La loi spéciale de lutte contre le terrorisme du 2 novembre 2001( Télécharger le fichier original )par Huynh To Uyen Julie Nguyen INALCO - Maitrise LLCE de Japonais 2004 |
B) ... et scepticismeCeci étant dit, les événements ont suscité une moindre émotion au Japon en comparaison, par exemple, aux réactions dans les pays d'Europe par exemple. Il est à souligner qu'en temps normal, les Japonais condamnent moins fortement le terrorisme que d'autres pays, comme l'explique Eric Seizelet, chercheur en droit et sciences politiques japonais au CNRS et au CERI : [...] Les Japonais condamnent-ils le terrorisme ? [...] Sans rappeler nécessairement l'indulgence dont a longtemps bénéficié le meurtre politique au Japon, l'enquête internationale précitée sur les «valeurs humaines» montre que seuls 58 % des Japonais - contre 70 % de la moyenne des Occidentaux - condamnent le terrorisme quel qu'en soit le motif. Et, si on peut naturellement s'attendre à des résultats quelque peu différents en cas d'attentats aveugles dont ils seraient eux-mêmes victimes, il n'en reste pas moins vrai que les Japonais, à froid, manifestent une condamnation moins forte du terrorisme que les Occidentaux. 17(*) La conception des Japonais du sacrifice, de l'abnégation, principes que l'on retrouve dans le terrorisme, est en effet différente de celle qu'ont les Occidentaux. Il est intéressant de voir par exemple que le premier attentat suicide de l'histoire, le « massacre de Lod » du 30 mai 1972, du nom de l'aéroport de Tel-aviv où il a été commis, a été perpétré par trois Japonais, membres du Nihon Sekigun \u26085\u26085«ú-{{\u-29340êÔÔ\u-28979OERR, et dont un seul survécut 18(*). Il est à noter par ailleurs que, si le Premier ministre Koizumi Jun.ichirô était très populaire (70 % d'opinions favorables en septembre et 71 % en octobre), il semble que sa façon de gérer cette crise n'a pas eu d'impact significatif sur son taux de popularité. Pourtant, seulement 55 % des personnes interrogées (en septembre) puis 57 % (en octobre) appréciaient les mesures qu'il avait entreprises dans le cadre précis des attentats terroristes du 11 septembre. En outre, 22 % jugeaient que la politique diplomatique et de défense était le principal mauvais aspect de la politique gouvernementale, contre 6 % seulement qui pensaient que c'était le meilleur. La raison en est que l'opinion publique japonaise est habituellement plus encline à juger son Premier ministre en fonction de son attitude générale (35 % estimaient que c'était le principal bon aspect de la politique gouvernementale) et à l'aune de dossiers qui leur apparaissent plus préoccupants, ou du moins qui les intéressent en premier lieu comme la politique économique et de l'emploi (35 % des sondés jugeaient qu'il s'agissait du principal mauvais aspect de la politique gouvernementale). Cependant, 62 % (en septembre) puis 71 % (en octobre) des sondés approuvaient la collaboration du Japon avec les Etats-Unis contre le terrorisme. Autrement dit, si une très large majorité des Japonais soutenait la collaboration du Japon aux mesures prises par le gouvernement Bush en représailles des attentats, ils étaient moins nombreux à apprécier les initiatives engagées en la matière par le Premier ministre Koizumi. En d'autres termes, l'opinion publique japonaise, qui est traditionnellement pacifiste, condamnait massivement les attentats terroristes survenus aux Etats-Unis mais semblait encore une fois réticente à envisager l'éventualité d'un engagement militaire du Japon aux côtés de l'armée américaine impliquant le possible déploiement des Forces d'autodéfense.
* 17 SEIZELET Eric, « La société japonaise et la mutation du système des valeurs », Les Etudes du CERI, n° 2-juin, 1995, p. 24 * 18 PRAZAN Michaël, Les Fanatiques, histoire de l'armée rouge japonaise, Paris, Editions du Seuil, 2002, pp. 75-105 |
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