du
contrat ».
Dans l'arrêt du 2 décembre1997, la Cour de
cassation a abondé dans ce sens en parlant d'obligation substantielle.
La substance du contrat renvoie sans aucun doute à la notion d'objet
mieux qu'à la notion de cause. De plus la dite décision
n'était pas fondée expressément sur la notion de cause
comme l'arrêt Chronopost1 ou Securinfor. Il est évident que
l'objet du contrat peut être reçu comme un reflet de la notion
d'obligation essentielle surtout si l'on tient compte que l'objet renvoie aux
aspects quantitatifs du contrat et que ces aspects sont d'une très
grande nécessité quand on doit apprécier l'obligation
essentielle. Mais est-ce que l'objet du contrat peut être pris comme un
fondement inébranlable de la notion d'obligation essentielle ?
Il semblerait que non. La notion de l'objet est très
vague. Avec elle, l'on ne sait pas avec précision quand le contrat sera
anéanti pour non respect de l'obligation essentielle. Aussi,
l'incursion de nouvelles obligations dans le champ contractuel tend à
étendre la notion d'objet du contrat, ce qui fait qu'on ne peut plus se
fier complètement à cette notion comme fondement sûr de
l'obligation essentielle. Cela n'a pas échappé à cet
auteur qui a fait remarquer que « le contenu du contrat a
été étendu à l'extrême par la jurisprudence
qui y a ajouté certaines obligations accessoires comme l'obligation de
sécurité qu'il convient de rejeter comme appartenant au contenu
obligatoire du contrat ».
Parlant justement des insuffisances de la notion ici
étudiée, M.Delebecque, considère que les failles de la
notion d'objet du contrat « dévoileront que seul le concept de
la cause est capable de regrouper en totalité les idées que
renferme le nom générique d'obligation fondamentale et de donner
ainsi la compréhension de cette notion ».
La théorie de la cause du contrat est-elle le
fondement le plus sûr de la notion d'obligation essentielle comme
l'affirme cet auteur ?
SECTION II : LA THEORIE DE LA CAUSE DU CONTRAT
La théorie de la cause du contrat est très
complexe car son sens dépend de l'histoire et de l'utilisation pratique
qui en est faite : la cause du contrat est une notion historique et
fonctionnelle. L'histoire de la cause du contrat a commencé bien avant
le Code civil car la notion existait déjà et dans le droit romain
et dans le droit canonique. Après le Code civil, la notion traversa
trois périodes, on est allé d'un causalisme initial à un
anti-causalisme rude, pour revenir à un néo-causalisme. Dans le
Code civil, la cause du contrat est prévue dans les articles 1131
à 1133.
Le causalisme a existé durant tout le 20ème
siècle. La cause du contrat était vue dans sa conception
abstraite et faisait du consentement la seule source du contrat. Cette cause
là s'opposait à l'objet du contrat . Le causalisme était
défendu par DOMAT.
L'anticausalisme s'est développé à la
fin du siècle dernier. PLANIOL était le plus fervent des
anticausalistes . Il démontra que la théorie de la cause du
contrat était historiquement et logiquement fausse et inutile. Il
reprochait à la théorie son absurdité et le cercle vicieux
dans lequel elle s'enfermait.
Le néocausalisme consacre le renouveau de la cause du
contrat. Celle ci n'est plus seulement une notion abstraite, elle permet de
lutter contre certains abus contractuels; elle est le gage de la liberté
contractuelle .
Au titre de cette partie sur la cause du contrat, nous allons
présenter les différentes analyses causalistes (paragraphe I) et
ce n'est après que nous pourrons aisément démontrer si la
cause du contrat peut mieux rendre compte de la notion d'obligation essentielle
( paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LES DIFFERENTES ANALYSES CAUSALISTES
Elles sont diverses mais une synthèse
simplifiée permet de ne retenir que deux tendances :
A) Analyse unitaire
Elle est due à H.CAPITANT . Elle engendre deux
principaux effets :
1° La cause est un élément permanent du
contrat d'où son caractère objectif ;elle est donc
inévitablement la contrepartie d'une obligation. Selon M.Delebecque
reprenant Capitant, «Dans les contrats synallagmatiques où
chacune des parties est créancière et débitrice de
l'autre, la cause de l'obligation de chaque contractant se trouve dans la
satisfaction de l'obligation qui doit lui être procurée par
l'autre. Dans le contrat de vente, si l'acheteur s'oblige à payer le
prix, c'est qu'il compte que le vendeur lui livrera la chose,
réciproquement, si le vendeur s'oblige à livrer la chose, c'est
qu'il compte que l'acheteur lui paiera le prix. En somme, la cause de
l'obligation d'une partie réside dans l'existence et l'exécution
de son obligation par l'autre. Il existe ainsi entre les obligations une
interdépendance qui assure l'équilibre du contrat . Qu'une
obligation vienne à manquer, l'équilibre est rompu et le contrat
tombe ». Ainsi, la cause implique qu'un contractant ne s'engage pas
sans contrepartie. Cette philosophie est au coeur de certaines décisions
de la Cour de cassation.
2° La cause comprend certains motifs que l'on peut
qualifier de déterminants d'où son caractère subjectif.
Ces motifs doivent être déterminants et communs aux deux parties.
Le motif déterminant c'est celui sans lequel la décision
n'aurait pas été prise. Pour Capitant un motif n'est
déterminant que s'il est commun aux deux parties. Mais un motif
étant toujours individuel, pour qu'il soit commun il suffit que le
contractant le porte à la connaissance de l'autre.
L'analyse unitaire ne semble pas envisager toutes les
subtilités de la notion de cause c'est pourquoi on a fait recours
à une autre analyse mais différente.
B) Analyse dualiste
Elle est basée sur les différentes fonctions de
la notion de cause. Il est admis de façon générale que la
cause n'a pas le même contenu selon la fonction qu'elle remplit. Son
existence est vérifiée de façon abstraite et objective et
c'est là qu'on parle de cause de l'obligation. L'absence de cause peut
être totale, elle se confond très généralement avec
l'absence d'objet. Elle peut être partielle mais n'entraîne pas la
nullité du contrat comme la lésion.
Depuis quelques années l'absence de cause est
définie de façon extensive; car elle se dissout dans la notion
d'économie du contrat .
La notion d'économie du contrat n'implique pas une
absence totale de contrepartie, mais l'absence d'intérêt qu'une
des parties trouve dans l'exécution du contrat sous réserve que
cet intérêt manqué résulte initialement de
l'économie du contrat. La notion d'économie du contrat a
été utilisée par la Cour de cassation à l'occasion
de l'arrêt Vidéoclub. En l'espèce, la location de
vidéo cassettes pour une exploitation commerciale a été
annulée pour « défaut de contrepartie réelle
» car celle-ci s'est révélée impossible en l'absence
de clientèle dans un petit village rural.
Dans cette affaire, en décidant que la cause est
déterminée en fonction de « l'économie (du
contrat) voulue par les parties », l'absence de cause
résultant de l'impossibilité d'exécuter le contrat selon
cette économie, la haute juridiction a par là même
substitué la cause « subjective impossible » à
l'absence de cause objective comme source de nullité des conventions .
Cette solution donne le départ à une nouvelle «
conception unitaire et d'inspiration subjectiviste de la cause »
. Selon cette nouvelle conception, la cause serait le but contractuel commun
aux parties ou poursuivi par l'une d'elles et pris en compte par l'autre; le
défaut de cause s'identifierait à l'impossibilité pour les
parties d'atteindre ce but contractuel. Avec cette nouvelle conception, la
distinction classique de la cause objective et subjective, retenue par la
majeure partie de la doctrine contemporaine n'est plus tout à fait de
mise.
Dans un contrat synallagmatique, la notion d'économie
du contrat ne se réduit pas seulement à la connexité des
obligations réciproques ; mais peut comprendre l'insertion du contrat
au sein d'un groupe ou quelque avantage extérieur procuré
à l'une des parties par la conclusion du contrat.Produit
dérivé de la subjectivisation de la cause, la notion
d'économie du contrat ne fait pas l'unanimité en doctrine car
celle-ci, dans sa majorité, lui est hostile. La doctrine reproche
à cette notion d'être un encouragement au manque de
prévoyance du contractant. En effet, elle permet à celui qui
prend le risque d'entreprendre, de se délier du contrat, quand il a mal
évalué le risque de son entreprise; et conduit à faire
supporter ce risque par celui qui a, par exemple; prêté de
l'argent ou financé. Par ailleurs, la notion a été
critiquée comme faisant échec à la volonté qui a
été clairement exprimée; donc elle conduit à une
atteinte à la liberté de la volonté. Enfin, on l'accuse de
porter un mauvais coup à la stabilité contractuelle.
A notre avis ces critiques ne sont pas tout à fait
fondées car la notion d'économie du contrat peut permettre de
sauver des contrats et non seulement de les anéantir.
La notion de cause sert aussi à vérifier la
licéité des intentions des contractants : elle est alors
appelée cause subjective ou cause du contrat. Le contrôle de la
licéité est celui du motif déterminant. Il n'est pas
nécessaire que ce motif illicite soit commun aux deux contractants .
«IL suffit que l'une des parties utilise le contrat à des fins
illicites ou immorales pour que l'intérêt général
exige son anéantissement ... Afin de multiplier les chances d'une
annulation,, qu'exige l'intérêt général, il faut
non seulement que la nullité soit absolue, ce qui permet aux deux
parties de la demander, mais aussi que la psychologie du contractant
irréprochable ne soit pas prise en considération, tout au moins
comme la condition de la nullité»
Ces deux aspects de la cause ne sont pas sans lien car
parfois l'absence de cause constitue une cause illicite. La cause illicite
c'est celle qui est contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs. Le
concept de bonnes moeurs aussi a connu un renouveau.
La notion de cause ainsi expliquée peut elle avoir les
rapports certains avec l'obligation essentielle ?
PARAGRAPHE II : L'EXPLICATION DE L'OBLIGATION ESSENTIELLE
PAR LA THEORIE DE LA CAUSE DU CONTRAT
Grâce aux explications que nous venons de donner, on
peut faire la distinction entre la cause du contrat et la cause de
l'obligation.
La cause du contrat sert à contrôler la
licéité dudit contrat. La cause de l'obligation, quant à
elle, sert à vérifier l'existence et la réalité de
la cause.
Dans notre tentative d'explication de l'obligation essentielle
par la cause, nous nous intéresserons à la seule cause de
l'obligation sans doute parce que celle-ci implique une certaine notion de
contrepartie. Est ce que cette cause là sert à expliquer
parfaitement les applications de l'obligation essentielle?
Pour répondre à cette interrogation, nous allons
partir des différentes étapes de l'existence du contrat :
La phase de formation du contrat : si l'existence et
la licéité de la cause doivent être vérifiées
à la formation du contrat, et si à ce moment précis les
prestations se servent mutuellement de causes; on peut, dans ce cas, dire que
la cause du contrat correspond à l'obligation essentielle. Mais si on
appréhende la cause comme H.Capitant, à savoir l'exécution
de son obligation par un contractant; l'obligation essentielle ne correspond
pas forcément à la cause. Autrement dit, dans cette
hypothèse, la cause du contrat ne serait plus l'obligation essentielle
mais l'exécution ou les effets de cette obligation .
Ainsi, pour qu'une obligation ait une cause, il faut que le
contractant exécute son obligation principale et que cette
exécution corresponde à l'attente de l'autre partie. Cela
s'entend bien si l'on sait que « la vie l'obligation une fois qu'elle
est née, reste subordonnée à la réalisation de la
fin poursuivie, car si cette fin ne se réalise pas, il n'est pas
admissible que l'obligation garde sa force obligatoire ... »
La phase de l'exécution et de l'extinction du
contrat : ici, c'est le mécanisme de la résolution pour
inexécution du contrat qui démontre que la notion de cause peut
être prise comme l'expression de la notion d'obligation essentielle.
Selon ce mécanisme (comme nous allons le démontrer dans la
partie sur le rôle de l'obligation essentielle), l'inexécution
d'une obligation par l'une des parties, supprime la cause de l'obligation de
l'autre. Certains auteurs précisent que « la résolution
est justifiée par la disparition de la cause en cours
d'exécution du contrat » et qu'elle ne peut être
prononcée que si l'inexécution est suffisamment grave pour que
l'obligation de l'autre partie manque de cause.
Sur un plan plus pratique, il faut reconnaître que la
cause paraît le fondement le plus sûr pour l'obligation
essentielle. En effet, la jurisprudence fait appel généralement
à la notion de cause chaque fois que l'exécution d'une obligation
essentielle se trouve menacée notamment par la disparition de la cause
liée à une inexécution totale ou partielle ou par une
clause afférente à la responsabilité contractuelle. Cette
logique fut adoptée par la Cour de cassation au sujet de l'arrêt
Chronopost et confirmée six ans plus tard dans l'arrêt Securinfor
qui est une espèce siamoise de Chronopost . Ces deux décisions
méritent notre attention.
Dans l'affaire Chronopost, il était question d'une
société (Banchereau) qui avait confié, à deux
reprises, un pli contenant une adjudication. La société
Chronopost s'était engagée à acheminer celui-ci le
lendemain de leur envoi avant midi. La société Chronopost n'ayant
pas tenu cet engagement, la société Banchereau l'assigne en
réparation du préjudice subi. Cette prétention se heurte
toutefois à la clause limitative de réparation que Chronopost
avait incluse dans le contrat. Cette dernière limitait le montant de la
réparation au prix payé par l'expéditeur.
Le Tribunal de Commerce de Nantes avait, le 17 septembre 1992,
condamné la société Chronopost sur le fondement de la
faute lourde. Mais cette décision fut infirmée par la Cour
d'Appel de Rennes, le 30 juin 1993. Cette dernière relevait que, «
faute d'établir l'existence » d'une telle faute, la clause
limitative de responsabilité devait être appliquée.
L'arrêt du 22 octobre 1996 casse cette décision et répute
non écrite la clause limitant la responsabilité au remboursement
du prix du transport. La Cour d'appel de renvoi (Caen) enregistra cette
solution tout en la complétant sur deux points :1) la Cour de Caen avait
considéré que l'obligation de livrer dans le délai convenu
devait s'analyser en une obligation de résultat dont le manquement
engage la responsabilité du transporteur spécialiste du transport
rapide.
2) la Cour de Caen avait déclaré inapplicable le
droit commun des transports dans la mesure où le contrat comportait une
obligation particulière de garantie de délai et de
fiabilité. Elle justifiait cette démarche par le fait que seule
la clause d'exonération était réputée non
écrite mais qu'en revanche la stipulation de l'obligation essentielle,
dérogatoire au droit commun des transports, restait intacte.
La Cour de cassation casse la décision de la Cour de
Caen et renvoie l'affaire devant la Cour d'appel de Rouen. Pour ce faire, la
haute juridiction relève que l'annulation de la clause limitative de
responsabilité du contrat pour retard de livraison, entraîne
l'application du plafond légale d'indemnisation que seule une faute
lourde pourrait tenir en échec et que le manquement de Chronopost
à son obligation essentielle conduit à une absence de cause pour
le client.
L'intérêt d'un tel arrêt ne fait pas de
doute, vue la complexité de la procédure. Tout d'abord, il
confirme l'influence du droit de la consommation sur le droit commun. Ensuite,
il restitue à la notion de cause du contrat toute sa valeur. En effet,
l'obligation de célérité générée par
le contrat à la charge de la société Chronopost
constituait la cause de l'engagement de la société
expéditrice et justifiait le supplément de prix à la
charge de celle-ci. Donc ici, il y a une interdépendance entre la
rapidité et le prix élevé que paie l'adhérent.
C'est justement à cause de cette rapidité que la
société Bancherau a fait appel aux services de son
cocontractant. Si la rapidité n'est pas respectée, l'obligation
de Bancherau de payer si cher n'a plus de cause. Car on ne peut imaginer les
parties valablement conclure tout en excluant la cause de leur engagement. De
plus, en privant l'obligation de célérité
(considérée comme essentielle en l'espèce) d'effets, on
privait par la même occasion de cause l'obligation réciproque de
l'expéditeur.
L'arrêt Chronopost bénéficie d'une
appréciation controversée par la doctrine. Selon certains
auteurs, cette décision est liée à la théorie de la
cause selon Capitant. Ainsi, la cause serait devenue un instrument de justice
commutative du fait de la prise en compte de l'équilibre du contrat par
les juges; « la théorie de la cause permet de corriger
l'économie du contrat, d'en rééquilibrer le contenu par
l'annulation de la clause qui est à l'origine du
déséquilibre ». D'autres auteurs, par contre,
relèvent le caractère inutile et calamiteux du recours à
la notion de cause car cela conduit à faire l'impasse sur l'article
1150 du Code civil, sauf faute dolosive.
Au delà de tout cela, tous les auteurs semblent
d'accord pour considérer que le concept d'obligation essentielle est
liée à la cause; seulement si la faute lourde n'est pas
établie.
En dépit de cette controverse, la Cour de cassation
semble restée fidèle aux règles qu'elle avait
posées à propos de l'arrêt Chronopost. L'arrêt rendu
par sa Chambre commerciale le 17 juillet 2001 en témoigne.
En l'espèce, il s'agissait de la société
Securinfor qui avait conclu un contrat de maintenance du matériel
informatique commercialisé par une autre société. Elle
s'engageait à intervenir sur le site de la cliente dans un délai
de « 48 heures chrono ». Ayant failli à cette obligation
d'intervention, la cliente assigna Securinfor en paiement de dommages et
intérêts, mais elle s'est vue opposer une clause limitative de
responsabilité par Securinfor. Les juges du fond n'ont pas
appliqué ladite clause. Ils furent approuvés par la Cour de
cassation d'avoir « fait l'exacte application de l'article 1131du Code
civil en retenant, pour écarter la clause limitative de
responsabilité dont se prévalait la
société Securifor; qu'une telle clause revenait à
priver d'effet l'obligation essentielle souscrite par cette
société ».
La similitude avec l'arrêt Chronopost est frappante. Une
fois encore c'est la cause (à travers l'article 1131 du Code civil), qui
est appelée au secours de l'obligation essentielle. De plus, cette
décision consolide la construction jurisprudentielle selon laquelle
lorsque le droit spécial est impuissant à corriger les
excès de la liberté contractuelle, il y a un recours automatique
au droit commun .
A travers ces décisions, on peut dire que la cause,
bien que décriée par une partie de la doctrine, paraît
être l'un des fondements sûr de l'obligation essentielle en ce sens
qu'elle permet de condamner directement la clause portant sur l'obligation
essentielle dès lors qu'elle est de nature à la priver
d'effet.
Aussi ces deux décisions marquent une nouvelle
ère dans la protection contre les clauses abusives. Avec elles, le
domaine de la protection s'élargit, désormais, cette protection
s'étend même aux professionnels. Cela était formellement
exclu jusque là. Dans l'affaire Chronopost, le contrat était
conclu entre professionnels car la société Banchereau
contractait dans le cadre et pour les nécessités de son
activité professionnelle. De même que dans l'arrêt du 17
juillet 2001 les parties en litige étaient toutes des professionnelles.
Même si cette remarque est passée inaperçue aux yeux des
commentateurs, nous pouvons dire que la Cour de Cassation, par le biais de la
notion d'obligation essentielle, a aussi engagé la lutte contre les
clauses abusives dans les contrats conclus entre professionnels. En cela la
jurisprudence française en matière de clauses abusives rejoint la
jurisprudence américaine où les professionnels ont toujours
étés protégés contre ces clauses.
L'obligation essentielle étant
déterminée ainsi que ses fondements établis, il ne reste
plus qu'à nous pencher sur son délicat rôle et
l'épineuse question de sa sanction
Deuxième partie
ROLE ET SANCTIONS DE L'OBLIGATION ESSENTIELLE DANS LA
PRATIQUE CONTRACTUELLE.
D'emblée, nous devons présenter ici la notion
d'obligation essentielle dans ses aspects pratiques. Etant une notion de plus
en plus incontournable en droit des contrats, l'obligation essentielle a
évidemment un rôle capital à jouer. Ce rôle se
constate à la formation du contrat,, à son exécution et
à son extinction. Ce caractère omniprésent procure
à la notion un intérêt indéniable. En clair,
l'obligation essentielle régule les clauses afférentes à
la responsabilité (chapitre 1er). En effet la prolifération de
ces clauses, surtout dans les contrats d'adhésion, a provoqué la
méfiance du législateur et du juge. Le premier, à travers
ses outils favoris que sont les réglementations, se bat pour
établir une certaine transparence en leur sein. Quant au second,
à travers des montages juridiques tels que le forçage du contrat
(art1134 lato sensu du code civil) et surtout la notion d'obligation
essentielle ou principale, conditionne, façonne et modèle les
clauses afférentes à la responsabilité.
Outre ces clauses, l'obligation essentielle joue un autre
rôle qui n'est certainement pas le moindre. Ce dernier rôle
consiste en son intervention dans l'inexécution du contrat. En effet,
la notion d'obligation essentielle s'érige en condition de la
résolution du contrat. Cet état de fait se constate tant en droit
national qu'en droit communautaire. Ayant de telles fonctions, il est logique
que la violation de la notion ici présentée soit
sanctionnée. Dans la pratique, on rencontre deux catégories de
sanctions de l'obligation essentielle. L'une exceptionnelle et surtout
technique, c'est l'assimilation de la violation de l'obligation essentielle
à la faute lourde. Cela implique que celle-là a le même
régime juridique que celle-ci. L'autre, moins technique car classique,
c'est soit la nullité du contrat soit sa disqualification.
Au titre de cette deuxième partie nous nous
focaliserons surtout sur la pratique contractuelle. C'est dans ce sens que nous
aborderons successivement le rôle et les sanctions de l'obligation
essentielle dans deux chapitres respectifs.
CHAPITRE PREMIER : LE ROLE DE L'OBLIGATION
ESSENTIELLE
Ici deux points susciteront notre attention. Il s'agit tout
d'abord de détailler le rôle régulateur de l'obligation
essentielle sur les clauses afférentes à la responsabilité
(Section I) Ce n'est qu'ensuite que nous envisagerons l'intervention de la
notion dans la théorie de la résolution du contrat (Section
II).
SECTION I : L'OBLIGATION ESSENTIELLE ET LES CLAUSES
AFFERENTES A LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE
Il existe une panoplie de clauses relatives à la
responsabilité. Certaines ont pour fonction d'alourdir ou d'aggraver la
responsabilité du débiteur en cas d'inexécution par celui
ci de l'obligation contractuelle lui incombant (par exemple les clauses de
garantie). D'autres à l'inverse allègent ou limitent la
responsabilité du débiteur ou encore servent à
écarter purement et simplement toute responsabilité:
- soit elles portent sur le contenu obligatoire donc sur
l'obligation elle même.
- soit, ne portant pas à proprement dire sur
l'obligation elle même, elles se bornent à façonner la
responsabilité en écartant celle-ci ou encore en réduisant
ou inversement en plafonnant la réparation conséquente de la
responsabilité.
Ces clauses sont d'une importance pratique évidente
surtout dans le domaine financier ou dans celui des affaires notamment pour
l'industriel qui désormais pourra abaisser sa responsabilité au
strict minimum. Toutefois, cette importance n'est pas apte à couvrir
toutes les vicissitudes que les clauses limitatives ou exonératoires de
responsabilité peuvent engendrer. Ces clauses, en effet, n'inspirent pas
confiance notamment vis à vis de leur acceptation par la partie
débitrice. Dans la pratique, elles ont très souvent pour
siège les contrats d'adhésion, ce qui fait qu'elles sont rarement
le fruit d'un échange de consentement. Cela ne semble pas
inquiéter outre mesure les tribunaux qui, sous le couvert de la
liberté contractuelle, se contentent d'une simple acceptation tacite du
débiteur à condition que celui-ci ait, au préalable, pris
connaissance de la clause.
Mais la tendance actuelle du droit étant
indéniablement la protection du consommateur à tout prix, ces
clauses sont de plus en plus très mal reçues. D'un point de vue
déontologique, elles apparaissent même « malhonnêtes
». De plus, ces clauses sont fortement défavorisées par la
réglementation sur les clauses abusives issues de la loi du 10 janvier
1978. Par ailleurs, l'article L 132-1 du code de la consommation, transposant
la directive européenne du 5 avril 1993 sur les clauses abusives dans
les contrats conclus entre consommateurs et professionnels, stipule clairement
que : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non
professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet
ou pour effets de créer au détriment du non professionnel un
déséquilibre significatif entre les droits et obligations des
parties au contrat ».
L'alinéa 2 de cet article précise que les
clauses abusives sont déterminées par décret en Conseil
d'Etat. Le décret numéro 78-464 du 24 mars 1978 a
été pris dans ce sens. Ce décret a déclaré
abusives les clauses exonératoires ou limitatives de
responsabilité dans les contrats de vente (mais pas dans les contrats
de services). En 1991, une décision, de la Cour de cassation a
donné l'aptitude au juge de déclarer abusives les clauses non
prévues par le décret de 1978.
La diversité des clauses afférentes à la
responsabilité nécessite une distinction (Paragraphe I)
après cette dernière nous démontrerons l'influence de
l'obligation essentielle sur elles (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LES DIFFERENTES SORTES DE CLAUSES
AFFERENTES A LA RESPONSABILITE.
Cette distinction a été mise en
évidence très clairement par M. DELEBECQUE dans sa thèse
précitée. De plus, la jurisprudence et la doctrine ont
érigé des critères justifiant plus ou moins ladite
distinction.(1) qui ne manque pas d'intérêts (2).
1° Les critères de la distinction
Les clauses relatives aux obligations diffèrent des
clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité en ce sens
qu'elles « ont pour objet de déterminer les conditions de la
responsabilité ».Ici, le critère proposé est
l'objet de la clause. On pourrait imaginer dans ce cas que les clauses
limitatives n'ont pas pour objet la détermination de la
responsabilité. Mais pour certains auteurs, elles ont pour objet le
montant de la réparation.
Cette vision est un peu simpliste car elle ne donne pas un
vrai critère à la distinction. Un auteur, plus
précisément .M. Albarzangi précise que le critère
de la distinction de ces deux catégories de clauses «
réside dans la réponse à la question suivante : la clause
accorde t-elle au débiteur la faculté de s'abstenir
délibérément de l'exécution de l'obligation ou de
la diligence requise par le type de contrat, ou non ? En répondant par
la négative, on est en présence d'une clause d'exonération
de responsabilité. Sinon la clause écarte une obligation ou une
partie de la diligence comprise par le type de contrat, en d'autres termes,
elle concerne la détermination du contenu du contrat ; ou
l'étendue de l'obligation ».
Un autre auteur, AUBIN, abondait déjà dans ce
sens en 1897, au moyen de l'illustration suivante : « Primus
propriétaire de chevaux les confie à Secundus propriétaire
de prairies, qui accepte la surveillance; il accepte de nourrir les chevaux, de
placer un gardien, de rentrer les animaux le soir. S'il stipule une clause
d'exonération, il peut omettre volontairement de prendre certaines
mesures de protection, sans commettre de faute : il peut par exemple ne pas
placer de gardien, et s'il oublie une de ces précautions, auxquelles il
est tenu, la clause lui dispensera d'en répondre. Mais pour
qu'il y ait question d'étendue des obligations, il faut que la clause
apparaisse dans l'esprit des parties comme donnant à Secundus le droit
d'omettre telle ou telle mesure de précaution ».
Une seconde catégorie d'auteurs pensent que la
dénomination de la clause dépend de « la
volonté des parties », celles-ci ayant la volonté
présumée d'alléger les obligations. Pour A.Tunc on peut
« présumer, en règle générale, que les
parties ont tenu la responsabilité pour la conséquence normale de
l'obligation, et en déclarant rejeter la responsabilité, voulu
écarter l'obligation ».
Ces deux thèses, bien que pertinentes chacune à
sa façon, n'ont pas reçu l'adhésion totale de la doctrine.
On les reprochait d'être superficielles et de ne pas aller au fond de la
distinction. Cela nous conduit à une 3ème et dernière
thèse représentée par M.Niboyet et M. Starck. Celle ci se
base sur la notion même d'obligation. Ainsi, les prestations sont le
domaine des clauses relatives aux obligations, tandis que la manière
dont celles-ci doivent être exécutées constituent celui des
clauses d'irresponsabilité. Pour M. Starck « il faut pour
trouver le critère de la distinction des conventions exclusives
d'obligation et des conventions exclusives de responsabilité, distinguer
d'une part, l'objet de la promesse, d'autre part les facteurs susceptibles
d'entraver son exécution.... L'objet de la promesse, c'est la
prestation, c'est par exemple l'obligation de livrer une chose de tel genre ou
un corps certain, « prester » un service ; mais on doit se garder de
considérer la diligence du débiteur comme objet direct de la
promesse. Une fois l'objet déterminé, il faut demander quels sont
parmi les différents évènements propres à faire
échouer l'exécution de la promesse -fautes, force majeure... ce
que le débiteur prend à sa charge. Il faut en d'autres termes
s'interroger sur l'étendue de la garantie dont jouit le
créancier... Les conventions exclusives d'obligations intéressent
l'objet même de la promesse. Les conventions exclusives de
responsabilité visent l'étendue de la garantie. Elles ont pour
objet de déplacer les risques d'inexécution du contrat, de mettre
à la charge du créancier certains risques qui normalement
pèsent sur le débiteur ».
En somme, la distinction entre les clauses relatives aux
obligations et les clauses limitatives ou exonératoires de
responsabilité est désormais fondée sur le critère
de la prestation, objet de la promesse. Toutefois, en dépit de ce
critère, la distinction en question reste purement difficile car parfois
les deux types de clauses sont indissociables en pratique. Et la jurisprudence
a encore des hésitations quant à retenir l'une ou l'autre
qualification à propos du grief soulevé.
C'est ainsi que dans une décision du 22 novembre 1978,
la première Chambre civile de la Cour de cassation a requis le
caractère de clause délimitant l'obligation au sujet d'une clause
manifestement limitative de responsabilité. En l'espèce le
vendeur d'un engrais fait figurer sur les étiquettes un avertissement :
« le produit peut être dans certaines utilisations inefficace et
même nuisible ». La question soulevée était de
savoir si cette clause était limitative d'obligation ou
exonératoire de responsabilité.
La même ambiguïté s'est soulevée
à propos de l'affaire Loto .Dans cette affaire il était question
d'une clause d'un règlement du Loto qui prévoyait qu'au cas
où le bulletin d'un joueur ne serait pas acheminé et
traité par l'ordinateur central, la société de Loto ne
rembourserait que la mise. Or, dans cette espèce, ce furent les
préposés de cette société qui acheminèrent
et traitèrent (mal) ces bulletins. Il fallait rechercher si cette
clause était délimitative d'obligation ou limitative de
réparation. La Cour de cassation a traité la clause comme
délimitant l'obligation alors que pour la doctrine ce serait une clause
limitative de responsabilité. Cette tendance va en grandissant car les
tribunaux s'engouffrent de plus en plus dans un tâtonnement incroyable.
Par exemple, ils ont traité de clause limitative de
responsabilité les conditions générales d'un contrat de
vente de meubles qui énonçaient que les délais de
livraison étaient « indicatifs ».Or cette clause
représentait la caractéristique d'une clause de
délimitation d'obligation.Cette ambiguïté s'étend
même à la transformation conventionnelle d'une obligation de
résultat en obligation de moyen.
Ces différentes illustrations montrent toute la
subtilité de la distinction des clauses afférentes à la
responsabilité. Cette difficulté de distinction ne fait que
confirmer tout l'intérêt que ladite distinction peut
présenter!
2° intérêts de la distinction
Les clauses afférentes à la
responsabilité sont différentes par nature. Cette
différence de nature commande une différence de régime
juridique. Et c'est là que réside tout l'intérêt de
la distinction de ces clauses. Toutefois, la différence de régime
juridique n'empêche pas que ces clauses soulèvent les mêmes
difficultés juridiques résolues par les mêmes concepts de
droit (la cause, l'objet, le consentement).
Les clauses limitatives ou exonératoires de
responsabilité ont un régime connu. Ces conventions sont
enfermées dans d'étroites limites. Le plus souvent elles sont
nulles car on les considère comme incitant le débiteur à
l'irresponsabilité. Par ailleurs leur nullité peut s'expliquer
par des considérations morales. En effet, il paraît illogique
voire malhonnête de la part d'un débiteur d'assurer une obligation
tout en se déclarant irresponsable de sa violation. De plus, l'autonomie
de la volonté qui procure à ces clauses leur force obligatoire
n'est pas illimitée: la liberté contractuelle comme toute autre
liberté est limitée quelque part.
Cependant les clauses exonératoires de
responsabilité ont un principe de validité, c'est-à-dire
qu'elles sont valables sauf prohibition expresse. Dans ce contexte, elles
s'imposent aux parties comme au juge. Cela n'empêche pas non plus au
législateur d'intervenir dans leur domaine. Celui-ci intervient par
rapport à ces clauses dans quatre types de contrats : les contrats de
transport, de vente , de bail et de travail).
Dans le contrat de transport, la validité de ces
clauses dépend du type de contrat de transport considéré
(le contrat de transport aérien; maritime, ferroviaire, routier, interne
ou international). En outre, ces clauses ne sont valables que si elles sont
acceptées par les parties. Cette condition fut établie par la
Cour de cassation depuis 1967 en ces termes : « La clause de non
responsabilité doit avoir été voulue par les parties et
dans les conditions ordinaires de la formation des conventions ; ainsi, il
appartenait à l'aéro-club et à son assureur de rapporter
la preuve de l'accord des parties dont ils se prévalaient
».
Dans le contrat de transport terrestre de marchandises, la Loi
Rabier du 17 mars 1905, soit l'article L133-1 du code de commerce, interdit ces
clauses. Mais, il arrive que les tribunaux les reçoivent
exceptionnellement. Dans le contrat de transport maritime de marchandises et
de personnes, la loi du 18 juin 1968 dans ses articles 29et 30, écarte
les clauses exonératoires de responsabilité. Il en est de
même pour le contrat de transport aérien de marchandises ou de
personnes où les articles L321-3 et L322-3 du Code de l'aviation civile
écartent ces clauses.
Les clauses limitatives de responsabilité restent
valables dans ces mêmes domaines. Dans un arrêt de principe., la
Cour de cassation a relevé que : « La clause litigieuse a pour
effet non de supprimer la responsabilité de la compagnie mais de
réduire l'indemnité en compensation de la diminution du prix du
transport résultant de l'application du tarif spécial.
»
Cependant dans le domaine des dommages causés par
les produits défectueux ou des dommages causés aux personnes,
aucune clause limitative et exonératoires de responsabilité n'est
reçue . Dans le premier cas, l'article 1386 du Code civil est plus
qu'explicite: « Les clauses qui visent à écarter ou
à limiter la responsabilité du fait des produits
défectueux sont interdites et réputées non
écrites ». Dans le second cas, c'est-à-dire des
dommages causés aux personnes, la doctrine prônant le
caractère sacré de l'intégrité de la personne
humaine et le droit à la sécurité met en garde contre
toute transaction. Mais, il faut reconnaître qu'aucun texte juridique ne
semble à priori s'opposer aux conventions relatives aux conditions de
la réparation du dommage corporel faisant suite à
l'inexécution d'une obligation contractuelle. En tout cas, la
jurisprudence actuelle n'a jamais formulé de condamnation
générale dans ce sens du moins à notre connaissance.
Si elles sont valables, les clauses limitatives ou
exonératoires de responsabilité sont efficaces en cas de faute
légère ou ordinaire du débiteur. Mais si le
créancier arrive à démontrer que le débiteur a
commis une faute lourde ou dolosive, l'exonération et la limitation ne
jouent plus. Ce principe résulte d'une jurisprudence constante depuis
1959 « seuls la faute lourde ou le dol de la partie qui invoque, pour
se soustraire à son obligation, une clause d'irresponsabilité
insérée au contrat ou acceptée par l'autre partie, peuvent
faire échec à l'application de ladite clause ». Cette
jurisprudence est confirmée par l'arrêt Chronopost que nous
venons de commenter.
Quant aux clauses relatives aux obligations, certains auteurs
comme M.Starck et même certaines décisions de justice soutiennent
que la faute lourde ou le dol laissent jouer ces genres de clauses; autrement
dit, « on ne commet ni dol ni faute lourde en n'exécutant pas
valablement une obligation non assumée : c'est là une
évidence ».
Pour terminer avec cette partie sur les intérêts
de la distinction des clauses afférentes à la
responsabilité, il faut juste relever que ces clauses coexistent avec
d'autres clauses telles que les clauses pénales qui prévoient une
indemnité forfaitaire en cas d'inexécution totale ou partielle
ou tardive du contrat; les clauses relative aux conditions de naissance et
d'extinction de la responsabilité qui ont pour but d'attacher un effet
exonératoire à des évènements qui d'ordinaire ne
sont pas de nature à exempter le débiteur d'une obligation de
résultat.
PARAGRAPHE II : L'INFLUENCE DE L'OBLIGATION ESSENTIELLE SUR
LA VALIDITE DES CLAUSES AFFERENTES A LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE
A) L'OBLIGATION ESSENTIELLE : LIMITE A LA VALIDITE DES
CLAUSES AFFERENTES A LA RESPONSABILITE EN DROIT FRANCAIS
Si en vertu de la liberté contractuelle les parties ont
la faculté d'alléger les obligations résultant de leur
convention, cette faculté est restreinte notamment par la notion
d'obligation essentielle. Ainsi, les clauses délimitant les obligations
contractuelles ne peuvent pas porter sur toutes les obligations contenues dans
le contrat. Si les parties peuvent faire ou défaire les obligations
accessoires; leur moyen d'action en ce qui concerne les obligations
essentielles est limité. Elles peuvent y porter certes des
allègements mais jusqu'à un certain seuil seulement. Si le
débiteur d'une obligation essentielle ne peut esquiver son
exécution par le jeu des clauses de non obligation, il peut par contre
réduire cette obligation à son expression la plus simple. Ainsi
la clause portant sur l'obligation essentielle doit laisser un sens et une
utilité au contrat. Elle n'est donc efficace ou valable que si elle
n'attente pas à l'équilibre économique de la convention.
Si c'est le cas, la convention manquerait par là même de cause et
serait du coup inutile. Par exemple un bailleur qui ne s'engage pas à
assurer la jouissance de la chose louée ne s'engage à rien et du
coup l'obligation réciproque du locataire (payer le loyer ) sera
dépourvue de cause. Même disposant comme elles veulent de
l'obligation accessoire, les parties dès qu'elles «
essentialisent » celle-ci; elles ne pourront plus la modeler ni lui
porter des atteintes que si celles-ci sont de nature à ne pas la vider
de son essence.
Depuis 1863, il est établi qu' « un contrat ne
peut légalement exister s'il ne renferme pas les obligations qui sont de
son essence ». Si une clause de non obligation porte atteinte
à une obligation essentielle du contrat, soit celui-ci sera
qualifié (car la dénomination d'un contrat relève souvent
de l'essence qu'il renferme) soit il sera atteint de nullité partielle,
ce qui consolide le droit du créancier. Dans la pratique, la clause
portant atteinte à l'obligation essentielle n'est pas nulle elle est
seulement réputée non écrite c'est-à-dire
censée n'avoir jamais existée. Cette solution à laquelle
nous reviendrons plus amplement (dans la partie sur la sanction de l'obligation
essentielle ) se comprend aisément quand on passe en revue les ambitions
du juge pour le contrat. Très certainement cette solution découle
de la volonté du juge de recourir le moins possible à la
nullité. Mais ladite solution peut paraître ambiguë quant on
sait que l'obligation essentielle est l'essence du contrat dont toute violation
doit entraîner logiquement la destruction du contrat. Dans tous les
cas, c'est une solution qui confirme que le contrat ne demeure pas totalement
la chose des parties. Ce même raisonnement vaut pour les clauses
limitatives ou exonératoires de responsabilité. Dans le cas
où elles portent sur une obligation essentielle; elles sont purement et
simplement écartées. Pour ce faire, le créancier n'aura
qu'à prouver uniquement l'inexécution de l'obligation
indépendamment de toute faute lourde. Celui-ci à son tour ne
pourra s'exonérer qu'en démontrant la force majeure ou la cause
étrangère. Très souvent, la clause limitative ou
exonératoire de responsabilité violant l'obligation essentielle
n'est pas nulle, elle est tout simplement réputée non
écrite tout comme la clause délimitant l'obligation. C'est
d'ailleurs ce que consacre l'arrêt Chronopost1 en ces termes : «
... la clause violant la portée de l'obligation essentielle est
réputée non écrite... ».
Ainsi il apparaît clairement qu'en droit
français, l'obligation essentielle constitue la limite des clauses
afférentes à la responsabilité. Quid droit
comparé?
B) L'OBLIGATON ESSENTIELLE ET LES CLAUSES DE RESPOSABILITE
EN DROIT ANGLAIS ET EN DROIT BELGE.
La notion d'obligation essentielle est présente dans
presque tous les systèmes juridiques des autres pays européens.
Mais le sort des clauses de responsabilité en face de l'obligation
essentielle varie d'un système à l'autre et est
particulièrement intéressant en droit anglais et en droit
belge.
- EN DROIT ANGLAIS
En droit anglais, il existe trois catégories
principales de clauses afférentes à la responsabilité
:
1) L'exception clause est la clause qui participe
à la détermination de l'obligation du débiteur tout en la
renforçant.
2) La limitation clause est l'équivalente de
la clause limitative de responsabilité en droit français; elle
rend souples les conséquences découlant de
l'inexécution.
3) L'exemption clause a pour effet de restreindre,
voire réduire à néant, la responsabilité
découlant de l'inexécution d'une ou de plusieurs obligations.
Le droit anglais connaissait l'application automatique des
clauses correctement rédigées. Cet automatisme fut
écarté par la création de la théorie de
l'inexécution fondamentale ou de la « Fundamental breach of
contract » en 1950. Avant la notion de «fundamental breach of
contract », la structure du contrat en droit anglais était
constituée de deux éléments : les conditions et les
warranties.
- Les conditions sont des droits qui forment l'essence
même du contrat, ceux atteignant la substance du contrat et essentiels
à sa nature à tel point que s'ils ne sont pas respectés
l'autre partie peut équitablement considérer ce manquement comme
une inexécution totale. D'autres auteurs, en occurrence Pratt et Haynes
ont formulé cette definition des conditions en anglais de la
façon suivante : « A condition is a term which goes so directly
to the substance of the contract or in other words, is so essential to its
nature that its non performance may fairly be considered by the other party as
a subtancial failure to perform the contract all ».
- Les warranties sont des obligations non essentielles
destinées le plus souvent à régler par des stipulations
variables la situation de fait créée par l'exécution des
conditions. La distinction conditions / warranties prime le droit anglais des
clauses d'irresponsabilité.
La notion de « fundamental breach of contract
» a donné naissance à un nouveau constituant du contrat en
plus des conditions et des warranties. C'est le « fundamental term
» ou la clause fondamentale. La jurisprudence anglaise de
l'époque a décidé que les « fundamental terms »
du contrat sont des éléments essentiels du contrat et qu'à
leur égard on ne peut faire jouer aucune clause de non
responsabilité. Sinon « la non exécution du contrat est
totale et ce serait taxer les parties d'absurdité dans leur comportement
que de penser qu'elles ont à la fois voulu faire un contrat d'une
part et qu `elles ont entendu stipuler d'autre part, que ce contrat pourrait ne
pas être exécuté à la place sans que leur
responsabilité soit engagée. Une interprétation du
contrat exige que malgré la clause de non responsabilité il
existe quelque chose du contrat ».Ainsi, l'inexécution totale
sert de fondement à la doctrine de « fundamental breach ».
Pour illustrer cette affirmation un auteur Lord Aminger a fait la
déduction suivante à l'occasion de l'arrêt Chanter v.
Hopkins. Celui-ci précisait que dans un contrat sur la vente de pois,
la livraison de haricots ne constituera pas une exécution correcte du
contrat et qu'aucune clause d'exonération ne pourra jamais excuser
l'envoi de haricots à la place de pois commandés. Il ajouta
aussi que dans un contrat sur la vente d'acajou; l'envoi de bois de pin
constituera une inexécution totale insusceptible d'être couverte
par une clause d'exonération mais que si le vendeur avait livré
de l'acajou de mauvaise qualité, la clause d'exonération aurait
pu s'appliquer car, précise-t-il, la livraison de pin est un breach of
fundamental terms tandis que celle d'acajou de mauvaise qualité est un
simple « breach of contract ».
Les clauses d'exonération même efficacement
rédigées ne peuvent détruire le fondamental term. Cette
théorie d'inexécution fondamentale apparut par la suite
très nuisible notamment dans le monde des affaires. De plus, elle
servait d'alibi au juge qui pouvait désormais intervenir dans le
contrat chaque fois qu'il jugeait l'inexécution fondamentale. La
doctrine la critiquait comme manquant de logique interne . Les auteurs
dénonçant cet illogisme, rejetaient le fait que le contrat
prenne fin par sa seule inexécution imparfaite, inexécution qui
rendrait inapplicable la clause exonératoire. Ils
dénonçaient aussi le fait que les tribunaux acceptent l'action
engagée par la partie lésée sur la base du contrat
litigieux tout en écartant l'application de la clause qui
répartissait le risque. Ces critiques ont conduit la jurisprudence
à considérer non seulement l'inexécution mais aussi ses
conséquences. Ce revirement apparut très efficace; à tel
point que la Court of appeal a tenté d'élever la
théorie de « fundamental breach » en règle de droit.
Cette prétention n'a pas reçu l'approbation de la Chambre des
Lords qui campait sur le fait que l'inexécution fondamentale ne peut en
aucun cas être considérée comme une règle de fond.
Pour elle, c'est une règle d'interprétation. Cette position de la
chambre des Lords fut constatée en 1966 dans l'arrêt Suisse
Atlantique en ces termes : «Si l'interprétation normale
des clauses d'exonération consiste à dire que ces clauses ne
jouent pas en cas de « fundamental breach of contract » il ne s'agit
là que d'une règle d'interprétation (a rule of
construction) et non d'un principe de droit (a rule of substantive Law)
» . Cette position tranchée de la Chambre des Lords n'a pas
tout de suite dissuadé la Court of appeal; celle-ci continuait
à voir en l'inexécution fondamentale une règle de fond.
Cela a incité la Chambre des Lords à confirmer aussi sa position
précisément à l'occasion d'un arrêt dit Photo
Production . L'espèce portait sur une usine incendiée par un des
gardiens de la société chargée de la surveiller. A ce
sujet, la Chambre des Lords précisa qu'une inexécution «
si fondamentale qu'elle puisse paraître ne peut remettre en cause
l'exécution du contrat ».
En somme, nous pouvons conclure que les clauses
d'exonération ne sont reçues en droit anglais que si
l'inexécution qu'elles couvrent n'atteint pas l'essence du contrat.
C'est d'ailleurs ce que pense le Lord Justice Denning qui précisait
à propos du contrat de dépôt que «l'essence du
contrat pour un entrepositaire est de conserver les marchandises au lieu
prévu et de les restituer à la demande du déposant. S'il
les conserve dans un endroit différent ou s'il les conserve mal ou
s'il les détruit, s'il les vend ou s'il les donne sans raison à
quelqu'un d'autre, il commet une rupture fondamentale du contrat et ne peut
invoquer les clauses d'exonération qu'il a stipulées.
»
Il ressort de ces différents développements que
l'obligation essentielle constitue aussi la limite à la validité
des clauses exonératoires en droit anglais. Qu'en est-il en droit
Belge?
- EN DROIT BELGE
Parlant des clauses de responsabilité en doit belge,
Paul Durand utilisait la formule suivante :« Alors
que la validité et les effets de la clause d'exonération de
responsabilité ont donné dans la jurisprudence française
à des hésitations sans fin, au point que, plus de 50 ans
après, l'incertitude est encore complète sur la théorie
de ces clauses, la doctrine de la Cour de Cassation (belge) est d'une rare
simplicité de lignes».
Ainsi, les clauses de responsabilité n'ont pas eu
beaucoup de mal à se faire accepter en droit belge. Elles ont tout de
suite eu une validité de principe. Mais une interdiction textuelle ou
l'intention de nuire peuvent entraver cette validité. De même, si
ces clauses réduisent de par leur nature la valeur économique de
la prestation promise et que cette réduction se révèle
en une absence d'obligation; elles se rendent par de ce fait non valables. La
doctrine belge prêche l'existence dans tout contrat d'une obligation
minimale à la charge du débiteur, obligation que les parties ne
peuvent s'amuser à abaisser par quelque clause que ce soit sans
porter atteinte à l'essence du contrat.
A l'instar du droit anglais, on remarque que les notions
d'obligation essentielle, ou d'essence du contrat ou d'économie du
contrat sont de vrais critères encadrant le domaine des clauses
afférentes à la responsabilité. Cette tendance demeure le
sens de la jurisprudence belge en la matière depuis une décision
de la Cour de cassation belge du 23 novembre 1911. Dans cette affaire, il
s'agissait d'une agence de renseignement qui opposait à une demande
de dommages et intérêts de l'un de ses clients se plaignant
d'avoir reçu d'elle des renseignements inexacts. La clause convenue
dans le contrat qu'elle proposait stipulait que l'agence «n'est pas
responsable des conséquences d'une disposition quelconque prise par
l'abonné. Les risques inévitables dérivant des
correspondants et d'abonnés sont encourus exclusivement, ce dernier
renonce à tout recours en cas de dommage attribués par lui
à des erreurs ou fautes d'auxiliaires et renonce formellement à
reconnaître la provenance des renseignements à lui
fournis ».
Les juges du fond écartent cette clause aux motifs
que les renseignements n'ont été ni recueillis ni
contrôlés avec la diligence nécessaire et que les
agissements étaient constitutifs de fautes graves enlevant toute
valeur aux renseignements et détruisaient par la même occasion
l'économie du contrat. Abondant dans le même sens, la Cour de
cassation belge énonça :
« attendu que .... l'institut demandeur s'est
engagé à répondre à la demande de renseignement
adressée par un rapport concis basée sur les données qui
lui sont fournies par son service ordinateur de recherche ... que les juges
du fond constatant que les renseignements fournis au défendeur et sur
la base desquels il a traité, les préposés du demandeur
ont commis non une simple inadvertance mais un acte de mauvaise
volonté devant fatalement produire des conséquences dommageables
non recherchées par les auteurs mais que ceux-ci ont
nécessairement prévu sans se donner la peine de les
prévenir .... Que les juges ont déduit à bon
droit que si la clause invoquée s'étendait à semblable
faute, elle enlèverait tout effet utile au contrat ».
Depuis un arrêt de la Cour de cassation (belge) du 25
septembre 1959; la jurisprudence belge s'est démarquée des
jurisprudences française et anglaise en ce qui concerne les clauses
d'irresponsabilité. Désormais seul le dol du débiteur
prive d'efficacité la clause d'irresponsabilité. Ainsi ni la
faute lourde, ni la faute intentionnelle n'ont plus semblable effet.
L'arrêt de 1959 fut occasionné par le
déplacement maladroit d'une voiture automobile effectué dans
le monte charge d'un garage par un préposé du garagiste.
Le Tribunal de Liège statuant en dernier ressort
avait accordé au propriétaire de la voiture des dommages et
intérêts en dépit de cette clause exonérant le
garagiste « des dégradations pouvant résulter des
déplacements des voitures opérés dans le garage par le
personnel de celui-ci et pour les besoins de l'exploitation et du service
».
Cette clause fut écartée par les juges du fond
aux motifs qu'elle exonérait le garagiste ou son préposé
de leur faute lourde. La Cour de cassation belge s'est inscrite en faux contre
ce jugement en posant deux grandes règles : 1° En dehors des cas
où la loi en dispose autrement et de celui ou l'obligation
contractée serait anéantie, les parties à un contrat
peuvent valablement convenir d'avance que le débiteur ne
répondrait pas de la faute même intentionnelle de ses
préposés.
2° Aucune disposition légale, sauf certaines
exceptions étrangères en la matière, n'interdit aux
parties contractantes de convenir que l'une d'elle ne répondra pas de sa
faute lourde personnelle.
Ensuite elle renvoya l'affaire devant le Tribunal de commerce
de Verviers qui donna raison au propriétaire de la voiture puis
releva que le garagiste viderait le contrat de garage « de toute
substance objective s'il lui était permis de s'exonérer
conventionnellement de l'obligation de résultat qu'il assume en
déplaçant les voitures dont il a la garde »
Commentant cet arrêt, M. Delebecque
déclara : « La Cour de cassation belge isole l'atteinte
à l'essence du contrat pour l'ériger en limite autonome de la
validité des clauses d'irresponsabilité». Les principes de
licéité de l'exonération conventionnelle de la
responsabilité du débiteur en raison du fait intentionnel du
préposé et de licéité de l'exonération
conventionnelle de responsabilité en cas de faute lourde du
débiteur lui même continuent de régenter le droit belge
des clauses de responsabilité. Par exemple dans une décision de
1987, la Cour de cassation belge déclarait que « Les clauses
d'exonération ne sont pas licites lorsqu'elles ont pour effet de
détruire l'objet même de l'obligation et de vider le contrat de
sa substance » .
SECTION II : L'OBLIGATION ESSENTIELLE ET LA THEORIE DE LA
RESOLUTION DU CONTRAT.
La résolution est l'anéantissement total du
contrat contrairement à la résiliation qui est son
anéantissement pour le seul futur. C'est la remise en cause de la force
obligatoire du contrat même pour les obligations déjà.
L'article 1184 du Code civil est le siège de l'action
en résolution judiciaire . L'utilité économique et
sociale de la résolution ne fait aucun doute. L'action en
résolution judiciaire du contrat donne au créancier de
l'obligation inexécutée l'équivalent d'une
sûreté réelle. La résolution judiciaire a pour
domaine principalement les contrats synallagmatiques. Dans ces contrats,
l'institution est fondée sur l'interdépendance des obligations
qui a été défendue pour la première fois en 1811
lors de l'arrêt Albertiniet confirmé en 1921 par l'arrêt
Lucard en ces termes : « attendu que dans une convention
synallagmatique, l'obligation de chacune des parties a pour cause
l'exécution de l'obligation de l'autre ... »
Toutefois, il y a des contrats synallagmatiques qui sont
soustraits à ce principe de la résolution judiciaire. Il en est
ainsi de la cession d'office ministérielle, de la constitution de rente
viagère (article 1978 du Code civil) ou du partage. A l'opposé,
il existe des contrats non synallagmatiques ne relevant pas du domaine de la
résolution judiciaire. C'est le cas des donations avec charge (article
954 du Code civil), de certains autres contrats unilatéraux à
titre onéreux comme le contrat de gage (article 2082 du Code civil) ou
le prêt à intérêt .
Pour qu'il y ait résolution il faut une
inexécution. Mais est-ce à dire que toute inexécution vaut
résolution? Certainement pas, sous réserve de la
résolution prévue par la clause résolutoire expresse
(clause prévoyant que le contrat sera automatiquement résolu en
cas d'inexécution de ces obligations par l'une des parties). Pour
qu'une inexécution puisse emporter résolution, il faut qu'elle
soit caractérisée voire déterminante. Une
inexécution déterminante est une inexécution
dépouillant le contrat de toute utilité économique
c'est-à-dire brisant l'équilibre économique du contrat,
ce qui fait du contrat un déboire au lieu d'un profit. Parmi les
inexécutions déterminantes de la résolution, il figure
celle d'une obligation essentielle. Cela est une réalité et en
droit national (Paragraphe I) et en droit communautaire (Paragraphe II) .
PARAGRAPHE I : EN DROIT NATIONAL
En droit interne, la notion d'obligation essentielle
intervient lors de la résolution du contrat pour apprécier le
degré de gravité de l'inexécution du débiteur de
son obligation. Celle-ci est-elle assez grave pour entraîner
l'anéantissement total du contrat ?
En cas d'inexécution totale par le débiteur de
son obligation, il ne fait aucun doute que le juge en vertu de son pouvoir
d'appréciation prononcera la résolution du contrat. Mais en cas
d'inexécution partielle, le juge vérifiera si cette
inexécution est susceptible d'entraîner la chute de toute la
convention. Si oui, le juge s'interrogera sur la valeur de l'obligation
violée et prononcera la résolution du contrat si celle-ci est une
obligation essentielle. Ce raisonnement résulte d'un arrêt fort
ancien de la Cour d'Amiens de 1881 : « la résolution ne doit
être prononcée qu'autant que l'une des parties ne fournit pas
à l'autre l'équivalent de son engagement principal... mais
quant à la violation d'un engagement accessoire, elle n'est pas un motif
de résolution, mais seulement une cause de dommages et
intérêts».
Cette décision est pleine d'enseignements. En premier
lieu, elle fait la distinction selon que l'inexécution soit celle
d'une obligation principale ou celle d'une obligation secondaire et
précise que seule la première catégorie
d'inexécution entraîne la résolution du contrat . Ce
raisonnement n'est pas fondé car l'inexécution d'une obligation
secondaire peut entraîner la résolution du contrat notamment si
elle est étroitement imbriquée à l'obligation essentielle.
C'est l'hypothèse dans laquelle on n'arrive pas à distinguer
l'obligation essentielle de l'obligation secondaire. Cette hypothèse se
retrouve dans les faits de l'anecdote rapportée par M.Jestaz . Il
s'agissait d'un « célèbre restaurant parisien
où l'un des dîneurs s'est fait volé un jour un manteau en
cashmere anglais. Le restaurateur n'affichait aucune pancarte déclinant
sa responsabilité, mais selon lui, la clause résultait
implicitement de l'absence de surveillance et de ticket. Le tribunal a
décidé que l'obligation de garde trouve sa source dans
le repas convenu dont elle n'était en définitive que
l'accessoire indispensable, cette garde étant conditionnée par
les circonstances et l'usage ». Ainsi la violation d'une obligation
accessoire peut avoir les même conséquences que celle d'une
obligation essentielle. En second lieu, la décision de 1881 ignore
totalement la clause résolutoire expresse qui peut entrer en vigueur
à propos de toute obligation même accessoire. Par ailleurs, il
semble clair que l'inexécution d'une obligation essentielle
entraîne de facto la résolution du contrat. Enoncée dans
la décision précédente, cette affirmation fut
confirmée par une décision en 1973 du Tribunal de Grande Instance
de Paris « Si une obligation prévue dans le contrat est
substantielle, son inexécution permet au créancier de demander
la résolution du contrat quelle que soit la cause pour laquelle le
débiteur ne satisfait pas à son engagement ». Cette
dernière décision nous fait savoir que l'inexécution
d'une obligation essentielle vaut résolution sans considération
des causes de cette inexécution.
En dépit des décisions évoquées
ci-dessus, il faut reconnaître que l'inexécution d'une obligation
essentielle n'est pas vue unanimement comme un critère de la
résolution; en tout cas ce n'est pas un critère très tenu
en compte par la jurisprudence. Cependant la référence aux
obligations essentielles est plus nette en matière de résolution
unilatérale. Ce constat résulte par exemple de la
résolution unilatérale en droit du travail où l'article
L1780 du Code du travail et les divers articles sur le licenciement,
permettent à l'employeur de rompre unilatéralement le lien
contractuel en cas de violation par le salarié d'une obligation
essentielle du contrat de travail. La violation de l'obligation essentielle
dans le contrat de travail se traduit par une faute lourde; faute qui rend
impossible le maintien de tout lien du travail.
Cette remarque est valable pour tous les contrats à
propos desquels la résolution unilatérale est admise. Cette
résolution appelée encore « résolution de plein
droit » et la clause résolutoire expresse sont des exceptions au
caractère judiciaire de la résolution du contrat. Cependant
tandis que la résolution unilatérale confirme sans
équivoque l'existence de l'obligation essentielle dont la violation
justifierait ladite résolution, la clause résolutoire expresse au
contraire infirme explicitement la distinction obligation principale /
obligation accessoire car indistinctement la violation de l'une ou de l'autre
de ces deux obligations entraîne l'écroulement du contrat. C'est
pourquoi si l'on se situe sur le seul terrain de la clause résolutoire
expresse, toutes les obligations d'un contrat sont essentielles de même
que toutes les inexécutions.
Enfin, l'obligation essentielle intervient dans la
théorie de la résolution judiciaire pour mesurer la
gravité de l'inexécution et s'érige du coup en condition
de la résolution du contrat. Ce constat demeure valable même en
droit communautaire.
PARAGRAPHE II : EN DROIT COMMUNAUTAIRE
Le droit européen ne connaît pas à vrai
dire la notion d'obligation essentielle. Pour faire référence
à cette notion, il utilise le terme d'inexécution essentielle.
Ces deux notions ne recouvrent pas la même réalité. S'il
est sûr que l'inexécution d'une obligation essentielle
correspond toujours à une inexécution totale ou essentielle du
contrat, l'inexécution essentielle du contrat ne correspond pas
toujours à la violation d'une obligation essentielle. Celle-ci peut
résulter d'une série de violations d'obligations accessoires.
Selon les principes européens du droit des contrats,
l'inexécution d'une obligation est essentielle si :
a) la stricte observation de l'obligation est de l'essence du
contrat;
b) l'inexécution prive substantiellement le
créancier de ce qu'il était en droit d'attendre du contrat de
telle sorte que le créancier n'ait plus d'intérêt à
l'exécution du contrat ;
c) ou l'inexécution est intentionnelle et donne
à croire au créancier qu'il ne peut pas compter dans l'avenir
sur une exécution par l'autre partie.
Cela implique que seule une inexécution essentielle
peut conduire à la résolution du contrat et que cette
résolution n'a pas à être prononcée par le juge.
C'est le créancier qui constate l'inexécution du débiteur
et considère le contrat comme résolu. Il est sûr que le
juge a tout de même une appréciation de la résolution mais
a posteriori. Cela marque une différence avec le système
français dans lequel la résolution est toujours judiciaire et
l'intervention du juge toujours antérieure sauf dans le cas de la
résolution unilatérale .
La notion d'inexécution essentielle ainsi
présentée équivaut à l'inexécution
substantielle en droit danois. C'est ce que prévoit les paragraphes
21-28 et 43 de la loi danoise sur la vente. Mais cette loi ne définit
pas comme elle aurait dû le faire la notion d'inexécution
substantielle.
Le droit anglais connaît aussi la notion
d'inexécution essentielle. Cette dernière s'apparente en droit
anglais à la « fundamental non performance »
(l'inexécution substantielle) qui diffère de la «
fundamental breach » qui se définie comme la violation des
éléments essentiels du contrat. Le concept d'inexécution
essentielle se retrouve également dans le système juridique de
beaucoup d'autres pays comme l'Italieet les Pays-Bas. Dans ces pays on
n'utilise pas le terme « inexécution essentielle », mais pour
qu'une inexécution emporte résolution, elle doit être
importante .
En droit international, la convention sur la vente
internationale de marchandise dans son article 25 dispose qu'une contravention
au contrat « est essentielle lorsqu'elle cause à l'autre
partie un préjudice tel qu'elle la prive substantiellement de ce que
celle-ci était en droit d'attendre du contrat, à moins que la
partie en défaut n'ait pas prévu un tel résultat et
qu'une personne raisonnable de même, placée dans la même
situation, ne l'aurait pas prévue non plus ».
Toujours en droit international, on retrouve la même
notion notamment dans le droit international de construction où l'on
parle de « violation substantielle du contrat ». Dans le contrat
international de construction, il est dit « qu'en l'absence de
stipulation expresse, le maître de l'ouvrage a, dans tous les
systèmes juridiques, le droit de dénoncer le contrat si
l'entrepreneur viole une obligation substantielle ».Mais il
paraît loisible aux parties de préciser expressément ce
qu'elles considèrent comme essentiel.
De même en droit américain, la notion
d'inexécution essentielle recouvre un certain intérêt. En
effet, ce droit connaît un mécanisme particulier dans sa
résolution du contrat pour inexécution. Ainsi une partie ne peut
se prévaloir de l'inexécution par l'autre que si elle peut
justifier elle même d'une exécution substantielle « la
substancial performance ». Ici, au lieu que ce soit
l'inexécution qui soit substantielle, ce caractère est au
contraire requis à propos pour l'exécution. Cela implique qu'une
inexécution peut de façon flagrante être substantielle
sans emporter la violation du contrat.
En droit américain, la « substancial performance
» s'oppose à la « matériel breach »
(rupture substantielle) et une rupture est qualifiée de
substantielle quand l'inexécution totale atteint l'objet du contrat ou
quand cette inexécution est partielle mais suffisamment grave car elle
s'étend sur un élément essentiel du contrat. Il importe
peu qu'il y ait faute du débiteur ; le juge a un rôle capital a
jouer.
En somme la résolution pour inexécution du
contrat en droit américain ressemble à l'exceptio non
adiplenti contractus ou l'exception d'inexécution en droit
français, du moins à des différences près .
CHAPITRE II : SANCTIONS DE L'OBLIGATION ESSENTIELLE
L'obligation essentielle est l'obligation qui centre le
contrat. C'est le coeur du contrat, l'obligation la plus importante dans le
contrat. Il est donc logique que sa violation, plus que la violation de toute
autre obligation, implique des sanctions.
Toutefois, il fut une époque où la Cour de
cassation assimilait ipso facto, la violation de l'obligation essentielle
à la faute lourde, sans doute à cause de la grande importance que
les hauts magistrats accordent à la notion.
Donc cette partie va nous imposer tout d'abord de nous
reporter sur le concept de faute lourde synonyme de violation d'obligation
essentielle (Section I). Et ensuite nous verrons les conséquences de
cette violation (Section II).
SECTION I : LA VIOLATION DE L'OBLIGATION ESSENTIELLE
ASSIMILEE A LA FAUTE A LOURDE
Depuis très longtemps, la Cour de cassation qualifie
la violation de l'obligation essentielle de faute lourde. Pour comprendre le
sens de cette démarche de la haute juridiction, la meilleure
façon que nous ayons est de détailler la notion de faute lourde
d'une part, et d'autre part , de voir si ladite démarche résiste
à l'évolution sans cesse fulgurante du droit des contrats ; qui
se meut inévitablement vers une notion autonome d'obligation
essentielle. Ainsi, la notion de faute lourde exposée (paragraphe I),
nous verrons dans une analyse nécessaire si cette notion continue
d'exprimer la violation de l'obligation essentielle (paragraphe II)
PARAGRAPHE I : LA NOTION DE FAUTE LOURDE
La faute délictuelle est définie par l'article
1382 du Code civil : « Tout fait quelconque de l'homme qui cause
à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est
arrivé à le réparer ».
La faute est donc la défaillance de l'homme qui
n'accomplit pas son devoir. La faute est une notion difficile à
définir, même si la Cour de cassation a fait d'elle une notion de
droit dont elle assure le contrôle.
La doctrine la définit très
généralement à partir d'un critère
général, critère fondé soit sur une obligation
préexistante, soit sur un acte illicite. C'est Planiol
qui a parlé d'obligation préexistante dans sa
définition de la faute : « la faute est la violation d'une
obligation préexistante ». Cette définition n'est pas
claire d'autant plus qu'elle ne définit pas les devoirs
préexistants. Le terme acte illicite se retrouve dans la conception de
la faute en Allemagne et même en Suisse .Le droit Suisse dispose que
« Celui qui cause , d'une manière illicite, un dommage à
autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est
tenue de le réparer » . Pour ces droits, la condition de la
faute est l'illicéité ; cela prête à discussion
car l'illicéité ne tient compte que de l'aspect objectif de la
faute. Habituellement, la faute est considérée comme un acte
blâmable, qui a une signification morale, et qui implique un jugement de
valeur. Mais l'inexécution où la mauvaise exécution du
contrat constitue aussi une faute. Elle conduit à la
responsabilité contractuelle prévue par l'article 1147 du Code
civil. Le fondement de cette responsabilité a longtemps divisé la
doctrine. Certains auteurs affirmaient l'autonomie du droit des contrats et
dissociaient la responsabilité contractuelle de la responsabilité
délictuelle. Ils prétendaient que le Code civil n'envisagerait
que l'allocation de dommages et intérêts sans mentionner le terme
responsabilité.
Peut-on de nos jours souscrire à cette autonomie ? Ou
alors doit-on rattacher la responsabilité contractuelle à la
responsabilité délictuelle dans un ensemble unique de
responsabilité civile?
Quand la responsabilité était liée
à la faute, la distinction se justifiait ,mais depuis que la
responsabilité a perdu sa connotation morale, c'est à dire
dès qu'elle a acquis un une dimension sociale de solidarité avec
les régimes d'indemnisation automatique,l'autonomie de la
responsabilité contractuelle ne se justifie que difficilement. La
question demeure débattue, mais nous, nous considérons ici que
la responsabilité contractuelle n'est qu'une variante de la
responsabilité civile; cela se confirme d'autant plus que les trois
exigences d'un dommage, d'un fait dommageable et d'un lien de causalité
de la responsabilité délictuelle se retrouvent dans la
responsabilité contractuelle aussi
Il existe une hiérarchie des fautes; c'est la
classification des fautes selon leur gravité. Selon cette
hiérarchie, on trouve : la faute légère, la faute grave et
surtout la faute lourde. Cette dernière ne suppose pas l'intention de
nuire comme la faute intentionnelle ou dolosive, mais elle implique une
gravité singulière soit en elle-même, soit par
l'importance de l'écart de conduite qu'elle engendre. C'est un acte
très grave, une négligence grossière que l'homme le moins
averti ne commettrait pas soit en raison de la gravité de ses
conséquences prévisibles par le responsable.
En principe, la faute lourde n'a pas de conséquences
particulières en matière de responsabilité contractuelle
ou délictuelle. Mais la jurisprudence applique très souvent
l'adage : «Culpa lata dolo aequiperatur » à savoir
que la faute lourde est équivalente à la faute dolosive. Cet
amalgame a de très graves conséquences car elle sert à
aggraver la responsabilité du fautif tout en le privant du
bénéfice de l'article 1150 du Code civil .Pourquoi une telle
assimilation ? Tout est une question de preuve ! La faute dolosive est
très difficile à prouver, la
preuve de l'intention de réaliser le dommage est une
« diabolica probatio », c'est une preuve impossible. Puisque
la preuve de la faute lourde ne nécessite pas d'investigations
impossibles car elle est non intentionnelle et le seul constat de la non-
exécution de l'obligation du débiteur suffit à la
caractériser, il a paru plus simple de la faire passer pour la faute
dolosive. C'est pourquoi on lui attache les mêmes conséquences
qu'à la faute dolosive.
Il y a deux conceptions de la faute lourde :
-La conception subjective ; qui fait
déduire la faute lourde de l'attitude du débiteur. Le
comportement de ce dernier est apprécié eu égard à
la notion de bonne foi de l'article 1134 al 3 du Code civil. Cette conception
subjective de la faute lourde est défendue par Rodière qui disait
que : « la loi veut de façon impérative que les contrats
soient exécutés de bonne foi. S'il y a dol et la faute lourde le
présume, le débiteur est de mauvaise foi et aucune clause ne
peut l'abriter ». La faute lourde subjective s'appuie ainsi sur la
notion de bonne foi, qui irradie tout le processus contractuel : à la
formation (et même au cours des négociations) à
l'exécution, et à l'extinction (la résolution judiciaire
et surtout la résolution unilatérale du contrat). La bonne foi
est vue comme une règle de conduite comportementale, qui impose au
contractant loyauté et honnêteté ; Ainsi, celui ne doit
avoir aucune intention malveillante dans l'exécution du contrat. Chaque
fois que le juge applique la notion, il essaie insuffler une sorte
d'éthique ou de civisme dans le contrat, afin d'éviter que la
sphère contractuelle soit une jungle où règnerait la
raison du plus fort. Malgré ce noble rôle qu'elle est
supposée jouer, la notion de bonne foi n'est pas bien reçue en
doctrine. Pour les auteurs classiques, le contrat est avant tout un accord
entre les intérêts antagonistes qui tire sa force de sa fonction
de prévisibilité et de sa vertu de stabilité. Pour ces
auteurs, la bonne foi doit avoir un rôle limité dans le processus
contractuel car elle constitue une arme fatale contre la sécurité
juridique et la stabilité du contrat. C'est une notion qui modifie
l'économie du contrat en ce sens qu'elle permet au juge de substituer
son sentiment de justice par les stipulations librement créées
par les parties. Mais pour les auteurs de l'école sociale ou morale, le
contrat est une oeuvre de coopération mutuelle, le rôle de la
bonne foi est beaucoup plus important.
- La conception objective de la faute
lourde ; ici la faute résulte non d'un quelconque
comportement mais de la valeur et de l'importance de l'obligation
violée. C'est cette dernière conception qui se trouve à la
base de l'assimilation de la violation de l'obligation essentielle à la
faute lourde. La conception objective de la faute lourde fut retenue dans
plusieurs décisions. Entre autres on peut citer l'affaire Loto
(précitée) où la Cour de cassation à la suite des
juges du fond qui avaient étés influencés par l'ampleur
du dommage subi, déclara que «La faute commise (par les
employés de Loto), privant le joueur de sa participation au jeu et lui
ôtant toute chance , fait disparaître « un
élément substantiel » du contrat et ne saurait donc
être couverte par une clause d'irresponsabilité » (en
l'espèce, la clause limitative de responsabilité engendrant le
litige portait sur une somme tellement dérisoire qu'elle a
été considérée purement et simplement comme une
clause de non responsabilité).
Ainsi chaque fois que dans un contrat il y avait une clause
limitative de responsabilité, et dans le cas où cette clause
empiétait sur l'obligation essentielle, la Cour de cassation annulait
ladite clause au seul nom de la faute lourde. Cela était une
jurisprudence assise depuis l'assimilation de la faute lourde au dol. Mais
cette jurisprudence connaît de nos jours des changements.
PARAGRAPHE II : L'ABANDON DE LA NOTION DE FAUTE LOURDE EN
MATIERE D'OBLIGATION ESSENTIELLE DU CONTRAT?
Depuis 1996, la Cour de cassation a tendance à ne plus
évoquer la faute lourde au sujet de l'obligation essentielle.
Désormais, une clause limitative violant la portée de
l'obligation essentielle n'est pas nulle sur la base de la faute lourde mais
sur celle de l'atteinte à la cause du contrat. Ce revirement
spectaculaire résulte de l'arrêt Chronopost ; dans lequel la haute
juridiction s'est fondée explicitement, sans équivoque, sur
l'article 1131 du Code civil pour casser l'arrêt de la cour d'appel au
détriment de l'article 1150 du Code civil qui, en l'espèce
convenait très bien (à cause du manquement grave de Chronopost
à son obligation de livrer à temps). Mais pour quoi un tel
revirement ?
Pourquoi la haute juridiction ne s'en est-elle pas tenue
à son fondement classique à savoir la faute lourde ou tout
simplement requalifier la clause litigieuse en vertu de l'article1152 al2 ?
La première réponse qui nous vient en tête
et qui est des plus banales, c'est que par ce changement, la Cour de cassation
a entendu se débarrasser d'une notion devenue peut être
usée à son goût.
Le recours à la faute lourde n'était
nécessaire que dans le cas où elle permettait au débiteur
défaillant de réparer l'intégralité du dommage
résultant de sa faute. Dans ce cas, seule la conduite du débiteur
était sanctionnée et non la clause afférente à la
responsabilité dans son environnement, qui en l'espèce
était le but visé. Alors qu'avec la notion de cause, les hauts
magistrats faisaient d'une pierre deux coups : non seulement la conduite
fautive du débiteur était réprimée, mais aussi la
clause elle même dès qu'elle privait l'obligation essentielle de
son effet (elle est réputée non écrite). Ce raisonnement
revient à remettre la faute lourde au « seul profit salvateur
» de la cause du contrat. Cela nous paraît fort regrettable.
Un auteur, G. Loiseau nous rassure en répondant que
la faute lourde et la cause du contrat, « en réalité se
complètent et assurent ensemble un service efficace de retranchement
des clauses exclusive ou limitatives de responsabilité ».Ce
point de vue implique que la jurisprudence Chronopost ou Securinfor n'est
totalement acquise et qu'il ne faudrait pas être surpris si dans une
autre affaire similaire à celles-ci la haute juridiction se servait
encore de la faute lourde pour lutter contre les clauses afférentes
à la responsabilité injustes. C'est d'ailleurs ce qu'elle fit
dans le dernier arrêt Chronopost en date. En effet dans la
décision Chronopost 3, la Chambre mixte revient à la solution de
la Chambre commerciale (Chronopost 2). Elle renoue avec la faute en
précisant qu'une « clause limitant le montant de la
réparation est réputée non écrite en cas de
manquement du transporteur à une obligation essentielle du contrat
» et que «seule une faute lourde peut mettre en échec
la limitation d'indemnité prévue au contrat type» Mais
à la différence de la Chambre commerciale, la Chambre mixte
ajoute que la faute lourde ne peut «résulter du seul retard
à la livraison «.
La dernière décision Chronopost laisse
croire que la Cour de cassation n'entend pas se débarrasser totalement
de la notion de faute à propos de l'obligation essentielle. Bien au
contraire! la faute lourde est présente plus que jamais dans ce domaine
car elle fait échec non seulement à l'indemnisation
instituée par le contrat type mais aussi à l'indemnisation
prévue par la loi elle même. Dans cette décision, la Cour
de cassation utilise la conception subjective de la faute mais de façon
plus étroite, car elle précise que «la faute lourde ne
peut résulter du seul retard à la livraison»; ni
«du seul fait pour le transporteur de ne pouvoir fournir
d'éclaircissements sur la cause du retard». Cela sous-entend
que la violation d'une obligation ne constitue pas en tant que telle une faute
lourde, mais une faute ordinaire. En décidant que «la faute lourde
ne peut résulter du seul retard à la livraison», la
rapidité de la livraison étant considérée comme
l'obligation essentielle de Chronopost, la Cour de cassation laisse entendre
que même la violation d'une obligation essentielle n'implique plus ipso
facto une faute lourde. Dans ce cas, il incombe à la personne qui
invoque cette faute à la prouver. Cette preuve n'est pas n'importe
laquelle car elle doit porter sur un fait précis permettant de
caractériser une telle faute . De plus cette solution est nouvelle car
jadis la jurisprudence a reconnu l'existence de la faute lourde en cas de
retard de livraison d'un colis, notant qu'il est du au manquement de diligence
du transporteur pour le retrouver. De même, la faute lourde d'un
transporteur a été retenue pour trois retards en deux
semaines .Il en fut de même en cas de carence d'un commissionnaire de
transport qui, sachant le transport interrompu, n'en avise pas son client et ne
prend aucune disposition pour limiter le retard. Ou encore dans le cas
où un commissionnaire de transport ne suit pas l'expéditeur et
commence à s'inquiéter de sa bonne arrivée à
destination au bout de plusieurs semaines. Dans toutes ces décisions,
« le simple retard» a suffit à entraîner la
faute lourde.
Nous ne saurons expliquer le pourquoi d'un tel revirement,
mais nous constatons qu'il n'est pas sans conséquences.
L'inexécution ne suffit plus à qualifier la faute lourde et le
fait pour le transporteur de ne pas pouvoir donner d'éclaircissements
sur les causes et les circonstances du manquement contractuel ne
l'établit plus non plus. Avec cette nouvelle solution, on assiste
à l'instauration d'un vrai régime de faveur autour du
transporteur. Cela est tellement évident qu'on se demande si
l'obligation pesant sur lui demeure encore une obligation de
résultat.
La décision Chronopost 3 semble confirmer la
qualification de» bavure juridique» que certains auteurs ont retenu
à la décision Chronopost 2. Pire on pourrait convenir d'autres
qualificatifs comme « Affaire Chronopost un coup pour rien
?», ou encore beaucoup « Affaire Chronopost beaucoup de bruit
pour rien »! Mais, nous, n'allons pas nous hasarder à de
telles critiques ; nous espérons tout simplement que le recours à
la notion de cause à l'aune de l'obligation essentielle ne
s'arrêtera pas aux seuls arrêts Chronopost 2 et Securinfor. Il
faut reconnaître que dans les contrats d'adhésion comme le contrat
de transport rapide l'équilibre contractuel doit être le but
suprême du juge. Pour parvenir à cet équilibre le juge doit
avoir le choix entre la cause ou la faute lourde qui sont toutes deux des
techniques appropriées.
Nous retenons ainsi avec M. Loiseau que :
« moins rivales que complices, la cause et la faute lourde peuvent
utilement se relayer et oeuvrer chacune à sa façon à la
remise en cause des clauses limitatives ou exclusives de réparation
stipulées dans les contrats conclus entre professionnels
» De plus toutes les techniques sont précieuses pour assainir la
charte contractuelle des clauses qui la corrompent.
La question de la faute lourde demeure donc
d'actualité, mais elle n'est pas la seule sanction de la violation de
l'obligation essentielle.
SECTION II : LES AUTRES SANCTIONS
Tout débiteur a la faculté de limiter ses
obligations contractuelles. Cette faculté n'est limitée que par
l'obligation essentielle. Lorsqu'une clause viole l'obligation fondamentale, le
contrat est passible de deux sortes de sanctions. Soit le juge opte pour la
nullité de la clause et le reste du contrat continue, soit il annule
tout simplement toute la convention, et le contrat est anéanti.
Autrement dit, la violation d'une obligation essentielle entraîne ou la
nullité partielle et le maintien du contrat (paragraphe I) ou la
nullité totale du contrat (paragraphe II).
Par ailleurs, la nullité d'un contrat ; qu'elle soit
totale ou partielle, absolue ou relative, ne peut résulter que d'une
décision de justice tout comme la résolution du contrat. Le
jugement d'annulation entraîne l'anéantissement total et
rétroactif du contrat. Cette solution a pour source l'adage :
quod nullum est, nullum effectum producit. La
jurisprudence traduit cette maxime par le principe « Ce qui est nul
est réputé n'avoir jamais existé » et ce
principe se retrouve au visa de beaucoup d'arrêts. Ce principe semble
a priori fort simple. La théorie des nullités est en
réalité complexe. Un contrat nul, en effet, n'en conserve pas
moins une existence apparente : il a parfois été
exécuté ou a reçu un début d'exécution. Sa
destruction peut donc entraîner un préjudice, non seulement pour
les parties mais également pour les tiers. Dans la mesure du possible,
notre droit s'efforce d'atténuer les inconvénients de la
nullité.
PARAGRAPHE I : LA NULLITE PARTIELLE ET LE MAINTIEN DU
CONTRAT
La nullité partielle implique la nullité non de
tout le contrat, mais d'une ou de certaines de ses clauses. Limiter la
nullité à ce qui est strictement nécessaire est la
tendance actuelle du droit des contrats. C'est aussi la solution retenue pour
les principes d'Unidroit relatifs au contrat de commerce international
(article 3 -1- 166) : « L'annulation se limite au seule du contrat
visée par la cause d'annulation, à moins que eu égard aux
circonstances, il ne soit déraisonnable de maintenir les autres
dispositions du contrat ». Ainsi, chaque fois qu'une clause porte
atteinte à une obligation essentielle, elle est réputée
non écrite c'est-à-dire qu'elle est nulle mais que le reste du
contrat continue. Cette sanction semble découler d'une technique de
dissuasion du juge comme le disait Planiol : l'annulation de la clause seule
« apparaît souvent comme le moyen le plus propre pour
décourager les parties de l'insérer dans le contrat. Celui des
contractants qui tient à l'insertion de la clause, court le risque de
voir l'autre demander à la fois l'exécution du contrat et la
nullité de la clause ».
Quelles sont donc les conséquences de la clause
réputée non écrite dans un contrat ? Si
conséquences il y a, celles-ci n'ont jamais été
spécifiées par la jurisprudence. Toutefois en doctrine, la
suspension d'une clause entraîne des transformations au sein du contrat.
Celles ci se constatent non seulement dans le contenu du contrat mais aussi
lors de l'exécution du contrat.
Contenu du contrat
La nullité d'une clause entraîne une
modification de la substance du contrat. Si la clause est nulle ou
réputée non écrite, il y aura un vide dans le contrat. La
question qui se pose dans ce contexte est de savoir comment combler ce vide.
Plusieurs techniques sont à la disposition du juge pour
ce faire. Il peut procéder à la réduction de la clause
excessive. Cette technique est très souvent appliquée par la
jurisprudence aux clauses de non concurrence excessives. Dans un arrêt de
1960 ; la chambre sociale de la Cour de Cassation a décidé qu
`« une clause de non concurrence est en principe licite et ne doit
être annulée que dans la mesure où elle porte atteinte
à la liberté du travail en raison de son étendue
».
Dans une espèce toute autre, la même technique a
été utilisée. C'était au sujet d'une reconnaissance
de dettes pour un montant excédant le montant de la dette. La
technique de la réduction de clause excessive a été
critiquée comme permettant au juge de trop s'immiscer dans le contrat.
Pour certains, elle va à l'encontre de l'article 1134 du Code civil.
D'autres pensent que la réduction est une sanction plus grave que
l'annulation totale du contrat .
Parfois, c'est la loi elle-même qui préconise
cette technique. Ainsi, les donations excédant la quotité
disponible sont immédiatement réduites ; de même le montant
du loyer excessif ou du taux d'intérêt usuraire sera ramené
au montant légal ou encore la convention d'indivision supérieure
à cinq ans sera limitée à ce délai.
Il peut arriver que la clause réputée non
écrite entraîne dans sa chute une ou plusieurs autres
dispositions sans pour autant mettre l'existence du contrat en danger C'est le
cas par exemple d'une clause de non concurrence assortie d'une clause
pénale comme sanction. Dans ce cas, l'annulation de la première
entraîne celle de la seconde. La clause nulle peut aussi avoir un lien
d'indivisibilité avec d'autres dispositions du contrat. Dans ce cas
aussi, seules les dispositions concernées seront réputées
non écrites.
Une deuxième technique est utilisée par le juge
pour pallier au vide laissé par l'annulation d'une clause du contrat.
C'est l'application du régime légale en lieu et place de la
clause litigieuse. Cela se révèle plus concrètement dans
les contrats à statuts impératifs tels que le contrat de bail ou
le contrat de travail. Dans ces contrats, très souvent, la disposition
impérative ou légale prend la place de la clause nulle. Aussi,
lors de la modification de l'article 79 de l'ordonnance du 30 décembre
1958 relatif aux clauses d'indexation par la loi du 9 juillet 1970 ; cette
dernière stipulait que « toute clause d'indexation rendue
illicite par les dispositions nouvelles est remplacée de plein droit et
sauf accord des parties sur une autre indexation licite, par une clause
portant indexation sur la variation de l'indice national du coût de la
construction publié par l'INSEE ».
Dans une décision de 1972, la Cour de cassation abonde
dans ce même sens. En l'espèce, il s'agissait de la vente
à crédit d'un fonds de commerce d'un mécanicien garagiste.
Les parties avaient choisi comme indice le salaire de l'ouvrier OP 4 de
l'industrie automobile, publié dans les mercuriales professionnelles.
Or il n'y avait pas d'officier OP 4 ni de mercuriales dans cette
industrie.
La Cour d'appel de Caen avait alors substitué à
cet indice inexistant une référence à l'évolution
du salaire de l'ouvrier qualifié de l'automobile dans l'échelon
le plus élevé, le salaire de l'OP 3. La troisième Chambre
civile a approuvé cette substitution justifiée par le pouvoir des
juges du fonds d'interpréter la volonté des parties.
Certains auteurs ont jugé qu'une telle solution doit
être exceptionnelle.
La techniquement du remplacement de la disposition nulle par
une disposition légale a été appliquée par la Cour
de cassation dans les arrêts Chronopost. En effet, celle-ci releva :
« Attendu que ...La clause limitative de responsabilité du
contrat pour retard à la livraison était réputée
non écrite, ce qui entraînait l'application du plafond
légal d'indemnisation... ».
Hormis ces deux techniques, les parties peuvent convenir du
moyen d'une clause que les stipulations annulées soient
remplacées par des dispositions légales.
L'exécution du contrat
L'annulation d'une clause peut entraîner des
modifications sur l'exécution du contrat. En effet les modalités
d'exécution peuvent être superficiellement transformées.
Un exemple type d'une telle situation est offerte par la nullité de
« toute clause contraire » à l'obligation de résultat
du transporteur terrestre. Cette nullité n'emporte pas l'annulation de
tout le contrat et la responsabilité du transporteur peut se trouver
aggravée par rapport aux dispositions contractuelles originaires. Un
phénomène similaire se remarque aussi au sujet de la clause
attributive de compétence. Si une clause attributive de
compétence est nulle pour cause de fraude à la loi, le contrat
sera soumis en guise de sanction à la loi que les parties ont
cherché à éluder.
La modification des modalités d'exécution du
contrat peut s'avérer très profonde quelques fois. C'est le cas
en droit international où l'annulation d'une clause peut faire perdre
au contrat son caractère international. Prenons l'exemple d'un contrat
international soumis et à la législation française et
à une autre législation (étrangère) par une clause
pour certaines de ces modalités d'exécution. La nullité de
cette clause fera que le contrat ne demeure plus attaché qu'à la
seule législation française. Il est relégué au
statut de contrat interne.
Pire encore, l'annulation d'une clause peut entraîner la
transformation totale du contrat. L'illustration d'une telle situation est
offerte par M.Teyssié : « soit un contrat de concession
exclusive; la clause d'exclusivité est nulle. Supposons par
extraordinaire, qu'elle n'ait pas été considérée
comme essentielle de sorte qu'il n'aura point lieu à l'annulation totale
du contrat. On se trouve en présence, dans ce cas, d'un
système affadi de contrat de concession commerciale auquel cette
qualification sera quelques fois refusée ».
Enfin, l'absence de participation et de contribution aux
bénéfices et pertes, constitue une clause léonine nulle
susceptible de faire passer le contrat de société pour un autre
type de contrat.
PARAGRAPHE II : L `ANNULATION TOTALE DU CONTRAT
La chute de tout le contrat par la violation d'une ou de
quelques unes de ces clauses est une situation fort exceptionnelle. Une telle
situation se constate quand la nullité de la ou des desdites(s)
clause(s) est d'ordre public ou encore si la clause nulle constitue une
obligation essentielle du contrat.
L'annulation due à des motifs d'ordre public
L'annulation totale du contrat peut être prévue
explicitement par la loi. C'est le cas de l'article 1172 du
Code civil «Toute condition d'une chose impossible, ou contraire aux
bonnes moeurs, ou prohibée par la loi, est nulle, et rend nulle
la convention qui en dépend ». Ici, le postulat du
législateur est l'anéantissement total du contrat. Les textes
peuvent prévoir implicitement aussi la destruction
totale du contrat. Ainsi, chaque fois que les parties, malgré une
disposition d'ordre public claire, prennent une clause contredisant celle-ci de
façon flagrante; le juge va procéder à l'annulation totale
du contrat.
Par exemple dans un contrat de bail, dont la clause de
durée stipule la perpétuité, en dépit des
dispositions de l'article 1709 du Code civil, le juge déclarera la
nullité totale de tout le contrat sur la base de l'interdiction du bail
perpétuel, alors qu'il avait la possibilité de modifier la
durée de la clause en fonction de la disposition légale. Cette
démarche du juge démontre qu'il est tenu par un vrai automatisme
chaque fois que l'ordre public est en question.
L'annulation due au caractère essentiel de la clause
L'annulation totale du contrat peut être due
également au caractère essentiel de la clause nulle. Dans une
décision du 2 juillet 1958, il fut établi que «
lorsque dans l'intention des parties, toutes les stipulations d'un contrat
sont intimement liées entre elles et que les unes sont la cause
déterminante des autres, la nullité des clauses illicites
invalide les clauses licites ».
Faire dépendre le sort de toute la convention d'une
seule de ses clauses, suppose que cette dernière est essentielle. Mais
comment le juge peut il savoir que telle ou telle clause à un
caractère essentiel ?
Le caractère essentiel d'une clause peut
résulter d'une stipulation expresse des parties qui peuvent relever une
clause au rang d'essentiel. Par exemple dans l'affaire Chronopost, les parties
avaient tenu pour essentielle l'obligation de célérité
dans la mesure où elle était assortie d'un supplément de
prix.
Le juge peut également établir le
caractère essentiel de la clause à travers les circonstances du
contrat. De ces circonstances, il peut résulter une
indivisibilité des clauses illicites et des clauses licites; les
premières constituant « la cause impulsive et entre
déterminante »des secondes. Autrement dit «
l'élément vicié et l'élément sain
forment un tout indivisible, le premier constituant une condition
déterminante du second » et dans cette hypothèse,
l'annulation de l'un ne va pas sans celle de l'autre.
En l'absence de ces indices, la Cour de cassation
décide que pour juger de l'importance d'une clause, « Les
juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si une
clause nulle, présente un caractère essentiel au contrat dont
dépendait l'existence de l'ensemble de la convention ». Mais
la doctrine propose que le juge présume le caractère essentiel
de certaines clauses, comme la clause d'indexation. Mais cette
présomption n'est pas irréfragable.
Hormis le juge, le législateur les parties aussi ont
la faculté de décider (au moyen d'une clause) que la
nullité d'une clause du contrat emportera son annulation totale. Cette
faculté se trouve toutefois altérée car le juge
n'hésite pas à écarter de telles dispositions. Il est
clair que face à de telles dispositions, le juge ne saurait qualifier
la clause litigieuse de secondaire alors que les partie avaient
expressément prévu tout le contraire. Ainsi, dans une
décision la Cour de cassation a censuré les juges du fond pour
avoir jugé que « la nullité de la clause ne
s'étendait pas au contrat tout entier, malgré la stipulation
d'indivisibilité, sous le prétexte qu'une clause ne saurait
être considérée comme véritablement
déterminante dès lors que son inefficacité ne
détruit pas, en fait l'équilibre du
CONCLUSION
Le caractère très abstrait de la notion
d'obligation essentielle du contrat nous empêche de tirer des
conclusions sûres à son sujet. Toutefois, notre recherche nous a
permis de constater que cette notion est incontournable en droit des contrats.
Ce qui nous conduit à nous interroger sur l'avenir d'une telle notion
notamment en droit des contrats et en droit international privé.
En droit international privé, plus
précisément en matière de conflit de juridiction, on se
demande si le règlement sur la compétence judiciaire , la
reconnaissance et l'exécution des décisions en matière
civile et commerciale, ne met pas fin à la notion. En effet , ce
celui-ci prévoit que le tribunal compétent est celui du lieu
où l'obligation qui sert de base à la demande doit être
exécutée. Mais on ne connaît pas la nature de cette
obligation car toute obligation, même secondaire ,peut servir de base
à une demande en justice. Ainsi nous nous demandons si la notion
d'obligation essentielle a encore une utilité en matière de
conflit de juridiction.
En droit des contrats, l'avenir de la notion est
également mis en péril par l'existence de la clause
résolutoire expresse. Avec cette clause, toutes les obligations du
contrat sont égales en ce sens qu'elles peuvent toutes entraîner
la résolution du contrat. Dans cette optique ,la clause
résolutoire expresse tue la notion d'obligations essentielle ,
principale ou substantielle du contrat. De plus, ladite clause dénature
les contrats auxquels l'obligation essentielle donne son nom.
Enfin cette recherche nous a permis de constater que
l'obligation essentielle est indissociable du concept de faute lourde . Cela
résulte de la dernière décision Chronopost qui finit de
nous convaincre que la haute juridiction n'entend pas délaisser la faute
lourde au sujet de l'obligation essentielle comme on l'avait cru
Quant à la théorie de la cause du contrat, nous
estimons qu'elle paraît le fondement le plus sûr de l'obligation
essentielle , en tout cas plus que la notion de l'objet du contrat. De plus, la
cause et l'obligation essentielle ont quelque part le même but : la lutte
contre les déséquilibres contractuels excessifs.
PLAN DETAILLE
Introduction...................................................................................................5
Partie 1. La détermination de l'obligation
essentielle.............................6
Chapitre I. les critères de la
détermination.........................................................7
Section 1. objectivisme ou
subjectivisme ?..................................................................7
Paragraphe1.
Exposé..................................................................................................................8
1. L'obligation essentielle par
nature................................................................................................8
2. L'obligation essentielle par la volonté des
parties..............................................................................11
Paragraphe 2.
Analyse................................................................................................13
Section 2. L'obligation essentielle et notions
voisines..................................................14
Paragraphe 1. Obligation essentielle et éléments
essentiels du contrat....................................15
Paragraphe 2. Obligation essentielle / Substantielle
/ principale.............................................17
Paragraphe 3.Obligation essentielle / Obligation
caractéristique en droit international privé.........19
.
Chapitre II. Les fondements de l'obligation
essentielle.......................................... 23
Section 1. L' objet du contrat en tant que fondement de
l'obligation essentielle..................23
Paragraphe 1. L'objet comme
contenu du contrat
.............................................................24
Paragraphe2.L'obligation
essentielle :reflet de la théorie de l'objet du
contrat..................... 25
Section 2.La théorie de la cause du
contrat........................................................................27
Paragraphe1. Les différentes analyses
causalistes.....................................................................
28
A. Analyse
Unitaire.........................................................................................................28
B. Analyse
Dualiste......................................................................................................29
Paragraphe 2. L'explication de l'obligation
essentielle par la théorie de la cause du contrat.......31
Partie 2. Rôle et Sanctions de l'obligation
essentielle dans la pratique
contractuelle....................................................................................
36
Chapitre I. Le rôle de l'obligation
essentielle.........................................................37
Section 1. L'obligation essentielle et les clauses
afférentes à la responsabilité
contractuelle...............................................................................................................37
Paragraphe1. Les différentes sortes de clauses
afférentes à la responsabilité
contractuelle..........38
1. critère de
distinction..............................................................................38
2. intérêts de la
distinction.......................................................................41
paragraphe 2.L'influence de l'obligation essentielle sur
la validité des clauses afférentes à la
responsabilité
contractuelle.................................................................................44
A. l'obligation essentielle : limite à la
validité des clauses afférentes à la responsabilité
en droit
français....................................................................................44
B. L'obligation essentielle et les clauses de
responsabilité en droit anglais et belge.......46
- en droit
anglais..................................................................................................46
- en droit
belge...................................................................................................49
Section 2. L'obligation essentielle et la théorie
de la résolution du contrat ........................51
Paragraphe1. En droit
national.....................................................................52
Paragraphe2. En droit
communautaire...........................................................54
Chapitre II. Sanctions de l'obligation
essentielle....................................................57
Section 1. la violation de l'obligation essentielle
assimilée à la faute lourde......................57
Paragraphe 1. La notion de faute
lourde........................................................................58
- la conception
subjective.....................................................................................60
- la conception
objective........................................................................................61
paragraphe2. L'abandon de la faute lourde en
matière d'obligation essentielle du
contrat ?........................................................................................................61
Section 2. Les autres
sanctions...................................................................64
paragraphe 1. La nullité partielle et le
maintien du
contrat...........................................................65
-le contenu du
contrat.............................................................................................66
-l'exécution du
contrat...........................................................................................68
paragraphe2.L'annulation totale du
contrat................................................................................................69
- l'annulation due à des motifs d'ordre
public...........................................69
- l'annulation due au caractères essentiel de la
clause...................................70
Conclusion...........................................................................................................................72
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