Ici, trois variables sont significatives : il s'agit de
la taille du ménage (TAILLEMGE au seuil de 10%), de la durée de
l'épisode morbide (DUREE ) et du type de symptôme
« paludisme ou fièvre » (PALUFIEVRE), toutes deux au
seuil de 5%. De plus les variables TAILLEMGE et DUREE ont les effets attendus.
Ce résultat signifie que dans les ménages de taille
élevée, l'on fait plus recours à
l'automédication ; c'est une manifestation de contraintes
financière puisque le chef de ménage n'est pas en mesure de
conduire tous ceux qui tombent malade dans les structures de soins modernes ou
chez les tradipraticiens où en général, les coûts de
traitement sont plus élevés que dans l'automédication
25(*).
Comme nous avions proposé de le vérifier plus
loin dans le recours aux structures de soins modernes, nous constatons que la
variable DUREE apparaît ici avec un signe négatif ; ceci
confirme le fait que cette variable, indicatrice de la
sévérité de la maladie, justifie la précaution chez
les individus de recourir à des soins plus efficaces (selon eux) pour
des problèmes de santé sérieux.
La variable PALUFIEVRE apparaissant avec un signe positif et
étant significative, on peut dire que le paludisme et la fièvre
sont des symptômes qui amènent plus les individus à faire
de l'automédication ; cela se justifie par le fait que les
médicaments qui soignent ces maladies sont répandus sur le
marché informel, souvent importés du Nigeria voisin, et les
individus s'en procurent facilement sans aucune prescription d'agent de
santé indiqué.
Le niveau d'instruction apparaît comme prévu
avec un signe négatif, même s'il est non significatif ; ceci
peut s'expliquer par le fait que les personnes d'un niveau d'instruction
élevé connaissent les inconvénients de
l'automédication et n'ont pas tendance à y recourir.
De même, le revenu apparaît avec un signe
négatif même s'il est non significatif ; la
négativité signifie que si le revenu des individu augmente, ils
auront tendance à ne pas recourir à l'automédication.
La variable AGE apparaît avec un signe négatif,
contrairement à ce que nous attendions ; cela signifie que
l'automédication est plus utilisée pour soigner les enfants et
les jeunes que pour soigner les personnes âgées.
iv - Effets marginaux des variables
L'effet marginal d'une variable Xk est
donné par
où F est la fonction de répartition et f la
fonction de densité de probabilité.
A l'aide d'une procédure de programmation sur Eviews,
nous estimons les effets marginaux des variables explicatives en chaque
observation puis ceux aux valeurs moyennes.
les tableaux des effets marginaux en chaque observation
(annexe 4) montrent que les variables significatives au niveau de chaque
modèle ont les effets marginaux les plus élevés (en valeur
absolue), ce qui signifie que suite à un changement de modalité
au niveau de ces variables, la probabilité de recourir à un type
de soins varie plus que suite à un changement de modalité au
niveau des variables non significatives.
Les effets marginaux des variables à leur moyenne
(calculés suivant la même méthode) sont
présentés dans le tableau suivant ; nous
interprétons les effets marginaux des variables significatives.
Tableau n°7 : effets marginaux aux valeurs
moyennes
* relatif à une variable significative au seuil de
5%
** relatif à une variable significative au seuil de
10%
Source : d'après estimations sur Eviews
A la lecture de ce tableau, nous pouvons dire que être
de sexe masculin augmente la probabilité de recourir aux structures de
soins modernes de 31,3072%. L'augmentation d'une unité de la taille du
ménage augmente la probabilité de recourir à
l'automédication de 3,2611% et le l'amélioration du niveau
d'éducation (passage d'un niveau inférieur à un niveau
supérieur) diminue de 9,9502% la probabilité de recourir à
la médecine traditionnelle.
Quant à la croyance en l'efficacité des
ressources locales, elle augmente la probabilité de recourir à la
médecine traditionnelle de 65,6257% ; l'augmentation d'une
journée de la durée de l'épisode morbide diminue de
4,3931% la probabilité de pratiquer l `automédication alors
que le fait de souffrir du paludisme ou de la fièvre augmente de
32,8074% cette probabilité. Enfin, souffrir des maladies de la peau
augmente de 41,2760% la probabilité de recourir aux structures de soins
modernes.
Il ressort des analyses que nous venons de faire
que :
· Le sexe du malade et les maladies de la peau sont les
déterminants principaux du recours aux structures de soins modernes en
cas de maladie chez les populations dans le sud Bénin.
· Le niveau d'instruction, la croyance en
l'efficacité des ressources locales pour le traitement des maladies et
les maladies de la peau constituent les principales variables explicatives du
recours aux tradipraticiens dans le sud Bénin.
· La taille du ménage, la durée de
l'épisode morbide et le paludisme ou la fièvre sont les
déterminants principaux du recours à l'automédication.
Ces différentes conclusions nous permettent de
dégager des éléments de politique en matière de
santé.
Chapitre 4 : Implications de politiques en
matière de santé
Au terme de notre étude, nous proposons ici des
mesures de politique visant à améliorer l'utilisation des recours
thérapeutiques afin d'assurer une bonne santé à la
population et améliorer ainsi la qualité des ressources humaines,
condition nécessaire au développement d'une nation.
Section 1: Réformes et
réglementations
I- Réformes économiques et
institutionnelles
Le rôle que la médecine traditionnelle et les
tradipraticiens peuvent jouer pour réaliser l'objectif de la
santé pour tous a été reconnu dans la déclaration
d'Alma-Ata de 1978 26(*).
Dans sa résolution AFR/RC34/R8 de 1984, le comité régional
de l'OMS pour l'Afrique demandait instamment aux Etats membres de
préparer une législation spécifique sur l'exercice de la
médecine traditionnelle dans le cadre de la législation sanitaire
nationale et de prévoir des allocations budgétaires suffisantes
pour un développement efficace de cette médecine.
Le Comité régional, lors de sa
quarante-neuvième session, a invité l'OMS à
élaborer une stratégie régionale complète sur la
médecine traditionnelle. Nous suggérons la formulation des
politiques propres à renforcer le développement de la
médecine traditionnelle, son utilisation et la poursuite des recherches
pour améliorer l'accès aux remèdes traditionnels
essentiels et promouvoir l'utilisation appropriée des plantes
médicinales dans les systèmes de santé. Cette
stratégie visera à optimiser l'utilisation de la médecine
traditionnelle afin d'accélérer l'instauration de la santé
pour tous. Elle reposera sur un certains nombre de principes qui sont : le
plaidoyer, la reconnaissance par les gouvernements de l'importance de la
médecine traditionnelle pour la santé des populations,
l'institutionnalisation de la médecine traditionnelle et la mise en
place de partenariat. Les interventions prioritaires consisteront à
formuler des politiques, à renforcer les capacités, à
promouvoir la recherche et à développer la production locale.
Nous suggérons entre autre:
· Que le pouvoir public subventionne le secteur
(organisé et réglementé ) de la médecine
traditionnelle afin de permettre des recherches dans le domaine de la
médecine traditionnelle.
· Que le partenariat avec les institutions
internationales intervenant dans le domaine de la santé soient
orienté aussi vers le soutien de la médecine traditionnelle pour
permettre le financement des recherches en la matière.
· L'organisation de rencontres internationales entre les
acteurs de la médecine traditionnelle d'une part, et entre les acteurs
de la médecine moderne et ceux de la médecine traditionnelle
d'autre part afin de briser les asymétries d'informations dans le
secteur de la santé et permettre ainsi des échanges de
connaissances et de compétences.
II - Le renforcement de l'éducation en
matière de santé par les ressources locales et naturelles
Nous suggérons :
· L'intégration dans le système
éducatif des enseignements sur la médecine traditionnelle afin de
faire connaître aux individus dès le bas âge les vertus des
ressources locales en matière thérapeutique et susciter en eux la
volonté de faire usage des ressources locales pour le traitement des
maladies.
· L'instauration des spécialisations en
phytothérapie dans la formation des agents de santé avec une
collaboration avec les tradipraticiens de renommée qui existent dans
presque toutes les localités du pays.
III - La réglementation du secteur de la
médecine traditionnelle
La médecine moderne est légalement reconnue et
agit dans des institutions qui jouissent de la sollicitude administrative de
l'Etat, alors que ce n'est pas le cas en ce qui concerne la médecine
traditionnelle, accusable d'illégalité quand bien même les
populations y sont attachées. Si tradipraticiens et médecins
modernes n'ont pas le même statut juridique au chevet du malade, c'est
parce que souvent dans les faits, il manque une prise de position claire des
autorités politico - administratives qui soit de nature à
revaloriser la médecine traditionnelle. Nous recommandons que le secteur
de la médecine traditionnelle soit correctement réglementé
et que l'ordre des guérisseurs et des herboristes traditionnels
créé par décret N° 86-69 du 3 mars 1986 sous le nom
de A.NA.PRA.ME.TRA.B soit plus dynamisé afin que la
traditionnalité médicale puisse jouir aussi, dans toute la mesure
du possible, des droits modernes qui l'aideront dans sa promotion et dans son
développement.
IV - La collaboration entre acteurs de l'offre de soins de
santé
Nous recommandons une franche et parfaite collaboration entre
les différents acteurs de médecine traditionnelle (les
tradipraticiens) et ceux de la médecine moderne ; il serait
même souhaitable d'associer au chevet d'un malade les deux types de
pratiquant, le diagnostic devant revenir à la médecine moderne et
le traitement se faisant dans une franche collaboration. Signalons que cette
collaboration est déjà à ses débuts à
certains niveaux comme à l'hôpital de Porto-Novo où le
tradipraticien Dossou-Yovo Cossi Fulbert dispose d'un local où il offre
des soins de santé à des patients en collaboration avec les
acteurs de l'offre des soins modernes de cet hôpital et d'autres
structures de soins modernes.
Section 2: Le renforcement des stratégies
IEC
I - La sensibilisation des populations sur les
potentialités de la médecine traditionnelle
Les résultats de nos travaux montrent que les
individus qui ont eu recours à la tradithérapie ont en
général eu satisfaction ; de plus, le rôle que la
médecine traditionnelle et les tradipraticiens peuvent jouer pour la
réalisation de l'objectif santé pour tous comme nous l'avions vu,
a été reconnu dans la déclaration d'Alma - Ata de 1978.
Nous recommandons donc que des efforts soient menés tant par le pouvoir
public que par les ONG intervenant dans le domaine de la santé pour
faire connaître aux populations que la médecine traditionnelle
possède des vertus remarquables et est à la portée de
tous ; les traitements s'y font à moindre coût et sont sans
en général sans effets pervers lorsqu'ils sont faits par des
personnes indiquées.
Nous recommandons aussi que l'accès aux médias
soit facilité aux praticiens de la médecine traditionnelle afin
qu'ils puissent montrer aux populations les vertus des multiples recettes dont
ils disposent et les résultats des recherches qu'ils font en
matière de phytothérapies.