UN PROJET DE LOI ELEMENT D'UN DOUBLE DISPOSITIF DE
MESURES EN REPONSE AUX ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE
D
ans les grandes lignes, la volonté du gouvernement
Koizumi était de mettre en place un dispositif s'organisant autour de
deux axes : d'une part, le déploiement à l'étranger
de militaires japonais pour apporter une assistance logistique et sanitaire aux
forces américaines ; et, d'autre part, la mobilisation des Forces
d'autodéfense pour la protection des bases militaires installées
sur le territoire japonais. Ces dispositions impliquaient donc un
élargissement non seulement du rôle des Forces
d'autodéfense mais également de leur champ d'action. Le premier
objectif est concrétisé par le projet de loi spéciale de
lutte contre le terrorisme, tandis que le second a fait l'objet d'une
réforme partielle de la loi sur les Forces d'autodéfense.
Dans le détail, les mesures prévues par le
projet de loi anti-terroriste pouvaient être réparties selon deux
grands thèmes : d'une part, la participation des Forces japonaises
aux opérations en réponse aux attentats du 11 septembre 2001 et,
d'autre part, les mesures encadrant cette participation. Cependant, le
dispositif mis en place ne serait pas complet, et cohérent, sans la mise
en oeuvre de mesures spécifiques de renforcement des contrôles.
I) La participation des Forces japonaises aux
opérations en réponse aux attentats du 11
septembre
Bien que le gouvernement Koizumi, à travers son projet
de loi anti-terroriste, semblait présenter la participation des Forces
d'autodéfense japonaises aux opérations menées par les
Etats-Unis en représailles des attentats du 11 septembre comme un des
aspects d'une politique plus globale de lutte contre le terrorisme
international, cette participation n'en était pas moins un des piliers
principaux de la politique de contribution du Japon. D'ailleurs, à bien
lire le projet de loi, il apparaît que la grande majorité des
dispositions proposées concernent ce déploiement des Forces
japonaises.
Deux de ces dispositions étaient
particulièrement importantes et fondamentales. Il s'agissait tout
d'abord de définir le champ d'application de la loi, autrement dit
où précisément les Forces d'autodéfense pouvaient
intervenir. Il s'agissait ensuite de préciser leurs domaines
d'activité, c'est-à-dire ce qu'elles pouvaient faire.
A) La définition du champ d'application de
la loi : « hors des zones
combattantes »
Tout d'abord, l'article 2 alinéa 3 du projet de loi
spéciale de lutte contre le terrorisme définit les zones
où les mesures prévues seront appliquées. Deux types de
zones sont distingués : d'une part le territoire japonais, et
d'autre part les zones ainsi définies :
3. Principes fondamentaux (relatifs à l'article 2)
[...]
ii) zone où n'ont pas lieu des opérations de
combat et où de telles opérations ne sont pas prévues
pendant la mise en oeuvre des activités japonaises, en haute mer et dans
l'espace aérien situé au-dessus, territoires étrangers.
Il est précisé en outre que l'assentiment des
pays concernés sera nécessaire pour que les Forces japonaises
puissent agir sur leur territoire.
Cette définition des zones d'application de la loi ne
donne cependant aucune précision explicite sur la situation
géographique des ces zones. A aucun moment l'océan Indien ou le
Pakistan n'est mentionné. La dénomination utilisée est en
effet très floue et laisse donc une marge assez large pour une
interprétation extensive. Le terme même de « territoire
étranger », mis en opposition avec celui de
« territoire du Japon », entérine le fait que, pour
la première fois, les Forces d'autodéfense sont destinées
à être déployées hors du territoire national, mais
l'imprécision des termes employés est probablement
intentionnelle. La seule restriction mentionnée, avec la réserve
concernant l'assentiment des pays concernés, est la limitation aux zones
non combattantes, ce qui est en cohérence avec les restrictions qui
entourent encore les activités des Forces d'autodéfense.
La condition sine qua non qui préside avant
toute chose à l'élaboration de ce projet de loi est en effet la
non-participation des Forces japonaises aux opérations de combat, comme
le stipule explicitement l'article 2 alinéa 2 : « Ces
mesures ne sauront recommander l'usage de la force », et comme le
réaffirme la deuxième section de l'article 2 alinéa
3 concernant les zones d'application des mesures prises :
« zone où n'ont pas lieu des opérations de
combat ». Cette condition est à la base même de
l'existence des Forces d'autodéfense, conformément aux
dispositions de l'article 9 de la Constitution de 1946. Ici encore, de
même que pour toutes les activités des Forces
d'autodéfense, ces dernières ne seront pas autorisées
à participer aux opérations de combat, ni à mener des
opérations d'aucune sorte dans les zones combattantes.
B) Des opérations de soutien, d'assistance
et de logistique
Les principes fondamentaux décrits à l'article 2
stipulent en outre que le gouvernement japonais exécutera des
« activités de coopération et de soutien, des
opérations de recherche et sauvetage, une aide aux personnes
touchées et d'autres mesures nécessaires » afin de
contribuer efficacement aux mesures et efforts de lutte contre le terrorisme
(alinéa 2). Ces principes fondamentaux sont détaillés
à l'article 3.
Ainsi, les activités de coopération et de
soutien concerneront essentiellement des opérations de ravitaillement et
des services qui seront exécutés par les « agences
gouvernementales concernées dont les Forces de
défense ». Concrètement, ces agences gouvernementales
fourniront notamment le ravitaillement, les réparations et l'entretien,
les services médicaux, les communications et l'exploitation de ports
maritimes, d'aéroports et de bases. Les activités de recherche et
de sauvetage seront dirigées vers les « combattants en
situation de détresse suite à des opérations de
combat », ainsi que vers les « non-combattants en
détresse ». L'assistance aux personnes touchées concernera
« le transport des éléments nécessaires à
la vie », ce qui implique en particulier l'approvisionnement de
nourriture, de vêtements, de médicaments et de services
médicaux. Enfin, parmi les autres « mesures
nécessaires », le texte de loi cite en particulier la mise en
place de « moyens de transport à des ressortissants
étrangers ou à des ressortissants japonais ». Toutes
ces mesures seront exécutées par « les agences
gouvernementales concernées dont les Forces de
défense ».
Le rôle principal et essentiel des Forces
d'autodéfense sera donc de mener des opérations de
« soutien arrière » et de soutien logistique, ainsi
que des actions d'assistance humanitaire et de secours. Ainsi, les Forces
japonaises pourront ravitailler les bases américaines, comme celle de
Diego Garcia dans l'océan Indien, en armements mais également en
munitions. Elles pourront aussi fournir une aide médicale au Pakistan
aux réfugiés et toutes personnes victimes des combats. Plusieurs
centaines de soldats japonais seront ainsi déployés dans le cadre
d'opérations d'appui logistique, mais aussi de surveillance et de
renseignement.
II) Le cadre de la participation des Forces
japonaises
Le champ d'application et les domaines d'activité
étant ainsi définis, il restait à préciser le cadre
de cette participation des Forces d'autodéfense. Autrement dit, il
s'agissait de définir comment la coopération militaire japonaise
pouvait être réalisable sans qu'elle ne risque de devenir
illégale vis-à-vis de la législation déjà
existante.
Cette préoccupation a fait l'objet d'une série
de trois grands ensembles de dispositions. Elles concernaient tout d'abord les
questions de l'approbation par la Diète et du rapport à la
Diète, puis l'épineux problème de l'usage des armes, et
enfin le principe de limitation de la durée de la loi.
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