Education et Mondialisation : les conséquences de la libéralisation de l'éducation prônée par l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) ; illustration sur la base de la position canadienne et belge( Télécharger le fichier original )par Ahmed Seghaier Univeristé de Genève - diplôme d'études approfondies en études du développement 2004 |
2- Les deux phénomènes majeurs qui marquent la nouvelle ère de la mondialisation et leurs effets sur l'éducationAprès avoir abordé d'une manière générale les différents aspects de la mondialisation et leurs impacts sur l'éducation, il nous semble nécessaire de mettre l'accent sur deux phénomènes majeurs qui peuvent, à notre avis, bien illustrer l'ampleur des changements politiques et économiques causés par la mondialisation et qui affectent, entre autre, la sphère d'éducation.
2.1-Le recul de la souveraineté de l'Etat-nation au bénéfice de la mondialisationLa crise économique et financière de l'année 1929, la deuxième guerre mondiale, la guerre froide et la fin de cette dernière représentent des évènements déterminants dans l'histoire contemporaine de l'humanité. Ces évolutions ont remarquablement métamorphosé le monde en terme géopolitique. Depuis plus de vingt ans, on assiste à l'émergence d'un nouvel ordre économique et politique mondial qui se caractérise par la prédominance de certaines puissances qui deviennent de plus en plus supranationales. Aussi, le pouvoir de l'Etat et sa souveraineté sont-ils mis en cause, la légitimité du contrôle de l'Etat sur la société est en question à cause de grandes transformations technologiques, notamment les technologies de communication et leurs implications économiques, sociales et culturelles dans les sociétés humaines. À cet égard et dans un cadre théorique et conceptuel, Michel Foucault parle de la « gouvernementalité »28(*), il montre que `` l'art de gouverner `` n'est plus limité au simple exercice de la souveraineté, pour lui le champ de pouvoir s'étend au-delà du contrôle d'un territoire. Aussi, d'après Laïdi, la notion de gouvernementalité est très proche de celle de gouvernance. Cette dernière exprime le fait que le politique n'est plus pensable, dans les sociétés modernes, sur la base du contrôle du gouvernement sur la société mais il doit être pensé sur la base d'une pluralité d'acteurs. Pour lui, l'identification Wébérienne du politique limité au seul pouvoir de l'Etat qui monopolise l'usage du recours à la force légitime sur un territoire donné est désormais dépassée. Selon la nouvelle logique de mondialisation, la souveraineté ne peut plus être conçue comme l'exercice d'un monopole politique exclusif sur un espace déterminé. L'appareil de l'Etat ne peut plus désormais exercer son contrôle comme auparavant, sur la sphère économique et financière qui devient de plus en plus autonome. Le mouvement des échanges commerciaux à l'intérieur du territoire étatique et avec l'étranger n'est plus contrôlable. L'émergence des nouveaux acteurs non étatiques, nationaux et étrangers, et l'expansion de l'espace qu'ils occupent au détriment d'un espace réservé traditionnellement à l'Etat nous inscrit dans une nouvelle ère où l'Etat ne peut être considéré que comme un acteur parmi les autres. L'interaction entre l'Etat et les autres acteurs non étatiques, l'interconnexion des différentes économies nationales et les formes multiples d'interdépendance illustrent bien le phénomène du système mondial qui s'impose sur les réalités politiques et sociales déjà existantes. Les anciens équilibres de sphère nationale, régionale et internationale vont aussi subir des changements remarquables.Quant à Jean Ziegler, il nous parle d'une nouvelle ère dans laquelle les changements et les transformations géopolitiques et économiques sont sans précédents. Selon lui, on assiste à une mort graduelle de l'Etat. Le phénomène de la mondialisation économique et financière qui se traduit par un processus de privatisation du monde va affaiblir la capacité normative de l'Etat, priver les institutions publiques de « leur pouvoir régulateur » 29(*) et tuer la loi. La décentralisation et la privatisation constituent deux modalités de libéralisation et de mobilisation des acteurs privés. Elles s'inscrivent dans le contexte général de la mondialisation néolibérale. Cette dernière impose à l'Etat de redéfinir son rôle en matière d'éducation, notamment le contrôle, le financement, la gestion et la définition des politiques éducatives. La privatisation et la décentralisation diminuent fortement la capacité du pouvoir central de l'Etat à réduire les inégalités sociales en terme d'accès à l'éducation et en terme de qualité éducative. Lors de son troisième Congrès mondial réuni à Jomtien en Thaïlande du 25 au 29 juillet 2001, l'Internationale de l'Education, a considéré que la mondialisation met en place « un modèle néolibéral qui démantèle l'Etat providence pour un État compétitif en privatisant l'éducation »30(*). Les politiques d'ajustement structurel qui consistent essentiellement à réduire les dépenses sociales, y compris les dépenses des services éducatifs, limitent clairement le rôle de l'Etat et le rend incapable d'assumer ses responsabilités traditionnelles. La mondialisation risque de rendre l'éducation un champ incontrôlable surtout dans les Etats où le pouvoir central est faible. L'Etat n'aurait plus les moyens pour assumer son rôle régulateur dans certains pays du monde. * 28Rapporté par Zaki Laïdi, Adieu Bodin? Souveraineté et mondialisation, p. 12. * 29 Jean, Ziegler, les nouveaux maîtres du monde et ceux qui les résistent, page 117. * 30 Résolution sur l'impact de la mondialisation sur les droits et les conditions de l'emploi des enseignants et des personnels de l'éducation, troisième Congrès mondial de l'Internationale de l'Education, réuni à Jomtien, en Thaïlande du 25 au 29 juillet 2001, www.ei-ie.org, p. 2. |
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