Faisant suite aux recommandations de la conférence
nationale des réformes institutionnelles ont été
entreprises. La décentralisation politique et administrative en est la
plus récente. Quels sont les objectifs visés par les
réformes décentralisatrices, quels en sont les avantages et quel
lien existe-t-il entre la coopération décentralisée et la
décentralisation. Enfin, les acteurs sont-ils les mêmes dans ce
nouveau processus?
En tant que processus de
décentralisation/déconcentration la Réforme de
l'Administration Territoriale a été faite dans l'optique
d'atteindre trois objectifs globaux.
processus amorcé envisageait beaucoup plus la promotion
d'un véritable développement à la base. Tel est l'objectif
développementaliste envisagé par le processus. En effet qu'est-ce
le développement local ? Il s'agit d'une approche de
développement qui incite à privilégier les acteurs plus
que les infrastructures, les réseaux plus que les institutions
établies pour donner aux hommes et aux groupes directement
intéressés une fonction de décision sur les actions qu'ils
mènent. Cela se traduit par la conception des programmes de
développement qui tiennent compte des besoins et préoccupations
réels des administrés, la recherche avec ces derniers des
solutions les meilleures et des moyens adéquats pour promouvoir le
développement des communes. Il en résulte l'instauration d'un
dialogue sincère et permanent entre les élus locaux et leurs
mandants et surtout une formation civique des citoyens pour permettre à
chacun de mesurer ses responsabilités et de les assumer en toute
conscience. Le concept de développement local permet la mise en valeur
des initiatives des acteurs de terrain.
Il va s'en dire que ce sont les efforts des personnes qui
sont au contact de la réalité, c'est-à-dire ceux-là
mêmes qui se trouvent être confrontés aux problèmes
et à la réalité des populations locales qui seront
désormais appuyés par les partenaires au développement.
Ceux-ci partent du postulat que se sont des initiatives qui reflètent la
réalité du terrain et vécues par les personnes qui les
mettent en oeuvre, elles ne sont donc pas inspirées des décideurs
d'en haut mais sont l'émanation des groupements et des populations qui
s'associent pour son élaboration et son application.
Avec la décentralisation le concept de
développement local trouvera tout son sens dans la mesure où il
constitue un enjeu majeur pour les nouvelles collectivités
territoriales décentralisées.
À côté des objectifs globaux d'autres
objectifs spécifiques ont été assignés à la
décentralisation:
- La lutte contre la pauvreté qui passe par une
amélioration efficiente de la satisfaction des besoins fondamentaux.
- La mobilisation judicieuse tant des ressources
endogènes disponibles au niveau local ou national que celles
extérieures.
- La création de nouveaux espaces politiques (leaders
locaux) en vue d'une bonne visibilité dans la cogestion des affaires
publiques au niveau local.
- La garantie de la qualité et de l'accès de
tous aux services socio-communautaires.
- La promotion du développement endogène et
auto-entretenu des communautés à la base par une implication
participative des populations concernées dans le processus des choix et
décisions stratégiques et de mobilisation des ressources
nécessaires à l'exécution des programmes d'action de lutte
contre la pauvreté.
Plusieurs avantages sont attendus de ce transfère de
compétence de la sphère centrale vers les communautés de
base. En effet, il serait illusoire de faire penser que la
décentralisation est la panacée universelle nécessaire qui
résoudrait le défi de développement qui se pose au pays.
Loin s'en faut. La décentralisation est certes un processus qui conduit
à une meilleure gestion des affaires locales à travers
l'apprentissage à la base de la prise de parole, de la prise de
décision et du débat démocratique, fondements de toute
politique de développement autocentré.
Tout d'abord la décentralisation est perçue
comme un facteur de renforcement de la vie démocratique. Vue dans ce
schéma, elle est considérée comme le creuset favorable au
renforcement de la vie démocratique dans la mesure où elle
facilite la prise de décision. Toutes décisions et questions
concernant le développement des populations, sont prises à la
base.
Le schéma décisionnel n'évolue plus selon
la dynamique verticale (du sommet vers le bas) mais plutôt selon la
dynamique ascendante (du bas vers le sommet). Les décideurs sont plus
près des problèmes et de l'information ce qui réduit le
temps de réaction. Ainsi, la décentralisation rapproche la prise
de décision du lieu où se posent les problèmes et
où se trouvent les personnes concernées.
Cependant, elle participe du renforcement de la
démocratie dans la mesure où elle promeut la démocratie
locale qui peut servir de baromètre politique et social à
l'exercice de la démocratie, c'est à l'aune de l'appropriation de
l'outil politique de décision et de gestion par les populations qu'on
peut déterminer le degré d'avancée démocratique
d'un pays.
Enfin, elle renforce la démocratie en la consolidant
à sa base, en permettant l'émergence d'acteurs locaux capables de
remplir leur charge, en associant les habitants au développement de leur
collectivité par des consultations, par le dialogue et en favorisant
leur connaissance des institutions, l'apprentissage de la
citoyenneté.
D'un autre coté et dans tout un autre registre, la
décentralisation est un facteur d'efficience de l'action publique dans
la mesure où elle contribue à la rendre (l'action publique) plus
effective et vivante. Pour cela, on considère qu'elle:
- Améliore l'efficacité dans la
répartition des ressources en permettant la réduction des
inégalités dans l'affectation des ressources aux autorités
locales en fonction de la demande de chaque localité. Il a
été reconnu que les autorités locales sont plus proches du
peuple que le gouvernement central et, ont de meilleures informations sur les
préférences locales.
- Améliore l'efficacité de production des
autorités locales qui ont des responsabilités en matière
de gestion financière, en réduisant la corruption et en
augmentant le coût de rentabilité du gouvernement.
- Permet d'encourager la compétition entre les
autorités locales afin d'améliorer leur performance.
- Augmente la valeur ajoutée, tout en encourageant la
volonté des ménages à payer pour des services qui
correspondent à leurs besoins. Ceci en retour, renforce les mesures
d'encouragement prises par les autorités nationales et leurs
administrés pour le contrôle de la collecte des revenus, la
planification des dépenses, et la qualité des services de
distribution.
- A une potentialité immuable pour accroître et
quelquefois encourager la participation de la population au processus civique,
ce qui pourra conduire à tirer les avantages des informations locales.
La responsabilité et le contrôle par les
autorités locales auront la potentialité d'améliorer les
résultats du développement et d'introduire des changements
institutionnels qui dans l'ensemble bénéficieraient aux pauvres
et les soutiendraient.
Cependant la liste des avantages n'est pas exhaustive et
leur acquisition n'est pas immédiate. L'expérience
démontre clairement que la décentralisation est beaucoup plus
complexe et a un impact à plus long terme que le simple fait de mettre
en place des gouvernements locaux.
De tout ce qui précède, il importe d'aborder
avec circonspection les questions difficiles sur les réformes et les
restructurations des organes locaux telles que: la détermination de la
nature de la structure voire la détermination des relations entre les
autorités locales et les autorités centrales; la question des
transferts fiscaux intergouvernementaux; la question de développement
économique, la responsabilité des autorités locales et la
transparence dans la gestion des affaires locales. D'où
l'intérêt de l'étude de l'impact de la coopération
décentralisée dans un processus de décentralisation
démocratique comme c'est le cas au Bénin. Quel rapport
pouvons-nous établir alors entre la décentralisation et la
coopération décentralisée?
A.2- Décentralisation facteur de dynamisation de
la coopération décentralisée
La décentralisation est le creuset favorable à
la nouvelle donne de la coopération décentralisée. En
effet, poursuivant le processus de démocratisation entamé, le
Bénin a entrepris tardivement de décentraliser l'organisation
administrative et politique de son territoire.
Le démarrage de ce processus amorcera l'amplification
d'une forme particulière de coopération au développement
dite coopération décentralisée. Rappelons toutefois que la
coopération décentralisée n'est pas apparue pour la
première fois au Bénin avec la décentralisation.
La coopération décentralisée, faut-il le
dire, consiste en la menée conjointe d'actions entre une ou plusieurs
autorités locales de deux États dans un intérêt
commun. Son objet est d'accompagner la transformation de l'organisation
administrative et politique des pays en voie de décentralisation ("PVD"
qui sont pour la plupart des pays en voie de développement) par un appui
aux nouvelles collectivités territoriales naissantes. Ses objectifs sont
la consolidation des collectivités locales et le renforcement de leur
capacité à répondre aux aspirations des populations, dans
le respect des traditions et spécificités de la
société bénéficiaire de l'appui. Les actions
menées dans ce cadre peuvent prendre diverses formes: jumelage
culturel, jumelage technique, coopération-jumelage, programmes de
développement, projets de développement, pour ne citer que
ces formes de coopération.
La décentralisation présente donc pour la
coopération décentralisée un atout très important
dans la mesure où elle s'attache au développement local. Or la
coopération décentralisée aussi a pour point d'ancrage le
développement local, c'est une coopération de proximité,
un partenariat entre acteurs locaux qui, par leur connaissance du terrain, des
besoins des administrés, mènent des opérations
concrètes, utiles et innovantes lesquelles contribueront au
développement économique et social durable de la
collectivité bénéficiaire et par ricochet de ses
habitants.
Ensuite, la coopération décentralisée
permet de rapprocher les hommes: basée sur des relations
personnalisées, lieu d'échanges et de rencontres, elle favorise
la connaissance mutuelle des partenaires et veille à l'instauration
d'une solidarité transnationale tout en suscitant le dialogue entre les
cultures différentes.
Face à cette nouvelle dynamique de coopération
décentralisée et de décentralisation, la question se pose
de savoir quels sont les rôles que jouent les différents acteurs.
B- Les acteurs et leurs rôles
La décentralisation béninoise est basée
sur une approche qui combine deux techniques à la fois, à
savoir:
- L'autonomisation qui consiste à doter les anciennes
Sous-préfectures et Circonscriptions urbaines de la personnalité
morale et de l'autonomie financière. Dorénavant
indépendantes, ces nouvelles collectivités territoriales seront
gérées par des organes élus que sont les maires avec
l'aide ou l'assistance des conseillers communaux ou municipaux eux aussi
élus.
- La déconcentration qui est une méthode
d'organisation administrative par laquelle les autorités centrales
délèguent une partie de leurs pouvoirs à des
autorités subordonnées en fonction dans les circonscriptions
administratives, structures faîtières au niveau régional
des collectivités locales.
En effet, à cette forme particulière
d'organisation et de gestion administrative a été assignée
l'objectif global de promotion de la démocratie à la base et de
renforcement du développement local. Pour ce faire, afin d'aboutir
à une synergie locale capable d'atteindre lesdits objectifs, les acteurs
suivants ont été identifiés comme intervenants actifs dans
le processus.
- Les élus locaux qui ont à charge
d'administrer la commune, d'en élaborer le plan de développement
et de mobiliser les ressources financières matérielles et
humaines nécessaires à l'exécution de ce plan.
- La société civile représentée
par les ONG, les associations professionnelles, associations de femmes les
chefs traditionnels et religieux qui impulsera le développement des
communautés à la base et de l'économie locale.
- L'État qui apportera son expertise (appui technique,
appui-conseil) et son soutien financier et matériel aux communes.
- Les partenaires au développement local (organismes
bilatéraux et multilatéraux, Communes étrangères,
organisations internationales de ville, etc.) qui apporteront leurs appuis aux
efforts de développement local.
Sur cette base nous classifierons ces acteurs en deux grandes
catégories.
B.1- Les acteurs nationaux et leurs
rôles
Les acteurs ont toujours été les mêmes
à la seule différence que leurs rôles ont quelque peu
changé. Cependant avec la démocratisation, la
société civile et les ONG ont fait leur apparition sur la
scène de la coopération et se révèlent être
beaucoup plus actives pour les questions de développement. Ils sont (ces
acteurs) désormais identifiés comme des structures bien
organisées beaucoup plus proches des populations et de leurs
vécus quotidiens, ils s'interposent dès lors entre l'Etat et les
structures de coopération et deviennent de ce fait leurs partenaires et
les porte-parole des populations. Nous pouvons ainsi citer les acteurs
suivants:
a- Les collectivités territoriales:
Elles ont toujours existé mais n'ont d'existence que
de nom. Bien que disposant d'une autonomie juridique (pour ce qui est de leur
légitimité existentielle) leurs pouvoirs de décision et de
gestion étaient limités, leur autonomie financière
quasiment inexistante. Toutes dispositions devant leur conférer une
existence réelle étaient factices.
Les nouvelles collectivités quant à elles
sont des entités territoriales ayant une réelle autonomie
juridique et financière avec chacune à sa tête un maire
élu au suffrage universel qui, avec l'assistance d'un conseil municipal
également élu, est chargé de gérer les affaires de
la municipalité ou de la commune.
Dans l'entendement populaire au Bénin, la notion de
décentralisation se confond au redécoupage territorial et les
collectivités territoriales sont dans l'esprit du commun
identifiées à l'espace physique sur lequel les nouvelles communes
autonomes sont appelées à exercer leurs compétences.
Dans la mesure où les anciennes limites
géographiques des entités territoriales ont été
redéfinies, on peut facilement comprendre cette confusion
sémantique dans l'esprit populaire, étant entendu que les
collectivités territoriales ont avant tout un caractère physique
( nouvel espace géographique), avant d'être une organisation
sociale. Ainsi de six (6) départements, la carte administrative du pays
passe à douze (12) départements avec soixante dix sept (77)
communes comme entités décentralisées.
Si les nouvelles dispositions légales concernant les
collectivités territoriales sont réellement appliquées,
alors celles-ci disposeraient d'une réelle autonomie qui se traduirait
dans les faits par la mise en place d'un budget municipal autonome, par la
capacité à pouvoir conclure des accords ou des traités de
coopération.
En effet, les nouvelles collectivités territoriales
béninoises sont de fait en même temps que les ONG et la
société civile les acteurs locaux privilégiés de la
coopération décentralisée.
b- Les ONG, la société civile
et le secteur privé
La société civile ne jouait aucun rôle
dans le processus de développement avant la démocratisation.
Depuis 1990, son rôle a été renforcé à
travers certaines actions comme la mobilisation, la coercition, les pressions
de tout genre.
Les nouvelles dispositions légales sur la
représentativité et l'élection des membres du conseil
municipal excluant la représentation des institutions de la
société civile, celles-ci se sont organisées pour la
défense des intérêts de leur corporation et interviennent
dans le processus de façon indirect non pas comme structure sociale
organisée mais comme structure corporative de défense
d'intérêts spécifiques. Aujourd'hui avec l'apparition des
ONG elles jouent toutes, un rôle de premier plan dans la
coopération décentralisée. A ce titre on peut citer: le
centre Africa Obota, le Centre béninois pour le Développement
Durable, le Centre International de Développement et de Recherche, le
Corps de la Paix, L'institut Kilimandjaro, l'Association des Journalistes
Communicateurs pour la Décentralisation et l'Eveil de la Base etc.
B.2- Les partenaires au développement et leurs
rôles:
Ce sont les organismes multilatéraux et
bilatéraux de coopération qui privilégient la
décentralisation comme instrument au service du développement.
Aujourd'hui, dans le cadre de la décentralisation plusieurs bailleurs de
fonds sont intervenus soit pour appuyer le processus dans sa phase de
préparation et de démarrage, soit ils subordonnent leur appui
à l'effectivité du démarrage du processus. De nombreux
partenaires au développement du Bénin interviennent dans ce
registre en matière de gouvernance locale, de décentralisation,
d'appui aux collectivités locales, de développement local etc.
Il s'agit notamment de l'USAID, du Canada, de la Coopération danoise
(DANIDA), de l'Union Européenne, de l'Allemagne, de la France, de
l'Agence internationale de la francophonie, de la Coopération
néerlandaise (SNV), de la Coopération suisse, de la Banque
Mondiale, du Japon, de la BAD, de la BOAD, des collectivités
territoriales étrangères etc. Sur ce on peut classifier ces
intervenants (bailleurs de fonds) selon leurs secteurs d'appui en trois grandes
catégories:
a- L'appui aux structures étatiques
Ce sont les partenaires qui interviennent pour appuyer et
renforcer les structures étatiques dans l'accomplissement de la
tâche de mise en oeuvre du processus de décentralisation. Dans ce
registre on peut citer le projet tripartite Bénino-franco-allemand
d'appui à la décentralisation/déconcentration ancrage
institutionnel, qui fait intervenir au niveau de:
- l'État béninois, le Ministère de
l'intérieur de la sécurité et de l'administration
territoriale
- la Coopération française, le Service de
Coopération et d'Action Culturelle (SCAC),
- la Coopération Allemande, la Deutsche Gesellschaft
für Technische Zusammenarbeit (GTZ).
Ce projet qui intervient sur tout le territoire a pour
objectifs la mise en place d'un État démocratique et d'une
administration de proximité selon le principe de la subsidiarité
et, l'organisation des communes en vue de l'exécution de leurs missions
en tant que collectivités locales autonomes.
b- L'appui aux communes
Il s'agit des partenaires qui interviennent pour appuyer et
renforcer financièrement et techniquement les capacités
institutionnelles des nouvelles communes béninoises dans ce registre on
peut citer:
* la France à travers son programme d'appui à
la décentralisation qui a accordé une subvention de 1,3 millions
d'euros le 26 octobre 2001 pour la poursuite de la politique du programme de
décentralisation engagée dans le département des
collines.
* les Etats-unis d'Amérique qui ont accordés au
Bénin une subvention de 12 millions d'euros pour soutenir le programme
de réforme de l'éducation de base, le renforcement de la
démocratie et l'amélioration de la bonne gouvernance. La Banque
Mondiale, le FMI, la BOAD, la BAD, le FED, pour ne citer que ces organisations
partenaires.
c- La coopération bilatérale
décentralisée:
Ce sont les partenaires qui interviennent dans le cadre
d'un accord de partenariat de jumelage ou de coopération entre elles et
les collectivités territoriales béninoises. Cet aspect de
coopération qui existe déjà entre certaines entités
territoriales béninoises et d'autres étrangères est
surtout très actif entre la France (ancienne puissance colonisatrice) et
le Bénin. La mise en place effective de la décentralisation
ouvrira les perspectives de l'élargissement et la diversification du
champ territorial de cette coopération.