WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'identification de l'acte de contrefaçon de marque en Tunisie

( Télécharger le fichier original )
par Kaïs Berrjab
Faculté des Sciences Juridiques, Ploitiques et Sociales de Tunis - DEA en Sciences Juridiques Fondamentales 2004
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

UNIVERSITÉ 7 NOVEMBRE À CARTHAGE

Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de

Tunis

MÉMOIRE POUR L'OBTENTION DU MASTÈRE EN SCIENCES

JURIDIQUES FONDAMENTALES
SUJET : L'IDENTIFICATION DE L'ACTE DE

CONTREFAÇON DE MARQUE

ÉLABORÉ ET SOUTENU LE 1er DÉCEMBRE 2004 PAR :

Kaús BERRJAB

SOUS LA DIRECTION DE : Mme Monia BEN JEMIA,
MAîTRE DE CONFÉRENCES AGRÉGÉ EN DROIT PRIVÉ.

JURY:

PRÉSIDENT: Mr Sadok BELAD, professeur émérite à la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis.

MEMBRE: Mr Moncef CHEFFA, professeur agrégé à la faculté des sciences
juridiques, politiques et sociales de Tunis.

MEMBRE: Mme Monia BEN JEMIA, maître de conférence agrégé à la faculté
des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis.

ANNÉE UNIVERSITAIRE : 2003 / 2004

Liste des principales abréviations

ADPIC : Accord sur les « Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce »

Al. : Alinéa

Ann : Annales de Propriété Industrielle

Bull. Civ : Bulletin civil de la cour de cassation

CA : Cour d'Appel

Cass-Civ : Arrêt de la Cour de Cassation Tunisienne ( matière civile) CDR : Code Des Droits Réels

Civ : Arrêt civil de la Cour de Cassation Française

Civ, Com : Arrêt commercial de la Cour de Cassation Française COC : Code des Obligations et des Contrats

D : Dalloz

Gaz. Pal : Gazette du Palais

JCP : Juris Classeur Périodique

LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

LITE C : Librairies Techniques

PIBD : Propriété Industrielle - Bulletin Documentaire

RJL : Revue de Législation et de Jurisprudence

RTD civ : Revue Trimestrielle de Droit Civil

RTD Com : Revue Trimestrielle de Droit Commercial

RTD : Revue Tunisienne de Droit

TGI : Tribunal de Grande Instance

TPI : Tribunal de Première Instance

La faculté n'entend donner aucune approbation ni

improbation aux opinions émises dans ce mémoire.

Ces opinions doivent être considérées comme

propres à leur auteur.

Au nom de dieu clément et miséricordieux
Ce travail est dédié
A la mémoire de ma grand-mère HALIMA BENNOUR
A mes PARENTS
A mes frères
A mon oncle TAREK BENNOUR
A maître
MEHREZ BOUSSAYENE et ses collaborateurs
A maître Youssef Knani
A mes enseignants
Et à tous mes amis...

Merci d'avoir contribué à faire de moi ce que je suis.

« J'aime le droit pour lui-même, et aussi pour la

justice et l'équité. Je l'aime encore pour sa langue »*

Gérard Cornu

L'identification de l'acte de contrefaçon de marque

Plan sommaire

Titre Premier :

L'approche synthétique de l'acte de contrefaçon :

une atteinte au droit de propriété sur la marque

Chapitre 1 : Le droit sur la marque : objet spécifique

de l'acte de contrefaçon

Chapitre 2 : Les spécificités de l'atteinte

constitutive de l'acte de contrefaçon

Titre deuxième :

Les manifestations de l'acte de contrefaçon

Chapitre 1 : Les actes de contrefaçon érigés

en délits matériels

Chapitre 2 : Les actes de contrefaçon par

«confusion»

Chapitre 3 : Les actes intentionnels de

Contrefaçon

Introduction

De tout temps, l'atteinte à la propriété soit plus généralement l'usurpation du bien d'autrui faisait l'objet d'interdits sociaux, quel que soit l'ordre normatif dans lequel la prohibition puise son discours fondateur. Appliquée aux droits du propriétaire d'une marque de fabrique, de commerce ou de services, l'atteinte ou l'usurpation se désigne par un terme spécifique dénommé l'acte de contrefaçon de marque.

Une fois saisie par le droit, en l'occurrence la législation des marques, une telle atteinte devient sujette à identification et à une qualification afin de lui appliquer le régime juridique qui lui est propre. Dans ce contexte s'insère la présente étude ayant pour finalité l'identification d'un fait juridique particulier : l'acte de contrefaçon de marque.

Elevé au rang des droits faisant l'objet de garanties constitutionnelles,1 le droit de propriété est défini par l'article 17 du code des droits réels 2 comme étant celui qui « confère à son titulaire le droit exclusif d'user de sa chose, d'en jouir et d'en disposer. »

Etant le plus complet des droits réels,3 le droit de propriété visait originairement et depuis la nuit des temps les biens 4 corporels qui se divisent, au sens de l'article 2 du CDR, en biens meubles et immeubles.5

Compte tenu de sa définition rigide, le bien immeuble constitue une catégorie close fermement cloisonnée par la loi. Les biens meubles sont par contre une catégorie ouverte susceptible d'englober toute chose qui ne rentre pas dans la stricte définition de l'immeuble.6

« Chaque catégorie de biens comporte une forme d'appropriation à elle particulière (...) Il n'y a pas une propriété ; il y a des propriétés, parce que l'intérêt de la société est que l'appropriation des biens comporte des statuts en harmonie avec les buts poursuivis, lesquels varient beaucoup ; le droit de propriété est un des plus souples et des plus nuancés qui figurent dans les différentes catégories juridiques ; sa plasticité est infinie. »7

La plasticité dont parlait Josserand a permis d'étendre le droit de propriété à des biens incorporels ou sans réalité physique. Ces biens n'existent que dans la mesure où la loi a disposé ainsi, leur existence vient de la loi et par une décision de celle-ci.

1 Le droit de propriété est un droit fondamental garanti par l'article 14 de la constitution tunisienne du 1er juin 1959 en ces termes : « Le droit de propriété est garanti. Il est exercé dans les limites prévues par la loi. » ; Sur le statut constitutionnel du droit de propriété, voir Fadhel Moussa (M-L) : « La constitution et le droit de propriété en Tunisie » RTD 1986. p. 371.

2 Le Code des Droits Réels a été promulgué par la loi n°5-65 du 12 février 1965.

3 Selon le doyen CARBONNIER, le droit réel s'entend d'un « pouvoir juridique qu'a une personne de retirer directement tout ou partie des utilités économiques d'une chose [...] La chose est comme assujettie à la personne, obligée de lui obéir ; et c'est en quoi on peut parler d'un droit sur la chose » J. Carbonnier, Droit civil, T. 3, Les biens, 12ème éd. Thémis, PUF 1988, n°12. p. 62.

4 Au sens de l'article 1 CDR, « Les biens sont toutes choses qui ne sont pas hors du commerce par leur nature ou par disposition de la loi et qui peuvent faire l'objet d'un droit ayant une valeur pécuniaire. »

5 Selon l'article 3 du CDR, « est immeuble toute chose fixe qu'on ne peut déplacer sans dommages. »

6 Voir en ce sens, CHARFI (M) & MEZGHANI (A): « Les droits subjectifs » Sud Editions 1995. (en arabe), p. 47.

7 JOSSERAND (L) : « Cours élémentaires de droit civil », 1929, T. 1, n°1517. p. 839.

Etant donné qu'ils ne peuvent être qualifiés d'immeubles, les biens incorporels sont naturellement rangés parmi les biens mobiliers non pas naturels mais ceux qui, au sens de l'article 13 du CDR, le sont « par détermination de la loi. »

Objets d'appropriation, les biens incorporels peuvent être le siège d'un droit de propriété que la doctrine tend à désigner sous le vocable de propriété incorporelle comme pour rendre compte du caractère soit immatériel soit intellectuel de cette propriété.

C'est précisément à la catégorie des propriétés incorporelles que participe l'ensemble des droits portant sur des choses intellectuelles et que l'on désigne par la dénomination générique : Droits de Propriété Intellectuelle lesquels faisant l'objet d'une discipline juridique à part entière et qui comprend « toutes les règles tendant à la protection des droits de propriété industrielle, des droits d'auteur et du savoir-faire. »1

Bien que leur objet soit purement intellectuel, ces droits évoquent le droit de propriété 2 par leur opposabilité à l'égard des tiers, une opposabilité qui permet au titulaire de ces droits de les défendre contre quiconque y porte atteinte, la propriété est aussi étendue à ces droits afin de mettre l'accent sur le droit exclusif d'user et de disposer de ces biens intellectuels.

Au-delà de son unité terminologique et de son objet foncièrement immatériel, la notion de propriété intellectuelle abrite des catégories de biens hétérogènes, elle se divise classiquement en Propriété littéraire et artistique d'une part, et en Propriété industrielle d'autre part.

Selon Carbonnier, la Propriété littéraire et artistique, ou encore le droit d'auteur, est « l'ensemble des prérogatives qui appartiennent à l'écrivain ou à l'artiste (peintre, sculpteur, musicien, etc.), sur son oeuvre ».3

1 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : Droit de la propriété industrielle. 5ème éd, Dalloz Delta 1998.. p. 1.

2 Il est à noter que du point de vue de la qualification et la terminologie, l'appellation « droits de propriété intellectuelle » n'a cessé d'alimenter un épineux débat doctrinal, le problème s'est posé à la fois à propos de l'adjectif « intellectuel » qualifiant l'objet de ces droits et concernant le substantif « propriété » indiquant la nature de ce genre de droits. Bien entendu, eu égard à leur objet immatériel, on ne peut appliquer à ces droits mobiliers les règles du droit des biens régissant les meubles, ainsi, ils ne sont pas susceptibles de possession. Ces droits sont par ailleurs des droits temporaires alors que le droit de propriété se caractérise par sa perpétuité. On peut aussi reprocher à ces droits intellectuels de ne pas être purement intellectuels à tous les coups car il est des droits qui portent sur des objets qui n'impliquent généralement, en substance, aucune activité créative ou innovatrice tel que l'adoption d'une marque qui reprend un nom patronymique ou l'usage d'une appellation d'origine protégée. Sur l'ensemble de la question et les théories avancées en ce sens, voir POLLAUD-DULIAN (F) : Droit de la propriété industrielle. Montchrestien. E.J.A, Paris, 1999. n°8 à n°38. p. 3 et s.

3 Carbonnier (J) : op. cit. p. 377. La propriété littéraire et artistique est régie en droit tunisien par la loi n°94-36 du 24 février 1994 relative à la propriété littéraire et artistique. JORT n°17 du 1er mars 1994, p. 361.

Le droit d'auteur comporte deux composantes, l'une patrimoniale, l'autre morale, il reconnaît au créateur d'une oeuvre littéraire ou artistique un droit de paternité sur son oeuvre qui lui permet de s'opposer à la modification ou à l'altération de celle-ci sans qu'il n'y consente. Quant à l'attribut patrimonial du droit d'auteur, il permet à son titulaire de bénéficier d'un monopole d'exploitation sur son oeuvre, il est ainsi seul à en tirer les profits et il lui revient exclusivement d'ordonner sa publication et d'autoriser son exploitation selon les modes qu'il juge convenables.

Sur l'ensemble de la question, voir en ce qui concerne le droit tunisien : Ben Jemia (M) : « Cours de propriété intellectuelle » , 3ème année de la maîtrise en sciences juridiques, FSJPS, année universitaire 2002/2003. (non publié) ; Voir notamment concernant le droit français et international de la propriété littéraire et artistique, COLOMBET (C) : Propriété littéraire et artistique et droits voisins. 9ème éd, Dalloz Delta 1999 ; Voir aussi, Piotraut (J-L) : Droit de la propriété intellectuelle, Collection Référence Droit, Ellipses 2004. p. 27 et s.

Quant à la propriété industrielle, on regroupe sous ce vocable générique deux grandes catégories de droits incorporels à savoir le droit des créations industrielles et le droit des signes distinctifs.

Concernant le droit des créations industrielles, il couvre des objets et des techniques d'une originalité et d'une nouveauté absolue, on compte parmi ces droits le brevet d'invention,1 les dessins et modèles industriels,2 les obtentions végétales 3 ainsi que les schémas de configuration des circuits intégrés.4

Pour ce qui est du droit des signes distinctifs, il comporte essentiellement les marques de fabriques, de commerce et de services, les appellations d'origines contrôlées,5 le nom commercial,6 l'enseigne,7 la dénomination 8 et la raison9 sociale.

Bien que l'on soit tenté d'observer une certaine hiérarchie concernant la classification des droits portant sur les biens incorporels que constituent les signes distinctifs, on note néanmoins qu'ils ont pour trait commun de jouer « un rôle essentiel dans la concurrence : ils servent à distinguer les compétiteurs et leurs produits ou prestations les unes aux autres, aux yeux de la clientèle. La clientèle peut rattacher les produits ou services à l'entreprise qui en est responsable, choisir ses partenaires commerciaux en connaissance de cause. Le titulaire du signe y trouve un moyen de conquête et d'attachement de la clientèle, qui donne de la valeur à son fonds et lui permet d'empêcher toute confusion avec ses concurrents. »10

1 Les brevets d'invention étaient régis en droit tunisien depuis 1888 par le décret du 22 décembre 1888 portant loi sur les brevets d'invention. La nouvelle législation en la matière a vu le jour avec la promulgation de la loi n°84 2000 du24 août 2000, relative aux brevets d'invention. JORT n°68 du 25 août 2000. Selon l'article premier de cette loi, « toute invention d'un produit ou d'un procédé de fabrication peut être protégée par un titre, dénommé brevet d'invention qui est délivré par l'organisme chargé de la propriété industrielle et ce, dans les conditions déterminées par la présente loi. » Ce titre est délivré au sens de l'article 2 de la même loi « pour les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle ». Voir concernant le nouveau cadre juridique des brevets d'inventions en Tunisie, « Brevets d'invention » in Le Manuel Permanent du Droit des Affaires Tunisien, Cabinet Salah Ammamou. Mise à jour septembre 2000. p. 1 et s.

2 Le droit tunisien des dessins et modèles industriels était réglementé par le décret du 25 février 1911, ce décret a été abrogé par la loi n° n°2001-21 du 6 février 2001, relative à la protection des dessins et modèles industriels.

3 Le droit sur les obtentions végétales est régi par la loi n°99-42 du 10 mai 1999, relative aux semences, plants et aux obtentions végétales telle que modifiée par la loi n°2000-66 du 3 mars 2000.

4 Voir en ce sens la Loi n°2001-20 du 6 février 2001, relative à la protection des schémas de configuration des circuits intégrés. Sur la question, voir notamment : CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. p. 394 et s.

5 L'appellation d'origine protégée est un signe distinctif indiquant l'origine géographique et certifiant la production et la qualité d'un produit donné selon des méthodes originales d'une localité ou d'une région déterminée et réputée dans la fabrication ou la production d'un tel produit. L'usage de ce signe fortement distinctif et attractif est soumis à des conditions légales et réglementaires très strictes et à un contrôle permanent de qualité et de conformité aux usages et normes de production. Voir en ce sens, sur la réglementation stricte des appellations d'origine contrôlée des produits agricoles, la loi n°99-57 du 28 juin 1999. J.O.R.T 1999, n°2. p. 1088.

6 Le nom commercial est le nom sous lequel une personne exerce l'exploitation effective d'un fonds de commerce afin de le distinguer des autres fonds de commerce similaires. Voir en ce sens, « Nom commercial » in Le Manuel Permanent du Droit des Affaires Tunisien, Cabinet Salah Ammamou. Mise à jour juillet 1994. p. 1 et s.

7 Selon Chavanne et Burst, « l'enseigne est un signe visible qui sert à distinguer un établissement commercial et à permettre au public de ne pas le confondre avec un autre », op. cit, N°1382. p. 841.

8 La dénomination sociale se définie comme le nom adopté par une société de capitaux.

9 La raison sociale est la désignation, incluant le nom patronymique d'au moins un associé, de l'éventuelle société de personnes qui exploite un fonds de commerce.

10 POLLAUD-DULIAN (F) : Droit de la propriété industrielle. Montchrestien. E.J.A, Paris, 1999. n°1033. p. 461.

Le fait de porter sur des choses incorporelles et intellectuelles ne suppose aucunement que l'usage ou l'adoption d'un signe distinctif implique une quelconque activité inventive témoignant d'une originalité particulière.1

Ainsi, on peut estimer que les signes distinctifs ne sont rangés parmi les droits de propriété intellectuelle et plus précisément la propriété industrielle qu'en fonction de leurs objets incorporels, leur originalité ou nouveauté est largement relative car ils n'ont pour fonction que d'accompagner ou garantir l'origine d'un produit ou d'un service rendu par un opérateur économique. Ils permettent en outre de distinguer le commerce et l'établissement d'un commerçant par rapport à ceux détenus par des concurrents.

Ce sont donc des signes visibles qui servent au ralliement de la clientèle autour d'une entreprise ou d'un fonds de commerce auquel les signes distinctifs participent en tant qu'éléments incorporels.2

Au sommet de la pyramide des signes distinctifs, la marque occupe à plusieurs titres, à coté de l'appellation d'origine contrôlée, une place de choix. Etant une création ingénieuse du droit des marques, la marque se présente comme un sceau, une empreinte ou un signe visible et distinctif qui sert à distinguer, dans le commerce, les produits ou les services d'une personne physique ou morale.

La marque n'a pour fonction légale que de rattacher d'une manière certaine un produit ou un service à la personne ou à l'entreprise qui l'a produit ou offert sur le marché et qui en assume, en conséquence, la responsabilité à l'égard des tiers. La marque n'est jamais, en principe, une garantie de la qualité ou des propriétés du produit ou service qu'elle désigne. La garantie de la qualité est par ailleurs régie par la loi sur la protection du consommateur et la législation sur les fraudes.

La reconnaissance de la marque et du droit de propriété dont elle fait l'objet est relativement récente en droit tunisien comme en droit comparé.3

En droit tunisien, il semble que la production législative relative à la propriété industrielle et plus précisément celle des marques n'a fait que répondre aux engagements internationaux de la Tunisie résultant des conventions auxquelles elle a adhéré. Tout s'est passé comme si le législateur tunisien entendait honorer ses engagements conventionnels parallèlement à la signature d'une convention qui traite de la protection des droits sur la marque.

1 Les signes distinctifs tel que la marque ne servent qu'à rallier, fidéliser et informer la clientèle à propos de l'origine d'un produit ou d'un service offert dans le commerce. Pour arriver à se distinguer eux et leurs produits, les commerçants font appel à des signes plus ou moins originaux et suffisamment distinctifs par rapport à ceux employés par des établissements similaires et concurrents. La créativité n'est donc pas de mise.

2 En tant que bien unitaire, meuble et incorporel, le fonds de commerce est constitué de biens mobiliers affectés à l'exercice d'une activité commerciale à savoir la clientèle et l'achalandage. Il comprend aussi, au titre de l'article 189 alinéa 3 du code du commerce tunisien, « sauf dispositions contraires, tous autres biens nécessaires à l'exploitation du fonds, tel que l'enseigne, le nom commercial, le droit au bail, le matériel, les marchandises, les brevets, marques de fabrique, dessins et modèles, droits de propriété littéraire et artistique. » Concernant les éléments non obligatoires du fonds de commerce, voir : Christine Labastie DAHDOUH & Habib DAHDOUH : Droit commercial, 1ère éd, I.O.R.T 2002. volume I. p. 325 et sui.

3 Concernant l'historique de la reconnaissance du droit sur la marque ainsi que sa protection en droit français, voir notamment, POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. P. 2 et sui ; Piotraut (J-L) : Droit de la propriété intellectuelle, Collection Référence Droit, Ellipses 2004. p. 11 et sui ; CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. p. 484 et sui.

En effet, après avoir adhéré, en date du 7 juillet 1884,1 à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle - dite aussi Convention d'Union de Paris - signée le 20 mars 1883, la première législation tunisienne relative aux marques a vu le jour en vertu du décret beylical du 3 juin 1889 portant loi sur les marques de fabriques et de commerce.2

Ne dépassant pas les 29 articles, ce décret avait pour handicap d'être trop économe pour gérer une matière aussi complexe que le droit des marques. Bien qu'il ait repris quelques règles matérielles énoncées dans la Convention de Paris, le décret du 3 juin 1889 est, à mains égards, le produit d'une réception juridique dans la mesure où il témoigne d'un emprunt 3 pur et simple de la loi française sur les marques datant du 23 juin 1857.

Le-dit décret prévoyait une protection relativement satisfaisante du droit sur la marque face à la contrefaçon qu'il ne défini pas d'ailleurs, il subordonne en outre l'accès à la protection pénale du droit à la marque à l'accomplissement d'un acte spécifique, en l'occurrence le dépôt. En déposant une marque auprès de l'autorité compétente à cet effet, un commerçant pourra se réserver le droit exclusif d'user et d'exploiter cette marque afin de désigner ses produits ou son commerce.

A une époque où le secteur des services n'a pas encore dominé l'économie, le décret du 3 juin 1889 ne reconnaissait bien évidemment que les marques de fabriques et de commerce. La marque de fabrique est celle qui « appartient à l'industriel qui fabrique un produit et l'appose sur ses propres produits ».4 Quant à la marque de commerce, elle consiste en la marque qu'un commerçant appose pour désigner des produits qu'il n'a pas fabriqués, « elle est le signe du soin qu'il met à sélectionner les produits qu'il vend et à choisir entre les divers fabricants. » 5

Le décret du 3 juin 1889 avait régi la marque en Tunisie pendant près de 112 années sans qu'il soit notablement modifié afin de l'adapter au contexte évolutif de la vie économique.

L'anachronisme du décret de 1889 témoigne sans doute du fait que la législation des marques et par delà leur protection n'a jamais été un besoin pressant se fondant sur une rationalité 6 propre au système juridique tunisien ou répondant aux aspirations ou à la pression des opérateurs économiques tunisiens.

Le décret fût abrogé suite à l'avènement de la nouvelle législation tunisienne des marques, c'est-à-dire la loi n°36-2001 du 17 avril 2001.

1 Information fournie par l'I.NNORPI. La Convention de Paris n'a été rendue applicable en Tunisie que cinquante ans plus tard en vertu du décret beylical du 2 janvier 1940 publié au Journal Officiel Tunisien (JOT) du 14 mars 1940.

2 Publié au Journal Officiel Tunisien du 6 juin 1889, p. 167.

3 Dans une large mesure, la protection des marques par le décret du 3 juin 1889 décret s'analyse comme la mise en forme juridique de la domination politique française exercée sur le territoire tunisien. Les marques, à l'époque, revenaient dans leur quasi-totalité aux entreprises et aux colonisateurs français, la protection de la marque alors ne pouvait que soutenir et garantir leurs intérêts et investissements.

4 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. n°865. p. 481.

5 Ibid. P. 482.

6 Appliquée aux règles juridiques elles-mêmes, la rationalité se présente comme un « ordre structuré dont les éléments ne sont pas liés au hasard ou arbitrairement qui de plus est toujours censé incarner de façon intrinsèque ou du moins pouvoir véhiculer des valeurs positives et qui est considéré comme propre à (ou prôné comme souhaitable pour) la conduite des hommes à certains égards, ou qui, à tout le moins, relève de données objectives déterminantes pour rendre possible une telle conduite ». Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, 2ème édition, L.G.D.J 1993. p. 504.

Comme son objet l'indique, la loi n°36-20011 est « relative à la protection des marques de fabrique, de commerce et de services », la protection de la marque semble donc a priori occuper une place de choix au sein de cette loi.

La loi n°36-2001 a, dans une large mesure,2 vu le jour dans le dessin d'harmoniser le droit tunisien des marques avec les engagements internationaux de la Tunisie en la matière.

Ayant adhéré à la convention du 15 avril 1994 portant création de l'Organisation Mondiale du Commerce, la Tunisie s'est engagée 3 à se doter d'une législation relative aux marques en harmonie avec le standard international conçu par une annexe de cette convention et dénommée « Accord sur les « Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce » »4 désigné aussi par l'abréviation : Accord sur les ADPIC.

Cet accord prévoyait une protection minimale à respecter par les Etats signataires concernant les droits de propriété intellectuelle, il s'est inscrit, en outre, dans la continuité de la Convention d'Union de Paris tout en innovant sur certains sujets.

A son tour, la loi n°36-2001 s'est conformée aux standards internationaux en la matière tout en assurant, théoriquement, une protection relativement satisfaisante des droits du propriétaire de la marque. A ce stade, l'efficacité 5 de cette loi ne peut être appréciée que d'un point de vue statique ou textuel, le court laps de temps séparant cette étude de sa mise en oeuvre ne permet certainement pas d'apprécier, à sa juste valeur, son effectivité 6 et son adéquation aux fins de protection de la marque qu'elle poursuit.

D'après l'intitulé même de la loi n°36-2001, le législateur tunisien admet trois sortes de marques à savoir la marque de fabrique, de commerce et de services.7

1 Publiée au JORT n°31 du 17 avril 2001. p. 834.

2 Cette loi tend indirectement à encourager l'investissement étranger, la protection des droits des investisseurs sur leurs droits de propriété intellectuelle, et notamment les droits sur la marque, les incite, ne serait-ce que théoriquement, à s'implanter en Tunisie. Voir en ce sens, les travaux préparatoires relatifs à cette loi, discussions parlementaires du 19 mars 2001, n°29. p. 1881.

3 La ratification par la Tunisie des accords de l'Uruguay Round est intervenue par le biais de la loi n°95-6 du 23 janvier 1995. JORT n°9 du 31 janvier 1995.

4 Une prise de conscience relative à la protection du commerce international légitime face à la nouvelle réalité de la contrefaçon dans le monde s'est manifestée après les négociations entamées durant le TOKYO ROUND sous l'égide de l'accord du GATT, ce regain d'intérêt pour les droits de propriété intellectuelle a fini par les mettre à l'ordre du jour des négociations de l'URUGUAY ROUND depuis 1986.

Suite à la fermeté de la position des pays industrialisés et singulièrement les Etats Unis d'Amérique, l'accord sur les ADPIC a vu le jour dans le contexte de la création de l'Organisation Mondiale du Commerce à Marrakech en 1994. L'ADPIC a vu le jour en droit comparé et en droit international des marques afin de contrecarrer la prospérité considérable qu'à connu le commerce de contrefaçon depuis les années 1980. il a pour finalité de créer une sorte de standard international en matière de protection des droits de propriété intellectuelle et notamment le droit sur la marque. L'accord ADPIC contribuait, en outre, à l'élimination les barrières non tarifaires qui entravent le développement du commerce international légitime.

La rationalité derrière l'accord ADPIC dépasse le cadre strict de la protection du droit sur la marque, c'est en effet une mesure qui se propose indiscutablement d'assainir le commerce international légitime entravé depuis les années 1980 par la montée incessante du commerce de contrefaçon. Concernant l'accord ADPIC, voir la thèse de M. ZHANG (SH) : « De l'OMPI au GATT » LITEC 1994.

5 L'efficacité s'entend du « mode d'appréciation des conséquences des normes juridiques et de leur adéquation aux fins qu'elles visent » Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, 2ème édition L.G.D.J, 1993, p. 219.

6 On entend par effectivité, le « degré de réalisation, dans les pratiques sociales, des règles énoncées par le droit » Ibid. p 217.

7 La marque de services est celle qui accompagne matériellement un service rendu par un commerçant.

Bien entendu, ces marques sont soumises à un régime juridique unitaire tant sur le plan de leur création que sur celui de leur protection. Quelle que soit sa dénomination, la marque est, au titre de l'article 2 de la loi n°36-2001, « un signe visible permettant de distinguer les produits offerts à la vente ou les services rendus par une personne physique ou morale. »

A la marque individuelle s'ajoute la marque collective. Au sens de l'article 66 de la loi n°36- 2001, une marque est dite collective « lorsqu'elle peut être exploitée par toute personne respectant un règlement d'usage établi par le titulaire de l'enregistrement ». Elle ne se distingue, par ailleurs, en rien des autres marques dans la mesure où l'article 67 la soumet au régime général de la marque au sens de la loi n°36-2001.

La loi n°36-2001 du 17 avril 2001 n'a pas révolutionné 1 catégoriquement le droit tunisien des marques, la jurisprudence a, relativement, su combler l'avarice du décret du 3 juin 1889 sur certaines questions tel que les conditions de validité de la marque.

Dès sa première consécration en droit positif tunisien par le biais de l'article 2 du décret du 3 juin 1889, le droit d'user, d'en jouir et d'en disposer d'une marque était clairement reconnu comme un droit de propriété sur le signe constitutif de la marque.

Cette conception du droit sur la marque n'a pas changé dans la loi n°36-200 1 qui dispose dans son article 21 que « l'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits qu'il a désignés lors du dépôt ».

Le législateur tunisien est clair en ce sens, il consacre la notion de propriété et non pas celle d'un droit exclusif ou privatif dans l'absolu.

Comparée au décret de 1889, la loi du 17 avril 2001 a largement renforcé la protection des droits du propriétaire de la marque, l'illustration en est l'aggravation longtemps attendue des sanctions des atteintes aux droits sur la marque, la conversion des droits exclusifs du propriétaire de la marque en interdictions à l'égard des tiers, la mise en place à coté de la saisie-contrefaçon d'une procédure de saisie en douane de marchandises soupçonnées de porter une marque contrefaite.

A ce stade, une question se pose concernant les raisons de la protection de la marque comme en témoigne l'objet de la loi n°36-2001.

Le producteur fabrique un produit, le consommateur achète une marque. La marque devient de plus en plus un contrat de confiance, un raccourci entre le commerçant et le consommateur, c'est un véritable avantage concurrentiel.

1 Cela dit, sans bouleverser la jurisprudence qui lui est antérieure, la loi n°36-2001 a innové à plusieurs titres, on peut souligner en ce sens la reconnaissance des marques sonores ainsi que de la marque de services, la détermination des conditions de validité de la marque, la consécration de l'enregistrement comme seul et unique mode initial d'acquisition de la propriété sur la marque, l'aménagement d'une procédure d'opposition à l'encontre d'un dépôt de marque portant atteinte à des droits antérieurs, la possibilité de se pourvoir devant le juge contre les décisions du directeur de l'organisme chargé de l'enregistrement des marques, l'énumération des actes que le propriétaire est en mesure d'interdire aux tiers, l'obligation mise à la charge du propriétaire, sous peine de déchéance, d'exploiter sérieusement la marque et de veiller à ce qu'elle ne devienne pas trompeuse ou usuelle.

Par effet d'osmose, la marque exerce sur le consommateur un pouvoir considérable créateur d'une accoutumance stupéfiante qui est allée parfois jusqu'à pousser les commerçants et les hypermarchés à refouler la puissante image de marque de certaines marques en lançant des « produits libres »1 qui libèrent le produit de la marque du fabricant pour ne laisser dans l'esprit du consommateur que le souvenir de la marque de commerce du distributeur.

C'est le nom accolé sur le produit qui est créateur de plus-value et non pas le produit en lui- même. Le produit est muet, la marque lui donne un sens. Certains ont même estimé qu'« à défaut d'âme, les objets ont des marques. »2

La marque « est un potentiel de ventes futures déposé dans le subconscient de milliers d'individus »,3 elle capitalise en elle toute l'image de l'entreprise, elle peut aller jusqu'à devenir son bien le plus valeureux.

La familiarité rassurante de la marque repousse l'anxiété et l'indécision du consommateur lors de l'achat du produit. L'utilisation d'une marque peut aller jusqu'à marquer l'appartenance de celui qui l'emploi à une classe sociale bien déterminée, il arrive même que le consommateur soit hanté par le désir d'acquérir un produit seulement en raison de la marque qu'il porte et sans qu'il ne lui soit nécessaire de se procurer ce produit marqué.

Dans les économies modernes, la marque est perçue comme l'une des plus valeureuses composantes du patrimoine intellectuel de l'entreprise, car il lui revient dans une large mesure de rallier la clientèle autour de l'entreprise qui l'emploi.

Ainsi, l'usurpation des droits sur la marque semble être l'une des plus dangereuses atteintes qui peuvent être occasionnées à une entreprise, son accaparement par un concurrent fausse la loyauté de la concurrence et déjoue par la même la confiance présumée dans la poursuite des transactions commerciales.

Par ailleurs, le droit sur la marque s'analyse comme un droit de propriété caractérisé par sa nature exclusive impliquant une domination sur la chose objet du droit, en l'occurrence le signe constitutif de la marque. Le non respect des droits qu'à une personne physique ou morale sur sa marque est érigée classiquement en une atteinte constitutive d'un acte de contrefaçon de marque qui, selon l'article 44 de la loi n°36-2001, « engage la responsabilité civile et pénale de son auteur ».

Le même article considère que « toute atteinte aux droits du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon ». Le droit privatif sur la marque suppose l'interdiction de l'usage dans le commerce du signe constitutif de la marque dans un même secteur d'activité, ainsi, la concurrence sera légalement prohibée chaque fois qu'un concurrent tente de reprendre le signe appartenant à autrui et servant pour le ralliement de la clientèle. La contrefaçon naît du chef même de la violation de cette interdiction.

1 Carrefour France a fait recours à cette pratique depuis 1976, il a été suivi par Euromarché qui commercialisait des « produits orange » pour lesquels tout lien direct entre le producteur et le consommateur est rompu.

2 De l'Écotais (Y) : « La Seccotine est irremplaçable » Editions Plon 1998. Cité par POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. P. 513.

3 Pierre Herbin, Vendre, avril 1961. cité par LELOUP (J-M) : « La franchise, droit et pratique » 3ème édition. Editions Delmas 2000. N°326, p. 46.

Etant un délit spécifique qui a pour objet les droits sur la marque, la contrefaçon de marque se présente comme une atteinte singulière qui se distingue de n'importe quelle atteinte dont une marque pourrait faire l'objet.

Sans doute, c'est l'unification et à travers elle l'identification de la notion de contrefaçon de marque qui est la plus marquante des nouveautés apportées par la loi n°36-200 1 et plus précisément son article 44.

Une fois saisi par le droit, l'acte 1 de contrefaçon de marque, à l'image de tout fait de l'homme, devient l'objet possible d'une connaissance juridique. Ayant un régime juridique propre, l'acte de contrefaçon est parfaitement susceptible d'identification.

La condamnation de l'acte de contrefaçon par le droit des marques repose sur le fait qu'il constitue une atteinte aux droits exceptionnels reconnus par cette législation dérogatoire qui chasse le signe constitutif de la marque déposée du domaine public dès lors, le principe de la libre concurrence cessera d'être applicable.

L'identification 2 de l'acte de contrefaçon abouti à ranger ce type d'atteinte au droit sur la marque dans le régime juridique qui lui est propre. C'est donc en terme de spécificité que se défini l'acte de contrefaçon car bien qu'il constitue une atteinte à la propriété sur la marque, il se distingue des autres usurpations dont la marque pourrait faire l'objet. .

Le voisinage de la contrefaçon de marque est incontestablement constitué par l'institution de la concurrence déloyale 3 qui se définie selon l'article 10 Bis de la Convention d'Union de Paris comme « tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale ». Sise à l'article 92 C.O.C, la concurrence déloyale est approchée analytiquement par les rédacteurs du code à travers l'énumération indicative de quelques agissements proscrits qui seraient constitutifs de concurrence déloyale.

En prévoyant spécifiquement des dispositions relatives aux actes de concurrence déloyale, le législateur tunisien permet la sanction de ces actes a priori, alors qu'en droit français, compte tenu de l'absence d'un texte spécial, la jurisprudence ne peut que qualifier ces actes de déloyaux qu'une fois saisie par celui qui prétend en être la victime, et ce sur la base du droit commun de la responsabilité civile pour faute, en l'occurrence, les articles 1382 et 1383 du code civil français relatifs à la responsabilité civile du fait personnel.

Le premier cas cité par l'article 92 est celui du « fait d'user d'un nom ou d'une marque à peu près similaire à ceux appartenant légalement à une maison ou fabrique déjà connue, ou à une localité ayant une réputation collective, de manière à induire le public en erreur sur l'individualité du fabricant et de la provenance du produit. »

1 On entend par acte, la « manifestation de volonté ayant des conséquences juridiques. » Dictionnaire encyclopédique universel, éditions George Naef. Genève 1993. p.1 5.

2 L'identification « désigne l'acte d'esprit par lequel une identité se trouve ou constaté ou institué entre deux réalités. [..] à partir de ses traits distinctifs, confrontés avec une nomenclature scientifique » AUROUX (S) ( sous la dir.) : « Encyclopédie Philosophique Universelle » Tome II, Les notions philosophiques. PUF 1990. p. 1207.

3 Sur l'ensemble des arguments motivant la distinction entre la contrefaçon et la concurrence déloyale, voir la remarquable thèse de M. PASSA (J) : « Contrefaçon et concurrence déloyale » LITEC, 1997. p. 41 et sui.

D'emblée, on peut estimer que l'atteinte constitutive de contrefaçon est par la même attentatoire à la règle de la loyauté de la concurrence car l'usurpation dans ce cas n'aura pour principal effet que le détournement de la clientèle ralliée autour de l'entreprise qui utilise la marque en question.

Le principe de la libre concurrence implique la possibilité d'entreprendre une activité commerciale de son choix tout en utilisant des signes de ralliement de clientèle. Lors de ce choix, il ne faut pas que la liberté du choix du signe en question déborde sur l'accomplissement de pratiques déloyales en vue de conquérir la clientèle.

L'obtention d'un avantage concurrentiel indu et acquis par des procédés condamnables mettra celui qui en est le bénéficiaire dans une position favorable par rapport à ses concurrents sans que cet avantage soit le résultat d'un effort, d'un investissement ou d'une habilité professionnelle.

Dans cette optique, si l'acte de contrefaçon porte violation à un droit privatif sur une marque enregistrée, valablement constituée et parfaitement opposable aux tiers, l'auteur d'un acte de concurrence déloyale, lui, n'a pas pour objectif de contester un droit sur la marque, il se limite juste à abuser de la liberté de la concurrence en mettant en oeuvre des moyens ou des procédés attentatoires aux règles de l'honnêteté et de la loyauté tel que la recherche de la confusion, l'usurpation des signes de ralliement de clientèle utilisés par un concurrent, les fausses allégations, le dénigrement... etc.

L'acte de concurrence déloyale ne transgresse pas un droit privatif qui exclut temporairement la liberté de la concurrence, mais il contredit un devoir légal de loyauté dans l'exercice de cette liberté. La protection ne concerne donc plus la propriété, le débat se déplace ainsi de la sphère du droit des biens vers le terrain du droit des obligations.

L'acte de concurrence déloyale découle ainsi d'un excès ou d'un abus dans l'exercice de la liberté de la concurrence. En effet, la liberté de la concurrence étant le principe, il s'ensuit qu'un commerçant n'est jamais en faute toutes les fois où il use de cette liberté, le fait qu'il cherche à conquérir une clientèle est de tout ce qu'il y a de légitime, toutefois, pour arriver à cette fin, il faut observer les règles de la confiance et de l'honnêteté dans le domaine des transactions commerciales.

Bien entendu, « Un agent économique ne serait se plaindre de ce qu'un concurrent cherche à capter sa clientèle, puisqu'il n'a sur celle-ci aucun droit privatif [....] Simplement, si on doit admettre la licéité du « préjudice concurrentiel » ainsi entendu, on ne saurait tolérer que des actes déloyaux soient à l'origine du transfère de clientèle de l'un des compétiteurs vers l'autre ; la recherche de clientèle « d'autrui » est licite, à condition « de respecter les usages loyaux du commerce ».1

L'exclusivité qui va de pair avec le droit privatif du propriétaire de la marque est créatrice d'une exception au principe de la libre concurrence, alors que l'acte de concurrence déloyale n'a pour autre finalité que de porter atteinte au principe même de la liberté de la concurrence à travers l'excès qu'il renferme et qui se fonde sur l'usage de manoeuvres ou pratiques qui contredisent la loyauté ou l'honnêteté présumée être le pilier de l'éthique de tout commerçant.

Ainsi, ce n'est que le moyen déloyal utilisé lors de la conquête de la clientèle qui se trouve prohibé car, étant fugitive et non susceptible d'appropriation définitive ou même provisoire, « la clientèle est à celui qui sait la conquérir et la prendre »1 dans les règles de loyauté et d'honnêteté de l'art commercial.

Il est permis donc de voir en l'acte de contrefaçon une manifestation éclatante de la déloyauté, néanmoins et au-delà de cette connexité évidente résultant de sa perception dichotomique, l'acte de contrefaçon se présente intrinsèquement et avant tout comme une violation d'un droit privatif et non pas une violation d'une certaine éthique ou déontologie professionnelle dont le respect est inévitable, à peine de sanction, pour chaque commerçant.

A vrai dire, compte tenu sa nature de fait juridique, de sa déroutante contingence à des institutions voisines et du mandat reconnu au juge afin de l'identifier, l'identification de l'acte de contrefaçon ne peut accéder en définitive à la certitude.

L'identification de l'acte de contrefaçon présente ainsi une complexité plus qu'évidente que ce soit d'un point de vue de la qualification juridique ou de la constatation dans les faits.

En effet, il est certains facteurs de complexité qui rendent l'identification de l'acte de contrefaçon de marque une entreprise délicate, il s'agit, en effet, de la nature factuelle de la contrefaçon de marque qui ajoute à l'entreprise de son identification une complexité complémentaire. En raison de sa nature de fait juridique, l'identification de cet acte impose une sorte de délégation de pouvoir au profit du juge à qui revient en définitive l'appréciation de l'existence de la contrefaçon.

Les actes constitutifs de contrefaçon présentent, par ailleurs, un fort degré de parenté quelque fois déroutant. En effet, il arrive parfois que l'on puisse qualifier un seul acte matériel de contrefaçon comme impliquant un délit d'usage, de reproduction, d'usage d'une marque reproduite ainsi qu'un cas d'apposition.

Un facteur de complication semble aussi peser sur l'appréciation de la contrefaçon, c'est celui de la bonne foi. En effet, exception faite des actes interdits dans l'article 52, bien qu'il soit établi que l'acte de contrefaçon est répréhensible indifféremment de la bonne foi de son auteur, il semble que le juge tunisien ne soit pas totalement familiarisé avec le paradigme de la responsabilité objective. Certaines décisions cherchent à motiver la condamnation d'un acte de contrefaçon par une appréciation plus ou moins subjective du comportement du contrefacteur.

Un autre facteur semble aussi compter pour beaucoup dans la démarche du juge, c'est celui de la technicité du droit des marques ainsi que son caractère un peu abstrait. Le juge tunisien n'est pas encore familiarisé au droit des marques, il lui arrive de confondre marque et produit.2

L'acte de contrefaçon présente aussi un caractère multi-céphal, il constitue une atteinte à un droit privatif préexistant qui a pour fonction d'interdire la concurrence, il a aussi un caractère foncièrement déloyal car il porte forcément atteinte à la règle de loyauté dans le commerce, il touche enfin le consommateur sa victime perpétuelle.

1 ROUBIER (P) : «Théorie générale de l'action en concurrence déloyale » Revue de Droit Commercial 1948. I. p. 554.

2 Cass-Civ, n°18698 du 4 décembre 1989. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 149. voir aussi, TPI, Sfax, Jugement n°14808 du 13 février 1989. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 144.

Parmi les facteurs de complication, on compte la subtilité de la distinction de l'acte de contrefaçon par rapport aux autres atteintes à la marque et qui ne rentre pas dans le champ d'application de la loi des marques.

Néanmoins et sans aller jusqu'à le rendre non identifiable, il semble judicieux de suivre la démarche de l'article 44 de la loi n°36-2001, lequel n'ayant pour objet que de tracer les contours de l'acte de contrefaçon de marque.

Selon l'article 44 de la loi n°36-2001, « Toute atteinte portée aux droits du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile et pénale de son auteur.

Constitue une atteinte aux droits sur la marque, la violation des dispositions prévues aux articles 22 et 23 de la présente loi ».

Au-delà de leur clarté apparente, le fait de prétendre à l'automatisme dans la mise en oeuvre des dispositions de la loi n°36-2001 relatives à l'acte de contrefaçon de marque serait tout à fait illusoire en raison de leur indéterminisme évident. Ceci est vrai tant pour celles qui définissent l'acte de contrefaçon que pour celles qui spécifient ses manifestations possibles. Il est permis de voir ainsi dans ce dispositif légal une coquille vide 1 dont le contenu sera déterminé par le juge ou d'une manière générale par l'interprète..

L'article 44 parle d'une atteinte dans l'absolu aux droits du propriétaire. Temporairement, l'acte de contrefaçon s'identifie à une atteinte aux droits sur la marque, c'est en quelque sorte une approche synthétique de l'acte en soi et à l'état statique, c'est en quelque sorte une qualification de l'acte avant toute expérience, matérialisation ou extériorisation.

L'usage des définitions dans la loi cherche à circonscrire la discrétionnalité interprétative ; celle-ci ne peut toutefois jamais être éliminée, car même les énoncés de définition doivent de toute évidence être interprétées à leur tour.

Cette démarche trouve un écho dans l'article 44 dans ses deux alinéas. En effet, la contrefaçon est une atteinte aux droits du propriétaire de la marque, l'atteinte en question est définie à son tour comme étant la violation de dispositions spécifiques de la loi n°36-2001. Ces dispositions sont relatives aux actes que le propriétaire serait admis à interdire aux tiers.

En consultant les dispositions des articles 22 et 23 de la loi n°36-2001 auxquelles renvoie l'article 44 alinéa 2, on s'aperçoit aussitôt des limites de la définition des catégories d'actes par lesquels se manifeste l'atteinte constitutive de contrefaçon.

Il est certain que la définition des ces actes, en l'occurrence la reproduction, l'usage, l'apposition, la suppression, l'imitation, etc., n'est ni possible à titre définitif ni souhaitable d'un point de vue pratique compte tenu du caractère contraignant de la définition en droit. Leur définition circonstanciée n'ira pas sans tomber dans une circularité de la définition.

1 Rouvillois (F) : « Le droit » GF Flammarion, 1999. p. 219. En considérant le droit et plus précisément la règle juridique comme une coquille vide, une école anglo-saxonne de l'interprétation en droit, en l'occurrence celle du réalisme juridique américain, a pour principal souci de reconnaître au juge la possibilité, voire le nécessaire pouvoir, de remodeler, préciser et affiner le droit positif pour l'adapter aux changements incessants et aux situations de faits toujours différentes.

L'identification à ce stade rend compte du qualificatif d'atteinte, cette atteinte, qu'est la contrefaçon, renferme des spécificités qui découlent par ricochet de la spécificité de l'objet de l'atteinte lui-même, en l'occurrence, le droit de propriété ayant pour objet une marque.

L'article 44 parle de toute atteinte, cette ambiguïté momentanée n'est que fonction de l'objet même de l'alinéa 1 de l'article 44, car c'est au concept même de contrefaçon que s'intéresse cet alinéa. Pour donner une substance ou un contenu suffisamment précis à l'acte de contrefaçon de marque, l'article 44 al. 2 invite l'identificateur à consulter les articles 22 et 23 de la même loi afin de déterminer les actes dont l'exercice non autorisé par un tiers serait constitutif d'un acte de contrefaçon.

La consommation de l'un de ces actes interdits aux tiers sauf autorisation du propriétaire tel que la reproduction de la marque, son usage, son imitation, son apposition, etc, peut être perçue comme la mise en oeuvre de l'atteinte au droit sur la marque, c'est à travers ces actes, qui supposent la dynamique, que l'atteinte s'extériorise et devient sujette à détermination.

En dévoilant l'économie générale de l'acte de contrefaçon, l'article 44 reflète en vertu de l'articulation de ses deux alinéas « la technique du développement en parallèle »,1 il avance le principe ou la définition puis sa mise en oeuvre ou ses cas particuliers.

La démarche poursuivie par le législateur tunisien lors de l'identification de l'acte de contrefaçon de marque répond à la logique de l'entonnoir, il procède du général, en considérant que « toute atteinte aux droits du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon », pour finir au particulier, c'est-à-dire la spécification de la quintessence même de l'acte en disposant que « Constitue une atteinte aux droits sur la marque, la violation des dispositions prévues aux articles 22 et 23 de la présente loi ». Ainsi, on part de la règle à son application.

La structure de l'article 44, pierre angulaire de l'identification de l'acte de contrefaçon, le fait paraître comme la réponse à une question posée par le destinataire de la règle qu'il énonce.

Le recours à l'affirmatif « Tout » exprime clairement la totalité globalement sans l'individualiser. Placée en tête de l'article, le terme marque la généralité et la met en pleine évidence.

L'acte de contrefaçon s'identifie à une atteinte qui se distingue par ses spécificités de n'importe quelle atteinte perpétrée à la marque et c'est là où l'article 44 alinéa 1 devient profitable dans la mesure où il trace les termes de l'économie générale de l'acte de contrefaçon, bien entendu l'intérêt de cet article se résume à l'approche synthétique qu'il renferme, sa généralité ne l'empêche pas d'être décisif lors de l'identification une fois qu'il est décortiqué.

La qualification de la contrefaçon comme atteinte est symptomatique car d'emblée la loi place le débat sur le terrain de l'illégalité, la spécificité de cette atteinte découle incontestablement des propriétés de l'objet auquel elle s'attaque, en l'occurrence, le droit du propriétaire de la marque.

C'est de l'interdépendance des rapports entre le droit sur la marque et l'atteinte qui lui est perpétrée que se dégage les traits caractéristiques propres à identifier l'acte de contrefaçon de marque. Bien qu'elle semble tautologique, la détermination des spécificités de la marque et du droit dont elle fait l'objet s'impose incontestablement à l'identificateur de l'acte de contrefaçon.

1 CORNU (G) : « Linguistique juridique » 2ème éd, Montchrestien 2000. p. 302.

En effet, si l'acte de contrefaçon devait être un livre, la mise en exergue de la quintessence du droit de marque auquel il porte atteinte en sera la préface. La définition légale de l'acte de contrefaçon est en elle-même sujette à décortication car, compte tenu de sa nature de fait juridique, l'acte de contrefaçon échappe d'emblée à toute tentative de délimitation définitive concernant ses manifestations possibles.

De la démarche poursuivie par le législateur tunisien, se dégage un constat qui se résume à considérer que l'identification de l'acte de contrefaçon est réalisable en deux temps ou à deux vitesses allant de l'unicité conceptuelle de l'acte vers une diversité factuelle et catégorielle de ses manifestations.

Ainsi, se pose la question de savoir en quoi consiste la spécificité de l'identification de l'acte de contrefaçon de marque ?

Notre approche sera axée sur une étude structurale de l'article 44 siège de la philosophie générale de l'acte de contrefaçon et point de départ de l'entreprise de son identification. En effet, en le présentant d'une manière synthétique, l'alinéa premier de l'article 44 dévoile l'infrastructure de l'acte de contrefaçon qui n'est autre qu'une atteinte aux droits du propriétaire de la marque.

Quant à l'alinéa deuxième du même article, tout en poursuivant une approche analytique, il se prononce in concreto sur la superstructure ou encore la phénoménologie de l'acte de contrefaçon de marque et ce, en renvoyant aux actes interdits aux tiers dans les articles 22 et 23 de la loi n°36- 2001 du 17 avril 2001..

Ainsi et en vue d'arriver à une satisfaisante identification de l'acte de contrefaçon de marque, ne voilà t-il pas possible de joindre l'utile à l'agréable en associant à l'étude analytique des contrefaçons, dans leur riche palette, la conceptualisation de l'acte de contrefaçon dans le dessin de tracer, partout où il atterrit, son fil conducteur ou son droit commun.

Titre premier : L'approche synthétique de l'acte de

contrefaçon :

une atteinte au droit de propriété sur la marque

Titre deuxième : Les manifestations de l'acte de

Contrefaçon

TITRE PREMIER :

L'approche synthétique de l'acte de

contrefaçon : une atteinte au droit de propriété

sur la marque

Alors qu'il était conçu d'une manière purement analytique dans les articles 15, 16 et 17 du décret du 3 juin 1889, l'acte de contrefaçon de marque s'identifie aujourd'hui, au sens de l'article 44 alinéa 1 de la loi n°36-2001, à l'idée commune de « toute atteinte portée aux droits du propriétaire de la marque».

L'unification du concept de l'acte de contrefaçon est une nouveauté apportée par la loi n°36- 2001, en ce sens, l'article 44 al. 1 de la dite loi se propose d'exposer en termes clairs l'économie générale de l'identification de l'acte de contrefaçon.

Partant de l'idée selon laquelle l'article 44 de la loi n°36-2001 se présente comme la pierre angulaire de l'identification de l'acte de contrefaçon, on se trouvera d'emblée amené à penser l'acte de contrefaçon dans le paradigme de la spécificité. Une spécificité qui découle fondamentalement de la spécificité du droit auquel il porte atteinte, en l'occurrence, le droit de propriété sur la marque. C'est en effet, une atteinte spécifique à un droit spécial.

L'apport théorique de l'approche synthétique du concept de contrefaçon aura donc pour effet, a priori, de le distinguer en fonction de ces spécificités telles qu'elles se dégagent de l'article 44 al. 1 qui dispose que « Toute atteinte portée aux droits du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile et pénale de son auteur ».

Sur la base de cet alinéa, l'acte de contrefaçon ne peut intervenir sans la réunion de deux conditions cumulatives intimement liées à savoir un droit exclusif sur la marque et une atteinte qui lui est perpétrée. Ces deux conditions résument pertinemment l'économie générale de l'acte de contrefaçon et dévoilent sommairement ses caractéristiques propres.

D'un point de vue chronologique, on ne peut envisager de parler de la contrefaçon de marque sans l'existence préalable d'une marque. La marque comme tout bien incorporel tire son existence de la loi 1 et par une décision de la loi. Elle consiste, au sens de l'article 2 de la loi n°36-2001, en un signe visible servant à distinguer, dans le commerce, les produits et services d'une personne physique ou morale par rapport à leur semblable.

Etant un bien immatériel, la marque s'acquiert exclusivement et initialement par un mode spécial qu'est l'enregistrement. Ce dernier confère à son titulaire, conformément à l'article 21 de la loi n°36-2001, un véritable droit de propriété sur le signe qui la constitue dans son application aux produits et services désignés dans l'enregistrement.

1 CARBONNIER (J) : Droit civil, Les biens. 12ème éd, Thémis, PUF 1988. N°19 et 83. p. 87 et 373.

Ceci étant, l'efficacité du droit de propriété sur la marque se trouve subordonnée à l'observation de conditions légales strictes qui tiennent à sa validité lors de sa création et à son opposabilité lors de son exploitation.

En conséquence, une marque nulle ou dont les droits qui s'y rattachent sont inopposables n'est en rien une marque, dès lors, son propriétaire ne pourra plus bénéficier de la protection spéciale que lui garantie la loi des marques. En effet, la loi n°36-2001 ne protège la marque que si elle répond à ses conditions rigoureuses relatives à la validité et l'opposabilité du droit dont elle fait l'objet.

Il s'ensuit que si l'une de ces conditions fait défaut dans une marque, tout l'édifice des dispositions échafaudées sur la loi des marques cessera de lui être applicable, ceci aura donc pour conséquence de déplacer le débat en dehors de la loi n°36-200 1 et c'est ainsi qu'un changement de paradigme s'opère.

En effet, étant une atteinte aux droits du propriétaire de la marque, l'acte de contrefaçon est érigé en délit pénal selon les articles 51 et 44 al. 2 de la loi n°36-2001. Ceci dit, on ne peut qualifier une atteinte, aux droits sur la marque, de contrefaçon qu'en application de la loi n°36- 2001, or si le droit sur la marque n'est pas valablement constitué ou utilement opposable, la loi des marques ne lui sera plus applicable, dès lors et par ricochet, il n'y aura plus lieu d'identifier une quelconque atteinte comme constitutive d'acte de contrefaçon.

Ainsi, se dévoile la première spécificité de l'atteinte constitutive de l'acte de contrefaçon. Une spécificité directement rattachée aux caractéristiques propres de son objet, en l'occurrence, le droit de propriété sur la marque. ( Chapitre 1 )

A l'image de toute propriété incorporelle, la marque évoque le droit de propriété par son opposabilité quasiment absolue du moment qu `elle peut être défendue contre quiconque y porte atteinte. Par ailleurs, le droit de propriété s'analyse comme un rapport de droit entre son titulaire et la chose ou le bien objet du droit, ce rapport implique par sa nature certaines prérogatives dont le bénéfice revient exclusivement au propriétaire.

En raison de sa nature exclusive, le droit de propriété sur la marque se trouve naturellement assorti, à l'égard des tiers, d'une interdiction formelle de porter atteinte aux droits privatifs accordés au propriétaire. C'est précisément de la violation de ces droits que découle l'atteinte constitutive de l'acte de contrefaçon au sens de l'article 44 al. 1 de la loi n°36-2001.

Toutefois, si l'acte de contrefaçon résulte d'une atteinte aux droits du propriétaire de la marque, il convient de préciser qu'il est des cas où la qualification d'atteinte ne pourra être retenue soit parce que le propriétaire autorise un tiers à exercer un quelconque droit sur la marque soit parce que la loi greffe le droit de propriété sur la marque de servitudes légales comparables à celles supportées par le propriétaire d'un bien immeuble conformément à l'article 165 C.D.R.

Pour qu'il y ait donc atteinte constitutive de contrefaçon, il faut que l'acte reproché au tiers soit intervenu en dehors d'une quelconque autorisation de nature à le rendre fondé en droit.

Dans cette optique, l'acte de contrefaçon se présente comme l'atteinte qui contredit, en dehors de toute autorisation, les droits du titulaire de la marque dans leur acception privative ou exclusive.

Par ailleurs, pour qu'il y ait atteinte à la propriété sur la marque, il faut que cette atteinte soit située dans les limites objectives des droits conférés par l'enregistrement. Ceci nous amènera nécessairement à délimiter le champ dans lequel les droits sur la marque s'exercent et se localisent.

En effet, la portée du droit de propriété sur la marque se trouve triplement délimitée. En premier lieu, la protection de ce droit est fonction de son objet spécifique et qui se limite en substance aux produits et services pour lesquels la marque a été enregistrée conformément à l'article 21 de la loi n°36-2001, c'est ce que la doctrine et la jurisprudence ont convenu à appeler le principe de la spécialité de la marque.

En deuxième lieu, à l'image de tout droit subjectif, le droit de propriété sur la marque n'a d'existence que dans les limites géographiques de l'ordre juridique au sein duquel il est crée et reconnu, il s'ensuit que l'acte de contrefaçon doit nécessairement se localiser dans cette aire géographique d'efficacité du droit sur la marque, c'est ce qu'on entend par le principe de la territorialité du droit des marques et plus généralement de l'ensemble des droits de propriété intellectuelle.1

En dernier lieu, compte tenu du caractère temporaire 2 des droits sur la marque et qui se limite à dix ans à compter de la date du dépôt, la conséquence en est que les droits sur la marque ne sont opposables aux tiers que de durant cette limite temporelle. Il s'ensuit que l'atteinte constitutive de contrefaçon ne peut exister et n'aura de sens que si elle intervient dans cette durée de protection légale.

C'est seulement dans sa localisation tridimensionnelle, entendue dans le sens de la spécialité, la territorialité et la temporalité des droits sur la marque, que l'acte de contrefaçon revêt un sens et une spécificité par rapport à n'importe quelle atteinte 3 perpétrée à la marque.

Ainsi, se dégage le deuxième volet de l'identification de l'acte de contrefaçon dans sa double spécificité qui tient à la violation de l'exclusivité des droits sur la marque d'une part et à sa localisation tridimensionnelle d'autre part. (Chapitre 2)

1 Voir en ce sens, BOUCHE (N) : « Le principe de territorialité de la propriété intellectuelle ». Collection Logiques Juridiques 2002.

2 La temporalité étant le principe, ceci n'empêche pas le propriétaire désireux de conserver ses droits sur la marque de renouveler indéfiniment son dépôt à l'expiration de la période de protection de base fixée à dix ans selon l'article 6 de la loi n°36-2001 du 17 avril 2001..

3 En dehors de la spécialité et des limites spatio-temporelles des droits sur la marque, la protection de la marque ne peut être obtenue que dans les conditions du droit commun de la responsabilité civile que ce soit sur le terrain de la concurrence déloyale au sens de l'article 92 C.O.C ou sur celui de la responsabilité civile pour faute au sens des articles 82 et 83 C.O.C.

Toutefois, la localisation de l'acte de contrefaçon au sens de la trilogie citée plus haut n'est jamais aussi facile ou aisée à opérer pour deux raisons. En premier lieu, on note que la frontière est parfois mince entre une atteinte constitutive de contrefaçon et atteinte constitutive d'un acte de concurrence déloyale. Cette subtilité s'explique par le caractère dichotomique de l'atteinte portée à la marque et qui peut représenter à la fois une atteinte aux droits privatifs sur la marque et une atteinte à la règle de loyauté de la concurrence dans le domaine économique. Sur la distinction entre contrefaçon et concurrence déloyale, voir : PASSA (J) : « Contrefaçon et concurrence déloyale » LITEC, 1997.

En deuxième lieu, l'acte de contrefaçon est naturellement une question de fait dont l'appréciation relève souverainement du pouvoir discrétionnaire des juges de fond, or nul besoin de rappeler que la conviction du juge là dessus est largement teintée par une subjectivité inhérente à toute appréciation. C'est ce qui fait de l'identification de l'acte de contrefaçon une entreprise d'une exceptionnelle complexité et d'une évidente incertitude.

Chapitre 1 : Le droit sur la marque :

objet spécifique de l'acte de contrefaçon

Présenté comme le pilier du libéralisme économique, le principe de la liberté de la concurrence constitue la règle d'or de l'activité économique aussi bien en droit tunisien1 qu'en droit comparé.

Dans ce contexte régi par la libre concurrence, le droit des marques s'analyse comme un droit spécial et dérogatoire. En effet, par sa nature même, le droit de propriété sur la marque confère à son titulaire un monopole exclusif d'exploitation sur le signe constitutif de la marque dans son application aux objets qu'il couvre.

Le caractère monopoliste des droits sur la marque rend évidemment le signe qui la constitue indisponible dans le commerce, des produits et services similaires, aussi bien à l'usage comme à l'appropriation. Dès lors, à défaut d'autorisation, il sera défendu à tout concurrent d'utiliser le même signe pour désigner des objets identiques ou similaires à ceux désignés par la dite marque.

Conscient de sa nature restrictive de la libre concurrence, le législateur a subordonné la protection de la marque dans la loi n°36-2001 à l'observation de plusieurs conditions qui tiennent à sa validité lors de sa naissance et à son opposabilité lors de son exploitation.2

L'inobservation de ces conditions déplace le débat en dehors du droit des marques qui ne s'applique qu'à une marque qui répond à ses exigences relatives au fond et à la forme.

Par conséquent, l'acte de contrefaçon, en tant qu'atteinte spécifique à un droit de marque, ne peut être envisagé que dans la mesure où la marque à laquelle il s'attaque est valablement constituée. Ainsi si le droit sur la marque ne satisfait pas aux conditions requises à sa protection en vertu de la loi n°36-2001, il ne saura bénéficier des dispositions de la dite loi, dès lors, il ne sera plus question de défendre ce droit sur la base du droit des marques.

Or l'on sait que l'acte de contrefaçon n'a de sens que dans la mesure où la loi des marques s'applique, car il est interdit et réprimé en tant que tel uniquement par cette loi. Il s'ensuit que toute atteinte au droit sur une marque nulle ou inopposable sera disqualifiée de contrefaçon, dès lors, un changement de paradigme s'imposera. Il sera alors question de qualifier cette atteinte, le cas échéant, de faute ou d'acte de concurrence déloyale au sens du droit commun de la responsabilité civile.

Ainsi, il apparaît clair que l'objet de l'acte de contrefaçon de marque est nécessairement un droit de propriété sur une marque, un droit qui répond aux conditions strictes requises à sa validité ( section 1) et son opposabilité une fois valablement constitué. (section 2)

1 Le principe de la liberté de la concurrence est consacré en droit tunisien par l'article 2 de la loi n°64-91 du 29 juillet 1991, relative à la concurrence et aux prix.

2 La subordination de la validité du droit sur la marque à l'observation de certaines conditions de fond, de forme et d'opposabilité n'est pas étrangère au droit tunisien des marques, car bien que le décret de 3 juin 1889 soit trop économe en ce sens, il convient de noter que la jurisprudence tunisienne a relativement comblé cette lacune tout en s'inspirant des principes généraux régissant la validité de la marque en droit français.

Section 1 : La validité du droit sur la marque

Le propriétaire désireux de voir sa marque protégée contre une atteinte constitutive de contrefaçon doit d'abord veiller à ce que son titre de propriété soit valable. En effet, une marque nulle ne saurait faire l'objet d'un acte de contrefaçon car celui-ci n'est qualifié comme tel que parce qu'il porte atteinte aux droits sur une marque valablement constituée.

La validité du droit sur la marque s'entend ici de sa nécessaire conformité aux prescriptions spécialement aménagées à cet effet par la loi n°36-2001 du 17 avril 2001. Il n'est pas sans intérêt de remarquer que cette loi édicte les conditions de validité de la marque dès son chapitre premier relatif aux « dispositions générales » et plus précisément à partir de son article deuxième, c'est en quelque sorte la charte du droit des marques tunisien ou en quelque sorte ses conditions spécifiques d'application.

Dans les articles 2, 3, 4 et 5 de la loi n°36-2001, le législateur prévoit pour la première fois en droit positif tunisien les conditions de validité de la marque de fabrique, de commerce et de services.1 Ces conditions concernent la validité de la marque quant au fond, elles tiennent essentiellement à la détermination du signe pouvant constituer une marque au sens de l'article 2, à la licéité de ce signe eu égard aux dispositions de l'article 4 et enfin au caractère distinctif du signe choisi comme marque au sens des articles 3 et 5 de la loi n°36-2001.

La marque qui ne satisfait pas à toutes ces conditions n'est en rien une marque, par conséquent, son titulaire ne pourra prétendre aucun droit privatif sur elle.

Une fois qu'il répond aux conditions de validité relatives au fond, le signe constitutif de la marque doit être enregistré auprès de l'Institut National de la Normalisation et de la Propriété Industrielle car « la propriété de la marque s'acquiert par l'enregistrement » selon la lettre de l'article 6. Ceci dit, nul ne peut revendiquer la propriété d'une marque qui n'a pas été enregistrée fût-elle valable au fond.

Ainsi, exception faite de la marque notoire au sens de l'article 5 (a), la marque non- enregistrée ne peut bénéficier de la protection accordée par la loi n°36-2001, dès lors, son exploitation par un tiers ne peut tomber sous le coup de la contrefaçon car elle ne fait pas l'objet d'un droit privatif de propriété. Etant le seul mode d'acquisition originaire des droits sur la marque, l'enregistrement reflète un formalisme témoignant de la rigueur du droit des marques.

Ainsi, on s'aperçoit que la création d'une marque de fabrique, de commerce ou de service est une opération complexe. En effet, cette complexité se manifeste dans la loi du 17 avril 2001 à deux stades différents, le premier concerne l'observation des conditions de validité du signe choisi comme marque (paragraphe 1), quant au second, il se réfère aux modalités de l'acquisition du droit de propriété sur la marque (paragraphe 2).

1 Le décret du 3 juin 1889 applicable aux marques de fabriques et de commerce ne prévoyait pas les conditions de la validité de la marque, il se limitait à exiger dans son article premier la condition de la distinctivité du signe choisi comme marque et la subordination de l'appropriation exclusive de la marque à son enregistrement dans son article 2.

Paragraphe 1 : Les conditions de validité du signe constitutif de la

marque

Au sens de l'article 2 alinéa.1 de la loi n°36-2001, le législateur tunisien entend par marque « un signe visible permettant de distinguer les produits offerts à la vente ou les services rendus par une personne physique ou morale ».

Cet article, comme d'ailleurs l'ensemble de la loi n°36-2001, est le fruit d'une greffe juridique 1 dans la mesure où il a été directement inspiré du code de la propriété intellectuelle français 2 et plus précisément son l'article 711-1.

La définition de la marque repose fondamentalement sur l'existence d'un signe visible et distinctif. Ce signe peut être choisi parmi les trois catégories de signe admis à constituer une marque au sens de l'article 2 (A). Une fois choisi parmi la liste indicative de l'article 2, le signe constitutif de marque doit nécessairement revêtir un caractère distinctif et licite au sens des articles 3, 4 et 5 de la loi n°36-2001 ( B ).

- A - Les divers signes susceptibles de constituer une marque :

L'article 2 al. 2 énonce, à titre indicatif, une liste de signes admis à constituer une marque, le caractère énonciatif de cette énumération découle évidemment de l'emploi de la formule « peuvent notamment constituer un tel signe ». A ce titre, l'article 2 rejoigne l'article premier du décret du 3 juin 1889 qui admet entre-autre comme signe constitutif de marque « tous autres signes servant à distinguer les produits d'une fabrique ou les objets d'un commerce».

Comparé à l'article premier du décret du 3 juin 1889, l'article 2 alinéa. 2 renferme une liste relativement exhaustive des signes admis à constituer une marque tel que :

« a - Les dénominations sous toutes les formes, telles que les mots, les assemblages de mots, les noms patronymiques, les noms géographiques, les pseudonymes, les lettres, les chiffres et les sigles,

b - Les signes figuratifs, tels que les dessins, les reliefs, les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant les services, les dispositions, les combinaisons ou les nuances de couleurs,

c - Les signes sonores, tels que les sons et les phrases musicales. »

1 On entend par greffe juridique la « technique de droit comparé consistant à introduire dans un système juridique un élément provenant d'un autre système juridique dans lequel il a démontré son utilité et son bon fonctionnement ». Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, 2ème édition, L.G.D.J 1993. p 273.

2 Le Code de la Propriété Intellectuelle français a été promulgué par la loi n° 92 - 597 du 1er juillet 1992. J.O du 3 juillet 1992, p. 8801.

Avant de procéder à une brève analyse des trois types de signes proposés par l'article 2, il est une précision qui mérite d'être signalée.

En effet, alors que çà était une chose impensable pour les rédacteurs du décret du 3 juin 1889, la loi n°36-2001 reconnaît la marque dite sonore. Désormais, en vertu de l'article 2 les sons ou les phrases musicales seront admis à constituer une marque valable. Malgré son caractère auditif, la condition de visibilité 1 exigée par l'article 2 ne fait défaut pas au signe sonore car il est parfaitement susceptible de représentation graphique.

Il est à noter que conformément à la tendance générale en droit comparé,2 le législateur tunisien n'admet pas les marques olfactives et les marques gustatives, ce rejet ne résulte pas d'une disposition expresse, cependant le défaut de visibilité doit pouvoir empêcher l'admission de tels signes comme marques.

S'agissant des signes proposés dans l'article 2, on peut les classer en trois types à savoir les signes constitutifs de marques nominales, les signes constitutifs de marques figuratives et ceux constitutifs de marques sonores.

-1- les signes nominaux :

Enumérés dans le titre (A) de l'article 2, les signes nominaux consistent en des termes que l'on peut écrire et prononcer, il importe peu que le signe soit fantaisiste ou porteur d'une signification. On compte parmi ce type de signes, le nom patronymique.

Etant un attribut de la personnalité, le nom patronymique a joué depuis la nuit des temps un rôle distinctif dans le commerce, cependant, ce rôle distinctif peut cesser de produire ses effets en cas d'homonymie.3 En ce sens, la confusion peut être dégagée à travers l'adjonction du prénom ou du lieu d'exploitation ou encore tout autre élément propre opérer une distinction nette.

De même, un pseudonyme peut constituer une marque. Il consiste, en fait, en « un nom supposé sous lequel une personne dissimule sa véritable identité dans l'exercice de ses activités publiques».4 Les règles applicables au nom patronymique semblent être valables aussi pour les pseudonymes à une exception près.5

Il peut s'agir aussi d'un mot, d'un ensemble de mots, de lettres, de chiffres ou de sigles. Il est à noter que le législateur tunisien admet ces signes sans exiger leur présentation sous une forme particulière pourvu qu'ils soient distinctifs. La porte est donc ouverte à la créativité humaine.

Enfin un signe peut être constitué d'un nom géographique. Le rattachement du signe à une aire géographique peut être fantaisiste, il peut aussi coïncider avec la réalité.

1 Selon l'article 15. 1 de l'accord ADPIC « les membres pourront exiger, comme condition de l'enregistrement, que les signes soient perceptibles visuellement ». Chaque Etat est donc libre d'exiger la visibilité comme condition.

2 Contrairement à cette tendance générale, une marque olfactive de fils à broder parfumés a été valablement admise à l'enregistrement aux Etats Unis d'Amérique comme marque ; Voir en ce sens CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : Droit de la propriété industrielle. 5ème éd. Dalloz Delta 1998. p. 505.

3 Face à un conflit entre un nom patronymique et une marque, la solution diffère selon qu'il s'agit d'appliquer l'article 5 ou 25 de la loi n°36-2001. voir infra. p. 58.

4 T.G.I, Paris, 4 juin 1987, PIBD 1987. III. 509, n°424.

5 A la différence du nom patronymique, le pseudonyme ne peut être opposé à une marque antérieure et identique car il ne bénéficie pas de la tolérance accordée au nom patronymique à cet effet par l'article 25 de la loi n°36-2001 .Voir infra p 58.

Dans ce cas précis, le signe en question risque de porter atteinte à des droits antérieurs et notamment ceux résultant d'une appellation d'origine protégée1 ou d'une indication géographique, qui au sens de l'article 22-1 de l'accord sur les ADPIC, sert à « identifier un produit comme étant originaire du territoire d'un membre, ou d'une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique ».

Il est à noter que rien n'empêche de combiner les signes nominaux de l'article 2 entre- eux ou encore panacher un signe nominal avec un signe figuratif.

-2- les signes figuratifs :

Les signes figuratifs ou encore emblématiques s'entendent des signes qui s'adressent par nature à la vue, le titre (B) de l'article 2 alinéa 2 cite à titre d'exemple « les dessins, les reliefs, les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant les services, les dispositions, les combinaisons ou les nuances de couleurs ».

Etant simplement indicative, cette énumération n'empêche en rien l'admission d'autres signes figuratifs comme les images de synthèse ou les marques à trois dimensions. Cependant certains signes peuvent susciter quelques problèmes, il s'agit surtout des cas où un commerçant s'approprie une marque représentant le portrait d'une personne notoire.

A défaut d'autorisation de la personne concernée, Il semble que l'appréciation de la licéité d'une telle appropriation pourra faire l'objet d'une délicate casuistique qui ne peut échapper à certaine subjectivité.

En effet, si les portraits de Cléopâtre et de la défunte princesse DIANA n'ont pas été admis comme marques, le portrait de MONICA LEWINSKI a été valablement admis aux Etats Unis d'Amérique, à titre de marque, pour désigner des cigares.2

Par ailleurs, on sait que l'article 2 admet clairement les combinaisons ou les nuances de couleurs comme marque sans pour autant se prononcer à propos de l'admission d'une couleur unie à titre de marque. En ce sens, une hypothèse intéressante est à envisager : qu'en est-il du droit de choisir une couleur comme élément d'une marque lorsque les couleurs de l'arc-en-ciel se trouvent déjà enregistrées par un ou plusieurs commerçants pour désigner des objets identiques ?

Bien que rien ne proscrive formellement une telle pratique dans la loi n°36-2001, il semble, néanmoins, qu'elle puisse constituer un cas d'abus de droit au sens de l'article 103 C.O.C. Par ailleurs, on est en droit d'affirmer qu' « une couleur unie n'est pas distinctive s'il ne s'y j oint d'autres éléments d'individualisation ».3

S'agissant d'une question de fait, l'appréciation de l'aptitude d'un signe à constituer une marque relève bien évidemment du pouvoir discrétionnaire des juges de fond.

1 Sur l'appellation d'origine, voir PIATTI (M-CH): « L'appellation d'origine » R.T.D.Com 1999. N° 3. p. 557. Sur la question de l'identité entre le signe constitutif d'une marque et celui constituant une appellation d'origine, voir infra p 33.

2 SALAH ZIN EDDINE : « Propriété industrielle et commerciale » DARAL THAKAFA FOR PUBLISHING AND DITRIBUTION, AMMAN 2000. ( en arabe ). p. 264.

3 CHAVANNE (A) & BURST (J-J): op. cit. p. 530.

-3- les signes sonores :

L'article 2 se limite à citer les sons et les phrases musicales, néanmoins, la nature du son importe peu pourvu qu'il soit distinctif, il peut s'agir de « l'indicatif d'un poste émetteur pour une radio ou une émission déterminée de télévision ou encore l'accompagnement de la publicité pour un produit quelconque » .1

Concernant la question de la représentation graphique, « on admet que les signes sonores ou auditifs, sons, note de musique, peuvent être matérialisés sur une partition musicale ou sur un disque enregistreur et peuvent, en conséquence, faire l'objet d'un dépôt » 2 à titre de marque.

La représentation graphique peut être décrite par des courbes mathématiques ou encore des spectrogrammes de sons, dans ces cas, la représentation risque d'être imprécise ou au contraire trop compliquée pour être intelligible par le public.

Une fois choisi parmi les trois types proposés à l'article 2, le signe constitutif de la marque doit satisfaire aux conditions de validité exigées dans les articles 3, 4 et 5 de la loi n° 36-2001.

- B - Les conditions relatives à la validité de la marque au fond :

Le signe susceptible de constituer une marque au sens de la loi n°36-2001 doit, à peine de nullité, être licite (1), en outre, pour pouvoir singulariser le produit ou le service qu'il a pour fonction de distinguer, ce même signe doit revêtir un caractère distinctif (2).

- 1 - Le caractère licite du signe choisi :

Pour qu'une marque soit déclarée illicite, il faut qu'elle présente en elle-même dès son dépôt des caractères expressément prohibés par la loi. En effet, l'illicéité dont on parle n'est autre qu'une illicéité intrinsèque qui s'apprécie uniquement par rapport à la marque abstraction faite de l'objet sur lequel elle porte.

Quoi que non consacrée expressément par la loi n°36-2001, la règle de l'indépendance de la marque par rapport au produit ou au service auquel il s'applique découle en droit tunisien comme en droit international des marques de l'article 7 de la Convention d'Union de Paris qui dispose que « la nature du produit sur lequel la marque de fabrique ou de commerce doit être apposée ne peut, dans aucun cas, faire obstacle à l'enregistrement de la marque ».

Réaffirmée par l'article 15. 4 de l'Accord sur les ADPIC, 3 la règle de l'indépendance de la marque par rapport à l'objet auquel elle s'applique, exprime l'impératif selon lequel « on ne veut pas que l'interdiction de tel ou tel produit dans sa fabrication ou sa vente à un moment donné et dans un pays donné, puisse retentir sur la validité d'une marque ».4

1 Ibid. P. 504.

2 Christine Labastie DAHDOUH & Habib DAHDOUH : Droit commercial, 1 ère éd. I.O.R.T, 2002, vol 1. p 504.

3 « La nature des produits ou services auxquels une marque de fabrique ou de commerce s'appliquera, ne constituera en aucun cas un obstacle à l'enregistrement de la marque »

4 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. p. 502, n° 896.

Une fois qu'on admis son caractère intrinsèque, l'illicéité du signe peut résulter, selon l'article 4 de la loi n°36-2001, de trois situations, à savoir, le cas où il reproduit un signe interdit par la loi à l'usage comme marque (a), le cas où le signe serait contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs(b) et en fin s'il s'avère qu'il est de nature à tromper le public et donc déceptif (c).

- a - Les signes interdits comme marque :

Selon l'article 4, « Ne peut être adopté comme marques ou élément de marque, tout signe :

a) Reproduisant ou imitant les armoiries, drapeaux et autres emblèmes, sigles, dénominations ou abréviations de dénominations de tout état ou de toute organisation internationale intergouvernementale ou de toute organisation créée par une convention internationale, à moins que cette utilisation ne soit autorisée par l'autorité compétente de l'état ou de l'organisation en cause.

b) Reproduisant ou imitant des signes ou poinçons officiels de contrôle et de garantie adoptés par un état, à moins que cette utilisation ne soit autorisée par l'autorité compétente de cet état » .

Interdits déjà par l'article 6 Ter de la Convention d'Union de Paris, les signes énumérés dans l'article 4. (a) et (b) se trouvent énergiquement prohibés, à la fois par leur interdiction comme marque ou élément de marque et par la portée de cette interdiction qui couvre et leur reproduction et leur imitation.

Concernant la première série de signes, l'interdiction des signes, drapeaux, armoiries et dénominations appartenant aux états, semble tenir surtout à leur grande valeur symbolique, car ils incarnent la souveraineté. C'est pourquoi, chaque état dresse souverainement la liste des emblèmes qu'il entend interdire à l'usage et la notifie à l'O.M.P.I qui à son tour la communique aux états membres de l'Union de Paris.

Sont également interdits, les signes représentant une organisation internationale

intergouvernementale ou toute organisation créée par une convention internationale.

Sont interdits, à l'image des signes précédents, les signes ou les poinçons officiels de contrôle et de garantie adoptés par un état, de tels signes servent normalement à garantir la qualité d'un produit ou sa teneur en une matière déterminée comme c'est le cas pour les poinçons relatifs aux métaux précieux.

Malgré la fermeté de l'interdiction qui entoure l'usage de ces signes comme marques, leur prohibition cède devant l'autorisation de l'autorité compétente de l'état ou de l'organisation internationale en cause conformément à l'article 4 de la loi n°36-2001.

L'exigence de la licéité du signe tient aussi à ce que ne peuvent constituer une marque valable, les signes contraires à l'ordre public ou aux bonnes moeurs.

- b - Les signes contraires à l'ordre public ou aux bonnes moeurs :

Selon l'article 4 (c) de la loi du 17 avril 2001, ne peut être adopté comme marques ou élément de marque, tout signe « contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, ou dont l'utilisation est légalement interdite ».

Il est évident que l'on ne peut admettre comme marque ou élément de marque, un signe portant, par ce qu'il exprime ou évoque, atteinte à l'ordre public 1 ou aux bonnes moeurs.2

Le recours aux notions souples d'ordre public et de bonnes moeurs est nécessaire, car il est impossible et inopportun de dresser une liste qui englobe tous les signes interdits pour illicéité. C'est pourquoi, en plus des interdictions expresses, ces notions interviennent en tant que correctifs souples face aux excès lors du choix du signe constitutif de la marque.

Bien qu'elles présentent un certain degré de parenté fonctionnelle et conceptuelle,3 les notions d'ordre public et de bonnes moeurs sont distinctes. En effet, chacune d'elles peut jouer, à elle, seule afin de prohiber un signe indépendamment de l'existence d'une atteinte à l'autre notion.

Cependant, elles peuvent jouer ensemble car le choix d'un signe immoral est attentatoire à la fois aux bonnes moeurs et à l'ordre public dans sa conception large. Compte tenu de l'incertitude relative à leur contenu, les notions de l'ordre public et des bonnes moeurs revêtent un caractère relatif tant dans l'espace que dans le temps.

C'est pourquoi, il revient au juge et parfois à l'administration de dire le dernier mot sur leur contenu comme c'est le cas en droit des marques. S'agissant de l'administration, elle peut intervenir dans la définition du contenu de l'ordre public à l'occasion de l'examen au fond de la marque lors de l'enregistrement. En France, lors d'un tel examen, la marque OPIUM pour des parfums a été reconnue comme contraire à l'ordre public avant que les juges 4 ne reconnaissent sa licéité.

Quant au juge, il intervient suite au refus d'enregistrement de la marque par l'administration ou lorsque la nullité de la marque est invoquée à l'occasion d'un procès à titre principal ou incident.

Il arrive parfois que l'appréciation démesurée des notions d'ordre public et des bonnes moeurs puisse aboutir à des solutions très critiquables. Il en est ainsi du refus de la marque ZIPPO à l'enregistrement par l'office jordanien des marques pour contrariété aux bonnes moeurs. Selon le juge jordanien, la traduction littérale de cette marque en langue arabe finira par lui donner un sens grossier, la contrariété de la marque ZIPPO aux bonnes moeurs a été confirmée par la cour suprême jordanienne.5

Un tel refus est critiquable car la traduction de la marque en langue arabe n'est point exigée en droit jordanien, par ailleurs, cette attitude risque de susciter des réactions réciproques.

1 L'ordre public s'entend de l'ensemble des règles -écrites ou non-écrites- qui veillent à la défense des piliers d'un ordre social donné à une époque déterminée. L'ordre public s'identifie donc à l' « ensemble des standards et valeurs fondamentales d'une société, auxquels il est interdit de déroger sous peine de nullité. » Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, 2ème édition, L.G.D.J, 1993. p 415.

2 TERRE (F), SIMLER (PH) et LEQUETTE (Y) : Droit civil, Les obligations. 7ème éd, Dalloz 1999. n°362. p. 357. Selon ces auteurs, les bonnes moeurs se définissent comme étant « Les règles de morale sociale considérées comme fondamentales pour l'ordre même de la société ».

3 Idem. n°348. L'ordre public et les bonnes moeurs « remplissent tous deux la même fonction. Ce sont des interdits sociaux qui restreignent la liberté contractuelle. Ils marquent qu'il existe, au-dessus des intérêts particuliers, des intérêts généraux que le pouvoir de la volonté ne saurait méconnaître.

Ils ont tous deux la même nature conceptuelle. Ce sont des normes à contenu indéterminé, des standards, qui ne répondent à aucune définition précise et qui ont donc souvent besoin du relais du juge pour être concrétisées ».

4 CHAVANNE (A) & BURST (J-J): op. cit. N°959. p. 538.

5 Cour Suprême de Justice, Arrêt n°377-95. Revue du Syndicat des Avocats 1997. p. 605. cité par, SALAH ZIN EDDINE : op. cit. p. 275.

Le droit des marques peut devenir un terrain d'enjeux purement stratégiques et religieux. En effet, il s'est avéré, en Jordanie,1 que l'ordre public fait obstacle à l'enregistrement des marques dont les propriétaires entretiennent des relations commerciales avec Israël ou ses ressortissants.2

Outre les cas où il se trouve interdit par la loi, contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, le signe constitutif de la marque encoure la nullité s'il revêt un caractère déceptif.

- c - Les signes trompeurs ou déceptifs :

Selon l'article 4 de la loi n°36-2001, « Ne peut être adopté comme marque ou élément de marque, tout signe : d) De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produits ou du service ».

Etant donné la fonction distinctive que lui assigne la loi n°36-2001, la marque sert de toute évidence à identifier les produits ou les services d'une personne physique ou morale par rapport à leurs semblables, toutefois, « si, dans l'exercice de cette fonction, la marque cause une tromperie à l'égard du public, qu'elle a pour mission d'informer, elle sort de son rôle, et elle cesse d'être utile pour être dommageable : elle doit donc être interdite ».3

La prohibition des signes trompeurs par le droit des marques s'aperçoit comme une mesure complémentaire à la loi n°117-92 du 7 décembre 1992 4 relative à la protection des consommateurs. En effet, cette loi interdit respectivement les pratiques contraires à la loyauté des transactions économiques dans son article 11 et la publicité mensongère dans l'article 13 qui semble être manifestement la source d'inspiration 5 de l'article 4 (d) de la loi n°36-2001.

Ainsi, il paraît que la rationalité sur laquelle repose la prohibition des signes déceptifs s'explique surtout par la sauvegarde de l'intérêt du consommateur ainsi que celui de l'ordre public économique.

A l'image des signes contraires à l'ordre public, la prohibition des signes déceptifs porte sur les signes eux-mêmes, c'est ce que laisse entendre la loi en interdisant le signe « de nature à tromper le public ». En effet, il s'agit d'une déceptivité intrinsèque à la marque.

Par ailleurs, l'objet et les moyens de la tromperie sont par nature très variés, c'est pourquoi la liste des signes déceptifs a été précédée par l'adverbe « notamment » comme pour confirmer son caractère énonciatif. Il peut donc s'agir d'une tromperie sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou service couvert par la marque en cause.

1 SALAH ZIN EDDINE : op. Cit. P. 324.

2 Concernant la connotation parfois politique des marques, on remarque qu'à chaque fois que la tension monte lors des deux dernières guerres du golf ou dans les territoires palestiniens occupés, on entend de parts et d'autres des compagnes appelant à boycotter les marques appartenant aux sociétés multinationales américaines, britanniques ou même celles détenues ou dirigées, de près ou de loin, par des juifs. C'est dire que la marque est plus qu'un simple signe distinctif.

3 MATHELY (P) : « Le nouveau droit français des marques » éditions J.N.A. 1994. p.46.

4 JORT N°83 du 15 décembre 1992, p.1571.

5 Selon l'article 13 de la loi n°117-92 : « Est interdite toute publicité pour des produits comportant sous quelque forme que ce soit, des allégations ou des indications fausses ou de nature à induire en erreur lorsque celles-ci portent notamment sur un ou plusieurs des éléments ci-après : - L'existence du produit, sa nature, sa composition, ses qualités substantielles, sa teneur en principes utiles, son espèce ou son origine ainsi que sa quantité ou son mode ou sa date de fabrication »

Compte tenu de sa nature de fait juridique, la détermination de la tromperie revient au pouvoir discrétionnaire des juges de fond qui doivent, sous peine de voir leurs décisions censurées, préciser en quoi le signe est susceptible de tromper le public.

A la différence de la jurisprudence tunisienne, les tribunaux français ont eu -à maintes reprises- à se prononcer sur les marques déceptives, en voici quelques exemples :

Il est des cas où un signe trompe le public sur la nature du produit qu'il désigne, c'est en effet, le cas du signe « servifrais »1 pour des produits surgelés; « Capillosérum »2 pour un produit ne consistant pas en un sérum pharmaceutique. D'autres décisions ont reconnu le caractère déceptif de la marque compte tenu d'une tromperie sur la qualité du produit marqué, il en est ainsi de la marque « Mokalux »3 pour un café ordinaire ; « Miel Epil »4 pour un produit qui ne contient pas de miel.

La tromperie peut consister encore en l'usurpation d'une appellation d'origine ou d'une indication de provenance à laquelle le déposant de la marque n'a pas droit, c'est le cas de la marque « Brazil »5 pour des cafés de différentes origines; « Havane »6 pour des cigares qui ne proviennent pas de Cuba. Concernant la tromperie sur l'origine, on note qu'elle s'accompagne souvent d'une tromperie sur la qualité ou la réputation du produit ou du service marqué.

Il convient de souligner que l'appréciation de la déceptivité passe par la confrontation du signe au produit ou au service qu'il identifie, s'il s'avère que le signe choisi cherche à persuader le public quant à l'existence d'une qualité ou origine qui ne coïncide pas avec la réalité, il y a alors déceptivité.

En outre, le caractère déceptif d'un signe doit s'apprécier de manière relative, car une marque peut désigner plusieurs produits, alors si elle a été reconnue comme déceptive pour certains produits, elle demeure valable pour les autres objets désignés au dépôt. On note enfin qu'il convient de se placer au moment de l'enregistrement de la marque pour apprécier son caractère trompeur car c'est à cette date que le droit sur la marque s'acquière.

Dans tous les cas d'illicéité d'un signe au sens de l'article 4 de la loi n°36-2001, c'est-à-dire le choix d'un signe interdit comme marque, contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs ou enfin déceptif, la loi n°36-200 1 prévoit la nullité comme sanction unique à ce type de signe.

C'est ce qui ressort de l'article 32, de la dite loi, qui dispose que « L'enregistrement d'une marque est déclaré nul par décision de justice s'il n'est pas conforme aux dispositions des articles 2, 3, 4 et 5 de la présente loi. La décision d'annulation a un effet absolu ».

Compte tenu de la fermeté de leur interdiction, les signes illicites au sens de l'article 4 sont d'une nullité absolue. En ce sens, l'article 4 commence par la formule : « Ne peut être adopté comme marque ou élément de marque, tout signe.... ».

1 Paris, 12 février 1981, Ann. 1981. p. 32.

2 CA Paris, 24 mai 1962, PIOTRAUT (J-L) & DECHRISTÉ (P-J): « Jugements et arrêts fondamentaux de la propriété intellectuelle », Editions TEC & DOC 2002. p.1 70.

3 TGI Paris, 22 avril 1968, D. 1968, p.557

4 Cass., 27 novembre 1963, RTD Com. 1964. 548, n°5.

5 Paris, 16 juin 1968, D. 1989, p.282.

6 Paris, 4 juillet 1985, Ann.1986. p. .226.

D'autres part l'article 32 alinéa 3 ne laisse aucun doute quant au caractère absolu de la décision d'annulation d'une telle marque, c'est pourquoi on conçoit mal la possibilité de la régularisation d'une marque illicite.

Une fois qu'il est choisi parmi les catégories proposées par l'article 2 et déclaré licite au sens de l'article 4, le signe constitutif de la marque doit, sous peine de nullité, être distinctif afin de pouvoir poursuivre la fonction que lui assigne le droit des marques.

-2- Le caractère distinctif du signe constitutif de la marque :

La marque est définie par l'article 2 de la loi n°36-2001 comme étant « Un signe visible permettant de distinguer les produits offerts à la vente ou les services rendus par une personne physique ou morale ».

A partir de cette définition, il semble clair que le droit des marques considère la distinctivité comme la raison d'être de la marque car « un signe non distinctif n'entraîne pas seulement la nullité de la marque » mais encore « il n'est en rien une marque». 1

Le caractère distinctif de la marque est unanimement perçu comme condition essentielle de validité, car à défaut de distinctivité on ne peut ni rattacher le produit à une origine certaine ni encore permettre au consommateur de faire un choix raisonné parmi des produits semblables offerts sur le marché.

D'autre part, on peut estimer que l'appropriation d'un signe non-distinctif revêt un caractère anticoncurrentiel dans la mesure où elle prive les concurrents d'utiliser un signe qui, de part son défaut de distinctivité, doit être de libre d'usage et profiter, par conséquent, à tout concurrent.

Ainsi et afin d'être reconnu comme distinctif, le signe constitutif de la marque doit réunir deux conditions au sens des articles 3 et 5 de la loi n°36-2001. Premièrement, il ne doit pas être dépourvu du caractère distinctif (a) au sens de l'article 3, deuxièmement, le signe ne doit pas être déjà utilisé pour désigner les mêmes produits ou services, il doit être donc possible ou encore disponible à l'appropriation (b) au sens de l'article 5.

-a- Les signes dépourvus du caractère distinctif :

La distinctivité d'un signe est une question de fait qui doit normalement échapper à une définition légale rigide. En effet, on doit pouvoir admettre de principe le caractère distinctif d'un signe, toutes les fois où la loi ne l'exclut expressément.

En conséquence, le législateur tunisien a opté, dans l'article 3, pour une définition négative du caractère distinctif en énumérant à titre limitatif trois grandes catégories de signes dépourvus de caractère distinctif, il s'agit en effet des signes génériques (1), les signes descriptifs (2) et les signes constitués strictement par la forme imposée, la nature ou la fonction du produit ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle (3).

1- POLLAUD-DULIAN (F) : Droit de la propriété industrielle. Montchrestien, E.J.A, Paris, 1999. p 534.

-1- Les signes génériques :

Sont dépourvus de distinctivité, au sens de l'article 3 (a), « Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ».

Derrière l'interdiction des signes génériques comme marques, il semble que c'est le principe de la libre concurrence qui s'oppose à l'appropriation d'un tel signe qui, dans le langage courant ou professionnel, n'est autre que le nom même du produit ou du genre auquel il appartient. En l'absence d'une telle règle, les concurrents seront obligés de recourir à des synonymes, des périphrases ou voire même à des néologismes pour indiquer la nature de leurs produits.

S'agissant de l'appréciation du caractère générique ou usuel, l'article 3 précise que l'interdiction porte seulement sur les signes ou dénominations qui sont exclusivement la désignation nécessaire du produit ou du service.

On comprend par l'usage de l'adverbe exclusivement que l'adjonction d'un terme générique dans une marque complexe ne finira pas par l'invalider si, dans son ensemble, la marque semble arbitraire par rapport à l'objet qu'elle désigne.1

Par ailleurs, le caractère générique s'apprécie, selon article 3, par rapport au langage courant ou professionnel, une telle précision est la bienvenue surtout pour sa vertu pratique, car elle lie le juge lors de l'appréciation. Au même titre que les signes génériques, la distinctivité est refusée aux signes descriptifs.

-2- Les signes descriptifs :

Par application de l'article 3 (b), la loi sur les marques exclut de la sphère de la distinctivité « Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service »

La marque a pour fonction de distinguer des produits ou services par référence à leur origine. Alors si, pour ce faire, la marque ne fait que décrire une ou plusieurs caractéristiques du produit, il s'ensuit qu'elle ne saura, de la sorte, poursuivre sa fonction distinctive du moment qu'elle reprend ce qui est commun à tous les produits ou les services semblables.

Il est donc normal qu'une telle marque soit nulle car on ne peut tolérer l'appropriation par un commerçant de termes indispensables à tous les concurrents pour définir la composition ou les qualités essentielles de leurs produits.

A la différence du point (a) de l'article 3, on relève que l'absence de l'adverbe exclusivement dans le point (b) du même article, peut créer une dissymétrie injustifiée entre les deux alinéas

1 Civ.,16 février 1936, cité par PIOTRAUT( J-L ) & DECHRISTE ( P-J ): op. cit. n°173 ; Tout en admettant le caractère générique la marque « Crème de Gruyère », la Cour de Cassation française, laisse entendre, a contrario, qu'elle aurait pu reconnaître la validité de cette marque s'il y a eu « adjonction d'un nom ou d'un signe distinctif quelconque ».

et finir par invalider certaines « marques complexes dont certains éléments descriptifs s'inscrivent pourtant dans un ensemble qui, lui, est arbitraire » .1

Quant à la jurisprudence tunisienne concernant les marques descriptives, elle semble, du moins, incohérente. C'est d'ailleurs le cas d'un jugement,2 qui a ordonné la radiation d'une marque complexe composée par le terme BRILLANCE, la dénomination sociale SCHWARZKOPF et un élément figuratif. Cette marque a été annulée car elle portait atteinte à la marque antérieure BRILLANCE enregistrée pour le même produit, en l'occurrence, un shampoing.

Les juges ont considéré que le terme brillance pour un shampoing n'est en rien descriptif du produit marqué. Quoique fondée sur le terrain de l'indisponibilité du signe en question, cette solution orthodoxe serait tout autre si le terme BRILLANCE aurait pu être considéré comme descriptif du résultat attendu de l'utilisation de ce genre de produit, il semble donc que la protection du-dit signe l'a emporté sur sa validité douteuse comme marque.

Dans un autre jugement, cette fois rendu après l'entrée en vigueur de la loi n°36-2001, le Tribunal de Première Instance de Ben Arous,3 a rejeté la demande intentée par la société DERBIGUM pour contrefaçon 4 de ses marques (DERBIGUM P2; SP4 et GC5). Les juges ont vu dans ces signes des termes scientifiques et descriptifs de la qualité et de l'épaisseur des produits d'étanchéité en question. En appel, la solution a été confirmée, la cour 5 a considéré les signes précités comme descriptifs, communs à tous les concurrents et indignes d'une protection spéciale.

Ces décisions reflètent à plus d'un titre l'incohérence de la démarche de la jurisprudence ne serait-ce qu'en raison de la fâcheuse tendance des juges à ignorer le rapport de l'expertise,6 pour conclure souverainement au caractère descriptif et scientifique de ces signes, alors qu'il n'y avait aucune preuve attestant ces caractères en question.

A travers les deux espèces, on constate que sur la base d'une appréciation un peu spéculative les signes P2, SP4 et GC5 ont été dénués du caractère distinctif, alors que la marque BRILLANCE pour un shampoing a été validée malgré son caractère descriptif plus ou moins évident.

En définitive, il serait difficile de prévoir à l'avance dans quel sens ira le juge de fond lors de l'appréciation du caractère descriptif d'une marque. C'est pourquoi, il est opportun d'adopter une marque qui soit aussi arbitraire, que possible par rapport au produit qu'elle désigne sans, pour autant, avoir à recourir systématiquement à des néologismes car le droit des marques n'exige guère du signe constitutif de la marque une originalité absolue.

Par ailleurs, on note qu'une marque descriptive peut, selon l'article 3 in fine, acquérir le caractère distinctif par l'usage.7

1 POLLAUD- DULIAN (F) : op. cit. n°1160. p. 538.

2 AFFAIRE: « SCHWARZKOPF / JASMINAL » T.P.I SFAX, n° 970 du 14 mars 2000. voir annexe n°1.

3 Jugement n°9918 du 21 novembre 2001, (Affaire: DERBIGUM / COMMET) voir annexe n°2.

4 Les marques arguées de contrefaçon sont : BITUPLAST P2 ; BITUPLAST HP4 et BITUPLAST GC5.

5 C A, Tunis n°546 du 3 décembre 2003, (Affaire: DERBIGUM / COMMET), voir annexe n°3.

6 En se référant à l'article 112 C.P.C.C selon lequel l'avis de l'expert ne lie pas le tribunal.

7 L'article 6 quinquiès C de la convention d'Union de Paris prévoit une telle faculté, toutefois, il ne s'agit pas d'une validation de plein droit, c'est juste une possibilité de sauvetage laissée à l'appréciation du juge et c'est d'ailleurs l'un des rares cas où la loi n°36-200 1 tient compte de l'usage d'une marque.

Si l'usage prolongé dans le temps est admis à purger la marque de vices tels que les caractères générique et descriptif, il convient de noter que cette mesure de g âce ne bénéfice pas aux signes

r

visés dans l'article 3 (c), pour lesquels un usage aussi long soit-il n'est pas admis à les valider.

-3- Les signes visés dans l'article 3 alinéa (c) :

Si les signes descriptifs et génériques ont pu bénéficier des faveurs du législateur, la solution n'est pas aussi heureuse pour la dernière catégorie de signes qui fait l'objet de l'article 3 (c). En effet, sont absolument nuls, « les signes constitués exclusivement par la forme imposée, La nature ou la fonction du produit ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle ».

Alors que la volonté du législateur est claire à propos de l'invalidation de tels signes, il est évident que l'exclusion ne concerne pas toutes les formes car l'article 2 al. 2, compte les formes parmi les signes qui pourraient valablement constituer une marque.

A vrai dire, l'article 3 n'interdit que les signes qui soient exclusivement dictés par la forme ou la fonction pratique ou technique du produit ou du service, il serait, par exemple, inadmissible de concevoir une marque constituée exclusivement de la forme circulaire pour désigner des pneus alors que la forme se trouve nécessairement imposée par la nature du produit.

Ainsi, l'exclusion de ces signes de la sphère des signes distinctifs se fonde assurément sur leur carence en caractère arbitraire et fantaisiste. Par ailleurs, on note que le rejet des formes nécessaires et fonctionnelles par le droit des marques s'inscrit dans une logique de délimitation de son champ d'action par rapport au droit des dessins et modèles industriels.

En effet, le droit des dessins et modèles industriels a été conçu spécifiquement pour protéger les formes fonctionnelles et les dessins faisant preuve d'originalité pour une durée limitée à la fin de laquelle ils tombent dans le domaine public, alors que la protection de telles formes à titre de marque, reviendra à accorder à son titulaire un avantage concurrentiel indu et un droit de propriété qui a vocation à la pérennité sur une marque constituée d'une forme fonctionnelle.1

Dans la même logique que celle du rejet des formes fonctionnelles et nécessaires, l'article 3 (c) dénue les formes conférant au produit sa valeur substantielle de tout caractère distinctif. Certes, l'interdiction ne porte pas sur le conditionnement du produit ou de son emballage qui peuvent être valablement admis comme marques conformément à l'article 2 al.2 (b), « Seules donc sont concernées les marques constituées par la forme du produit [...] et à condition que cette forme ait une influence sur la valeur intrinsèque du produit ».2

Du reste, on note que l'emploi de l'adverbe exclusivement par le législateur laisse la voie de la validité ouverte pour les marques complexes qui revêtent un caractère distinctif certain malgré qu'elles soient constituées en partie par une forme fonctionnelle ou imposée.

En définitive, s'agissant d'un droit d'occupation et non de création, le droit des marques admet valablement la marque constituée par une forme, pourvu qu'elle soit suffisamment

1 Voir en ce sens, CJCE 18 juin 2002, aff. Philips c./ Remington. RTD com 2003, n°3. p. 500. obs. J. Azéma. Il a été jugé que l'enregistrement d'une marque ne doit pas être utilisé pour obtenir ou perpétuer des droits exclusifs sur des solutions techniques nonobstant l'existence d'autres formes permettant la réalisation du même résultat. Ainsi, la cour a rejeté la demande de la société Philips tendant à perpétuer un droit de marque ayant pour objet la forme d'un produit à savoir un rasoir électrique composé de trois têtes circulaires à lames rotatives disposées dans un triangle équilatéral.

2 POLLAUD- DULIAN (F) : op. cit. n°1163. p. 540.

distinctive et non usuelle, sans pour autant requérir de la dite forme, la nouveauté ou l'originalité qu'impliqueraient sa protection au titre des dessins et modèles industriels.

A l'image des signes interdits au sens de l'article 4, sont frappées de nullité, les marques non conformes aux dispositions de l'article 3. Cette nullité ne joue pas de plein droit, selon l'article 32 al.2, elle doit être déclarée par le juge. C'est là une affirmation implicite de la présomption de validité de toute marque jusqu'à preuve du contraire.

Le caractère distinctif de la marque se réalise à un double point de vue, car outre la condition de l'originalité, la marque doit être disponible conformément à l'article 5 de la loi n°36-2001.

-b- Le caractère disponible de la marque :

En règle générale, pour qu'un signe puisse être valablement distinctif, il faut qu'il soit nouveau par rapport à ceux utilisés par des concurrents opérant dans le même secteur d'activité.

Concrètement, la nouveauté du signe se traduit en terme de disponibilité. En effet, s'agissant d'un droit d'occupation, il suffit que le signe soit disponible à l'appropriation au moment de son dépôt à titre de marque. Dès lors, on entend par signe disponible, celui qui ne fait pas l'objet d'un droit antérieur et opposable, d'ailleurs, c'est dans le droit fil de cette affirmation que s'inscrit le rejet, à titre de marque, du « signe portant atteinte à des droits antérieurs » conformément à l'article 5.

A l'image de la solution admise en droit français,1 l'article 5 de la loi sur les marques, admet, à titre indicatif, huit sortes de signes constitutifs d'antériorités opposables que l'on peut classer en deux catégories, la première concerne des droits sur des signes distinctifs à savoir les marques y compris les marques notoires, les dénominations ou les raisons sociales, les noms commerciaux et les enseignes et enfin les appellations d'origines protégées.

Quant à la deuxième catégorie, elle renferme successivement, les droits d'auteur, les droits résultants des dessins et modèles industriels, les droits rattachés à la personnalité d'un tiers et enfin le droit au nom ou à l'image d'une collectivité locale.

De toutes ces antériorités, c'est le droit sur une marque antérieure qui se trouve le plus souvent invoqué pour s'opposer à l'enregistrement d'une marque identique ou similaire pour désigner des objets couverts par la marque antérieure. C'est pourquoi, avant de déposer sa marque, il serait prudent de consulter le registre national des marques afin d'effectuer une recherche d'antériorité.2

Malheureusement, cette recherche est très limitée,3 du moment qu'elle ne couvre que les marques à l'exclusion des autres droits de propriété industrielle.

En survolant l'énumération de l'article 5, on s'aperçoit que la portée de l'interdiction - qui entoure l'adoption d'un signe qui fait l'objet d'une antériorité- n'est pas aussi absolue, car

1 On note que l'article 5 de la loi du 17 avril 2001 ne fait que reprendre l'article 711-4 du C.P.I français.

2 La recherche des antériorités s'effectue auprès de l'I.NNORPI sur la base du registre national des marques moyennant une redevance fixe conformément au décret n°2001-1934 du 14 août 2001, fixant le montant des redevances afférentes aux marques de fabriques, de commerce et de services.

3 Même la recherche des antériorités constituées par des marques manque de fiabilité, car l'I.NNORPI se limite à une recherche suivant les paramètres qui lui sont suggérés par le demandeur de la recherche.

« la marque ne protège que les produits ou services pour lesquels elle a été déposée. Pour les activités totalement différentes, le même signe pourrait être valablement choisi » .1

Pour qu'il y ait donc antériorité opposable à l'enregistrement d'une marque identique ou similaire, deux conditions doivent se réunir. En premier lieu, il faut que le droit invoqué soit déjà existant au moment de la constitution du droit sur la marque, cette condition s'impose d'elle-même car la prohibition dans l'article 5 de la loi n°36-2001 porte précisément sur un signe faisant l'objet d'un droit antérieur.

En deuxième lieu, étant donné que la marque n'a de sens et d'utilité que dans son application, dans le commerce, aux produits et services qu'elle désigne, il s'ensuit que l'on doit raisonnablement exiger que l'antériorité invoquée « existe dans le même secteur d'activité commerciale que celui où l'on veut déposer la marque. Il importe donc peu que le même signe soit déjà utilisé dans d'autres branches commerciales pour des produits ou services différents ».2

Ainsi et en règle générale, l'opposabilité de toute antériorité trouve ses limites propres dans la sphère de la branche d'activité économique à laquelle elle se rattache strictement.

Ceci étant, une exception, qui bénéficie à l'appellation d'origine protégée, est apportée à la règle de la spécialité ou de la relativité des antériorités. En tant que signe distinctif, l'appellation d'origine protégée certifie le lieu de fabrication d'un produit, sa qualité certaine et sa fabrication ou son obtention selon une méthode originale impliquant un savoir-faire confirmé. En raison de ces facteurs réunis, l'appellation d'origine évoque généralement une renommée universelle.3

Le droit d'utiliser une appellation d'origine protégée fait l'objet d'une autorisation spéciale accordée par les autorités compétentes de chaque Etat. C'est pourquoi, nul ne peut avoir droit à employer une appellation d'origine protégée sans qu'il ne remplisse les conditions légales et réglementaires strictes requises à son utilisation.

En effet, elle est indisponible à titre de droit antérieur même pour des produits similaires à ceux qu'elle couvre. La rigueur de la réglementation des appellations d'origine protégée, et surtout celles contrôlées,4 a permis à certains d'estimer qu'elles « occupaient le sommet de la hiérarchie en matière de signes distinctifs ».5

Du reste, si un même signe ne peut constituer une marque s'il reprend une appellation d'origine à protégée à laquelle le déposant de la marque n'a pas droit, 6 la solution est tout autre concernant les dénominations et les raisons sociales.

1 CHRISTINE-LABASTIE DAHDOUH & HABIB DAHDOUH : op. cit. p. 510.

2 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. n°1016, p. 578.

3 C'est le cas des vins de Champagne, de Bordeaux ou du fromage de Camembert provenant de ces localités françaises.

4 Sur la réglementation stricte des appellations d'origine contrôlée des produits agricoles, voir la loi n°99-57 du 28 juin 1999. J.O.R.T 1999, n°2. p. 1088. L'article 20 de cette loi frappe le signe constitutif de l'appellation d'origine contrôlée d'une indisponibilité absolue à titre de droit antérieur opposable au dépôt d'une marque postérieure et similaire.

5 Le TALLEC (G): « La primauté des appellations d'origine contrôlée sur les marques » Mélanges Paul Mathély, Litec 1990. p. 249. Voir aussi, PIATTI (M-CH): « L'appellation d'origine » R.T.D com 1999. N° 3. p. 557.

6 Dans le sens de l'indisponibilité de l'appellation d'origine, voir : CA, Paris, 15 décembre 1993. PIOTRAUT (J-L) & DECHRISTE (P-J): op. cit. n°140. p 186. En l'espèce, le dépôt de la marque Champagne entrepris par YVES SAINT LAURENT, pour un parfum, a été annulé dans la mesure où il reprenait l'appellation d'origine Champagne absolument indisponible et à laquelle le titulaire du dépôt n'avait pas droit. Voir notamment sur l'affaire du Champagne : LAMPRE (C) : « Le Champagne ou le parfum de la renommée » D. 1994, n°27, Chron. p. 213.

En effet, ces deux signes ne sont opposables à l'enregistrement d'une marque identique qu'en la présence d'un risque de confusion. De même, outre le risque de confusion, les noms commerciaux et les enseignes ne peuvent être utilement opposables à l'adoption du même signe par un tiers comme marque que dans la mesure où ils sont « connus sur l'ensemble du territoire tunisien » conformément à l'article 5 (c).

Par ailleurs, rien n'empêche l'utilisation d'un signe indisponible avec l'autorisation du titulaire du droit en question, qu'il s'agisse d'un dessin ou d'un modèle industriel, d'un droit d'auteur, d'un droit de la personnalité d'un tiers et enfin de l'image ou du droit au nom d'une collectivité locale dont la super-protection semble un peu excessive.1

Le caractère relatif des antériorités au sens de l'article 5 de la loi n°36-200 1 se confirme aussi sur le plan procédural car, au sens de l'article 33 alinéa 2 de la même loi, « Seul le titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l'article 5 de la présente loi. Toutefois son action n'est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s'il en a toléré l'usage pendant cinq ans ».

Etant précédée par l'adverbe notamment, l'énumération de l'article 5 n'empêche pas l'admission d'autres antériorités. En France, la jurisprudence a pu retenir comme opposable, sur la base de l'article 711-4 du C.P.I -équivalent à l'article 5 de la loi n°36-2001- l'antériorité constituée par le nom d'un établissement public français.2

Une nouvelle sorte d'antériorité, issue de la confrontation de plus en plus sensible entre le droit des marques et la nouvelle réalité technologique de l'Internet, semble poser des problèmes auxquels la solution n'est pas encore fournie en droit positif ni en jurisprudence. En effet, on peut se demander si un nom de domaine 3 sur Internet peut être qualifié de signe distinctif et par la même, constituer une antériorité opposable à une marque postérieure.

En l'absence d'un cadre juridique qui définit les noms de domaine et permet de cerner leur rapport avec la marque, la réponse dépendra de la nature juridique du nom de domaine qui se présente, en fait, comme le nouvel attribut de la personnalité dans la société de l'information.

1 POLLAUD- DULIAN (F) : op. Cit. N°1193. p. 558. L'auteur dénonce, à juste titre, cette super protection.

2 Paris, 18 septembre 1998, RTD com 1998, n°4. p.848, obs. J. AZEMA.

3 Marie-Hélène Deschamps-Marquis : « Les noms de domaine : au-delà du mystère » disponible à l'adresse : http://www.robic.ca. Selon l'auteur « Les noms de domaine sont ces noms qui identifient l'adresse d'un ordinateur relié au réseau Internet. Cette adresse peut mener à différents modes de communications dont notamment un site web ».

L'adresse électronique se divise principalement en deux parties : l'adresse IP (Internet Protocole) et le nom de domaine. La partie numérique, l'adresse IP, est l'information constituée d'une suite de quatre chiffres inférieurs à 256, qui est utilisée par l'ordinateur pour comprendre l'adresse. Il est possible d'accéder à l'endroit voulu en entrant simplement ces numéros. Cependant, l'adresse IP est difficile à mémoriser pour l'humain, c'est pourquoi on y accole un nom de domaine.

Le nom de domaine contient des lettres qui sont habituellement alignées de façon à leur donner une signification, par exemple, www.juripole.fr. Il est composé de trois parties. La première partie établit le protocole de communication choisi; par exemple, www est l'acronyme de World Wide Web, ce qui signifie que cette adresse correspond à une page web. La deuxième partie du nom de domaine est son principal élément distinctif. Elle est composée d'un ensemble de lettres ayant préférablement une signification.

La troisième partie est le Top Level Domain (TLD). Ce diminutif sert à catégoriser l'utilisateur de l'adresse tel que le : (.Com) pour les sites commerciaux ou privés, (.Org) pour les organisation internationales. Il existe aussi d'autres types de TLD identifiant le pays d'origine du nom de domaine tel que le (.tn) pour la Tunisie, le (.fr) pour la France. Chaque nom de domaine réfère à une seule adresse numérique et chaque adresse numérique correspond à une seule source d'information.

Selon Me Alain Bensoussan,1 la marque, signe distinctif dont on connaît la nature juridique, l'emporte toujours sur le nom de domaine surtout lorsque ce dernier n'est pas utilisé.

Cependant, la jurisprudence française semble donner au droit sur le nom de domaine une nature de « droit d'occupation »2 qui serait opposable dans les limites de sa spécialité 3 à l'enregistrement, de bonne foi, d'une marque identique 4 et postérieure.

Si, en France, une telle construction jurisprudentielle tend à se confirmer, il est difficile d'admettre sa transposition en Tunisie surtout qu'en l'état actuel du droit et de la jurisprudence, les noms de domaine ne peuvent faire le poids face à la marque. Néanmoins, il semble équitable d'admettre la possibilité d'annuler l'enregistrement d'une marque s'il est démontré que celui-ci a été obtenu frauduleusement afin de désigner des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels un nom de domaine antérieur a été enregistré.

En l'état actuel du droit tunisien, une protection efficace du nom de domaine reposera certainement sur l'existence d'une marque antérieure car le nom de domaine enregistré n'est pas opposable du moment qu'il ne fait pas l'objet d'une publication officielle, du reste, on se demande si la notification du dépôt d'un nom de domaine le rend opposable, dans sa spécialité, à titre de droit acquis au futur déposant d'une marque identique.5

La marque qui porte atteinte à une antériorité au sens de l'article 5 encoure, selon l'article 32 al. 2 et 3, une nullité absolue peu importe que la nullité touche la marque pour tout ou partie des objets qu'elle couvre, toutefois, la nullité ne peut être invoquée que par le titulaire du droit antérieur en question.6 Par ailleurs, la nullité d'une marque opère de plein droit sa radiation du registre des marques sans qu'il soit nécessaire que le juge le précise dans le jugement.

Une fois que le signe choisi répond à toutes ces conditions relatives au fond, il pourra alors être acquis à titre de marque conformément aux modalités et aux procédures prescrites à cet effet par la loi n°36-2001 du 17 avril 2001 et ses décrets d'application..

Paragraphe 2 : L'acquisition du droit sur la marque :

Conformément au régime juridique issu du décret du 3 juin 1889, le droit de propriété sur une marque pouvait s'acquérir simplement par l'usage, ainsi, le droit sur une marque était perçu comme un droit d'occupation. En effet, la première personne à avoir utilisé le signe comme marque, afin de désigner des produits ou services, en devenait par la même propriétaire.

1 In « Contrefaçon de marques et usurpation de noms de domaine, où en est la jurisprudence ? » Conférence organisée par l'A.FNIC le 2 février 2001, disponible à l'adresse : http : // www.nic.fr. L'A.FNIC est l'organisme chargée en France de la gestion et de l'octroi des noms de domaines sur le Top Level Domain (.fr).

2 TGI, Lille, ord. Réf., 10 juillet 2001, cité par Brunot (V) et Haas (M-E) : « Le droit sur le nom de domaine : vers un droit d'occupation... » Gaz. Pal du samedi 13 juillet 2002, p. 1131. Le tribunal affirme « Qu'à la différence d'un droit de marque qui, pour être valable, suppose que l'expression choisie soit distinctive par rapport aux produits et services visés, le droit sur le nom de domaine est un droit d'occupation, régi par la règle du premier arrivé, premier servi, sauf en cas de faute ».

3 Un nom de domaine a été reconnu opposable à une marque antérieure et identique par application du principe de la spécialité des marques. Voir en ce sens : TGI, Angers 6 mai 2003 ; Affaire « Distrib » publiée sur www.droit-ntic.com/news.

4 T.G.I. Le Mans, 1ère ch., 29 juin 1999. Affaire : Microcaz c/ Océnat, publiée sur l'adresse : www.juriscom.net

5 Raisonnablement, la réponse par l'affirmative s'impose compte tenu du caractère énonciatif de la liste de l'article 5.

6 La nullité ne peut être invoquée par le ministère public sur la base de l'article 5, pourtant l'intérêt général la motive.

Etant facultatif, le dépôt se limitait à un effet déclaratif du droit sur la marque tout en accordant à son auteur la protection pénale des marques déposées que prévoyait le décret de 1889. En outre, le dépôt permettait la pérennité des droits privatifs sur la marque peu importe qu'elle soit exploitée ou non.

A la différence du décret de 1889, la loi n°36-2001 semble imprégner le droit tunisien des marques d'un caractère formaliste. Dorénavant, exception faites des marques notoires, l'usage importera peu quant à l'acquisition du droit à la marque du moment que l'article 6 dispose en termes clairs que « La propriété de la marque s'acquiert par l'enregistrement ».

Ceci étant, l'enregistrement se présente comme une opération complexe qui commence par l'acte de dépôt de la demande pour finir par l'inscription de la marque sur le registre national des marques après l'écoulement de la période d'opposition.

-A- Le dépôt de la demande d'enregistrement :

Le dépôt est l'acte par lequel, une personne demande à l'organisme chargé de la propriété industrielle, en l'occurrence l'I.NNORPI, d'enregistrer à titre de marque un signe déterminé, servant à désigner un ou plusieurs produits ou services, afin qu'elle en devienne le propriétaire.

Un même dépôt ne peut concerner qu'une seule marque selon l'article premier al. 2 du décret n° 2001-1603 du 11 juillet 2001,1 cependant, un seul dépôt peut désigner plusieurs produits ou services selon l'article 3 du même décret. Concernant la personne pour le compte de laquelle le dépôt est effectué, il peut s'agir d'une ou plusieurs personnes physiques ou morales, toutefois, rien n'empêche des personnes tels que les associations ou les personnes publiques, de déposer des marques.

La représentation 2 par un mandataire domicilié en Tunisie devient obligatoire pour le déposant domicilié à étranger et en cas de pluralité de déposants pour une seule demande. La demande d'enregistrement est soumise à plusieurs conditions de forme, l'inobservation de ces conditions donne lieu, selon les alinéas 5 et 6 de l'article 8, au rejet de la demande en tout ou en partie.

En application de l'article 8 de la loi n°36-2001, le décret n°2001-1603, dans son article premier, soumet la validité de la demande à la présentation d'un dossier comportant une demande rédigée suivant un formulaire établi par l'I.NNORPI.

La dite demande doit préciser l'identité du déposant et son adresse, le modèle de la marque consistant en sa représentation graphique, les produits ou services auxquels elle s'applique ainsi que leurs classes 3 correspondantes, la justification du droit de

1 Fixant les modalités d'enregistrement et d'opposition à l'enregistrement des marques de fabriques, de commerce et de services et les modalités d'inscription sur le registre national des marques. JORT n°58 du 20 juillet 2001, p. 1774.

2 Sauf stipulations contraires, le pouvoir du mandataire s'étend à toutes les opérations affectant la marque à l'exclusion de la renonciation et du retrait, là où un pouvoir spécial doit être joint à la demande selon l'article 7 al.4.

3 Sur la base de l'une des 45 classes établies par l'arrangement de Nice relatif à la classification internationale des produits et des services en matière de dépôt de marque. Quoi que signé par la Tunisie, cet arrangement pose le problème de son applicabilité en l'absence d'un texte qui donne à l'adoption d'un classement les effets correspondants en terme d'étendue de protection. Voir en ce sens, TOUMI (F) : « La propriété industrielle en Tunisie et les conventions internationales » (En arabe) Etudes Juridiques 2002. n°9. Faculté de Droit de Sfax. p. 278.

priorité 1 pour celui qui le revendique, la justification du paiement des redevances prescrites, le pouvoir du mandataire s'il en est constitué, la justification de l'usage si le caractère distinctif du signe déposé a été acquis par l'usage, la preuve de l'enregistrement de la marque dans le pays d'origine ou de l'établissement.

En outre, la preuve de la réciprocité de la protection accordée aux marques tunisiennes doit être rapportée par le déposant étranger non domicilié et non établi sur le territoire tunisien.

Enfin, le déposant doit justifier l'acquittement de la redevance prescrite à cet effet telle que prévue par le décret n°2001-1934 du 14 août 2001, fixant le montant des redevances afférentes aux marques.

A la réception du dépôt, l'I.NNORPI remet au déposant un récépissé, elle doit en outre mentionner sur la demande d'enregistrement le numéro du dépôt ainsi que sa date qui revêt une importance particulière puisque c'est à partir de cette date que l'enregistrement produit ses effets, en terme de protection de la marque, pour une durée de dix ans indéfiniment renouvelable conformément à l'article 6 al.3 de la loi n°36-2001.

Selon l'article 8 al.2, tout dépôt de marque donne lieu à une vérification de l'aptitude du signe proposé à constituer une marque au sens des articles 2, 3 et 4 de la loi n°36-2001. En pratique, cet examen préalable s'est révélé inefficace à plus d'un titre et notamment pour son manque de rigueur 2 et son caractère complaisant. 3 Par ailleurs, la loi permet la régularisation des demandes non conformes dans le mois qui suit la notification faite par l'I.NNORPI en ce sens.

-B- La publication du dépôt :

Tout dépôt reconnu recevable est publié au bulletin officiel de l'I.NNORPI dans un délai maximum de douze mois à partir de la date du dépôt. Durant les deux mois suivant la publication de la demande, les personnes visées à l'article 11 de la loi du 17 avril 2001, peuvent s'opposer, suivant les conditions de l'article 3 du décret n°2001-1603 du 11 juillet 2001, à l'enregistrement qui porte atteinte à leurs droits antérieurs.

L'opposition est instruite par l'I.NNORPI 4 qui tentera de concilier les deux parties. Une fois la procédure d'opposition est clôturée, l'inscription au registre national des marques devient possible.

1 Le droit de priorité est reconnu, sous certaines conditions, aux ressortissants des Etats signataires de la Convention de Paris. Il permet au déposant étranger de bénéficier, en Tunisie, d'un droit de priorité à l'enregistrement sur une marque déjà enregistrée dans le pays du déposant d'origine ou dans tout autre état unioniste, sous réserve de réciprocité. Selon l'article 2 de la Convention de Paris, le délai de priorité est de six mois à compter de la date du dépôt ou de l'enregistrement la marque.

2 Sur la base de nombreux litiges concernant les marques, on s'aperçoit que l'on peut tout enregistrer auprès de l'I.NNORPI et notamment une marque identique à une autre déjà enregistrée pour les mêmes produits et services, une marque notoire ou encore une marque dont l'irrégularité au fond se révèle choquante, l'examen au fond fait par l'I.NNORPI témoigne d'une rapidité et d'un manque de rigueur de manière à se douter de sa crédibilité.

3 La rapidité de l'obtention d'un enregistrement de marque en Tunisie a fait d'elle, à une époque donnée, la première destination des « cybersquatters » canadiens et américains qui procèdent à l'enregistrement de marques appartenant à des tiers auprès de juridictions étrangères, rapides et complaisantes comme l'I.NNORPI pour finir par pratiquer le chantage en matière des noms de domaine correspondant à ces marques en vue de les vendre plus cher à leur légitime propriétaire. Voir en ce sens, Deschamps-Marquis (M-H) : Art-précité, publié sur ( www.robic.ca). Une telle réputation n'encouragera certainement pas les investisseurs étrangers à déposer leurs marques en Tunisie du moment qu'ils ne sont pas certains que leurs droits de marque seront protégés. Ceci nuira considérablement à la poursuite de la politique tunisienne d'incitation de l'investissement.

4 Conformément aux procédures des articles 4 et 5 du même décret.

-C- L'inscription au registre national des marques :

L'inscription au registre national des marques est la dernière étape du processus de l'enregistrement de la marque. Cette inscription fera l'objet d'une publication dans le bulletin mensuel officiel de l'I.NNORPI (MOUWASSAFAT) durant les douze mois suivant la date du dépôt, le tout moyennant le paiement des redevances prescrites.

L'accomplissement de toutes ces formalités permet au déposant d'obtenir un certificat d'enregistrement de la marque qui lui servira de véritable titre de propriété sur la marque pour les produits et services qu'il a désignés lors du dépôt.

Il est à noter que l'admission d'une marque à l'enregistrement ne certifie pas sa validité au fond et ce pour deux raisons. En premier lieu, l'I.NNORPI ne procède qu'à un examen incomplet du moment qu'il ne vérifie pas la nouveauté de la marque, d'autant plus que son appréciation de la validité au sens des articles 2, 3 et 4 n'a point l'autorité de la chose jugée.

En second lieu, la loi permet sous certaines conditions de contester aussi bien, la validité de la marque à travers une action en nullité au sens de l'article 33, ainsi que la validité de l'enregistrement par le biais d'une action en revendication au sens de l'article 15 de la loi n°36- 2001 afin de récupérer le droit sur la marque usurpée par un dépôt frauduleux 1 ou obtenu en violation d'une obligation légale ou conventionnelle.

L'action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la date de publication de l'enregistrement à moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, dans ce cas, la demande de la radiation de la marque sera toujours recevable en dehors de tout délai.

Au sujet de l'indifférence des délais relatifs à l'action en revendication en cas de dépôt frauduleux ou de mauvaise foi, on peut légitimement s'interroger sur l'admission du propriétaire légitime de la marque à invoquer ses droits après l'écoulement d'une période de quinze ans à compter de la date du dépôt frauduleux.

L'article 402 du code des obligations et des contrats, droit commun de prescription extinctive, dispose que « toutes les actions qui naissent d'une obligation sont prescrites par quinze ans, sauf les exceptions ci-après et celles qui sont déterminées par la loi dans les cas particuliers ».

Confirmée par l'article 115 al. 2 du C.O.C relatif à la prescription de l'action en responsabilité civile en matière délictuelle, la règle générale de l'article 402 s'oppose en principe à la pérennité de l'action en revendication peu importe que la faute sur laquelle se base l'action soit d'origine délictuelle ou contractuelle.

Par ailleurs, la loi n°36-2001 ne peut déroger au droit commun que dans la mesure où elle fixe un délai déterminé qui soit inférieur ou supérieur à celui prescrit par l'article 402 C.O.C. Or, l'article 15 2 de la loi n°36-2001 ne prévoit aucun délai en ce sens.

1 Sur les modalités du dépôt frauduleux, voir CA, Tunis, arrêt n°83724 du 6 février 2002. (non publié) voir annexe n°4 ; CA, Tunis, arrêt n° 60 537 du 16 février 2000. Voir annexe n°5. Sur la recevabilité de l'action en revendication de la marque enregistrée frauduleusement voir, CA, Tunis arrêt n°2703 du 11 avril 2000, voir annexe n°6. Dans cet arrêt la cour a mis en oeuvre la règle de l'indifférence des délais du recours en annulation à l'égard d'un dépôt de marque obtenu frauduleusement.

2 L'article 15 alinéa 2 est ainsi formulé : « à moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la date de publication de l'enregistrement ».

De même, on peut estimer que l'imprescriptibilité de l'action en revendication contredit directement l'esprit du principe général du droit édicté par l'article 560 C.O.C selon lequel « en principe, chacun est présumé libre de toute obligation jusqu'à preuve du contraire ».

Ceci dit, si le principe est que l'on est libre de toute obligation, l'exception serait donc que l'on soit tenu par une obligation qui n'est jamais présumée ni éternelle. Or, si l'action en revendication demeure ouverte à tout jamais, le déposant de mauvaise foi demeurera indéfiniment débiteur de l'obligation de restituer la marque à son légitime propriétaire et c'est justement là où l'imprescriptibilité de l'action en revendication contredit l'article 560 C.O.C.1

Ainsi et afin de préserver la sécurité des situations juridiques, il semble opportun d'appliquer l'article 402 C.O.C à la prescription de l'action en revendication du dépôt frauduleux de marque.

On note enfin qu'une « Exception est apportée à la règle, selon laquelle l `enregistrement est seul constitutif du droit sur la marque. Cette exception bénéficie à la marque, qui est notoire ».2 La protection renforcée de la marque notoire 3 est due en raison de sa seule notoriété qui se substitue à l'exigence de l `enregistrement. Cette protection est établie en droit conventionnel des marques par l'article 6 Bis de la Convention d'Union de Paris.

Concernant l'inobservation des conditions de forme, la seule sanction prévue dans la loi n°36-2001 est celle du rejet de la demande d'enregistrement, bien entendu, l'appréciation de l'irrégularité revient à l'I.NNORPI sur la base des conditions objectives prévues par la loi.

Selon l'article 8, le rejet est la sanction qui frappe la demande d'enregistrement incomplète et qui n'a pas fait l'objet d'une régularisation dans les délais prescrits à cet effet, cependant, « Lorsque les motifs de rejet n'affectent la demande d'enregistrement qu'en partie, il n'est procédé qu'à son rejet partiel », du reste, le dépôt sera reconnu valable. A ce stade, la question qui se pose est celle de savoir quels sont les motifs du rejet partiel ?

La réponse n'est pas fournie ni par la loi n°36-2001 ni dans le décret n°2001-1603 du 11 juillet 2001. Ainsi, la détermination de ces motifs semble relever du pouvoir d'appréciation de l'I.NNORPI, néanmoins, « s'il s'agit de mentions substantielles déterminant l'étendue des droits du déposant, les tiers s'en tiendront alors à ce qui a été réellement enregistré ». 4

Sur la base de tous ces développements, on constate que la constitution d'une marque valable est une opération complexe et soumise à de multiples conditions de fond et de forme.

Si l'on a insisté sur l'importance capitale du respect de ces conditions de validité, c'est parce que, seule une marque valable permet à son titulaire de se prévaloir de la protection renforcée qu'accorde le droit des marques. Mieux encore, la contrefaçon n'est qualifiée comme telle que parce qu'elle constitue une atteinte aux droits conférés par l'enregistrement d'une marque valable.

Par ailleurs, pour se prévaloir utilement de la protection accordée par la loi, il ne suffit pas que la marque soit valable, encore faut-il que les droits qui s'y rattachent demeurent opposables aux tiers.

1 Le texte arabe de l'article 560 C.O.C semble plus explicite que le texte français dans la mesure où il évoque la présomption du caractère indemne, sain ou intact du patrimoine.

2 MATHELY (P) : « Le nouveau droit français des marques » éditions J.N.A. 1994. p. 157.

3 Concernant la définition et le régime juridique de la marque notoire, voir infra. P. 65 et sui.

4 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. n°1061, p. 612.

Section 2 : L'opposabilité du droit sur la marque

La marque que l'on peut défendre contre un acte de contrefaçon n'est pas seulement valable, c'est encore, une marque dont le propriétaire est en mesure de faire prévaloir la plénitude de ses droits à l'égard des tiers, car bien que le monopole sur la marque soit constitué, il existe un certain nombre de comportements ou d'attitudes de la part du propriétaire qui peuvent vider le droit privatif sur la marque de son objet.

Sans les qualifier de causes d'inopposabilité, la loi des marques reconnaît trois situations qui, une fois intervenues, auront pour effet de rendre les droits du propriétaire de la marque, en fait, inopposables sur le terrain du droit des marques. Ces causes d'inopposabilité se ramènent soit à la volonté du propriétaire de la marque soit à une faute ou une négligence qui lui est imputable.

Dans le premier cas on parlera soit de retrait ( paragraphe I ) soit de renonciation ( paragraphe II) du propriétaire à ses droits en tout ou en partie. Quant au second cas, on parlera de la déchéance (paragraphe III) du droit sur la marque soit pour défaut d'exploitation, dégénérescence soit enfin pour déceptivité du signe constitutif de la marque.

Paragraphe 1 : Le retrait de la demande d'enregistrement de la marque

On entend par retrait, l'acte, constaté par écrit, en vertu duquel le titulaire d'une demande d'enregistrement de marque manifeste sa volonté de retirer sa demande pour tout ou partie des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé.

Dans le cas où la demande a été déposée par plusieurs personnes, elle ne peut être retirée que par l'ensemble des déposants ou par une personne mandatée à cet effet, de même la loi exige le consentement, constaté par écrit, de toutes les personnes qui ont pu bénéficier d'un droit de gage ou d'exploitation concédé par le titulaire de la demande d'enregistrement.

Une fois intervenu, le retrait a pour effet d'ôter à la demande d'enregistrement toute existence pour l'avenir, ainsi, les droits qui découlent de l'enregistrement cesseront d'exister et d'être opposables aux tiers en tout ou en partie suivant l'étendue du retrait. C'est pourquoi, la détermination de la date à laquelle le retrait produit ses effets revêt une importance capitale.

Toutefois, à la lecture de l'article 30 de la loi n°36-2001, on s'aperçoit qu'il se limite à exiger l'intervention du retrait avant la délivrance de la marque sans pour autant déterminer la date à laquelle le retrait prend effet, or le terme délivrance ne renvoi pas à une date précise ou à un acte spécifique. Néanmoins, il semble qu'il s'agit, au sens de l'article 13 alinéa 2, du certificat d'enregistrement délivré au déposant par l'I.N.N.O.R.P.I.

Ainsi, et en l'absence d'une date précise, on dira que le retrait prend effet normalement à la date de réception de la déclaration par l'I.NNORPI. Par ailleurs, si l'on admet que le retrait n'opère que pour l'avenir, on peut se demander si, durant la période qui se situe entre le dépôt et le retrait de la demande, le déposant serait admis à défendre ses droits sur la marque ?

Selon l'article 6 al.2 de la loi n°36-2001, l'enregistrement de la marque produit ses effets à compter de la date du dépôt de la demande, ainsi, le droit de propriété sur la marque est réputé naître dès le dépôt.

Toutefois, le dépôt ne permet pas, en principe, à son titulaire de se prévaloir de la protection accordée par la loi des marques 1 car d'après l'article 45 de la loi n°36-2001, « Ne peuvent être considérés comme ayant porté atteinte aux droits attachés à une marque, les faits antérieurs à la publication de la demande d'enregistrement de cette marque ».

Il est clair donc que c'est à partir de la publication de la demande d'enregistrement que les droits sur la marque deviennent opposables aux tiers, ainsi et à compter de cette date, peuvent être poursuivies et sanctionnées à titre de contrefaçon, toutes les atteintes perpétrées aux droits conférés par l'enregistrement.

Une telle protection basée seulement sur la publication d'une demande d'enregistrement, témoigne sans doute de la rigueur du droit des marques qui préserve les droits du déposant même durant la courte période de temps qui se situe entre la publication de la demande et la déclaration de son retrait.

Mieux encore, l'article 45 al.2, permet au déposant de constituer un présumé contrefacteur de mauvaise foi par le biais de la notification d'une copie de la demande d'enregistrement. En agissant de la sorte, le déposant pourra se prémunir rapidement des agissements d'un contrefacteur potentiel juste après le dépôt de la marque.

La célérité de cette technique de protection anticipée permet de renforcer la défense de la marque durant la période qui se situe entre la date du dépôt et celle de sa publication surtout que cette période risque de durer au plus tard douze mois selon l'article 9 de la loi n°36- 2001.

Au même titre que le retrait, la renonciation ôte aux droits sur la marque leur opposabilité.

Paragraphe 2 : La renonciation aux effets de l'enregistrement

La renonciation, selon l'article 31 de la loi du 17 avril 2001, consiste pour le propriétaire d'une marque enregistrée à renoncer aux effets de l'enregistrement pour tout ou partie des produits ou services pour lesquels s'applique la marque.

A la différence du retrait, la renonciation est l'oeuvre du propriétaire d'une marque enregistrée, elle intervient normalement après que l'enregistrement serait inscrit au registre national des marques et elle n'opère que pour l'avenir afin de préserver les droits que les tiers ont pu acquérir sur la marque dans le passé.

A ce stade une précision de taille s'impose, selon l'article 31 la renonciation porte sur les effets de l'enregistrement de la marque et non pas sur l'enregistrement lui-même, ainsi, la marque reste valable quelle que soit l'étendue de la renonciation. L'effet de la renonciation se limite donc à rendre la marque inopposable aux tiers sur le terrain de la loi des marques, du reste, la marque pourra être protégée en vertu des règles de la responsabilité civile pour faute.

Contrairement au retrait, la renonciation peut être explicite ou tacite. En pratique, elle intervient souvent d'une manière tacite à travers le défaut de renouvellement de l'enregistrement de la marque, ainsi, il importera peu que la marque soit encore exploitée car le propriétaire a déjà renoncé au support juridique de son droit sur la marque.

Toutefois, le renouvellement de l'enregistrement peut être partiel dans le sens où il peut porter seulement sur certains objets pour lesquels la marque a été enregistrée, on dira alors que le propriétaire a tacitement renoncé à ses droits sur les autres objets désignés par la marque et qui ne figurent pas sur la demande de renouvellement.

Ceci étant, il est de droit que la renonciation ne se présume pas car « La simple tolérance, même de longue durée, de marques contrefaisantes ne saurait davantage s'interpréter comme une renonciation au droit sur la marque ».1

On note enfin que la renonciation à la marque pour cause de défaut de renouvellement de l'enregistrement, n'était pas concevable sous l'empire du décret du 3 juin 1889, car tant que la marque était exploitée à la date d'expiration des effets de l'enregistrement, on ne pouvait retenir la renonciation, puisque l'usage était apte à combler le défaut de renouvellement.

Ce régime n'a plus raison d'être dans la loi n°36-200 1 vu qu'elle a subordonné la protection de la marque à l'enregistrement. Quant à la pérennité de la protection, elle est subordonnée, selon l'article 16 al.2, au renouvellement du dépôt.

Si dans les cas du retrait et de la renonciation, la perte du droit sur la marque se ramène à un acte de volonté, celle-ci n'est pas toujours la cause déterminante de l'extinction des droits sur la marque, car la perte des droits peut être retenue à titre de sanction à l'encontre d'une faute du propriétaire, c'est le cas de la déchéance au sens des articles 34 et 36 de la loi n°36-2001.

Paragraphe 3 : La déchéance des droits sur la marque

Une fois que la marque est enregistrée, le propriétaire voit la persistance de son droit sur la marque subordonnée au respect de certaines obligations dont le non-respect est sanctionné au sens de la loi n°36-2001 par la déchéance des droits sur la marque.

La déchéance, selon l'article 35, est prononcée par le juge suite à une demande formulée par toute personne intéressée que ce soit à titre principal ou reconventionnel, c'est dire qu'elle ne joue pas de plein droit. Ainsi, toute marque demeure opposable aux tiers jusqu'à ce que son titulaire soit déchu de ses droits par une décision de justice.

La sanction de déchéance est une sanction particulièrement grave compte tenu de son effet absolu. Une fois déchu, le propriétaire de la marque se trouve dépouillé de ses droits et c'est alors qu'il ne sera plus admis à agir utilement en contrefaçon. Quant à la marque, elle devient res nullius, et donc susceptible d'appropriation par tout intéressé.

1 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. n°1089, p. 630.

Par ailleurs, on note que le législateur a placé la déchéance sur le même pied que la nullité tant sur le plan de son effet absolu que sur celui de son étendue qui peut être partiel ou total selon qu'il touche tout ou partie des produits ou services pour lesquels la marque a été enregistrée.

D'après les articles 34 et 36 de la loi du 17 avril 2001, on constate que le législateur frappe par la déchéance le propriétaire de la marque qui oppose son inertie face à trois obligations de faire. En effet, encoure la déchéance, le propriétaire qui n'exploite pas sa marque (A) ainsi que celui qui en fait d'elle un usage de manière à la rendre déceptive (B) ou usuelle (C).

-A- La déchéance pour défaut d'exploitation de la marque :

Sous l'empire du décret de 1889, ce type de déchéance n'avait pas de raison d'être car il suffisait à l'intéressé d'exploiter la marque pour en acquérir la propriété ou encore l'enregistrer pour en revendiquer la propriété exclusive sans pour autant avoir à l'exploiter obligatoirement. Sur la base d'un tel régime, le propriétaire de la marque pouvait conserver son droit grâce au renouvellement du dépôt, alors même qu'il n'a jamais exploité la marque.

Avec la loi n°36-2001, l'exploitation de la marque a regagné d'intérêt puisqu'elle pèse en tant qu'obligation sur le propriétaire. En effet, il n'y a aucune raison à reconnaître perpétuellement un monopole légal sur une marque qui n'est même pas exploité car « La marque n'est pas un signe pris en lui-même : c'est un signe pris dans son application à des produits ou à des services, et dans la fonction de les désigner en référence à leur origine. Or la marque ne se réalise que par l'usage qui en est fait. Une marque non-exploitée n'exerce pas la fonction qui est la sienne ; Par conséquent elle cesse en vérité d'être une marque, au sens juridique et économique du mot ».1

Conformément à ses engagements internationaux,2 le législateur tunisien a entouré la déchéance de garde-fous, en ce sens, tout en retenant l'exception de juste motif, la loi n°36-2001 subordonne la déchéance pour défaut d'exploitation à plusieurs conditions.

En effet, le titulaire de la marque peut invoquer un juste motif afin d'éviter la sanction de la déchéance. Bien qu'il ne soit pas définit dans l'article 34 al, le juste motif s'entend, au sens de l'article 19 de l'accord ADPIC, de toutes « circonstances indépendantes de la volonté du titulaire de la marque qui constituent un obstacle à l'usage de la marque, par exemple des restrictions à l'importation ou autres prescriptions des pouvoirs publics visant les produits ou les services protégés par la marque». Bien évidement, il revient au juge d'apprécier la justesse du motif susceptible d'exonérer le propriétaire de la sanction de déchéance.

Concernant la période de non-usage après laquelle la déchéance pourra être retenue, elle est fixée à cinq ans selon l'article 34. Par ailleurs, au sens de l'alinéa 3 du même article, la déchéance pour défaut d'exploitation ne peut être invoquée à l'encontre d'une marque qui a fait l'objet d'un commencement ou d'une reprise d'usage sérieux, il est donc indispensable que la durée de non- exploitation s'étale d'une manière ininterrompue pendant cinq ans.

1- MATHELY (P): op. cit. p. 243.

2 Conformément à l'article 5-C-1 de la Convention d'Union de Paris, « L'enregistrement ne pourra être annulé qu'après un délai équitable et si l'intéressé ne justifie pas des causes de son inaction ». Dans le même ordre d'idée, l'accord sur les ADPIC dans son article 19 ordonne aux états signataires de subordonner la radiation de l'enregistrement à l'écoulement d'une « période ininterrompue de non-usage d'au moins trois ans, à moins que le titulaire de la marque ne donne des raisons valables reposant sur l'existence d'obstacles à un tel usage ».

Toutefois, l'article 34 al. 2 ne compte sauver de la déchéance que la marque ayant fait l'objet d'une exploitation sérieuse du même ordre que les exemples qu'il cite à titre indicatif.

Il est à noter que l'article 34 al. 4 n'admet pas le caractère sérieux de l'usage entrepris dans les trois mois précédant la présentation de la demande de déchéance car un tel usage dans cette période suspecte tend manifestement à frauder la sanction de la déchéance.

Par ailleurs, au terme de l'article 34 al. 3, le décompte de la période de non-exploitation de cinq ans commence à partir du jour de la présentation de la demande de déchéance.

Néanmoins, il est une situation intéressante à envisager, il s'agit en effet de la demande de déchéance d'une marque enregistrée depuis cinq ans et qui n'a jamais été exploitée, dans ce cas, les délais commenceront-ils à courir à partir de la date du dépôt ou de la date de la publication de l'enregistrement de la marque ?

Il semble opportun d'adopter la date de publication de l'enregistrement de la marque comme point de repère car c'est à cette date là -et non pas à celle du dépôt-1 que les tiers, y compris le demandeur en déchéance, seront informés de l'existence de la marque.

En définitive, si le titulaire de la marque objet d'une demande en déchéance ne parvient pas à prouver par tous les moyens une exploitation propre à éviter la sanction, le tribunal prononcera alors la déchéance avec un effet absolu. Par ailleurs, la déchéance prend effet à partir de la date de l'expiration du délai de cinq ans conformément à l'article 35 alinéa 3.

Toutefois, la perte des droits ne sera que partielle lorsque la déchéance est retenue pour certains produits ou services à l'exclusion des autres pour lesquels la marque a été enregistrée, ainsi, la marque demeure opposable aux tiers pour les produits non concernés par la déchéance.

Par ailleurs, tant que la marque n'a pas été enregistrée par un tiers, le propriétaire déchu pourra alors utilement l'exploiter et l'enregistrer à nouveau pour son propre compte.

-B- La déchéance de la marque devenue déceptive :

Si l'adoption d'un signe propre à induire le public en erreur se trouve prohibée au moment de l'enregistrement de la marque, cette interdiction joue aussi lors de l'exploitation de la marque si cette dernière est devenue trompeuse.

Au sens de l'article 36 (b), une marque devient trompeuse si -suite à l'usage qui en est fait par le propriétaire ou avec son consentement- elle risque d'induire le public en erreur notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. A contrario, l'article 36 (b) semble créer à la charge du propriétaire une obligation d'exploiter la marque de manière à ce qu'elle ne devienne pas trompeuse, ainsi, le non-respect d'une telle obligation se trouve sanctionné par la déchéance des droits sur la marque.

Etant donné qu'elle ne se présume pas, il revient au juge de prononcer la déchéance une fois ses deux conditions cumulatives sont réunies. Par ailleurs, l'appréciation de la déceptivité de la

1 Outre les risques financiers qu'encoure le déposant, il serait périlleux de s'aventurer à exploiter une marque dès son dépôt car il est toujours possible que la demande soit rejetée, qu'un tiers s'y oppose ou revendique la propriété de la marque ou encore demande l'annulation de l`enregistrement.

marque est une question de fait qui relève du pouvoir discrétionnaire du juge, il incombe donc au demandeur de rapporter la preuve, par tous les moyens, que la marque est devenue en fait propre à induire le public en erreur.

Le caractère trompeur ne doit pas être intrinsèque à la marque car dans ce cas elle encoure la nullité, il doit donc résulter de l'usage que l'on fait de la marque. En effet, il arrive qu'une marque laisse entendre garantir une qualité certaine 1 ou une origine géographique notoire, une telle marque n'est pas blâmable si le produit qu'elle couvre renferme de telles qualités.

Par contre, s'il est démontré que suite à l'usage qui en est fait, la marque ne couvre plus des produits de la qualité qu'elle prétend garantir ou si l'élément géographique qu'elle évoque ne coïncide plus à l'origine des produits, le propriétaire encourra alors la déchéance si la marque est devenue propre à induire le public en erreur.

Il semble, toutefois, que le changement des conditions de l'exploitation de la marque, qu'il soit frauduleux ou non, n'induit pas nécessairement le public en erreur, néanmoins, il suffit au demandeur en déchéance de prouver que la marque est devenue, au sens de l'article 36, trompeuse aux yeux du public sans avoir à prouver une quelconque intention frauduleuse.

Par ailleurs, la déchéance peut être invoquée à l'encontre d'une exploitation consentie par le propriétaire de la marque, il peut s'agir de l'usage déceptif entrepris par un licencié ou encore par le nouvel acquéreur de la marque.

Concernant le volet procédural de la déchéance d'une marque devenue trompeuse, en l'absence de dispositions spéciales en ce sens, il semble nécessaire d'en « déduire que certaines des règles posées pour la déchéance pour défaut d'exploitation pourront s'appliquer, par analogie ».2

Ainsi, on doit admettre que tout intéressé peut invoquer cette déchéance, qu'elle peut être partielle et qu'une fois prononcée, elle a un effet absolu. Toutefois, l'analogie avec les articles 34 et 35 devient inutile s'agissant de la date à partir de laquelle la déchéance prend effet. Il est préférable donc que le législateur intervienne pour combler cette lacune.

En France, sur la base d'un l'article similaire,3 la jurisprudence et la doctrine ont convenu à faire partir la déchéance de la date de la demande.

-C- La déchéance de la marque devenue usuelle :

Selon l'article 36, « Le titulaire d'une marque peut être déchu de ses droits :

a) Lorsque la marque est devenue de son fait la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service. »

Dans cet article, le législateur répond par la négative à la question suivante : doit-on tolérer l'existence d'une marque qui a cessé d'être distinctive pour devenir usuelle par le fait de son titulaire ? La solution semble a priori heureuse.4

1 La déceptivité de la marque ne découle pas forcément de la dégradation de la qualité du produit qu'elle couvre car, au sens du droit des marques, elle n'est censée garantir une qualité constante, à l'exception des marques de certification.

2 POLLAUD- DULIAN (F) : op. Cit. N°1289. p.601.

3 Il s'agit de l'article L 714-6 du C.P.I français. Cet article est l'équivalent de l'article 36 (b) de la loi n°36-2001.

4 La déchéance de la marque devenue usuelle ne semble pas accueillir l'approbation de M. POLLAUD- DULIAN qui la considère comme «discutable» du moins pour son incompatibilité avec les principes du droit civil en relation avec le droit de la propriété, voir en ce sens : POLLAUD- DULIAN (F) : op. Cit. N°1293.

En effet, si la marque doit être, sous peine de nullité, distinctive au moment de sa création, il importe à son titulaire de veiller à ce qu'elle demeure ainsi au cours de son exploitation, sinon elle perd sa substance et il n'y aura plus de raison à reconnaître à son propriétaire des droits exclusifs susceptibles d'être protégés par la loi des marques, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'article 36 frappe par la déchéance le titulaire d'une telle marque.

Telle qu'elle est prévue dans l'article 36, la déchéance est encourue lorsque, postérieurement à son enregistrement, la marque est devenue usuelle (1) dans le commerce du produit ou du service désigné (2) par le fait du propriétaire de la marque (3).

Le caractère usuel de la marque :

Le problème concerne une marque qui, au lieu de distinguer les produits ou les services d'un commerçant, se confond ou s'identifie au produit ou au service lui-même.

Désormais, une telle marque ne poursuit plus la fonction de rattachement du produit à son origine, car elle tend à désigner indifféremment tous les produits de la même catégorie, ainsi, le signe constituant la marque cesse aux yeux du public d'être perçu comme une marque pour devenir le nom commun du produit ou du service en question.

Le caractère usuel de la marque découle souvent de sa notoriété excessive, de son usage largement généralisé ou encore du fait qu'elle est constituée d'un néologisme appliqué à un nouveau produit. Tel est le cas des marques : Tergal, Alpaga et Dentelle pour des tissus, Frigidaire pour les réfrigérateurs, Bic pour le stylo-bille, Pédalo pour des engins de plage à pédales, Vaseline pour de la graisse industrielle, Alcotest pour des testeurs du taux d'alcool dans le sang, Bikini pour des maillots deux-pièces, et OMO, en Tunisie, pour détergent de linge.

Il est à préciser que l'article 36 exige que la marque soit devenue usuelle, il ne s'agit donc pas d'un risque ou d'une probabilité, c'est en effet une réalité. Ainsi, le caractère usuel de la marque doit être existant et vérifiable au moment où la déchéance est demandée.

Une marque usuelle dans le commerce :

Selon l'article 36, la marque doit devenir usuelle dans le commerce du produit ou du service en question. Le mot commerce doit être entendu dans son sens large qui couvre les professionnels ainsi que les consommateurs, car une marque ne devient générique que si elle est perçue comme telle par un large public qui s'empare, par la même, du signe qui la constitue pour faire de lui le nom commun du produit.

Bien entendu, le caractère usuel s'apprécie dans le commerce du produit couvert par la marque, ceci dit, la déchéance joue exclusivement à l'encontre du produit ou service pour lequel la marque est devenue effectivement une désignation usuelle.

-3- Une marque devenue usuelle par le fait de son titulaire :

Cette solution a le mérite d'être juste, car pour que l'on puisse admettre le fait de dépouiller le propriétaire de ses droits, il est nécessaire de retenir contre lui une sorte de négligence ou d'inertie face à la vulgarisation et à la détérioration du pouvoir distinctif de sa marque.

La dégénérescence de la marque semble souvent résulter du fait du public qui, en employant le signe comme terme générique, opère une sorte d'expropriation de la marque au profit du langage courant. Dès lors, il serait injuste de ne pas reconnaître au propriétaire le droit de défendre sa marque contre un tel usage.

C'est pourquoi, il est appelé à jouer rôle déterminant afin de sauvegarder le caractère distinctif de sa marque, toutefois, on ne peut exiger du propriétaire qu'il procède à une action généralisée 1 et systématique afin de défendre sa marque.

Raisonnablement, il lui suffit souvent d'un communiqué de presse, d'une compagne publicitaire ou encore plus radicalement entamer des poursuites en justice contre des personnes ayant fait un usage usuel de la marque. Peu importe la stratégie adoptée ou même le fait qu'elle ait été couronnée de succès ou non, le propriétaire doit manifester le souci de voir le caractère distinctif de sa marque reconnu et respecté autant que possible.

Parfois, il arrive que l'usage d'une marque soit tellement généralisé qu'elle devient irrémédiablement générique par excès de notoriété malgré les efforts de son propriétaire, dans ce cas, le caractère générique ou usuel de la marque ne touchera en rien à la validité de la marque.

Concernant le volet procédural de ce type de déchéance, en l'absence de dispositions spéciales, on doit admettre par analogie que les procédures applicables à la déchéance pour défaut d'exploitation le sont aussi pour la déchéance de la marque devenue usuelle.

Reste à déterminer la date à laquelle la déchéance prend effet ? La date de l'introduction de la demande semble la plus appropriée puisque la date à laquelle la marque est devenue usuelle ne peut être déterminée avec exactitude au jour près.

Qu'elle soit prononcée en vertu de l'article 34 ou 36, la déchéance est encourue par le titulaire actuel de la marque même s'il venait de l'acquérir car il ne saurait avoir autant de droits que l'ancien propriétaire, de plus, la marque lui est transférée dans son état au moment de la cession avec tout ce qui en découle comme risques.

Pour conclure, il importe de dire que les développements précédents nous ont permis de cerner succinctement les caractéristiques que doit revêtir toute marque propre à être défendue avec succès contre tout atteinte qui lui est perpétrée par les tiers. En effet, il s'agit d'une marque enregistrée, valable et opposable.

Toutefois, comme tout droit de propriété, le droit sur la marque n'est en rien absolu car, d'une part, il n'a de substance et de portée que celles que lui reconnaît la loi des marques, d'autre part, la marque n'est protégée par la loi n°36-2001, que dans la mesure où un tiers porte illégalement atteinte aux droits exclusifs qui reviennent au propriétaire de la marque en vertu de l'enregistrement.

1 Il faut reconnaître que la mise au point d'une stratégie de défense systématique de la marque nécessite beaucoup de temps et d'argent, ce qui n'est pas toujours abordable pour les PME. Par contre une telle stratégie devient vitale quand il s'agit d'une marque notoire car, par son effet d'osmose sur le public, la notoriété provoque souvent la dégénérescence.

Chapitre 2 : Les spécificités de l'atteinte

constitutive de l'acte de contrefaçon

Comme tout droit de propriété, le droit sur la marque génère au profit de son titulaire un monopole constitué par des prérogatives exclusives sur la marque, tel que l'usage et l'apposition de la marque sur les produits. La contre-partie de l'établissement de telles prérogatives monopolistes se traduit, naturellement, à l'égard des tiers en terme d'interdictions, car la reconnaissance du droit exclusif sur la marque porte en elle-même, une prohibition à l'encontre des tiers.

En effet, sera qualifié d'atteinte aux droits sur la marque, l'exercice par un tiers de l'une des prérogatives exclusives reconnues au propriétaire, cette affirmation traduit l'esprit de l'article 44, lequel intervient pour donner un sens au monopole du propriétaire vis-à-vis des tiers. Désormais, constitue une contrefaçon, « Toute atteinte portée aux droits du propriétaire de la marque »

Sur la base de l'article 44, il s'avère que le terme « atteinte » est le mot clé dans la définition de l'acte de contrefaçon, toutefois, on doit noter que le rattachement de la notion de contrefaçon à la notion d'atteinte semble réducteur et impropre à mettre en exergue la quintessence même de la contrefaçon car il est des atteintes qui ne sauraient rentrer dans la qualification de contrefaçon telles que les diverses formes d'atteintes à la valeur de la marque.1

Quoi qu'il en soit, l'emploi du terme « atteinte » dans l'article 44 est symptomatique en ce qu'il suppose d'emblée le caractère illégal de la contrefaçon, toutefois, si l'illégalité n'est pas spécifique à la contrefaçon, il est certain que l'illégalité de l'atteinte constitutive de contrefaçon renferme bel et bien des caractéristiques propres.

En effet, l'illégalité de l'acte de contrefaçon tient, en premier lieu, au fait qu'il intervient sans l'autorisation du propriétaire de la marque ni même de la loi (Section 1). Par ailleurs, si le défaut d'autorisation se présente comme une condition nécessaire, il n'est pas pour autant suffisant à distinguer la contrefaçon des diverses atteintes pouvant être perpétrées à la marque, et c'est là où la deuxième caractéristique de l'illégalité entre en jeu.

L'illégalité de l'acte de contrefaçon tient, en second lieu, au fait que l'atteinte incriminée intervient nécessairement dans les limites objectives du droit de propriété sur la marque, ces limites rendent, en fait compte au terrain au-delà duquel le propriétaire de la marque ne pourra plus défendre ses droits exclusifs sur la base de la loi des marques.

Ainsi, ce n'est qu'en délimitant les contours du monopole d'exploitation sur la marque, dans ses limites relatives à la spécialité, la territorialité et la temporalité, que l'on peut localiser le terrain sur lequel l'intervention d'un acte de contrefaçon serait possible. Ceci nous amènera donc à conclure que l'acte de contrefaçon de marque est spécifiquement une atteinte qui viole la propriété sur la marque dans sa délimitation tridimensionnelle. (Section 2)

Section 1 : Le défaut d'autorisation comme condition d'illégalité

de l'acte de contrefaçon

Selon les articles 22 et 23 de la loi du 17 avril 2001 : « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : a) La reproduction, l'usage, l'apposition d'une marque..... ».

A lire ces articles, on ne peut s'empêcher de remarquer que « Le législateur porte en tête de l'énoncé l'élément qu'il veut introduire en premier dans l'esprit du destinataire »,1 ainsi, on dira que l'usage du procédé de l'inversion au début de ces articles, n'est autre qu'une manière de mettre l'accent sur ce que le législateur considère comme essentiel afin préserver les droits exclusifs reconnus au propriétaire de la marque.

Toutefois, l'interdiction formulée dans les articles 22 et 23 de la loi n°36-2001, n'est pas absolue puisqu'elle succombe face à l'autorisation du propriétaire selon les termes mêmes des-dits articles. Ceci dit, l'exercice par un tiers d'un ou plusieurs droits qui reviennent au propriétaire sera disqualifié de contrefaçon s'il intervient dans les limites d'une autorisation accordée par le titulaire de la marque.2

Ainsi, le défaut d'autorisation s'apparente à une condition nécessaire pour que l'on puisse qualifier de contrefaçon l'exploitation de la marque faite par une personne autre que son propriétaire. Consistant en un fait négatif, le défaut d'autorisation pure et simple n'est pas sujet à une démonstration ou à une appréciation spécifique, car, tout simplement, une fois l'absence d'autorisation est invoquée par le propriétaire de la marque, il incombe à l'auteur de l'exploitation présumée contrefaisante d'apporter la preuve d'une autorisation préalable valablement accordée par le titulaire du droit sur la marque en question.

Par ailleurs, l'appréciation du défaut d'autorisation devient intéressante si elle découle d'un dépassement des termes d'une autorisation préalablement accordée par le propriétaire de la marque. C'est dans ce sens que s'inscrive, après un bref rappel des plus éclatantes techniques contractuelles 3 portant autorisation de l'exploitation 4 de la marque, l'entreprise de la détermination de l'absence d'autorisation souvent constitutive d'un acte de contrefaçon. (Paragraphe 1)

Outre les formes d'exploitation consenties par le propriétaire de la marque, on note que le législateur permet l'utilisation de la marque par des tiers dans des cas spéciaux sans que le grief de contrefaçon puisse être retenu, c'est le cas de l'autorisation par la force de la loi. (Paragraphe 2)

1 CORNU (G) : « Linguistique juridique » 2ème éd, Montchrestien 2000., n°8 5. p. 326.

2 Etant donné sa valeur économique capitale dans les temps modernes, la marque est devenue l'un des piliers du patrimoine intellectuel de l'entreprise, en conséquence, la stratégie commerciale de l'entreprise se trouve de plus en plus axée autour de l'élément marque. Afin de s'adapter aux impératifs pressants de rentabilité, de technicité et de compétitivité, plusieurs formes contractuelles ont été institutionnalisées et mises au point par les titulaires des marques en vue de faire contribuer des tiers dans l'exploitation de la marque.

3 A ce stade, il nous importe de souligner que ces techniques contractuelles, par lesquelles le propriétaire concède aux tiers des droits sur la marque, sont foncièrement diversifiées et évolutives, dès lors, leur délimitation serait tout à fait illusoire. Toutefois, il est de contrats qui se sont imposés en pratique de manière à ce qu'ils sont devenus les principales techniques d'autorisation par lesquelles le propriétaire concède à un tiers le droit d'utiliser sa marque

4 Sur la notion d'exploitation dans les contrats relatifs aux droits de propriété industrielle, voir : DIENER (M) : « Contrats internationaux de propriété industrielle » Litec. Spécialement p. 6 et sui.

Paragraphe 1 : L'intervention de l'acte de contrefaçon en dehors d'une

autorisation contractuelle

L'exclusivité inhérente au droit de propriété sur la marque fait que l'exercice par un tiers de l'une des prérogatives qu'il confère suppose l'autorisation préalable du titulaire du droit. Dans cette optique, l'illégalité de l'acte de contrefaçon s'explique dans une certaine mesure par son intervention en l'absence de l'autorisation du titulaire du droit.

Or comme tout fait négatif, le défaut d'autorisation n'est pas susceptible d'être prouvé concrètement ou positivement car ou bien autorisation il y a ou bien elle fait défaut. En ce sens, il est admis que l'exploitation non autorisée de la marque est, en principe, une exploitation contrefaisante.

C'est pourquoi, on doit admettre que l'exercice par un tiers d'un quelconque droit sur la marque est présumé non-autorisé jusqu'à preuve du contraire. Partant de ce constat, il semble que le défaut d'autorisation ne présente pas en soi une difficulté particulière d'appréciation.

Néanmoins, il y a lieu de préciser que le défaut d'autorisation, comme caractéristique de l'atteinte constitutive de l'acte de contrefaçon, peut résulter du dépassement d'une autorisation accordée par le propriétaire de la marque et c'est là où la détermination des prérogatives concédées aux tiers devient capitale afin de déterminer à partir de quel moment on peut affirmer qu'un quelconque emploi de la marque ne se situe plus dans les limites autorisées par le propriétaire de la marque et qui, par conséquent, tombe sous le coup du défaut d'autorisation.

Il semble donc judicieux de s'intéresser à l'autorisation qui dérive paradoxalement au défaut d'autorisation susceptible d'aboutir à la consommation d'un acte de contrefaçon.

Bien entendu, la liberté contractuelle garde tout son éclat pour ce qui est des contrats ayant pour objet la concession de droits sur la marque,1 en ce sens, le propriétaire de la marque peut même accorder une autorisation orale car l'écrit, comme condition de validité, n'a pas encore pris le dessus sur le caractère consensuel des contrats passés sur la marque.2

Certaines techniques contractuelles parmi d'autres, se sont imposées en pratique dans le domaine de l'exploitation des marques grâce, dans une large mesure, à leur adaptation aux besoins spécifiques des opérateurs économiques. L'étude de quelques contrats relatifs à l'exploitation de la marque nous permettra de relever certains impératifs qui poussent les titulaires des droits à faire intervenir un tiers dans l'exploitation de leurs marques. (A)

Par ailleurs, la pratique de ces contrats semble confirmer que le dépassement des prérogatives consenties par le propriétaire débouche souvent sur la consommation du délit de contrefaçon de marque (B), il semble donc opportun de tracer les limites au-delà desquelles le contractant du propriétaire ne sera plus admis à exercer un quelconque droit revenant au titulaire de la marque.

1- Bien entendu, il ne faut pas que les contrats passés sur la marque aboutissent à commettre des pratiques anticoncurrentielles, des concentrations interdites ou un abus de position dominante sur le marché au sens des articles 5 et 6 de la loi n°64-9 1 du 29 juillet 1991, relative à la concurrence et aux prix.

2 Contrairement au formalisme du contrat portant cession des droits sur la marque. ( voir l'article 27 de la loi n°36-2001)

-A- De quelques formes d'exploitation autorisées par le propriétaire :

Suite au recours croissant et systématique à certaines formes contractuelles dans le domaine de l'exploitation des marques, on est arrivé, en fait, à formaliser des contrats tel que la licence, la franchise, la distribution sélective1 ou encore le recours à la sous-traitance industrielle.

Dans les développements sommaires qui suivent, on essayera de déterminer les spécificités de ces formes contractuelles d'autorisation ainsi que les impératifs qui gouvernent leur conclusion.

1) Le contrat de licence de marque :

La reconnaissance du contrat de licence est une nouveauté apportée par la loi n°36-2001, toutefois, le législateur n'a pas pris le soin de le définir ni encore de préciser son régime juridique. On doit admettre donc qu'il s'agit d'un terrain régi par l'autonomie de la volonté.

Les seules dispositions relatives à la licence concernent son étendue. Selon l'article 28 de la loi n°36-2001, elle est soit exclusive soit non exclusive, par ailleurs, le déposant et le propriétaire d'une marque peuvent, au sens de l'article 29, saisir le tribunal compétent afin d'obtenir le retrait de la licence si le licencié enfreint les termes du contrat de licence.

Selon Chavanne et Burst, « le contrat de licence de marque est celui par lequel le propriétaire d'une marque confère à un tiers le droit d'apposer sa marque sur ses produits et d'en faire un usage commercial ».2 Il semble donc que le droit d'apposer la marque sur les produits ou en accompagnement d'un service permet de distinguer la licence des institutions voisines telle que la représentation commerciale.

En effet, dans le contrat de concession, le concédant, à qui revient la propriété de la marque, autorise le concessionnaire à utiliser sa marque et son enseigne afin de marquer de façon ostensible, envers tous, son appartenance au réseau commercial du propriétaire de la marque, toutefois, sauf stipulations expresses, « le concessionnaire n'a pas le droit d'apposer le signe sur les produits qu'il se procure ou qu'il fabrique directement ».3

Concernant les conditions de forme, la loi n'exige pas l'écrit comme condition de validité du contrat de licence, toutefois, il semble que l'écrit s'impose implicitement pour deux raisons, d'une part l'article 7 du décret n°2001-1603 du 11 juillet 2001 exige la publication, au registre des marques, de toutes les modifications qui affectent la jouissance des droits attachés à la marque, or la publicité suppose en principe l'écrit comme support matériel.

D'autre part, l'écrit est seul à pouvoir déterminer les obligations respectives des parties, c'est pourquoi, la rédaction du contrat de licence fait souvent preuve d'un luxe de précisions.

1 Dans le cadre de cette étude, on ne s'intéressera pas à la distribution sélective pour deux raisons, premièrement, les grands développements qu'elle suscite dépassent largement le cadre précis et indicatif dans lequel on a été amené à étudier les principales formes d'exploitation de la marque. Deuxièmement, dans l'état actuel du paysage économique en Tunisie, il apparaît clair que le contrat instituant un réseau de distribution sélective n'est pas encore assez développé pour que l'on puisse tirer de sa pratique des enseignements significatifs. Sur l'exploitation de la marque à travers l'institution d'un réseau de distribution sélective, voir notamment, POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. N°1403. p. 658; CHAVANNE (A) & BURST (J-J): op. cit. N°1146. p. 674.

2 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. N°1130. p. 664.

3 Le TOURNEAU (PH) & CADIET (L) : « Droit de la responsabilité et des contrats » DALLOZ ACTION 2000/2001. N°4489, p. 942.

De manière générale, la licence confère à son bénéficiaire un droit de jouissance sur la marque, cependant, le contrat de licence peut comporter toutes sortes de limitations quant à la durée du contrat ainsi qu'au territoire sur lequel le licencié devra exploiter la marque, d'autre part la licence peut être exclusive ou non, elle peut, en outre, concerner un produit ou un service à l'exclusion des autres objets couverts par la marque.

Par l'octroi d'une licence, le propriétaire de la marque verra sa marque exploitée dans des aires géographiques étendues, ce qui lui fera éviter des investissements parfois énormes tout en renforçant le rayonnement de la marque ainsi que sa présence sur d'autres marchés, en outre, la licence permet au propriétaire d'éviter la déchéance pour défaut d'exploitation dans tous les cas où il ne peut exploiter lui-même la marque.

2) Le contrat de franchise :

Tout comme la licence, le recours à la franchise connaît un essor non négligeable.1 Ce contrat consiste pour le franchiseur propriétaire de la marque à mettre à la disposition du franchisé des moyens d'exploitation éprouvés tels qu'un nom commercial, une marque ainsi qu'un savoir-faire qui peut prendre la forme d'un soutient logistique, d'une technique de commercialisation originale ou encore d'un un soutien marketing et publicitaire. En contrepartie, le franchisé se doit de verser à son franchiseur soit une rémunération fixe soit calculée en fonction du chiffre d'affaires soit encore en combinaison des deux modes cités.

La franchise en tant que technique d'exploitation de la marque consiste pratiquement à « permettre à autrui de réussir comme on a réussi »,2 à travers l'exploitation de la marque, par le franchisé, dans sa fonction de ralliement et de fidélisation de la clientèle.

Par ailleurs, l'écrit semble s'imposer afin de déterminer les droits et les obligations réciproques des parties de manière à éviter les divergences dans l'interprétation des termes de l'accord.

D'autre part, il est important de signaler que le franchiseur se doit de garantir au franchisé l'avantage concurrentiel qui repose sur la qualité ou la valeur économique de la marque, il se doit aussi de lui garantir une jouissance paisible de la marque sans être inquiété par des tiers.

Au coeur du contrat de franchise, se trouve donc le droit à l'usage de la marque, c'est le plus important parmi les moyens d'exploitation transmis au franchisé car la concession de droits sur la marque, dans le cas de la franchise, emporte de fait un transfert du savoir-faire3 ayant contribué à forger le pouvoir attractif de la marque, son impact psychologique et sa familiarité rassurante qui transforme généralement le consommateur en un véritable client.

1 Sur la franchise, voir l'excellent ouvrage de M. Jean-Marie LELOUP: « La franchise, droit et pratique » 3ème édition, Delmas 2000. L'auteur définit le contrat de franchise comme étant : « Le contrat synallagmatique à exécution successive par lequel une entreprise, dénommée franchiseur, confère à une ou plusieurs autres entreprises, dénommées franchisées, le droit de réitérer, sous l'enseigne du franchiseur, à l'aide de ses signes de ralliement de la clientèle et de son assistance continue, le système d'exploitation préalablement expérimenté par le franchiseur et devant, grâce à l'avantage concurrentiel qu'il procure, raisonnablement permettre à un franchisé diligent de faire des affaires profitables ». p. 38.

2 Ibid. p. 38.

3 Le savoir-faire consiste en « un ensemble finalisé de connaissances pratiques, transmissibles, non immédiatement accessible au public, non brevetées et conférant à celui qui maîtrise cet ensemble un avantage concurrentiel ». ibid. p. 53. Pour d'amples développements sur la notion de savoir-faire, voir LELOUP (J-M) : op. cit. p. 53 à 59.

Par ailleurs, on note que la franchise se présente comme une technique très souple et efficace car elle permet l'expansion de la marque ainsi que son exploitation selon les normes approuvées par le propriétaire qui, pour préserver une image de marque certaine, se réserve souvent le droit de contrôler l'exploitation faite de la marque par le franchisé.

3) La sous-traitance :

Avec l'essor technologique et l'accentuation de la spécialisation dans tous les domaines de l'activité économique, le recours à la sous-traitance, comme technique de division du travail, n'a cessé de se développer dans tous les compartiments de la vie économique, toutefois, la sous- traitance apparaît comme une notion malaisée à définir, le terme lui-même prête à équivoque en raison de sa polysémie.

Parmi les types de la sous-traitance,1 on s'intéressera à la sous-traitance industrielle car elle débouche souvent sur des litiges de contrefaçon de marque opposant les parties à la convention de sous-traitance.

« Dans le domaine industriel, qu'il existe ou non un marché initial ou un contrat principal préalable, les usages professionnels permettent de considérer comme activités de sous-traitance industrielle toutes les opérations concourant, pour un produit déterminé, à l'une ou plusieurs opérations de conception, d'élaboration, de fabrication, de mise en ouvre ou d'entretien, dont une entreprise dite donneur d'ordres, confie la réalisation à une entreprise, dite sous-traitant ou preneur d'ordres, tenue de se conformer exactement aux directives ou spécifications techniques que ce donneur d'ordres arrête en dernier ressort ».2

A cette définition, M. PEYRET ajoute quatre critères cumulatifs propres à distinguer la sous- traitance industrielle.3

La pratique du contrat de sous-traitance nous révèle que les parties au contrat ne constatent pas toujours leurs obligations réciproques par écrit, il suffit souvent d'un bon de commande ou même d'un accord verbal selon l'intensité des rapports d'affaires entre les parties, l'écrit semble tout de même nécessaire toutes les fois où les enjeux économiques deviennent importants.

Ce qui est intéressant au sein d'une relation de sous-traitance, c'est qu'elle donne souvent naissance à des obligations de marquage. En effet, le sous-traitant se voit généralement autorisé, selon le contrat et la nature de sa prestation, à apposer, modifier ou encore supprimer la marque du donneur d'ordres, ces opérations sont très courantes pour les confectionneurs de textile, les opérations d'emballage ainsi que dans les industries mécaniques.

1 La dissemblance et l'hétérogénéité des structures et des pratiques par lesquels se concrétise la sous-traitance ne permet pas de les identifier comme relevant d'une même et unique définition, les auteurs parlent de sous-traitance industrielle, de services, de marché ou encore de transport.

2 PEYRET (S) : « Sous-traitance industrielle » Encyclopédie Delmas, Dalloz 2000. N°103, p. 10.

3 Ibid. p. 11. Selon l'auteur, la sous-traitance industrielle doit sa spécificité à quatre critères cumulatifs propres à l'individualiser. Premièrement, elle consiste en une substitution du sous-traitant au donneur d'ordres dans l'accomplissement du travail, deuxièmement, elle se caractérise d'une dépendance économique du sous-traitant par rapport au donneur d'ordres, qui peut aller jusqu'à l'assujettissement absolu du premier par la voie de spécifications, de directives ainsi que d'un contrôle technique rigoureux, troisièmement, la sous-traitance se caractérise par l'exercice d'une fonction technologique, en effet, le sous-traitant est appelé à déployer son savoir-faire et ses capacités techniques au service du travail qui lui est soumis, enfin, la sous-traitance se distingue par l'autonomie juridique du sous-traitant par rapport au donneur d'ordres, en effet, c'est une relation contractuelle entre deux partenaires économiques indépendants juridiquement.

Le recours à la sous-traitance industrielle est devenu inévitable pour les industriels car elle répond à leurs besoins sur les plans aussi bien financiers que technologiques surtout avec l'accentuation de la technicité dans certaines branches de production qui nécessite l'intervention d'un sous-traitant souvent hautement qualifié en terme de moyens techniques et humains.

-B- Les conséquences du dépassement des prérogatives consenties par le
propriétaire de la marque :

Dans tous les cas où le propriétaire de la marque autorise un tiers à faire usage de sa marque, le grief de contrefaçon ne peut être retenu, car la contrefaçon découle d'une atteinte aux droits sur la marque, or dans ces cas l'autorisation permet à l'intervention du tiers d'être fondée en droit.

Toutefois, la solution devient tout autre si le contractant du titulaire de la marque ne respecte pas les termes du contrat. En ce sens, il communément admis que le dépassement, par le licencié, le franchisé ou le sous-traitant, des droits qui leurs sont consenties par le propriétaire de la marque tombe sous le qualificatif de contrefaçon.

Autrement dit, tout ce qui dépasse les termes du contrat devient contrefaçon, c'est pourquoi la rédaction des contrats revêt une importance capitale surtout pour minimiser les risques de divergence dans l'interprétation des droits et obligations découlant du contrat.

Bien évidemment, ce qui nous intéresse c'est le fait que le contractant dépasse, par l'usage qu'il fait de la marque, le cadre prévu par le contrat tout en portant atteinte aux droits sur la marque car seule l'atteinte au droit peut être qualifiée d'acte de contrefaçon.

La pratique des contrats portant sur la jouissance des droits sur la marque, tel que la licence et la sous-traitance, révèle que les anciens partenaires ou contractants du titulaire de la marque sont souvent les plus susceptibles de devenir des contrefacteurs en raison des connaissances techniques et des secrets de fabrication qu'ils ont pu acquérir tout au long de la période où ils entretenaient des rapports d'affaires avec le propriétaire de la marque.

Dans le cas de la sous-traitance, une enquête 1 nous a permis constater certaines pratiques constitutives de contrefaçon de marque. En effet, il est courant pour le contractant du titulaire de la marque de dépasser la production prévue dans la commande, peu importe le fait que le produit sur lequel la marque d'autrui est apposée soit un produit authentique ou imité, le délit de contrefaçon pourra être retenu contre un tel sous-traitant soit pour reproduction, apposition ou encore usage de marque et ce pour l'excédant qu'il a produit sans autorisation.

Ce type de dépassement est courant surtout chez les confectionnaires en matière de textile, il est souvent question de sur-production d'étiquettes ou de logos de la marque, cette pratique est très répondue en Tunisie et il semble que certaines entreprises en font l'essentiel de leur activité.

1- Afin de donner un sens plus pratique aux dimensions de la contrefaçon de marque en Tunisie, nous avons procédé à une enquête auprès de quelques entreprises industrielles et commerciales domiciliées en Tunisie, rares sont celles qui ont coopéré, certains refusent d'admettre la contrefaçon de leur marques tel que LEVI'S® et SONY®.

Egalement pour le secteur de l'industrie automobile,1 les constructeurs détenteurs des marques automobiles souffrent souvent du dépassement des termes des contrats passés avec leurs sous-traitants. Lors d'une enquête auprès de l'entreprise RENAULT, les responsables de cette régie d'automobile n'ont pas manqué de révéler leur inquiétude à propos des pratiques de leur principal sous-traitant, la société italienne VALEO.

En effet, en Tunisie comme à l'étranger, le dit sous-traitant occasionne de considérables pertes à son donneur d'ordre tant sur le plan financier que sur celui du prestige et de l'image de marque et ce à travers la fabrication excédentaire et la commercialisation, sur les circuits officiels de distribution, de pièces de rechange contrefaites -dites adaptables- non conformes aux normes du constructeur.

La dépendance de RENAULT envers VALEO est aussi forte qu'elle ne peut la poursuivre pour contrefaçon car le préjudice qu'elle peut encourir en rompant avec son sous-traitant serait largement supérieur au préjudice que lui fait subir la contrefaçon.

Concernant le dépassement de l'autorisation par le licencié, le problème semble se poser lorsque le contrat omet de prendre en considération le sort des stocks de produits marqués encore en possession du licencié alors que la relation contractuelle est arrivée à terme. Dans ce cas, à défaut d'accord des parties, le licencié doit bénéficier d'un délai raisonnable afin d'écouler le stock en sa possession sans qu'il puisse être taxé de contrefaçon.

Parfois, certaines affaires de contrefaçon de marque permettent de regarder avec méfiance la concession de droits sur la marque sous quelque forme qu'elle soit, c'est le cas de l'affaire « Haut Mornag ».2 En l'espèce, la Coopérative viticole BOU ARGOUB, ancien membre de l'Union Centrale des Coopératives Viticoles 3 a été exclue de l'union pour dépassement des prérogatives qui lui sont consenties par l'U.C.C.V. Sa mission consistait en partie en la mise en bouteille des produits vinicoles sous la marque Haut Mornag appartenant à l'U.C.C.V.

En raison de sa mission de remplissage, la Coopérative viticole BOU ARGOUB connaissait parfaitement les caractéristiques de cette marque notamment l'étiquette, le logo, la forme de la bouteille, l'emballage ainsi que les prix pratiqués, ce savoir-faire lui a permis de contrefaire la marque « Haut Mornag » durant sept années entières en proposant à la vente un vin d'une qualité médiocre sous la même marque.

La reproduction de la marque était tellement ingénieuse que le propriétaire de la marque n'a pu, avant la découverte de la contrefaçon, donner une explication rationnelle à la baisse spectaculaire du chiffre d'affaire des ventes du produit vinicole marqué.

Dans une autre affaire,4 il a été révélé qu'un partenaire commercial s'est approvisionné de produits revêtus d'une marque notoire tout en se comportant, de fait, comme représentant du titulaire de la marque sur le marché tunisien, alors qu'il se ravitaillait de produits marqués afin de les mettre en vente tout en procédant à l'enregistrement de la marque pour son propre compte.

1 Voir en ce sens, KESSLER (M): « La contrefaçon dans l'industrie automobile » Gaz. Pal du 26 mars 1994. n°2. p. 365.

2 CA, Tunis, arrêt n°83724 du 6 février 2002. (non publié) voir annexe n°4.

3 L'activité de l'U.C.C.V consiste en la centralisation de la production des coopératives membres, le stockage, la mise en bouteille, ainsi que la commercialisation de cette production sous les différentes marques qu'elle possède.

4 CA, TUNIS, Arrêt n° 60537 du 16 février 2000. (JOHNSON ENDSON / JASMINAL) Voir annexe n°5.

Outre les termes du contrat, s'il est constaté par écrit, ce sont surtout des considérations de fait propres à chaque espèce qui permettent aux juges de retenir le délit de contrefaçon contre le dépassement, par le contractant, des droits qui lui sont consentis par le titulaire de la marque.

Comme pour témoigner du caractère non-absolutiste du droit sur la marque, le législateur autorise exceptionnellement certaines personnes, sous certaines conditions, à utiliser le signe constitutif d'une marque enregistrée.

Paragraphe 2 : L'intervention de l'acte de contrefaçon en dehors d'une

autorisation légale

Il va sans dire que si la loi autorise les tiers à utiliser un signe identique à celui d'une marque enregistrée, il ne sera plus question de qualifier un tel usage d'atteinte illégale constitutive, le cas échéant, d'une contrefaçon. Ainsi, l'autorisation légale s'analyse comme un fait justificatif ou encore une sorte de servitude légale au même titre que celle supportée, en vertu des aménagements apportés à la propriété immobilière, par le propriétaire du fond servant.

Cette limite apportée au droit sur la marque par l'article 25 de la loi n°36-2001 est formulée dans les termes suivants : « L'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme :

a) Dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est, soit antérieure à l'enregistrement, soit le fait d'un tiers de bonne foi employant son nom patronymique,

b) Référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée, à condition qu'il n'y ait pas de confusion sur l'origine du produit ou du service.

Toutefois, si cette utilisation porte atteinte à ses droits, le titulaire de l'enregistrement peut présenter une requête auprès du tribunal compétent pour limiter cette utilisation ou l'interdire ».

Avant de procéder à une brève analyse des trois cas d'autorisation légale, il est important de souligner qu'elles ne peuvent être interprétées d'une manière extensive, d'autant plus qu'il faut réunir les conditions nécessaires à sa mise en oeuvre sinon l'utilisation de la marque d'autrui tombe sous le coup de la contrefaçon.

-A- La tolérance accordée à certains signes distinctifs antérieurs à la marque :

Dans l'article 25 (a), le législateur met l'accent sur la gestion des conflits pouvant opposer trois signes distinctifs à l'enregistrement d'une marque. Il s'agit en effet de la tolérance accordée par la loi à la dénomination sociale,1 le nom commercial 2 et l'enseigne.3

1 La dénomination sociale se définie comme le nom adopté par une société de capitaux.

2 Le nom commercial est le nom sous lequel une personne exerce l'exploitation effective d'un fonds de commerce afin de le distinguer des autres fonds de commerce similaires.

3 Selon Chavanne et Burst, « L'enseigne est un signe visible qui sert à distinguer un établissement commercial et à permettre au public de ne pas le confondre avec un autre », op. cit, N°1382.

A l'opposé des droits sur la marque, l'acquisition des droits, sur le nom commercial, la dénomination sociale et l'enseigne, n'est subordonnée à aucune obligation d'enregistrement, ils s'acquièrent par le premier usage, toutefois, même s'ils sont protégés en tant qu'éléments du fonds de commerce, ces droits ne font pas toujours le poids face au droit sur la marque.

En effet, on a déjà vu qu'en vertu de l'article 5 de la loi n°36-2001, le titulaire de l'un de ces signes ne peut opposer son droit antérieur à l'enregistrement d'une marque identique que dans des conditions précises.

Concernant la dénomination sociale, elle ne constitue une antériorité opposable à une marque identique que lorsque la marque risque de créer une confusion dans l'esprit du public. Quant au nom commercial et l'enseigne, outre la nécessité de l'existence d'un risque de confusion, ils ne sont opposables à l'enregistrement d'une marque identique que lorsqu'ils sont connus sur l'ensemble du territoire tunisien.

En pratique, rares sont les situations où ces signes distinctifs remplissent ces conditions, c'est pourquoi, ils ne font pas souvent obstacle à l'enregistrement d'une marque identique.

Toutefois, faisant l'objet d'un droit antérieur acquis par l'usage, le nom commercial, la dénomination sociale et l'enseigne méritent bien d'être respectés malgré qu'ils n'aient pas le pouvoir de s'opposer à l'enregistrement de la marque pour défaut de notoriété ou de rayonnement territorial. En fait, c'est le respect des droits acquis sur ces signes distinctifs qui leur permet de tenir face à l'existence d'une marque identique ou similaire.

Il convient de noter que les droits acquis sur ces signes distinctifs ne résistent pas à la marque à tous les coups, car s'il est démontré que l'utilisation du même signe, dans le même secteur d'activité, par les titulaires de ces droits porte atteinte aux droits du propriétaire d'une marque identique ou similaire, le juge pourra selon le cas ordonner la limitation de cet usage ou voire même l'interdire sur la base de l'article 25 alinéa 2 de la loi du 17 avril 2001.

Concernant la limitation de l'usage, elle peut consister en l'adjonction de tout terme, date ou lieu d'exploitation propre à dissiper la confusion dans l'esprit du public quant à l'origine de produits ou des services. A notre avis, il est souhaitable que les juges optent pour la coexistence de ces signes avec la marque tout en exigeant la preuve du préjudice subi.

Quant à l'autre alternative de l'article 25 al. 2, elle permet au juge d'interdire l'usage de la marque comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne. Hélas, la solution n'est pas heureuse,1 car elle contredit directement le principe de la protection des droits acquis.

En ce sens, MATHELY 2 voyait, à juste titre, en la mesure d'interdiction une expropriation pure et simple, il est donc très recommandé à tout commerçant ou opérateur économique de déposer à titre de marque les noms sous lesquels il exerce son commerce ou son activité.

1 l'adoption de la mesure de l'interdiction dans l'article 25 témoigne d'un mimétisme coutumier car le législateur n'a fait que reprendre l'article L. 713-6 du C.P.I français, or rien ne fonde cette mesure orthodoxe. En effet, il est très démesuré de faire disparaître un droit acquis pour réparer un préjudice parfaitement réparable sur le terrain du droit commun de la responsabilité ou encore sur celui de la concurrence déloyale.

2 MATHELY (P): op. cit. p. 190.

La tolérance accordée au tiers utilisant son nom patronymique :

Une autre situation doit être prise en compte selon le point (a) de l'article 25, il s'agit de l'autorisation accordée par la loi à un tiers d'utiliser son nom patronymique dans le commerce pour désigner un produit ou un service alors que ce même nom fait déjà l'objet d'un dépôt à titre de marque pour couvrir le même produit ou service.

La tolérance accordée au tiers qui utilise son nom patronymique, puise sa raison d'être dans le respect des droits rattachés à la personnalité humaine, toutefois, l'exercice d'un tel droit fondamental sur son nom patronymique, ne doit pas faire profiter l'homonyme injustement de la renommée d'une marque constituée par un nom identique ou similaire.1 C'est pourquoi l'article 25 subordonne le bénéfice de cette autorisation légale à un usage de bonne foi.

Ainsi, si l'usage du patronyme projette de profiter de la renommée d'une marque antérieure identique ou similaire, l'auteur de cet usage se comporte, en fait, « en parasite pour profiter de son homonymie, et cela alors qu'il lui était facile d'adopter un autre signe ».2

Selon l'article 25 de la loi n°36-2001, un tel usage suspect du patronyme peut encourir, sur requête du titulaire de la marque identique, soit la limitation soit l'interdiction, par ailleurs, l'interdiction semble être appropriée comme sanction car l'homonyme peut toujours utiliser un signe autre que son patronyme, de plus l'interdiction semble être « le seul moyen de conjurer le préjudice que cause au titulaire de la marque la tolérance concédée à l'homonyme ».3

La tolérance reconnue aux fabricants d'accessoires :

L'article 25 de la loi du 17 avril 2001 tolère l'utilisation d'une marque enregistrée toutes les fois qu'elle serve de « référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée, à condition qu'il n'y ait pas de confusion sur l'origine du produit ou du service».

Cette autorisation accordée aux fabricants des accessoires et des pièces de rechange n'est autre qu'un aménagement apporté par le principe fondamental de la liberté du commerce et de l'industrie à l'absolutisme et au caractère monopoliste du droit des marques.

La solution apportée dans l'article 25 se présente comme suit, chaque fois qu'une marque désigne dans le commerce un produit composé de pièces détachables ou d'accessoires qui ne font pas l'objet d'un droit exclusif tel qu'un brevet d'invention ou un modèle industriel, la libre concurrence fait que l'on peut, sans avoir à requérir l'autorisation du titulaire de la marque, fabriquer ces pièces détachées ou accessoires tout en indiquant la marque qui couvre le produit auquel ils sont destinés. Cette exception aux droits sur la marque s'explique donc par la nécessité de faire référence à l'objet marqué auquel s'applique un produit libre de fabrication dans le commerce.

1 TPI, Tunis, jugement n°8 1656 du 17 mai 1993. Cité par, KTARI (S) : « La marque de fabrique » R.J.L, mai 1997. p. 83. (en arabe). En l'espèce l'usage la marque MAKNI AUDIO a été interdit à juste titre car il portait atteinte aux droits sur la marque MAKNI alors que les deux homonymes n'étaient pas des concurrents directs. (textile/produits électroniques)

2 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. N° 910, p. 508.

3 MATHELY (P): op. cit. p. 198.

Toutefois, comme les exceptions sont d'interprétation restrictive, l'autorisation légale ne doit porter que sur un objet accessoire entrant dans la composition du produit marqué, elle ne doit, sous peine de devenir une contrefaçon, concerner le produit principal lui-même.1

En outre, le champ de l'autorisation se cantonne, dans l'article 25, à l'indication nécessaire de la destination du produit accessoire, ainsi l'autorisation ne tient plus dès lors que la référence à la marque d'autrui ne se présente plus comme une nécessité impérieuse.

« Enfin, et c'est probablement la condition essentielle, l'utilisation de la marque, à titre de référence, doit être faite dans des conditions qui écartent toute confusion sur l'origine du produit ou du service offert ».2 Le fabricant des accessoires et des pièces détachées, doit donc se référer à la marque d'autrui sans pour autant semer la confusion 3 dans l'esprit du public sur l'origine des produits, c'est pourquoi il lui est nécessaire de présenter le produit et formuler l'utilisation de la marque à titre de référence d'une manière aussi claire et limpide que possible.

Concernant, l'inobservation des conditions de mise en oeuvre de cette autorisation légale, elle est sanctionnée, comme dans les autres cas, soit par la limitation soit par l'interdiction, il est à noter que si l'utilisation de la marque entraîne la confusion, la contrefaçon pourra être retenue contre le fabricant des produits d'accessoires ou détachés en vertu de l'article 23 de la loi n°36- 2001, et en conséquence, le juge lui interdira l'usage de la marque.

Il est à noter qu'en dehors des situations envisagées dans l'article 25 de la loi n°36-2001, il est des cas spéciaux où l'usage de la marque se trouve autorisé aussi par la force de la loi mais pour des motifs totalement différends de ceux qui commandent les cas de l'article 25.

Il en est ainsi de l'usage fait par les créanciers du titulaire de la marque suite à la saisie de la marque isolément du fonds de commerce ou suite à la saisie ou la liquidation du fonds de commerce auquel elle se rattache en tant qu'élément incorporel.4 Il en est de même de l'usage de la marque entrepris par un administrateur judiciaire commis à cet effet par une décision de justice à l'occasion d'une procédure de redressement d'une entreprise en difficultés économiques au sens de la loi n°95-35 du 17 avril 1995.5

Enfin, et d'une manière radicale, l'expropriation d'une marque, bien qu'elle tende à devenir une hypothèse d'école, opère le transfert du droit de propriété sur la marque, par la force de la loi qui la prononce, à la personne publique bénéficiaire.

L'étude des différentes formes d'autorisations portant sur l'utilisation de la marque par un tiers, nous a permis d'aborder a contrario la spécificité de l'illégalité de la contrefaçon en tant qu'atteinte non consentie par le titulaire de la marque ni encore autorisée par la loi. Par ailleurs, on verra que l'acte de contrefaçon doit aussi son caractère illégal au fait qu'il doit incontestablement intervenir directement dans les limites objectives du monopole sur la marque.

1 Cass. Com., 4 janvier 1985. PIOTRAUT (J-L) & DECHRISTE (P-J): op. cit. N°25 1. p. 312 et sui.

2 MATHELY (P): op. cit. p. 201.

3 On note que l'article 25 autorise l'utilisation de la marque pourvu qu'elle ne prête à confusion, il importe donc au titulaire de la marque de prouver la confusion et non pas un simple risque de confusion.

4 La marque est un élément incorporel du fond de commerce au sens de l'article 189 al. 3 du code du code du commerce.

5 JORT, n°33 du 25 avril 1995.

Section 2 : La localisation tridimensionnelle de l'acte de

contrefaçon

Longtemps présenté comme un droit absolu, le droit sur la marque est en fait relatif à plusieurs titres. Outre les limites qui lui sont imposées par la loi soit pour préserver des droits antérieurs soit pour des considérations spécifiques, il est important de souligner que le droit sur la marque, à l'image de toute propriété incorporelle, n'a de portée et d'existence que celle que lui reconnaît la loi.

En effet, « si l'on doit dépeindre la condition juridique des meubles incorporels par comparaison aux meubles corporels, ce sont surtout des traits négatifs qui apparaissent. Ce que l'on observera de plus net, c'est que [...] les restrictions aux droits du propriétaire sont généralement plus nombreuses, [...] il s'agit de biens sans réalité physique, qui tirent leur existence même de la loi ; celle-ci peut efficacement restreindre la portée d'une existence qu'elle accorde » . 1

Cette affirmation traduit excellemment la situation juridique de la marque bien que la doctrine ainsi que la jurisprudence 2 tendent parfois à qualifier le droit de propriété sur la marque en tant que droit absolu. Bien entendu, il ne s'agit là que d'une formule qui rend compte de la place de choix qu'occupe le droit de marque dans la hiérarchie des signes distinctifs, l'emploi de l'expression droit absolu « signifie seulement le large rayonnement que les tribunaux entendent donner au droit sur la marque ».3

La portée du droit sur la marque est relativement restreinte par la loi des marques, cette limitation se manifeste simultanément à trois niveaux différents.

En premier lieu, la marque ne peut être protégée que dans son application à des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels elle a été enregistrée, c'est là la limite apportée par le principe fondamental de la spécialité des marques ( Paragraphe I ).

Ensuite, et conformément au principe de la territorialité des droits de propriété intellectuelle, le droit sur la marque n'existe et n'est protégé géographiquement que sur le territoire couvert par l'ordre juridique qui l'a créé ( Paragraphe II ).

Outre sa relativité dans l'espace, le droit sur la marque se caractérise aussi par sa relativité dans le temps. En effet, les droits conférés par l'enregistrement ne peuvent être défendus face à l'acte de contrefaçon que pour une période limitée, à moins que le titulaire de la marque observe les conditions légales nécessaires à la pérennité des droits sur la marque ( Paragraphe III ).

C'est dans ces limites objectives et seulement dans ces limites que les droits sur la marque sont protégés par la loi des marques, c'est aussi seulement dans ce cadre précis que l'atteinte constitutive de l'acte de contrefaçon devient envisageable, identifiable et répréhensible.

1 CARBONNIER (J) : Droit civil, Les biens. 12ème éd, Thémis, PUF 1988.. N°83. p. 373.

2 Voir en ce sens, Paris, 12 février 1982, Gaz. Pal. 1982, II, som., p. 113. Le tribunal affirme que « la propriété d'une marque régulièrement enregistrée est absolue et confère, à celui qui en est titulaire, une action contre tous ceux qui y portent atteinte de bonne ou mauvaise foi, sous quelque mode que ce soit ».

3 CHAVANNE (A) & BURST (J-J): op. cit. N° 1154, p. 678.

Paragraphe 1 : L'acte de contrefaçon : une atteinte dans

la spécialité de la marque

Etant donné son caractère dérogatoire, le droit de propriété sur la marque fait l'exception à la libre concurrence. Il serait donc sage d'interpréter les droits exclusifs du propriétaire d'une manière stricte, car dans le domaine économique, la libre concurrence demeure le principe.

Dans cette perspective, le droit sur la marque s'analyse comme un droit de propriété qui a pour objet un signe servant à distinguer les seuls produits ou services qui ont été désignés dans l'acte de dépôt de la marque, c'est ce que prévoit l'article 21 de la loi n°36-2001, en disposant que « l'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété pour les produits et services qu'il a désignés lors du dépôt ».

Ainsi, compris, l'article 21 porte consécration de la règle de la spécialité des marques en droit tunisien. En vertu de cette règle, on ne pourra admettre la protection de la marque, sur le terrain de la loi n°36-2001 du 17 avril 2001, pour des produits ou services autres que ceux pour lesquels elle a été enregistrée, car la marque « consiste dans un signe, pris dans son application à un objet déterminé, avec la fonction de le distinguer ».1

Il s'ensuit que la protection reconnue à la marque face à l'acte de contrefaçon n'est possible que dans les cas où l'usurpation du signe se réalise dans un cadre concurrentiel pour désigner des produits ou des services identiques à ceux couverts par la marque usurpée.

En effet, c'est seulement dans le cadre précis des produits ou services identiques que les actes de contrefaçon sont interdits dans l'article 22 de la loi n°36-2001 comme suit : « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :

a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque [...] pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ».

Toutefois, sans pour autant tomber dans la contradiction, l'article 23 la loi n°36-2001 pose la règle de la protection des marques pour des produits ou services similaires. Il est de droit que la protection de la marque couvre non seulement des produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée, mais encore les produits et les services similaires à ceux qui figurent dans l'acte de dépôt de la marque.

Cette extension de la protection des droits du propriétaire se justifie d'elle-même dans la mesure où « l'utilisation de la même marque pour des produits similaires par un tiers fausse la garantie d'origine attachée à la marque et dénie la fonction distinctive du signe ».2

1- MATHELY (P): op. cit. p. 171.

2 POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. N°1394. p. 653.

En effet, si la marque garantie aux yeux du public une certaine origine ou provenance du produit ou du service, son utilisation par un tiers pour désigner des objets similaires risque d'être attribuée par le public à la même origine, en pareil cas, la fonction foncièrement distinctive de la marque risque d'être mise en cause.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle un risque de confusion est exigé dans ce cas précis pour que soit constitué le délit de contrefaçon dans ce cas précis.

Selon MATHELY, il n'y a pas de contradiction entre le principe de la spécialité et la protection de la marque pour des produits et services similaires à ceux désignés au dépôt « car il ne faut pas confondre l'objet du droit, et l'étendue de la protection conférée au droit ».1

En conséquence, n'est pas contrefaçon, l'utilisation d'une marque identique pour désigner des objets similaires, à ceux qu'elle couvre, s'il ne résulte de cet usage aucun risque de confusion dans l'esprit du public quant à l'origine ou la provenance des produits ou des services.

Par ailleurs, il paraît que la protection de la marque sur la base de l'article 23 pour des produits ou services similaires tire plutôt vers la théorie de la concurrence déloyale car, dans ce cas, la contrefaçon n'est retenue qu'en la présence d'un risque de confusion, or il est de règle générale que la confusion se rattache à la concurrence déloyale plutôt qu'à la violation d'un droit privatif porteur, par sa nature exclusive, d'une interdiction légale de la concurrence.

Concernant l'appréciation des notions de produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés lors de l'enregistrement de la marque, il s'agit là bien entendu d'une question de fait laissée à l'appréciation souveraine des juges, toutefois, la question devient délicate concernant l'estimation du caractère similaire des produits ou services au sens de l'article 23.

Parfois, les tribunaux se réfèrent directement au classement international des produits et des services, tel que prévu par l'Arrangement de Nice 2 du 15 juin 1951, afin de retenir l'identité entre deux produits appartenant à la même classe de produit. 3

Toutefois, la référence au classement international n'a aucun effet sur l'étendue des droits sur la marque en l'absence d'un texte de loi qui tire de l'appartenance d'un produit ou d'un service à une classe déterminée des conséquences juridiques en terme d'étendue de protection de la marque.4

1 ibid. p. 315.

2 Ratifié par la Tunisie en date du 29 mai 1967, selon l'I.NNORPI.

3 AFFAIRE : SCHWARZKOPF / JASMINAL : TPI, SFAX, Jugement commercial n° 970 du 14 mars 2000, voir annexe n°6. ; AFFAIRE :CRISTAL / KRISTAL : TPI, Tunis, jugement n°64616 du 5 juillet 1983. Bulletin de la doctrine et de la jurisprudence. Cour d'Appel de Sfax 1997, n°1. Dans ces deux affaires, il a été question de comparer des produits appartenant à la troisième classe selon l'arrangement de Nice.

4 Sur la question de la valeur juridique du classement international des produits et des services issu de l'Arrangement de Nice, voir : TOUMI (F) : « La propriété industrielle en Tunisie et les conventions internationales » (En arabe) Etudes Juridiques 2002. n°9. Faculté de Droit de Sfax. p. 278. Outre le problème posé par sa nature obligatoire douteuse, on note que le classement des produits et services se révèle, avec le passage du temps et les mutations profondes et accélérées de l'innovation technologique, de plus en plus dépassé et voire même arbitraire. C'est la raison pour laquelle il est communément admis en doctrine qu'il n'a qu'une valeur interne à l'administration chargée de l'enregistrement des marques. Sur la question voir notamment : CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. n°1017. p. 579.

Le classement international des produits ne compte donc qu'aux fins de l'enregistrement des marques. Il sert pour l`administration à déterminer sur le plan fiscal le nombre de taxe à payer en fonction du nombre des classes dans lesquelles le dépôt a été effectué.

Sur la base des développements précédents, on constate que l'illégalité de l'acte de contrefaçon tient en premier lieu à l'usurpation du signe constitutif d'une marque enregistrée tout en l'appliquant à des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque usurpée a été enregistrée.

Par conséquent, ne peuvent être poursuivies ni encore sanctionnées à titre de contrefaçon au sens de la loi n°36-2001, toutes les atteintes à la marque en dehors du cadre précis de sa spécialité, c'est donc la spécialité de la marque qui définie les frontières du droit de propriété qui s'y rattache.

Enfin, il est une précision qui mérite une attention particulière, en effet, il s'agit des rapports du principe de la spécialité des marques avec l'étendue de la protection de la marque dite notoire ou celle jouissant d'une renommée, la question qui se pose est la suivante : Serait-il possible d'étendre la protection de la marque de renommée au-delà des limites de la spécialité ?

La réponse à cette interrogation passe d'abord par la détermination du régime juridique de la marque notoirement connue ou jouissant d'une renommée au sens de l'article 24 de la loi n°36- 2001.

Selon l'article 24 « L'emploi d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s'il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.

Les dispositions de l'alinéa premier du présent article sont applicables à l'emploi d'une marque notoirement connue au sens des conventions internationales ratifiées par la République Tunisienne ».

L'article 24 semble a priori distinguer clairement dans ses deux alinéas entre la marque « jouissant d'une renommée » et la « marque notoirement connue » sans pour autant les définir ni tracer les frontières entre la notion de la notoriété et celle de la renommée.

Par ailleurs, on note que le législateur tunisien emploi aussi la formule « marque notoire » dans l'article 5 afin de reconnaître au titulaire d'une telle marque, supposée non-enregistrée, le droit de s'opposer à l'enregistrement par un tiers d'une marque identique et ultérieure.

Sans grand risque de se tromper, on peut soutenir que la marque notoire et la marque notoirement connue ne font qu'un dans la mesure où la loi n°36-200 1 les protègent sans requérir de leurs propriétaires qu'ils procèdent à leur enregistrement. Par ailleurs, on peut admettre qu'il s'agit dans les deux cas d'un même degré de notoriété. De même, il semble que pour des raisons de commodité langagière, la doctrine contemporaine emploi la formule marque notoire au lieu de marque notoirement connue tout en admettant leur identité conceptuelle.

D'un point de vue étymologique, il semble évident qu'il n'y a pas une différence de nature entre la notion de notoriété et celle de renommée, de même, on ne peut soutenir avec certitude que l'une des deux notions évoque objectivement une célébrité assez remarquable et aisément quantifiable au point d'opérer une distinction contraignante ayant une valeur de droit.

Le ministre Jean Foyer n'a pas manqué de qualifier l'article 713-5 du CPI français -équivalent à l'article 24 de la loi n°36-200 1- de « raté législatif » tout en considérant, à juste titre, que l'on « tombe dans le byzantinisme en voulant distinguer la notoriété et la renommée. »1

MATHELY exprime cette idée comme suit : « Il faut néanmoins préciser qu'il existe des degrés dans la notoriété. Mais il n'est pas possible que le droit entre dans la distinction entre ces degrés, car cette distinction serait difficile à opérer objectivement. C'est ce que dit la jurisprudence, en jugeant que la marque a le caractère notoire, sans qu'il y ait à tenir compte d'une exceptionnelle célébrité ». 2

Par ailleurs, on note que la marque notoirement connue et la marque jouissant d'une renommée bénéficient sur un même pied d'égalité des dispositions protectrices de l'article 24.

Raisonnablement, bien que l'on soit tenté de considérer qu'une marque notoirement connue évoque normalement une célébrité plus intense que celle jouissant d'une renommée, il semble que la différence entre les deux marques réside dans le caractère obligatoire ou non de l'enregistrement. Concernant la marque notoire ou notoirement connue, le législateur tunisien n'exige nullement qu'elle soit enregistrée pour qu'elle puisse bénéficier de l'ensemble des dispositions protectrices de la loi n°36-2001. En ce sens, il est unanimement admis que la notoriété de la marque se substitue à l'obligation de l'enregistrement.

Quant à la marque jouissant d'une renommée, l'article 24 semble exiger qu'elle soit enregistrée. Cette déduction se dégage de la lettre de cet article qui dispose que « l'emploi d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur ».

A moins de réduire l'emploi des notions de renommée et de notoriété à une maladresse dans la rédaction 3 de l'article 24 et qui serait créatrice d'une dissymétrie difficilement concevable entre ses deux alinéas, la question semble donc logiquement se ramener plutôt à une différence quant à la l'obligatoriété de l'enregistrement qu'à une différence d'intensité en terme de célébrité.4

Sans définir la marque notoire,5 l'article 24 l'entend « au sens des conventions internationales ratifiées par la République Tunisienne », ainsi, on doit nécessairement se référer à la Convention d'Union de Paris et plus précisément son article 6 Bis qui prévoit la protection de la marque notoire.

1 Foyer (J): « commentaire de la loi du 4 janvier 1991 ». Actualités législatives Dalloz, 1991. 2è Cahier, p. 65.

2 MATHELY (P): op. cit. p. 159.

3 Empruntées à l'article 713-5 du CPI français, les dispositions de l'article 24 de la loi n°36-2001 témoignent d'un mimétisme pur et simple, le législateur tunisien s'est contenté de reprendre ces dispositions avec toute leur maladresse de rédaction. La doctrine française n'a pas manqué de relever le paradoxe de cet article qui parle de notoriété et de renommée sans donner de critère de distinction ni donner un effet concret à cette distinction sur le plan de l'étendu de la protection. Voir en ce sens, MATHELY (P): op. cit. p. 228 ; CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. N°1026. p. 586.

4 Dans le même sens, POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. N°1422. p. 671. Cette position est partagée par une doctrine autorisée comme en témoigne les références faites par l'auteur dans la note n°346 de son ouvrage.

5 Aux fins de la détermination du régime juridique de la marque notoire et son impact sur le principe de la spécialité des marques, on tiendra pour équivalent la marque notoire et la marque jouissant d'une renommée ou notoirement connue.

Sans définir 1 à son tour la marque notoirement connue, l'article 6 Bis de la Convention d'Union se limite à consacrer la protection due à cette marque en précisant que la notoriété s'apprécie au pays sur le territoire duquel la protection est demandée. La notoriété d'une marque est donc une question de fait qui s'apprécie souverainement par les autorités compétentes de chaque Etat.

En l'absence d'une définition légale, la doctrine la plus autorisée considère une marque comme notoire, « lorsqu'elle est connue d'une très large fraction du public. Il ne suffit pas donc que la marque soit connue d'un public spécialisé, par exemple dans un cercle professionnel. Le plus souvent, il sera exigé que la marque soit connue d'une grande partie du public, c'est-à-dire de l'ensemble de la population ».2

Toujours selon MATHELY, « le fait que la marque soit renommée abouti à lui conférer une seconde fonction, distincte de sa fonction première et naturelle qui est de distinguer les objets qu'elle désigne en raison de leur provenance : cette fonction consiste à exercer un pouvoir d'attraction propre, uniquement imputable à la renommée de la marque, et tout à fait distinct des objets désignés et de leur origine. Il suit de là que les marques renommées font l'objet d'une grande convoitise ». 3

La notoriété d'une marque s'apprécie par référence au public, elle découle souvent d'un usage très répondu, ancien et d'une qualité irréprochable des produits ou des services 4 qu'elle couvre, cependant, avec l'essor considérable des moyens de communication, il semble qu'une publicité fracassante et bien étudiée est à même d'imposer une grande réputation en peu de temps.

Bien que l'on soit tenté de considérer que la notoriété se forge suite à un usage répondu de la marque d'un point de vue territorial, il semble nécessaire de se suffire, au sens de l'article 6 Bis de la Convention de Paris, à la simple condition que la marque soit notoirement connue dans le pays où la protection est demandée. C'est d'ailleurs dans ce sens que la Cour d'Appel de Tunis s'est prononcée suite à une interprétation pertinente de l'article 6 Bis de la Convention de Paris. 5

Ainsi définie, la marque notoire peut-elle être protégée sur le terrain du droit des marques pour des produits ou services différents de ceux qu'elle désigne ?

Au sens de l'article 6 Bis de la Convention de Paris ainsi qu'au sens de la loi tunisienne des marques, les droits du propriétaire d'une marque notoire ne sont protégés que dans le cadre de sa spécialité, ceci dit, la marque notoire n'est protégée que pour les objets identiques ou similaires à ceux qu'elle désigne. Le principe de la spécialité demeure donc intangible.

En application de cette règle, la Cour de Cassation française 6 a censuré une décision qui avait fait bénéficier la marque notoire COCA-COLA, en raison de sa notoriété, d'une protection qui s'étend à tout genre de produits et services.

1 POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. N°1601. p. 782.

2 MATHELY (P): op. cit. p. 159.

3 ibid. p. 225.

4 La protection des marques notoires a été introduite dans la Convention d'Union de Paris après sa révision à La Haye en 1925, par ailleurs, l'article 6 Bis ne concernait que les marques de fabrique et de commerce. La protection des marques notoires de services a textuellement vu le jour avec l'accord sur les ADPIC et spécialement dans son article 16-2 qui dispose que « L'article 6 Bis de la Convention de Paris s'appliquera mutatis mutandis, aux services. »

5 CA, Tunis, Arrêt n° 60537 du 16 février 2000. (JOHNSON ENDSON) Voir annexe n°5. Voir également sur l'appréciation de la notoriété, TPI, Tunis, jugement n° 2703 du 11 avril 2000. (DRYPERS). Voir annexe n°6.

6 Cass. Com., 4 juin 1991. PIOTRAUT (J-L) & DECHRISTE (P-J): op. cit. p. 309.

Sans pour autant contredire la règle de la spécialité, il est de droit selon l'article 24 de la loi n°36-2001, que la marque notoire bénéficie d'une protection complémentaire.

En effet, selon l'article 24 « L'emploi d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s'il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ».

En vertu de la règle de la spécialité, le droit des marques n'interdit pas l'usage d'une marque, fût-elle notoire, pour des produits ou services différents de ceux désignés dans l'acte de dépôt.

Pourtant, le droit d'utiliser une marque notoire pour des produits ou services non similaires, ne doit pas être exercé d'une manière frauduleuse ou abusive. Ainsi, si cet usage se révèle fautif ou dommageable au sens de l'article 24, il engage la responsabilité civile de son auteur.1

La condamnation de l'emploi d'une marque notoire en vertu du droit commun de la responsabilité respecte parfaitement et la règle de la spécialité et le caractère fautif du comportement de celui qui adopte une marque notoire afin de profiter de sa renommée.

Il est donc certain que l'atteinte constitutive de contrefaçon n'est poursuivie et réprimée que si elle empiète sur le droit à la marque pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux qu'elle désigne. Du reste, seule la marque notoire bénéficie d'une protection large qui ne découle pas du droit à la marque mais qui se fonde sur la répression d'une faute civile qui, sans contredire strictement le droit à la marque, porte atteinte à la valeur économique de celle-ci.2

Paragraphe 2 : La territorialité de l'acte de contrefaçon

Une marque n'est protégée, en principe, que dans les limites territoriales de l'Etat dans lequel elle a été déposée. Il s'ensuit que la territorialité se présente comme l'expression géographique de la relativité du droit sur la marque.

En effet, une marque enregistrée seulement en Tunisie ne peut bénéficier d'une protection qui dépasse les frontières de la république tunisienne, il est donc possible d'enregistrer et d'utiliser, dans un autre pays, la même marque pour des produits identiques ou similaires sans que le grief de contrefaçon ne puisse être retenu contre l'auteur d'un tel enregistrement ou usage.

La territorialité du droit sur la marque est un principe qui s'explique surtout par la nature subjective du droit en question, car comme tout droit subjectif, le droit sur la marque est « relatif à un ordre juridique déterminé, il ne s'étend dans l'espace que dans la mesure où l'ordre juridique lui-même s'étend dans l'espace ».3 Il n'a donc géographiquement d'existence et d'effet que sur le territoire de l'ordre juridique au sein duquel il a été créé.

1 Bien que l'article 24 ne se prononce pas sur les sanctions d'un tel l'emploi, il semble logique que la sanction consistera en l'interdiction de cet emploi ainsi que la réparation du préjudice matériel et moral subi par le titulaire de la marque.

2 Voir en ce sens CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. p. 590, n° 1033.

3 BOUCHE (N) : « Le principe de territorialité de la propriété intellectuelle ». Collection Logiques Juridiques 2002. N°272, p. 159.

De la territorialité du droit sur la marque, se dégage une indifférence générale par rapport aux faits intervenus à l'étranger et ayant pour objet une atteinte au droit sur la marque car le droit sur la marque ne peut, en principe, être violé dans un pays où il n'a point d'existence ou de protection. Il s'ensuit qu'une marque déposée en Tunisie ne pourra faire l'objet d'un acte de contrefaçon, que si les faits incriminés se sont réalisés sur le territoire tunisien.

La relativité du droit des marques dans l'espace se confirme aussi en vertu du principe de la territorialité de l'application de la loi pénale. En effet, l'on sait que la contrefaçon de marque est érigée en délit pénal selon les articles 51 et 44 al. 1 de la loi n°36-2001, la conséquence en est que l'atteinte à la marque n'est poursuivie et qualifiée de contrefaçon que dans les limites de l'aire géographique couverte par la loi pénale tunisienne.

Sur la base de ces développements, la relativité territoriale du droit des marques semble être incontestable et justifiée, toutefois, il est communément admis que la protection de la marque peut être obtenue dans des pays étrangers en vertu des conventions internationales tel que la Convention d'Union de Paris et l'Arrangement de Madrid,1 ceci étant, peut-on voir dans les conventions internationales une exception à la territorialité des droits sur la marque ?

La réponse par la négative s'impose, car si les conventions internationales permettent au droit sur la marque d'être reconnu dans plusieurs ordres juridiques distincts, « elles ne font qu'instituer un ordre juridique spécial plus large »,2 ainsi la territorialité du droit sur la marque ne fait que passer à une aire géographique plus large sans qu'elle ne soit modifiée dans son principe.

Tel est le cas de l'enregistrement international des marques dont les effets se répercutent dans les états -membres de l'arrangement de Madrid- que le déposant aura désigné dans l'acte de dépôt. « Tout ce passe comme si le déposant international avait directement effectué un dépôt dans chacun des pays de l'arrangement ».3 D'un point de vue terminologique, on parle d'un dépôt international de marque et il n'est jamais question d'une marque internationale.

Le principe de la territorialité des droits sur la marque tient aussi face à la marque notoire. En vertu de l'article 6 Bis de la Convention de Paris, le titulaire d'une marque notoire se trouve implicitement dispensé de l'obligation de l'enregistrement de la marque, dans les pays Unionistes, en raison de la notoriété qui se substitue à l'obligation d'enregistrement.

Toutefois, l'exception dont bénéficie la marque notoire, n'est en fait due que grâce à une appréciation objective et territoriale de la notoriété, car pour exonérer le titulaire d'une marque notoire de l'obligation d'enregistrement, il faut d'abord, au sens de l'article 6 Bis de la Convention de Paris, « que l'autorité compétente du pays de l'enregistrement ou de l'usage estimera y être notoirement connue comme étant déjà la marque d'une personne admise à bénéficier de la présente Convention ».

1 L'Arrangement de Madrid a été conclu le 14 avril 1891, il concerne l'enregistrement international des marques. Le dépôt international de la marque, effectué par le ressortissant d'un Etat signataire, permet de protéger la marque dans tous les pays signataires de l'arrangement désignés dans la demande d'enregistrement. Actuellement, l'enregistrement international s'effectue à Genève auprès de l'O.M.P.I. La Tunisie, partie à cet arrangement depuis le 28 août 1967, a fini par le dénoncer en date du 8 avril 1987, la dite dénonciation a pris effet à partir du 9 avril 1988. En effet, depuis cette date, les étrangers qui entendent protéger leur droits doivent déposer leurs marques directement en Tunisie. A titre informatif on note que les Etats Unis d'Amériques n'ont adhéré à cet arrangement qu'en date du 2 novembre 2003.

2 BOUCHE (N) : op. cit. N°273. p. 160.

3 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. N°1296. p. 781.

Ainsi, toute la construction échafaudée au tour de la marque notoire se trouve subordonnée à la reconnaissance de la notoriété par les autorités territorialement compétentes de chaque Etat, elle n'a donc de sens que dans les limites de l'ordre juridique étatique qui la reconnaît.

Au même titre que les limites relatives à la spécialité et à la territorialité, l'atteinte constitutive de contrefaçon de marque n'est envisageable que lorsqu'elle intervient à une date où l'enregistrement de la marque produit encore ses effets, elle doit en effet se situer dans le temps à une époque où les droits sur la marque sont encore opposables aux tiers.

Paragraphe 3 : La localisation temporelle de l'acte de contrefaçon

Au sens de l'article 6 alinéa 2 de la loi du 17 avril 2001, l'enregistrement de la marque produit ses effets à compter de la date du dépôt de la demande, et ce, pour une période de dix ans indéfiniment renouvelable. Cet article est particulièrement important car il nous permet de déterminer la période de temps tout au long de laquelle l'acte de contrefaçon pourra intervenir.

Ainsi, la protection décennale commence depuis la date du dépôt car c'est à cette date que la marque est réputée naître. Néanmoins, on a vu que l'opposabilité des droits sur la marque par rapport aux tiers ne commence qu'à partir de la date de la publication 1 de la demande d'enregistrement, car l'acte de dépôt est occulte et ne permet en aucune manière de porter à la connaissance des tiers l'existence de la marque nouvellement déposée.

C'est donc à partir de la date de la publication de la demande d'enregistrement que naisse le droit de poursuivre en contrefaçon tout atteinte portée aux droits conférés par l'enregistrement de la marque.

Cette position se trouve encore confirmée par l'article 45 de la loi n°36-2001 qui pose la règle selon laquelle « ne peuvent être considérés comme ayant porté atteinte aux droits attachés à une marque, les faits antérieurs à la publication de la demande d'enregistrement de cette marque. Cependant, si le déposant notifie au présumé contrefacteur une copie de la demande d'enregistrement, les faits postérieurs à cette notification peuvent être constatés et poursuivis ».

A défaut de notification, les faits de contrefaçon ne peuvent être, donc, ni constatés ni poursuivis avant que la demande d'enregistrement ne soit publiée.

Sachant que tout dépôt de marque confère à son titulaire un droit de propriété qui dure dix ans selon l'article 6, il s'ensuit que les droits sur la marque ne peuvent faire l'objet d'une atteinte constitutive de contrefaçon de marque que dans limites de cette période de dix ans car c'est au cours de cette période seulement que le propriétaire de la marque bénéficie des effets de l'enregistrement en terme d'exclusivité des droits ainsi que leur protection.

Une fois que la période de protection légale arrive à terme, la marque perd son support juridique, ainsi, son titulaire n'aura plus de droit à faire valoir sur la base de la loi des marques.

1 Voir supra. P. 40 et 41.

En conséquence, la marque devient res nullius et c'est alors qu'un tiers pourra l'enregistrer pour son propre compte à moins que le propriétaire ne procède, en temps utile, au renouvellement de l'enregistrement de la marque pour une autre période de dix ans et conformément aux conditions prescrites à cet effet par l'article 16 de la loi n°36-2001.

A défaut de renouvellement, l'enregistrement de la marque perd sa validité ainsi que les droits exclusifs qui en découlent, ceci implique qu'il n'y aura plus de droit privatif de propriété à contredire ou à violer.

Ainsi, la loi n°36-2001 du 17 avril 2001 relative à la protection des marques ne pourra plus s'appliquer et par voie de conséquence la contrefaçon ne pourra plus être retenue car le droit auquel elle est censée porter atteinte n'existe plus.

En conclusion, on note que le caractère illégal de l'atteinte portée aux droits du titulaire de la marque par l'acte de contrefaçon tient à deux causes, la première est relative au fait que l'acte incriminé se réalise sans l'autorisation du propriétaire de la marque ni même de la loi, on a vu aussi que l'illégalité peut provenir du dépassement des prérogatives consenties par le propriétaire de la marque.

Quant à la deuxième cause, elle s'explique par le fait que l'acte de contrefaçon se localise nécessairement sur le terrain prohibé créé par le monopole sur la marque, c'est en effet une atteinte aux droits sur la marque dans les limites de sa spécialité, sur une aire géographique où ces droits sont reconnus et opposables et enfin c'est une atteinte qui intervient forcément à un moment où l'enregistrement de la marque produit encore ses effets dans le temps.

En d'autres termes la contrefaçon n'est possible que dans la mesure où le droit sur la marque existe en substance, dans le temps et dans l'espace.

Etant une atteinte à un droit privatif de propriété, la contrefaçon est érigée en délit aussi bien au plan civil que pénal conformément à l'article 44 al 1.

Afin de pouvoir cerner les contours de ce délit, il nous est nécessaire de définir en quoi consiste matériellement l'atteinte constitutive de la contrefaçon de marque, ainsi se pose la question de la détermination des manifestations et des modalités d'intervention de l'acte de contrefaçon.

S'agissant des actes par lesquels elle se manifeste, la loi n°36-2001 qualifie de contrefaçon des actes tels que la reproduction, l'usage, l'imitation, l'apposition ou la suppression de la marque en violation des droits conférés par l'enregistrement et des interdictions qui en découlent.

Ainsi, et en raison de l'approche analytique adoptée par le législateur tunisien, on examinera distinctement les différents actes érigés en délits de contrefaçon tels que prévus par la loi du 17 avril 2001.

TITRE DEUXIÈME :

Les manifestations de l'acte de contrefaçon

En disposant dans l'article 44 que « toute atteinte portée aux droits du propriétaire constitue une contrefaçon », la loi du 17 avril 2001 forge en termes clairs l'unification du concept de contrefaçon de marque.

Désormais, il n'y a plus lieu de distinguer, comme çà était le cas sous l'empire du décret du 3 juin 1889, la contrefaçon stricto sensu -qui concernait essentiellement des hypothèses de reproduction illicites de la marque- des autres violations du droit sur la marque souvent désignées sous le terme de contrefaçon lato sensu ou délits accessoires et qui se présentaient comme la continuité d'une préalable contrefaçon par reproduction, il en était ainsi de l'apposition frauduleuse d'une marque enregistrée.

Sur le plan terminologique, les rédacteurs de la loi du 17 avril 2001 semblent manifester un souci particulier quant à la clarté des dispositions relatives au concept de contrefaçon.

En effet, selon une démarche chronologique, le législateur défini la contrefaçon dans l'article 44 al.1 comme toute atteinte perpétrée aux droits sur la marque, ensuite, et afin de lui donner un contenu propre, il est dit dans l'article 44 al.2 que « constitue une atteinte aux droits sur la marque, la violation des dispositions prévues aux articles 22 et 23 de la présente loi ».

Invité par l'article 44 à consulter les articles 22 et 23 de la loi n°36-2001, on y trouve une liste d'actes ou de droits réservés au propriétaire de la marque. En tête des-dits articles, il est clairement formulé avec un luxe d'insistance stylistique que ces actes ou droits « sont interdits, (aux tiers) sauf autorisation du propriétaire ». En conséquence, l'exercice non autorisé de l'un de ces droits par un tiers sera qualifié de contrefaçon.

Par ailleurs, il semble que le législateur tunisien a choisi de définir les droits du propriétaire de la marque, dans les articles 22 et 23, par la négative comme pour insister sur les interdictions qui les entourent à l'égard des tiers. Ce sont ces droits là et seulement ces droits que le droit des marques protège et sanctionne la violation à titre de délit de contrefaçon.

Une remarque concernant la portée des interdictions qui pèsent sur les tiers mérite d'être signalée. En effet, les interdictions formulées dans les articles 22, 23 et 52 renferment à la fois une constante et des variantes.

S'agissant de la constante, elle se rapporte au caractère limitatif des interdictions énoncées dans les articles 22, 23 et 52. En effet, la violation de ces interdictions engage la responsabilité pénale de son auteur, par voie de conséquence, il est indispensable que ces interdictions soient interprétées d'une manière stricte que ce soit du point de vue du droit pénal ou sous l'angle du principe de la liberté de la concurrence.

Quant aux variantes, elles concernent des différences relatives aux éléments constitutifs du délit de contrefaçon selon qu'il s'agissait des interdictions posées dans l'article 22, 23 ou 52 de la loi n°36-2001.

En effet, selon l'article 22 « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :

a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque....., pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ».

Il ressort de cet article que le simple exercice non autorisé de l'un des actes qu'il énonce à titre limitatif suffit seul à consommer le délit de contrefaçon de marque indifféremment de tout risque de confusion ou de toute intention frauduleuse. Par ailleurs, il est clair qu'il met en oeuvre la protection de la marque dans les strictes limites de sa spécialité, c'est-à-dire pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'acte de dépôt d la marque.

Pour ces raisons, et compte tenu de la manière dont ils sont incriminés, les actes interdits au sein de l'article 22 sont érigés, à juste titre, en délits matériels de contrefaçon. ( Chapitre 1 )

A la différence de l'article 22, les interdictions portées dans l'article 23 ne jouent qu'à double condition. En effet, les actes interdits dans cet article ne sont susceptibles de poursuites que lorsqu'ils sont accomplis par un tiers afin de désigner des produits ou services non pas identiques mais seulement similaires à ceux désignés dans l'enregistrement de la marque usurpée.

Cette condition ne joue évidemment pas pour l'imitation ainsi que l'usage d'une marque imitée au sens de l'article 23 car ces actes sont répréhensibles indifféremment du caractère identique ou similaire des produits ou services en question.

A la condition d'employer la marque enregistrée pour des produits ou services similaires, s'ajoute l'exigence d'un risque de confusion dans l'esprit du public comme deuxième condition nécessaire à la constitution du délit de contrefaçon au sens de l'article 23 de la loi n°36-2001.

Ainsi, tombe sous la qualification de contrefaçon par confusion,1 l'exercice non autorisé d'un quelconque droit sur une marque enregistrée pour des objets similaires tout en créant une confusion dans l'esprit du public. ( Chapitre 2 )

Peuvent aussi être considérés comme délits de contrefaçon au sens de l'article 52 de la loi n°36-2001, des actes tels que la vente, la mise en vente, la fourniture, l'offre de fournir ou encore la détention sans motif légitime de marchandises revêtues d'une marque contrefaite. Bien que l'article 44 ne renvoi pas à ces actes, ces faits incriminés par l'article 52 n'échappent pas à la qualification de contrefaçon car ce sont des formes particulières d'usage et d'exploitation illégitime de la marque.

Toutefois, ces actes ne sont punissables au sens de l'article 52 que lorsqu'ils ont été commis intentionnellement. Ainsi, en raison de l'exigence de cet élément moral, on peut légitimement les qualifier d'actes intentionnels de contrefaçon de marque. (Chapitre 3)

Chapitre 1 : Les actes de contrefaçon érigés en délits

matériels

Selon l'article 22 de la loi n°36-2001 du 17 avril 2001, « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :

a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : « formule, façon, imitation, genre, méthode », ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement,

b) La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée. »

Sous l'angle du droit pénal, il semble permis de désigner sous la formule de délits matériels 1 de contrefaçon, tous les actes interdits aux tiers par l'article 22 de la loi du 17 avril 2001 car leur interdiction répond parfaitement à cette qualification du moment qu'ils sont punissables du seul fait de leur commission indifféremment de l'intention de leur auteur.

Cette qualification semble satisfaisante puisqu'elle donne à ce type d'actes de contrefaçon des dimensions proportionnelles à leur gravité car aux yeux du propriétaire de la marque rien n'est plus dommageable que de voir un tiers reproduire, utiliser, apposer, modifier ou supprimer sa marque en vue de désigner des produits identiques à ceux pour lesquels la marque contrefaite a été enregistrée. En agissant de la sorte, le tiers contrefacteur porte directement atteinte à l'objet même du droit de propriété sur la marque vu que ce droit n'est reconnu que pour s'appliquer aux produits ou services que le propriétaire entend désigner par la marque conformément à ce qui a été revendiqué dans l'acte de dépôt.

En effet, l'acte de contrefaçon qui découle de la consommation de l'un des actes interdits dans l'article 22 vide le droit sur la marque de sa substance et dérobe à cette dernière sa fonction première qui consiste en la distinction des objets qu'elle désigne par rapport aux objets identiques présentés sur le marché par un autre fabricant ou prestataire de services.

Toujours selon l'article 22, il est important de signaler que la commission de chaque acte interdit dans cet article constitue à elle seule un délit de contrefaçon de marque distinct et dissocié des autres. Ainsi, il apparaît clair que le délit de contrefaçon est un délit simple2 puisqu'il se consomme par un seul et isolé acte matériel, cette dissociation a une grande utilité pratique surtout concernant la prescription et les personnes susceptibles de poursuites en contrefaçon.

En raison de l'approche analytique adoptée par le législateur tunisien dans l'énumération de l'article 22, ainsi qu'en raison de la dissociation des actes de contrefaçon, il semble opportun de déterminer la signification ainsi que les éléments constitutifs de chaque acte de contrefaçon isolément. Il convient d'ajouter à la liste de l'article 22, des actes tels que l'importation ou l'exportation de marchandises présentées sous une marque contrefaite. Bien qu'ils fassent l'objet de l'article 51 (b), ces actes sont qualifiés de délits matériels car ils sont réprimés au même titre que les actes de contrefaçon et surtout indépendamment de toute intention frauduleuse.

1- Sur les infractions matérielles, voir STEFANI (G), LEVASSEUR (G) et BOULOC (B) : Droit pénal général. 16ème édition. Précis Dalloz 1997.. N°273 et 282.

2 idem. n°221 à 225. p. 192 et suivantes.

Section 1 : La reproduction de la marque pour des

produits ou services identiques

La reproduction de la marque enregistrée est la plus flagrante des formes d'usurpation des droits sur la marque. Elle a longtemps été confondue avec le concept de contrefaçon lui-même tant en France en vertu de la loi de 1857 qu'en Tunisie sous l'empire du décret du 3 juin 1889.

A cette époque là, le support matériel de la contrefaçon reposait sur un acte de reproduction, la confirmation de cette idée peut être dégagée de la définition de GASTOMBIDE qui considérait la contrefaçon comme « un détournement de la clientèle consommé au moyen d'une reproduction ».1 Sur la base d'une telle définition, on peut comprendre les raisons du rattachement de la reproduction de marque à la notion de contrefaçon stricto sensu.

Avec la promulgation de la loi de 17 avril 2001, le sens de la reproduction de marque a été reconsidéré, c'est en effet un acte de contrefaçon parmi d'autres. Il convient de noter que le texte arabe de l'article 22 utilise le terme NASKH, c'est-à-dire copier, afin de désigner l'acte de reproduction de marque, il s'ensuit de cet emploi que le terme taklid ne doit plus désigner la reproduction au sens des articles 22 et 23. Toutefois, le terme taklid demeure polysémique 2 car outre son emploi dans l'article 44 afin de désigner le concept de contrefaçon, il est employé aussi dans le sens de l'imitation au sens de l'article 23 de la même loi.

Comme tous les actes de contrefaçon de marque, la reproduction n'est pas définie dans la loi n°36-2001. Pour sa part, la doctrine la considère comme l'acte de « confectionner ou reproduire la marque à l'identique ou au quasi-identique. Elle est soit servile, c'est-à-dire sans aucune différence perceptible, quasi-servile, lorsque les différences sont insignifiantes, presque imperceptibles ».3 Pareillement pour MATHELY, outre le sens de la copie servile du signe constituant la marque, « la reproduction en est quasi servile, lorsque la marque reproduite ne présente, par rapport à la marque originale, qu'une différence si légère qu'elle laisse subsister l'apparence d'une identité totale entre les marques ».4

Ainsi défini, l'acte de contrefaçon de marque par reproduction, au sens de l'article 22, doit être entendu dans le cadre strict de la spécialité de la marque, c'est-à-dire qu'il n'est qualifié ainsi que parce qu'il empiète sur le terrain des produits et services identiques à ceux pour lesquels la marque reproduite a été enregistrée. Le caractère identique ne semble pas poser des gênes singulières pour les juges qui doivent l'apprécier, au sens de l'article 22, strictement par rapport aux produits et services désignés lors du dépôt de la marque reproduite.

En conséquence, le délit de contrefaçon par reproduction doit être retenu toutes les fois où un tiers reproduit la marque pour des objets identiques peu importe le fait qu'ils soient non- exploités car la protection couvre indistinctement tous les objets désignés lors du dépôt.

1 GASTOMBIDE (A-J) : « Traité théorique et pratique des contrefaçons en tous genres ». Le grand & Descaurier Éditeurs, Paris 1837. p. 410.

2 Les tribunaux emploient le terme taklid pour désigner la reproduction et l'imitation. Il a été même question d'utiliser les termes tadliss ou tazouir au sens de taklid alors qu'ils signifiaient le faux au sens stricte du terme en droit pénal.

3 POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. N°1362. p. 638.

4 MATHELY (P): op. cit. p. 291.

Avant de déterminer les spécificités de ce délit, il est important de souligner qu'à l'image de tout acte de contrefaçon au sens de la loi n°36-2001, l'acte de reproduction de la marque n'est punissable que lorsqu'il est établi que la marque a été en fait matériellement et définitivement reproduite peu importe le moyen ou le support utilisé. Ainsi, on doit admettre que la tentative n'est pas punissable en matière de contrefaçon car ce délit ne rempli pas les conditions requises à la répression de la tentative telle que prévue dans l'article 59 du code pénal.

Bien que les éléments indifférents (I) à la constitution du délit de reproduction sont aussi valables pour le reste des actes interdits dans l'article 22, l'acte de reproduction est un délit spécifique tant sur le plan de son étendue (II) que sur celui de ses modalités d'intervention (III).

Paragraphe 1 : Les éléments indifférents à la constitution du délit de
reproduction :

Au sens de l'article 22, doivent être considérés comme inopérants aux fins de l'appréciation de la reproduction, des éléments tels que la bonne foi (1), le risque de confusion (2) ainsi que le degré attractif de la marque reproduite (3). A ces éléments, s'ajoutent d'autres souvent invoqués en défense, tels que la qualité du produit, son conditionnement, les techniques utilisées en vue de sa commercialisation ainsi que la clientèle concernée par le produit ou la marque en question.

1) L'indifférence de la bonne foi :

La reproduction de la marque pour des produits ou services identiques est constitutive de contrefaçon indifféremment de l'appréciation plus ou moins subjective de l'attitude du contrefacteur, en ce sens, il est établi en droit comme en jurisprudence que la bonne foi du contrefacteur importe peu car le contrevenant n'est pas en droit d'ignorer 1 l'existence du droit sur la marque reproduite du moment que son acte de dépôt a été publié.

Par ailleurs, il est certain que la responsabilité qui découle de la consommation du délit de reproduction est incontestablement insensible au paradigme de la faute, d'autant plus qu'il est communément admis en doctrine comme en jurisprudence que la reproduction de la marque pour des objets identiques présume d'une manière irréfragable la mauvaise foi de son auteur.

La présomption de mauvaise foi en matière de reproduction de la marque a été rappelée à maintes reprises par le juge tunisien, il en est ainsi du jugement rendu dans l'affaire PUMA.2

Les juges ont considéré que « la société contrefactrice ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi car le seul fait de la contrefaçon inclut la malice et la tromperie et constitue ainsi un dommage certain à la demanderesse, dommage qui lui donne droit à réparation ».

Dans le même sens, il a été jugé 3 « que l'on ne peut opposer à la protection de la marque de fabrique la bonne foi de la défenderesse étant donné que le but recherché est la protection du produit d'origine indépendamment de la bonne ou mauvaise foi ». Dans une autre affaire de contrefaçon jugée au pénal, la cour rappelle clairement qu'il importe de mettre en évidence la

1 Conformément au principe général de droit posé par l'article 545 C.O.C, l'ignorance de la loi ne tient pas lieu d'excuse légitime.

2 TPI, Tunis, jugement n°57782 du 2 octobre 1986. Rapporté en annexe du mémoire soutenu par BOUDEN (O) : « La protection des marques de fabrique et de commerce » Mémoire de D.E.A, Tunis 1990. Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis. Page 121.

3 CA, Tunis, Arrêt n°62158 du 12 juin 1985. BOUDEN (O): op. Cit. Annexe p. 57.

mauvaise foi dans les délits relatifs à la tromperie et à l'escroquerie, toutefois, « la jurisprudence a fini par admettre dans certains cas l'existence de la mauvaise foi de la simple commission de certains actes » 1 parmi lesquels compte l'acte de reproduction de marque.

Afin de démontrer que l'excuse de bonne foi est inopérante dans le cas d'espèce, les juges s'efforcent parfois à conforter leur position soit en procédant à l'appréciation du comportement du contrefacteur soit en faisant exclure l'excuse de l'ignorance ou de la coïncidence toutes les fois où la marque reproduite se révèle notoire.

C'est ainsi que la Cour d'Appel de Tunis 2 a fini par conclure à la mauvaise foi de celui qui a utilisé, reproduit et enregistré pour son compte les marques notoires d'autrui alors qu'il était lié à leur propriétaire par une convention de fourniture de produits revêtus de ces marques usurpées.

Non sans une certaine ironie, la cour insiste sur le fait que le contrefacteur a procédé à l'enregistrement des marques en question trois jours seulement après la rupture de ses relations commerciales avec le propriétaire légitime.

Parfois, il a été question de dégager la présomption de mauvaise foi du contrefacteur de sa seule qualité de commerçant professionnel. C'est en effet le cas d'un jugement 3 qui, tout en déboutant le contrefacteur qui se prétend être de bonne foi, rappelle avec un luxe d'insistance qu'en vertu de son statut de professionnel, un commerçant doit être en mesure de connaître pertinemment les marques notoires dans son secteur d'activité. En outre, étant soumis au droit commercial, tout commerçant se doit d'être loyal, diligent et de bonne foi afin de ne pas porter atteinte à la règle de la confiance en matière de transactions commerciales.

Ainsi, bien qu'il soit de droit que le délit de reproduction est toujours exclusif de la bonne foi et ce bien longtemps avant la loi du 17 avril 2001, les juges prennent souvent le soin de donner un contenu ou une substance à la mauvaise foi de celui qui reproduit une marque enregistrée compte tenu des circonstances de fait propres à chaque espèce.

En se référant à l'article 22 de la loi n°36-2001, on s'aperçoit qu'il ne contient aucune référence au fait que les agissements du contrefacteur doivent avoir été perpétrés « sciemment », « frauduleusement » ou encore « de mauvaise foi », il en est ainsi de l'exigence d'un risque de confusion.

2) L'indifférence du risque de confusion :

Il va sans dire que celui qui reproduit une marque pour des produits ou services identiques à ceux qu'elle a pour fonction de désigner ne risque pas de semer la confusion dans l'esprit du public, mais au contraire, il cherche plutôt à dissiper toute confusion quant à la véritable origine des objets couverts par la marque reproduite car, en fait, il est allé plus loin en se substituant purement et simplement au propriétaire lui-même dans l'exercice de ses droits sur la marque.

Ainsi, le consommateur trouvera sur le marché deux produits identiques revêtus de la même marque sans s'apercevoir qu'ils ne proviennent pas d'un seul opérateur économique.

1 CA, Tunis, arrêt correctionnel n°2611 du 30 avril 1962. RJL 1963, n°10, p. 58.

2 CA, Tunis, arrêt n°60537 du 16 février 2000. (JOHNSON ENDSON. Inc / JASMINAL).Voir annexe n°5.

3 TPI, Tunis, jugement commercial n° 2703 du 11 avril 2000. (DRYPERS corporation / CIPAP). Voir annexe n°6.

Par ailleurs, le consommateur n'a pas à chercher si le produit qu'il se procure est authentique ou pas car en vertu de l'association signe/produit qui s'est forgée dans son esprit, grâce en grande partie au talent du titulaire de la marque, il rattache légitimement ce produit à un seul et unique fabricant par le biais de la marque qu'il porte, puisqu'il est impensable et illogique de voir deux opérateurs économiques proposer sur un même marché des produits de même nature et portant la même marque alors que celle-ci est censée religieusement les distinguer en fonction de leur provenance ou de la maison de fabrique qui les a produit.

En conséquence, le risque de confusion n'a pas à être pris en compte 1 toutes les fois où la marque enregistrée se trouve reproduite pour désigner des objets identiques à ceux qui figurent dans l'acte de son dépôt car le contrefacteur par reproduction ne cherche qu'à être perçu aux yeux du public comme étant le véritable fabricant ou prestataire de services des objets désignés par la marque reproduite que ce soit à l'identique ou au quasi identique.

L'indifférence de ces éléments confirme encore une fois la qualification de l'acte de reproduction en tant que délit matériel, ainsi, le seul fait matériel de reproduire la marque enregistrée pour des produits ou services identiques suffira à retenir la contrefaçon peu important l'intensité du pouvoir distinctif de la marque reproduite.

3) L'indifférence de l'appréciation du degré de distinctivité de la marque :

Le droit des marques protège la marque indépendamment du degré de sa notoriété, de son rayonnement ou de l'intensité des rapports qu'elle entretient avec le public. En ce sens, l'accès à la protection n'est conditionné que par la validité de la marque dont la protection est demandée, son opposabilité aux tiers et le fait que l'atteinte en question touche la marque dans sa spécialité.

Ainsi, toute discrimination fondée sur le caractère faiblement ou fortement distinctif de la marque victime d'un acte de contrefaçon par reproduction finira par prendre le contre-pied de l'esprit et de la philosophie même du droit des marques qui ne distingue point en ce sens sauf pour étendre la protection de la marque notoire conformément à l'article 24, non pas sur le terrain de la contrefaçon mais, en vertu des règles de la responsabilité civile.

Dans le droit fil de la dénonciation de cette distinction, M. POLLAUD-DULIAN écrit « c'est la comparaison des signes en question qui compte peu important le degré de distinctivité de la marque contrefaite. Une marque est distinctive ou elle ne l'est pas : si elle est distinctive, donc protégée, sa reproduction à l'identique ou au quasi-identique constitue une contrefaçon. » 2

Contrairement à cette position, une partie de la doctrine française 3 n'a cessé de soutenir que cette distinction, qu'aucun texte en droit français ne l'autorise, s'impose.

1 CA, Tunis, Arrêt n°25237 du 9 juin 1965. RJL 1969, n°6-7. p. 89. La cour rappelle à juste titre que « La contrefaçon est établie lorsque la même marque est reproduite E...] et ce indépendamment de toute confusion ou tromperie ».

2 POLLAUD-DULIAN (F) : op. cit. n°1363. p. 638.

3 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. N°1191. p. 703 ; J. Azéma. RTD com., 2001. n°1. chronique. p. 432.

La jurisprudence française récente 1 semble s'orienter fermement vers l'admission de la distinction marque faible / marque forte. La discrimination, explique M. AZEMA, « se justifie par le légitime désir des juges de ne pas donner à des marques un rayonnement que ne justifierait pas leur caractère faiblement distinctif ».2 Quoi qu'il en soit, la maxime « ubi lex non distinguit » dépouille une telle distinction de fondement tant en droit tunisien comme en droit français.

Paragraphe 2 : L'étendue de la reproduction de la marque :

Selon Roubier, « il serait vraiment excessif d'exiger une copie totale de la marque d'autrui car le délit de contrefaçon ne serait jamais commis, il est rare en effet que le contrefacteur pousse l'audace jusque là ».3

Si l'on doit exiger que la reproduction prenne la forme d'une copie servile, la conséquence sera la mise en échec totale de la protection de la marque car de la sorte le contrefacteur ne risquera absolument aucune sanction du moment qu'il lui suffit de reproduire la marque à quelques différences près pour se dérober de toute poursuite en contrefaçon.

Même en pratique, on note qu'il est de moins en moins courant de voir un contrefacteur reproduire la marque d'autrui en entier. En effet, sur quinze affaires recensées en matière de reproduction de marque pour des produits identiques, il n'y a eu que trois 4 seulement dans lesquelles les titulaires des marques usurpées se plaignaient d'une reproduction servile.

Ainsi, comme « l'imagination des hommes est féconde lorsqu'il s'agit de mal faire »,5 il a été admis en doctrine comme en jurisprudence que la contrefaçon est consommée toutes les fois où la marque se trouve reproduite même partiellement.6

Bien entendu, si la reproduction est totale, il suffit aux fins de l'appréciation de procéder à une comparaison élémentaire entre la marque contrefaisante et la marque reproduite pour mettre en évidence leur caractère identique comme çà était le cas de la reproduction servile des marques Christian Dior, Haut Mornag et (RAID, PLIZ et FEE du LOGIS)

Toutefois, si cette démarche est valable lorsque les deux marques en question sont simples, c'est à dire composées d'un seul élément figuratif, nominal ou sonore, il en va autrement si la marque usurpée se trouve reproduite dans une marque complexe.

Dans ce cas, la solution repose sur l'appréciation du pouvoir distinctif de la marque simple par rapport aux autres éléments auxquels elle est ajoutée.

1 Voir en ce sens les quatre décisions rapportées par J. Azéma, RTD com., 2003. n°3. Chronique, p. 499. il s'agit, en effet, de : CA, Paris, 27 novembre 2002, 4e ch. A, RG 2002/ 03748 ; CA, Paris, 27 novembre 2002, 4e ch. A, RG 2001/15809 ; CA, Paris, 4 décembre 2002, 4e ch. A, RG 2001/01099 ; CA, Paris, 27 novembre 2002, 4e ch. A, RG 2000/23 173.

2 Azéma. (J), in Chronique, Propriétés incorporelles, RTD com., 2003. n°3. p. 500.

3 ROUBIER (P) : Droit de la propriété industrielle. Sirey 1952. Tome I. p. 354.

4 Affaire « HAUT MORNAG », CA, Tunis, arrêt n°83724 du 6 février 2002. (non publié) voir annexe n°4 ; Affaire «Christian Dior» : CA, Tunis, Arrêt correctionnel n°2731 du 12 juillet 2001. (non publié) voir annexe n°7 ; CA, Tunis, Arrêt, n°60537 du 16 février 2000. Affaire : « RAID », « FEE DU LOGIS » et « PLIZ », voir annexe n°5.

5 Le TOURNEAU (PH) & CADIET (L) : op. cit. n°6084. p. 1119.

6 Cf., très critiquable, Cass-Civ, n°18698 du 4 décembre 1989. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 149. Dans cette affaire ( KIRI c / RIKI ), en l'espèce, la Cour de Cassation a déraisonnablement exigé une identité totale entre les marques.

En effet, si la marque simple est reproduite dans un ensemble au sein duquel elle ne perd pas sa singularité et son individualité, il y a alors contrefaçon car la distinctivité de cette marque n'a été ni altérée ni banalisée suite à son insertion dans la marque complexe.

Sur la base de ce raisonnement, il a été jugé que la reproduction de la marque DRYPERS au sein de la marque DRYPERS COMPACT 1 était contrefaisante, il en est ainsi de la reproduction des marques suivantes : ASTRAL 2 dans SUPER PANDA ASTRAL, ainsi que la reproduction de la marque BRILLANCE 3 au sein d'une marque complexe constituée par les signes nominaux BRILLANCE et SCHWARZKOPF auxquels s'ajoute un élément figuratif.

L'appréciation de la reproduction devient délicate lorsque la marque n'est reproduite que partiellement, ainsi, on se pose la question de savoir quel critère doit-on adopter afin de se prononcer sur l'existence de la reproduction ?

A vrai dire, « tout est question de mesure et de bon sens, avec l'inévitable aspect subjectif des appréciations ».4 Si le résultat de l'appréciation de la reproduction partielle souffre d'une évidente incertitude, on note par contre que la méthode suivie dans cette appréciation fait l'unanimité d'une jurisprudence ancienne et constante en Tunisie comme en France.5

En effet, comme le contrefacteur n'est assez imprudent pour reproduire la marque intégralement, on a convenu à apprécier la contrefaçon non d'après les différences mais d'après les ressemblances car le contrefacteur s'efforce souvent à dissimuler la reproduction en créant quelques différences insignifiantes afin de repousser le grief de contrefaçon.

La jurisprudence tunisienne n'a pas manqué de rappeler cette règle depuis 1965, il en est ainsi de l'arrêt de la Cour d'Appel de Tunis qui a considéré qu' « il n'est pas nécessaire à la constitution de la contrefaçon que la même marque soit reproduite dans son ensemble, il suffit juste de reproduire ses éléments essentiels et significatifs peu importe les différences de détail » . 6

Afin de retenir la contrefaçon, la marque doit être reproduite en ce qu'elle a de plus spécifique et caractéristique car si l'élément ou la partie reproduite se révèle ordinaire ou à la limite du banal, on ne saurait alors admettre la reproduction, il faut donc que le signe reproduit soit intrinsèquement distinctif.

Dans cette optique, la doctrine 7 propose une méthode analytique d'appréciation qui consiste à disséquer « la marque protégée pour déterminer ses éléments essentiels, ceux qui exercent le pouvoir distinctif et on procède de la même façon à l'égard du signe argué de contrefaçon pour voir s'il reproduit ou non ces éléments caractéristiques. On confronte les deux signes en présence, leurs éléments intrinsèques et non les produits ou services vendus ou leurs qualités, qui ne servent qu'à déterminer si l'on se trouve dans la même spécialité »

Comme dans l'appréciation de la reproduction servile, il convient de distinguer selon que la marque reproduite partiellement est une marque simple ou constituée par plusieurs éléments.

1 TPI, Tunis, jugement commercial n° 2703 du 11 avril 2000. ( DRYPERS Corporation / CIPAP), voir annexe n°6.

2 TPI, Bizerte, jugement correctionnel n°6206 du 22 avril 2003. (inédit) (ASTRAL / MAGISTRAL), voir annexe n°8.

3 TPI, Sfax, jugement commercial n°970 du 14 mars 2000. ( SCHWARZKOPF / JASMINAL), voir annexe n°1.

4 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. N°1192. p. 705.

5 Ibid. p. 707 et sui ; Voir aussi en ce sens la jurisprudence citée par MATHELY (P): op. cit. p. 293 et sui.

6 Arrêt n°25237 du 9 juin 1965. RJL 1969, n°6-7. p. 89.

7 POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. N°1364. p. 638.

Si la marque contrefaisante reprend quelques éléments significatifs du signe constitutif d'une marque simple tout en faisant d'eux son élément vedet e ou sa pierre angulaire, il y a alors

t

contrefaçon du moment que l'on ne peut s'empêcher de remarquer l'omniprésence et la subsistance de la marque reproduite au coeur de celle qui l'a contrefait.

Il en est ainsi de la marque KRISTAL 1 qui reprend le signe CRISTAL, SONYA 2 qui reprend SONY et MARINI qui reprend MARTINI. 3

Par contre, dans les affaires ( KIRI c/ RIKI) 5 et ( OMO c/ ORO) 6 la reproduction partielle n'a pas été retenue suite à une appréciation erronée car les juges ont basé, à tort, leurs positions sur des différences quant à la forme du produit, sa présentation ou son emballage alors qu'ils auraient dû comparer seulement les deux marques en question à l'exclusion de toute autre considération puisque comme le rappelle la Cour d'Appel de Tunis « c'est l'identité entre les marques et non pas l'identité entre les produits qui induit le consommateur en erreur sur le véritable fabricant».7

Toutefois, il est un cas où l'on doit prendre en considération ces éléments, c'est celui où la marque se trouve composée entièrement ou en partie, au sens de l'article 2 al. 2 de la loi n°36- 2001, par «les reliefs, les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement».

A condition qu'ils soient distinctifs en eux-mêmes, ces éléments deviennent protégeables et ce n'est que pour cette raison qu'ils doivent être considérés dans l'appréciation de la reproduction.

Par ailleurs, l'appréciation de la reproduction partielle devient souvent plus compliquée toutes les fois où elle a pour objet une marque complexe. En effet, la complexité de cette appréciation n'a pas manqué d'alimenter un débat épineux, en droit français, entre la Cour de Cassation et les juges de fond qui refusaient de séparer analytiquement les éléments de la marque complexe reproduite partiellement tout en la considérant comme un tout indivisible. 8

Ainsi, s'il s'avère que c'est l'ensemble qui est distinctif et non pas ses éléments pris séparément, on dira alors qu'il n'y a pas de contrefaçon sauf si cet ensemble est reproduit en entier. Le même raisonnement est valable aussi lorsqu'on est en présence de deux marques complexes. En effet, si l'élément reproduit se fond ou se noie dans le nouvel ensemble auquel il est ajouté et s'il n'est pas distinctif ou attractif en soi, on considèrera alors que la seconde marque forme un tout indivisible, dès lors, elle ne sera pas considérée comme contrefaisante.

Sur la base de cette méthode, les juges français ont considéré que la marque « J.B. ADAM » ne contrefaisait pas la marque «J&B»,9 de même « BIG BOSS » et « HUGO BOSS ».10

Quant à la jurisprudence tunisienne, elle semble généralement subordonner l'appréciation de la reproduction partielle au caractère distinctif de l'élément reproduit dans la marque complexe.

1 TPI, Tunis, jugement N° 64616 du 5 juillet 1983. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 145. Publication de la Faculté de Droit de SFAX.

2 CA, Tunis, Arrêt N°1593 du 13 février 1987. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 150.

3 CA, Tunis, Arrêt du 16 mai 1951. Ann. Prop. Ind 1952. p. 133.

5 Cass-Civ, n°18698 du 4 décembre 1989. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 149.

6 CA, Tunis, Arrêt n°62158 du 12 juin 1985. BOUDEN (O): op. Cit. Annexe p. 79.

7 CA, Tunis, Arrêt, n°60537 du 16 février 2000. Affaire (JOHNSON ENDSON. Inc / JASMINAL), voir annexe n°5.

8 Sur la jurisprudence du tout indivisible, voir : CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. N°1192. p. 704.

9 Paris, 29 mars 1996, PIBD, 1996, n°611. III. 185..

10 Cass. Com., 7 février 1995, RTD com., 1996, 269, obs. J. Azéma

Tout d'abord, on note que l'appréciation du caractère distinctif des éléments reproduits n'est pas toujours indispensable chaque fois où la reproduction partielle s'apparente plutôt à une copie servile, c'est d'ailleurs le cas dans l'affaire MISTER MINUTE.

En effet, sur trois niveaux de comparaison, les juges ont fini par admettre une reproduction totale à deux reprises tout en estimant en troisième lieu qu'« une grande similitude a été relevée à propos de l'homme qui figure sur les deux signes même s'il y a eu des changements qui ne soient pas de nature à modifier le contenu du signe publicitaire ».1

Dans une autre affaire, le Tribunal de Première Instance de Sfax a considéré que la marque NUIT de PARIS n'est pas la contrefaçon de la marque SOIR de PARIS.2 Selon les considérations de ce jugement, il paraît clair que les juges ont confondu imitation et reproduction partielle car ils ne se sont pas basés sur une appréciation analytique mais plutôt sur une appréciation synthétique ou d'ensemble tout en vérifiant s'il y a eu ou pas confusion dans l'esprit du public.

S'agissant du caractère distinctif de l'élément reproduit à partir d'une marque complexe, il semble qu'il est de plus en plus considéré en jurisprudence. C'est ce que laisse entendre le jugement 3 qui a retenu la contrefaçon à partir de la reproduction de l'élément figuratif de la marque ROMAGE au sein de la marque IMAGE D'AMOUR.

De même, la reproduction du terme NOVA au sein de la marque DELICE NOVA a été jugée contrefaisante de la marque notoire MAMI NOVA. Dans cet arrêt, la Cour de Cassation 4 a censuré, à juste titre, la décision qui « ne s'est pas fondée sur un critère général et clair qui rend compte des ressemblances relatives aux caractéristiques fondamentales et distinctives des deux marques sans s'attarder sur les dissemblances insignifiantes et les différences de détails ».

En méconnaissant cette démarche, la cour d'appel ne pouvait parvenir à « déterminer si la dénomination NOVA compte en tant qu'élément distinctif de part sa forme ou en fonction de sa conjonction aux autres éléments et, par voie de conséquence, si son existence dans la marque de la défenderesse (DELICE NOVA) saurait attester la prétendue ressemblance ».

Bien que l'on approuve cette démarche, il semble, toutefois, que la cour de cassation a relevé un cas d'imitation et non pas de reproduction partielle alors que la demande tendait à reconnaître la reproduction partielle sur la base de l'article 16 du décret du 3 juin 1889.

Dans un arrêt 5 rendu après l'entrée en vigueur de la loi n°36-2001 du 17 avril 2001, il a été jugé que l'élément reproduit à partir d'une marque complexe dans une autre marque complexe doit être intrinsèquement distinctif, dès lors, s'il est prouvé qu'il est descriptif sa reproduction ne saurait être qualifiée de contrefaçon. Il en est ainsi de la reproduction partielle des marques DERBIGUM AFRIQUE P2, SP4 et GC5 dans les marques BITUPLAST P2, HP4 et GC5.

Contrairement aux premiers juges qui ont estimé, à tort, que le différend mettait en cause un brevet d'invention et non pas une marque de fabrique, la cour d'appel a adopté une démarche séduisante.

1 TPI, Tunis, Jugement n°64617 du 28 février 1989. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 144.

2 Jugement n°14808 du 13 février 1989. Ibidem. En l'espèce, les deux marques désignaient des produits identiques.

3 Affaire: (BOURGEOIS / BATTIKH). TPI, Tunis, jugement n°12716 du 6 juin 1982. RTD 1995. P. 299. Note N. Mezghani.

4 Cass-civ n° 65931 du 8 mai 2001. Bull Civ 2001, p 103 et spécialement p. 106.

5 C A, Tunis, Arrêt n°546 du 3 décembre 2003, (Affaire: DERBIGUM / COMMET), voir annexe n°3.

D'abord, elle s'est référée à l'article 2 de la loi n°36-2001 pour rappeler que la marque doit être foncièrement distinctive, ensuite, elle renvoi à l'article 3 de la même loi pour dépouiller les signes descriptifs de tout caractère distinctifs avant de conclure à cet attendu : « considérant que tant qu'il est établi que les lettres objet de la reproduction ne sont en fait que des indications de l'espèce du produit » et donc « libres d'usage pour tous les producteurs sans que l'un d'entre eux ne puisse en réserver l'usage à titre exclusif, il s'ensuit qu'elles ne peuvent profiter d'une protection spéciale ».

En définitive, on conclut sur la base de ces développements que la contrefaçon doit être retenue toutes les fois où l'élément reproduit pris isolément se révèle susceptible d'exercer, entièrement ou en partie, la fonction distinctive ou attractive de la marque indépendamment de la modalité par laquelle la reproduction a été consommée.

Paragraphe 3 : Les modalités de la reproduction de la marque :

Parler de modalité en matière de contrefaçon revient à déterminer ses manifestations possibles, or nul besoin de rappeler que c'est là une question qui varie selon le degré de fécondité de l'imagination du contrefacteur. La reproduction s'entend de toute reprise matérielle de la marque ou de certains de ses éléments distinctifs, il en est de même de la reproduction de la marque sur un site Internet.

Tout d'abord, il peut s'agir classiquement d'une reproduction de la marque au sein d'un signe distinctif tel qu'une dénomination sociale, une enseigne ou un nom commercial.

Le support matériel de la reproduction peut aussi consister en un spot ou une affiche publicitaire, la licéité de la reproduction de la marque devient plus sensible dans le cas d'une publicité comparative 1 « par laquelle une entreprise compare ses produits et ses services à ceux d'un concurrent, en les désignant par la citation ou la représentation de la marque de ce concurrent ».2

Alors qu'elle est réglementée en droit français,3 la reconnaissance de la publicité comparative, en Tunisie, semble douteuse surtout eu égard aux termes généraux de l'article 22 de la loi n°36- 2001.

Quoi qu'elle puisse poursuivre une mission d'information aux yeux du consommateur, la publicité comparative reste, néanmoins, toujours partiale d'autant plus que la reproduction à titre comparatif de la marque d'autrui, sans autorisation préalable, est loin d'être la seule manière de venter les mérites d'un produit. Ainsi, et à moins d'une réglementation stricte, son admission semble être un facteur complémentaire de complication au sein du droit des marques.

Du reste, on note que la marque peut être reproduite sur tout support matériel imaginable, c'est ce que révèle la jurisprudence française en qualifiant de reproduction la reprise de la

1 MONTEIRO (J) :« Droit des marques et publicité comparative : Propos sur des idées (communautaires) réductrices ». Gaz. Pal du 13 juin 1996.N°3. p. 607.

2 MATHELY (P): op. cit. p. 184.

3 Ibidem.

marque par un tiers dans un poème publicitaire,1 sur des sacs publicitaires,2 sur des emballages,3 dans un catalogue,4 sur des bons de commande,5 dans les tarifs 6 ou encore sur un cintre.7

Quant à la jurisprudence tunisienne, il semble qu'elle a été saisie seulement de litiges mettent en question une marque reproduite face à une autre marque contrefaisante. L'étude de cette jurisprudence révèle plusieurs manières utilisées par les contrefacteurs afin de reprendre la marque d'autrui au sein de leurs marques.

Il en est ainsi du procédé de l'adjonction qui consiste à reproduire la marque au sein d'un ensemble comme çà était le cas dans les affaires 8 DRYPERS c/ DRYPERS COMPACT et ASTRAL c/ SUPER PANDA ASTRAL. Il est à noter conformément à l'article 22 de la loi n°36- 2001 que la reproduction « même avec l'adjonction de mots tels que : «formule, façon, imitation, genre, méthode» » n'est pas exclusive de la contrefaçon.

La reproduction peut aussi se consommer par le retranchement de la marque reproduite, c'est le cas dans les affaires MAMI NOVA c/ DELICE NOVA,9 et MARTINI c/ MARINI.10 De même, la reproduction est réputée constituée suite à la traduction si la marque traduite demeure identifiable dans la marque contrefaisante. Tombe aussi sous le coup de la reproduction, la conversion de l'élément nominal CROWN 11 en un élément figuratif constitué par une couronne.

Il est également un autre cas très répondu de reproduction qui consiste à créer des différences entre les deux marques soit par adjonction (SONY / SONYA),12 soit par inversion (KIRI / RIKI) 13 ou encore en modifiant une lettre, sa position ou la manière dont elle est écrite. C'est le cas dans les affaires CRISTAL c/ KRISTAL,14 et OMO c/ ORO.15 Dans tous ces cas, on peut estimer qu'il y a eu une contrefaçon phonétique car la ressemblance est évidente sur le plan de la prononciation.

Incontestablement, la reprise d'une marque au sein d'un nom de domaine sur Internet 16 semble être la plus récente modalité de reproduction de marque dans les temps modernes, ceci confirme une fois encore la diversité des modalités d'intervention du délit de reproduction.

1 Paris, 11 avril 1988, RDPI 1988, n°19, p. 75.

2 Paris, 3 mars 1965, RTD Com 1968. 1039, n°14.

3 TGI, Paris, 2 juillet 1979, RIPIA 1979. 393 ; Cass. Crim., 18 avril 1988, D 1988. IR.158. Emballage non-authentique.

4 Paris, 16 juillet 1984, Ann. 1985. 130.

5 Paris, 15 janvier 1976, RTD Com 1977. 315, n°9.

6 TGI, Paris, 13 juin 1991, PIBD 1991. III. 717, n°512.

7 TGI, Paris, 4 juillet 1986, PIBD 1987. III. 35, n°404.

8 Concernant les deux affaires, voir annexes n°6 et n°8..

9 Cass-civ n° 65931 du 8 mai 2001. Bull Civ 2001, p 103.

10 CA, Tunis, Arrêt du 16 mai 1951. Ann. Prop. Ind 1952. p. 133.

11 TPI, Sousse, jugement n°953 du 20 décembre 1982. Chronique, R.T.D 1986. p. 569, note N. MEZGHANI.

12 CA, Tunis, arrêt N°1593 du 13 février 1987. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 150.

13 TPI, Tunis, jugement N°460/08 du 23 octobre 1983. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 148.

14 TPI, Tunis, jugement N° 64616 du 5 juillet 1983. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 145.

15 CA, Tunis, Arrêt n°62158 du 12 juin 1985. BOUDEN (O): op. Cit. Annexe p. 79.

16 CA, Paris, 28 janvier 2003, D. Aff. 2003, p. 690, obs. C. Manara ; TGI, Grasse 2001. Le litige opposait la marque 1,2,3 spresso au nom de domaine 1,2,3 espresso. com. Publié sur " www.nice-avocats.com/avocats/deur-nicolas.htm" ; TGI, Nanterre, 20 mars 2000. En l'espèce, un distributeur exclusif de la marque SONY a reproduit la-dite marque dans son nom de domaine afin de bénéficier d'un bon classement par les moteurs de recherche lorsque l'interrogation portait sur la marque SONY. La reproduction a été jugée contrefaisante. Publié sur l'adresse : www.cejem.com/article.

TGI, Paris, 14 mai 2001, publié sur www.cejem.com/article. Dans cette affaire qui opposait la marque DANONE au Réseau Voltaire qui utilise un nom de domaine sous le nom de "jeboycottedanone". La société DANONE a vu sa demande en contrefaçon repoussée s'agissant de la reproduction de cette dénomination dans l'adresse du nom de domaine, selon le tribunal cette reproduction constituait "une référence nécessaire pour indiquer la destination du site polémique" ou encore

En définitive, ce qui importe c'est que la marque soit reproduite matériellement pour désigner des produits identiques à ceux pour lesquels elle a été enregistrée selon la lettre de l'article 22 de la loi n°36-2001. Toutefois, on est en droit de soutenir que la reproduction de la marque n'est condamnable que dans la mesure où elle poursuit des fins commerciales 1 ou concurrentielles qui touchent directement à la spécialité de la marque reproduite.

Cette limitation du champ de la répression de la reproduction et de la contrefaçon en général s'explique par le fait que la marque n'est pas protégée dans l'absolu mais uniquement dans son application aux objets qu'elle a pour fonction de distinguer dans le commerce. Ainsi et à l'image de son objet, la contrefaçon n'a ni sens ni substance en dehors de la spécialité et du commerce.

Bien entendu, la nécessité de localiser la reproduction dans un cadre commercial ne doit pas être entendue comme impliquant nécessairement un usage commercial de la marque reproduite car, tel qu'il est prévu dans l'article 22 de la loi n°36-2001, l'acte de reproduction de marque est incontestablement dissocié de tout acte ultérieur d'usage ou de commercialisation.

Ainsi, si la reproduction intervient dans un cadre autre que concurrentiel, on ne voit pas en quoi elle porte atteinte aux droits conférés par l'enregistrement de la marque, l'exemple en ce sens en est la reproduction à usage privé ou encore dans un cadre contestataire ou parodique2 impliquant l'exercice de la liberté fondamentale de l'expression.

La jurisprudence française relative à la reproduction des marques dans des noms de domaine contestataires ou parodiques semble s'orienter progressivement vers la reconnaissance de certaines exceptions au droit des marques permettant d'envisager le droit à la critique et à la parodie de marque.

C'est ce qu'on peut dégager du rejet des demandes en contrefaçon intentées séparément par SCPEA 3 et ESSO 4 contre l'association Greenpeace France, ainsi que de l'arrêt infirmatif dans l'affaire DANONE 5 qui n'a pas retenu la contrefaçon par reproduction. Dans ces affaires, la jurisprudence française a fermement opposé à l'absolutisme du droit des marques l'exception de la reproduction à titre polémique sous l'égide du droit fondamental à la liberté d'expression.

Internet, vecteur d'information par excellence, est le lieu privilégié de la liberté d'expression. Toutefois, liberté n'est point synonyme d'anarchie, tout est question de mesure et de bon sens, c'est ce que laisse entendre la Cour d'Appel de Paris 6 en condamnant pour contrefaçon le concurrent malicieux (EUROPE 2) qui dirige des liens hypertextes (ANTI-NRJ) reproduisant la marque (NRJ) vers un tiers qui tient des propos dévalorisants et dénigrants à l'égard de celle-ci.

"le moyen de nature à garantir et à satisfaire pleinement la liberté d'expression". Toutefois la demande en contrefaçon a été accueillie s'agissant de la reproduction des logos de la marque DANONE à l'intérieur du site lui-même car la reprise des éléments de la marque dans cette seconde hypothèse n'était pas nécessaire au but de contestation poursuivi par les animateurs du site. Avant d'être infirmé en appel, ce jugement a failli faire jurisprudence.

1 Voir en ce sens, CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. N°1203. p. 713; Cf, Mathély (P): op. cit. p. 324.

2 BAUD (E) et COLOMBET (S) : « La parodie de marque : vers une érosion du caractère absolu des signes distinctifs ? » D. 1998, n°23, Chron. P. 227.

3 TGI, Paris réf., 2 août 2002. Affaire : SA SCPEA c/ Association Greenpeace France. Confirmé par : CA, Paris, 26 février 2003. Publié sur : http://www.juris-nd.com/jp/00/Theme5.htm; également sur www. legalis. net

4 CA, Paris, 26 février 2003. Association Greenpeace France c/ SA Esso. Infirmant TGI, Paris, réf., 8 juillet 2002 Esso c/ Greenpeace. Les deux décisions sont publiées sur : http://www.legalis.net/cgi-iddn/certificat.

5 CA, Paris, 30 avril 2003. Affaire "jeboycottedanone" (sur le fond), infirme TGI Paris 4 juillet 2001. publiés sur http://www.juris-nd.com/jp/00/2003 et www.foruminternet.org.

6 CA, Paris, 19 septembre 2001. NRJ c/ EUROPE 2. Publié sur : www.cejem.com/article. Note, O. CACHARD.

Section 2 : Le délit d'usage de marque

Le délit de contrefaçon qui découle de l'usage non autorisé d'une marque enregistrée renferme des spécificités qui tiennent à la fois à ses caractéristiques (1) et à ses modalités d'intervention (2).

Paragraphe 1 : Les caractéristiques du délit de contrefaçon de marque par usage

Le délit d'usage de marque s'entend selon MATHELY « de tout emploi de la marque dans sa fonction de désignation de la provenance des objets qu'elle couvre ».1 Cet emploi illicite de la marque intervient souvent à un moment quelconque entre la fabrication et la vente du produit portant la marque en question.

A l'image de tous les actes interdits dans l'article 22 de la loi n°36-2001, le délit d'usage d'une marque pour des objets identiques à ceux qu'elle désigne est insensible à la preuve de la bonne foi ainsi qu'à la preuve de l'inexistence d'un quelconque risque de confusion dans l'esprit du public.

Par ailleurs, le délit d'usage est parfaitement distinct des autres délits prévus par la loi n°36- 2001, il constitue à lui seul un acte de contrefaçon autonome et dissociable de tout acte antérieur de contrefaçon par reproduction ou par imitation.

Parmi tous les actes de contrefaçon, l'usage illicite de la marque enregistrée semble être le plus préjudiciable, en fait, pour le titulaire des droits sur la marque car l'usage commercial 2 de la marque entraîne sûrement le détournement de la clientèle ainsi que l'avilissement du pouvoir attractif de la marque.

Par contre ne constitue pas un usage illicite, celui qui intervient dans des circonstances indifférentes de toute concurrence et bien sûr ne mettant pas en cause un usage de la marque pour des produits ou services identiques à ceux qu'elle couvre comme c'est le cas de la citation de la marque dans un spot publicitaire à titre informatif et indicatif des produits proposés lors d'une loterie.3 De même, n'est pas contrefaçon,4 la citation de la marque Pédalo dans le titre d'un article de journal intitulé « Le couple milliardaire fait du pédalo aux Antilles ».

Dans ce cas, le titulaire de cette marque ne pouvait s'opposer à l'utilisation dans le langage courant du terme Pédalo nécessaire à la désignation d'une embarcation de plage à pédales.

Le délit d'usage revêt par ailleurs une grande utilité pratique du moment qu'il se présente en pratique comme l'acte de contrefaçon le plus susceptible d'être poursuivi dans le temps par rapport à ceux de la reproduction, l'apposition ou l'imitation de la marque car ces actes se consomment souvent dans une courte période de temps. Par ailleurs, le délit d'usage 5 est le seul à pouvoir permettre des poursuites en Tunisie contre la reproduction, l'apposition ainsi que l'imitation de la marque toutes les fois où ces actes ont été commis à l'étranger.

En outre, il est important de rappeler que seuls les cas d'usage injustifié ou préjudiciable permettent au titulaire d'une marque notoire, en dehors de sa spécialité, d'engager la

1 MATHELY (P): op. cit. p. 326.

2 Dans le sens de l'exigence d'un usage à titre commercial, voir CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. N°1226. p. 732.

3 CA, Paris, 19 novembre 1984. Ann. 1984. p. 200.

4 CA, Paris, 13 mars 1989. Ann. 1990. p. 165.

5 Le terme usage est entendu ici dans son sens large qui englobe la vente, l'offre, fourniture et la détention qui sont d'ailleurs des cas spéciaux d'usage. Peuvent également être considérés comme des cas particuliers du délit d'usage, l'importation ou l'exportation de produits revêtus d'une marque contrefaite au sens de l'article 51 de la loi n°36-2001.

responsabilité civile de l'auteur de cet usage en vertu de l'article 24 de la loi n°36-2001. C'est là aussi une manifestation éclatante de la grande utilité pratique de l'usage illicite de la marque.

Paragraphe 2 : Les modalités du délit d'usage :

L'article 22 distingue nettement entre le délit d'usage d'une marque et celui de l'usage d'une marque reproduite. Bien entendu, dans les deux cas c'est l'usage qui est pris singulièrement en compte sauf que dans la deuxième hypothèse le délit d'usage intervient nécessairement comme la continuation d'un acte antérieur de reproduction de la marque alors que dans le premier cas, le délit d'usage existe indifféremment de toute reproduction.

La plus courante forme d'usage illicite de la marque, du moins en jurisprudence tunisienne, consiste dans l'acte de dépôt de la marque, cet acte d'usurpation et d'accaparement constitue un acte d'usage illicite 1 au sens propre du terme, ce qui importe dans ce type d'usage c'est le fait qu'un tiers dépose la marque pour son compte indifféremment du fait que le dépôt ait abouti ou non à l'acceptation de l'enregistrement par l'administration. De même, il importe peu que la marque objet du dépôt frauduleux soit utilisée ou non ultérieurement au dit acte de dépôt.

Concernant le support de l'usage, il s'apparente à celui de l'acte de reproduction de la marque du moment qu'il peut consister en un usage à titre de nom commercial, dénomination sociale ou enseigne comme çà était le cas dans l'affaire L'OREAL c/ FLEUREAL.2 De même, l'usage s'entend aussi d'un usage dans la publicité,3 les factures, sur un cintre 4 et en général tout usage impliquant un emploi par lequel la marque usurpée continue encore à exercer sa fonction distinctive au sens juridique et économique peu importe que l'usage soit oral, manuscrit 5 ou encore dans l'espace virtuel que constitue Internet. 6

A l'image du délit de reproduction, l'adjonction de termes tels que façon, formule ou méthode n'est admise en aucun cas à faire repousser le grief de contrefaçon par usage car l'emploi de tels termes, qui ne sont d'ailleurs cités par l'article 22 qu'à titre indicatif, ne cherche en fait qu'à profiter de la clientèle et de la renommée de la marque usurpée.

Le délit d'usage peut être consommé même en l'absence de tout support matériel de reproduction, c'est ce que confirme les quelques cas d'usages illicites qui suivent :

* Dans la publicité et même d'une manière orale, l'usage d'une marque, sans autorisation, peut être entrepris à titre de référence pour vendre des produits autres que celle-ci désigne, c'est la pratique des marques d'appel qui consiste à faire de la publicité sur une marque tout en ne disposant pas des stocks suffisants de produits revêtus de cette marque afin de vendre et de promouvoir d'autres produits concurrents et généralement substituables à ceux désignés par la marque d'appel qui ne sert en fait que d'appât.

* En matière de parfumerie, il est une pratique fort répondue, que l'on appelle smell-alikes ou
les tables de concordance,7 qui consiste pour un producteur à présenter une fragrance ou essence

1 CA, Tunis, Arrêt n°83724 du 6 février 2002. voir annexe n°4 ; CA, Tunis, Arrêt n° 60537 du 16 février 2000. voir annexe n°5. TPI, Sfax, Jugement commercial n°970 du 14 mars 2000. voir annexe n°1.

2 CA, Tunis, Arrêt du 30 décembre 1985. rapporté dans l'annexe du mémoire de BOUDEN (O): op. cit. p. 92.

3 TPI, Tunis, Jugement n°64617 du 28 février 1989. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 144.

4 CA, Paris, 15 décembre 1987. Ann. 1989. P. 269.

5 TPI, Bizerte, correctionnel n°6206 du 22 avril 2003. Voir annexe n°8. En l'espèce, la marque ASTRAL a été utilisée sur un dessein qui la représente graphiquement ainsi que sur une bande de papier collant.

6 Voir en ce sens l'affaire SONY, TGI, Nanterre du 20 mars 2000. Précité, voir supra. p. 83, note n°16.

7 Voir en ce sens, CHAVANNE (A) : « Le délit d'usage de marque et son évolution ». Mélanges Paul Mathély, Litec 1990. p. 105.

de parfum comme étant la réplique d'un autre tout en utilisant la marque de ce dernier. C'est, en effet, un cas d'usage interdit qui ne saurait bénéficier de la tolérance accordée aux personnes admises à utiliser la marque d'autrui à titre de référence nécessaire au sens de l'article 25.

Au même titre que l'usage illicite d'une marque authentique, constitue une contrefaçon, au sens de l'article 22, l'usage d'une marque reproduite. Il s'agit d'un acte d'usage distinct de celui qui s'applique illicitement à une marque authentique car il s'agit dans ce cas précis d'usage ayant pour objet une marque reproduite. De même, ce délit se distingue de la reproduction de marque car « il y a contrefaçon à reproduire la marque, aussi bien qu'à utiliser la marque reproduite dans le commerce, que l'utilisateur soit lui même l'auteur de la reproduction ou non ».1

Reste la question de la vente par un tiers non-agrée de produits marqués relevant d'un réseau licite de distribution sélective, saurait-elle rentrer dans la qualification de délit d'usage illicite de marque ? En se ralliant aux arguments avancés par M. POLLAUD-DULIAN,2 il semble judicieux de qualifier la violation d'un réseau de distribution sélective comme délit d'usage illicite de marque.

Section 3 : Le délit d'apposition de marque

Au même titre que la reproduction et l'usage, l'article 22 de la loi du 17 avril 2001 sanctionne par voie de contrefaçon l'apposition de la marque d'autrui sans autorisation sur des produits ou services identiques à ceux qui figurent dans l'acte de dépôt de cette marque.

Au sens de l'article 22, l'apposition est un délit d'imprudence qui s'applique nécessairement à une marque authentique et non pas reproduite ou imitée car le but poursuivi dans le cas précis de l'apposition est celui de présenter des produits sous une marque originale alors que ces mêmes produits proviennent d'une origine autre que celle garantie par la marque usurpée.

Le droit d'apposer la marque sur un produit ou en accompagnement d'un service est une prérogative qui revient exclusivement au propriétaire, ce dernier est seul juge de l'opportunité d'apposer ou non sa marque sur les objets qu'il offre dans le commerce, d'autant plus que par cet acte, le titulaire de la marque certifie au public des consommateurs qu'il est garant de l'origine du produit ou du service avec tout ce qui en découle en terme de responsabilité.

La violation de ce droit consiste donc pour un tiers dans le fait de se servir matériellement d'une marque authentique, en dehors de l'autorisation de son propriétaire, pour désigner des produits ou accompagner des services qui n'ont pas droit à être présentés sous cette marque car leur origine ne coïncide pas avec celle que se propose de garantir la marque.

A la différence de l'article 15 al. 2 du décret du 3 juin 1889 qui sanctionnait à titre de contrefaçon « ceux qui ont frauduleusement apposé sur leurs produits ou les objets de leur commerce une marque appartenant à autrui », l'article 22 de la loi n°36-2001 a écarté l'élément intentionnel du délit d'apposition de marque en faisant de lui un délit d'imprudence punissable du seul fait matériel d'apposer la marque d'autrui sur des objets qui relèvent de sa spécialité.

1 POLLAUD-DULIAN (F) : op. cit. N°1375. p. 644.

2 Ibid. N° 1403 et sui. P.658 et sui.

De même, la constitution du délit d'apposition de marque au sens de l'article 22 est indifférente à l'existence ou non d'un risque de confusion dans l'esprit du public à propos de la véritable origine des objets revêtus de la-dite marque car il s'agit de produits identiques.

En outre, il importe peu que le produit ou le service sur lequel la marque a été illicitement apposée soit authentique car il revient souverainement au propriétaire de la marque de choisir parmi ses produits ou services lesquels il entend revêtir de sa marque. Ce qui compte donc c'est le défaut d'autorisation et non pas la fausse ou la véritable origine des produits marqués.

On note par ailleurs, au sens de l'article 22, l'inutilité des formules de correction qui tendent vainement à dissimuler l'usurpation de la fonction de garantie d'origine que poursuit la marque tel que « formule, façon, système, imitation, méthode ou genre ». L'adjonction de l'un de ces termes ou d'un autre du même ordre ne saurait repousser le délit de contrefaçon par apposition.

S'agissant de l'élément matériel de l'apposition, il peut consister en n'importe quel support sur lequel la marque usurpée est matériellement appliquée afin de désigner dans un but commercial des objets qui relèvent de la spécialité de cette dernière. A ce stade, il est important de souligner que le simple fait d'apposer la marque sur des objets identiques suffit à retenir la contrefaçon indépendamment de toute commercialisation car en apposant la marque d'autrui, le contrefacteur a déjà violé les interdictions qui découlent de l'enregistrement de la marque.

Concernant les marques de services, la matérialité de l'apposition est retenue généralement lorsque la marque d'autrui se trouve appliquée par exemple sur un moyen de transport qui sert dans la livraison du service, sur un manuel d'usage, quittance de livraison ou facture accompagnant le service rendu.

S'agissant des marques de fabrique ou de commerce, les modalités d'apposition deviennent encore plus diversifiées car ce type de marque peut être apposé sur les produits eux-mêmes. La modalité la plus courante dans ce cas précis consiste dans le remplissage d'un récipient revêtu de la marque d'autrui par un produit qui provient d'une origine autre que celle garantie par la marque apposée sur le récipient.

C'est en effet le cas dans l'affaire ORANGINA,1 là où un commerçant a rempli des bouteilles revêtues de cette marque par ses propres produits de boissons gazeuses. En l'espèce, la cour a rejeté, à juste titre, l'argument du contrefacteur qui consistait à motiver ses agissements par une nécessité impérieuse constituée par une rupture de stock.

Dans une autre affaire, la contrefaçon a été retenue à l'encontre du fabricant de pots en aluminium qui a apposé, sur demande d'un tiers, la marque ASTRAL 2 -enregistrée pour désigner des produits de peintures- sur des pots de peintures revêtus de la marque contrefaisante SUPER PANDA ASTRAL . L'apposition peut aussi être consommée suite à l'application matérielle de la marque ou de son logo directement sur le produit comme çà était le cas dans l'affaire PUMA 3 pour l'imprimeur qui a reproduit et apposé cette marque sur des tissus même après la mise en garde qui lui a été notifiée par le propriétaire de la marque en question.

1 CA, Tunis, arrêt correctionnel n°2611 du 30 avril 1962. RJL 1963, n°10, p. 56.

2 TPI, Bizerte, correctionnel n°6206 du 22 avril 2003. Voir annexe n°8.

3 TPI, Tunis, jugement n°57782 du 2 octobre 1986. Rapporté en annexe du mémoire de BOUDEN (O): op. cit. p. 121.

Parfois, il arrive qu'un tiers consomme à lui seul plusieurs actes de contrefaçon, il en est ainsi du commerçant qui, avant d'offrir à la vente des sacs en cuir revêtus de la marque notoire Christian Dior,1 a reproduit, utilisé et apposé la dite marque et son logo sur les sacs en question.

Dans une autre affaire, la contrefaçon a été retenue à l'encontre de celui qui, en dehors de toute autorisation, appose la marque d'une maison de fabrique d'automobiles PEUGEOT 2 à la devanture de son établissement à titre d'enseigne.

En définitive, ce qui importe dans la constitution du délit d'apposition c'est que la marque d'autrui soit appliquée matériellement sur un produit ou en accompagnement d'un service identique à celui pour lequel cette même marque a été enregistrée.

Une fois apposée par le propriétaire, la marque est légalement protégée par la loi contre toute altération ou modification, en conséquence, se rend coupable de contrefaçon au sens de l'article 22 (b) quiconque aura porté atteinte à l'intégrité d'une marque régulièrement apposée.

Section 4 : Le délit de modification ou de suppression d'une

marque régulièrement apposée

Au même titre que l'apposition, l'article 22 de la loi n°36-2001 du 17 avril 2001 interdit « sauf autorisation du propriétaire :

b) La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée. »

L'incrimination de la suppression ou de la modification d'une marque s'impose d'elle-même car elles portent atteinte directement à la fonction distinctive de la marque et lui ôte son utilité et sa fonction légale d'identification que lui reconnaît la loi des marques.

Bien évidemment, le délit de suppression ou de modification de marque est indifférent à la preuve de la bonne foi de celui qui en est l'auteur car ces actes impliquent en eux-mêmes la malice et la fraude, dès lors il serait insensé de subordonner leur répression à la preuve d'une intention frauduleuse.

Au terme de l'article 22, l'incrimination porte à la fois sur la suppression et sur la modification de la marque. Concernant la suppression, on peut dire que c'est la manière la plus pure et simple de porter atteinte aux droits du propriétaire car celui qui commet cet acte se substitue en fait au propriétaire dans l'exercice du droit de disposer de son bien qui implique entre autre l'abusus.

S'agissant de la marque victime de modification ou de suppression, il est certain qu'il s'agit d'une marque enregistrée et authentique et non pas reproduite ou imitée, c'est aussi une marque apposée d'une manière régulière. La régularité de l'apposition de la marque en question s'entend normalement d'un marquage opéré par le propriétaire de la marque ou avec son consentement.

1 CA, Tunis, Arrêt correctionnel n°2731 du 12 juillet 2001. (non publié) voir annexe n°7.

2 TPI, Sfax, jugement n°14801 du 16 janvier 1983. Rapporté en annexe du mémoire de BOUDEN (O): op. cit. p. 173.

La matérialité de la suppression ne semble pas poser de problèmes spécifiques d'appréciation, il suffit que la marque soit effacée, détériorée ou encore définitivement rayée du produit ou de son conditionnement. Quant à la modification, elle semble d'une application plus large et d'une appréciation plus subtile.

En pratique, l'acte de modification doit être entendu de toute altération susceptible déstabiliser la fonction de garantie d'origine d'une marque régulièrement apposée.1

Pour qu'ils soient punissables à titre de contrefaçon, les actes de suppression ou de modification doivent intervenir dans un cadre commercial ou concurrentiel car ce n'est que dans ce cadre précis qu'ils deviennent dommageables et attentatoires à la fonction distinctive de la marque dans le commerce. En revanche, s'ils sont commis à des fins d'usage privé, il semble qu'il n'y a aucune raison valable qui motive la qualification de contrefaçon.

En l'absence d'une jurisprudence tunisienne en la matière, il semble opportun de citer quelques cas de contrefaçon par modification ou suppression jugés par les tribunaux français. La question se pose généralement à propos de licéité de la modification ou de la suppression d'une marque suite à une opération de maintenance ou de réparation d'un produit revêtu d'une marque régulièrement apposée, en fait, la réponse dépend de l'étendue de l'intervention à laquelle est soumis le produit marqué.

Si l'opération consiste à remplacer des pièces de rechanges, réparer ou encore nettoyer le produit, l'auteur de cette opération doit nécessairement maintenir la marque apposée car celle-ci poursuit toujours sa fonction de garantie d'origine.2

Par contre, si la modification du produit porte sur ce qu'il a de plus caractéristique et d'essentiel de façon à ce qu'il ne puisse plus être assimilé à l'objet d'origine avant la rénovation ou la modification, « l'identité d'origine n'existe plus et le titulaire de la marque ne saurait se voir attribuer la responsabilité du produit transformé. En ce cas, le reconstructeur n'a pas le droit d'utiliser la marque et doit la retirer du produit » sans tomber sous le coup de la contrefaçon. « S'il maintien la marque, il commet un usage illicite de la marque et s'il la rétablit, le délit d'apposition ».3

Dans ce cas précis, la jurisprudence française admet la suppression de la marque comme obligatoire car l'objet marqué tel qu'il a été modifié, n'a plus droit à cette marque.4

Bien qu'il constitue un délit de contrefaçon distinct, l'acte de modifier ou de supprimer la marque est généralement saisie comme un cas spécial d'usage illicite de la marque d'autrui,5 cette qualification s'explique certainement par le caractère foncièrement diversifié des modalités d'intervention du délit d'usage auquel s'apparente le délit d'importation ou d'exportation de marchandises présentées sous une marque contrefaite.

1 Cass. Com., 28 janvier 1992. En l'espèce un vendeur a délavé, sans l'autorisation du titulaire de la marque, des « Blue- Jeans » marqués. De ce fait, il s'est rendu coupable du délit de modification et d'usage illicite de marque car « le maintien de celle-ci sur le produit modifié tendait à faire croire au consommateur que le titulaire de la marque était responsable du processus entier de fabrication ». RTD com., 1992, p. 370, obs. A. Chavanne.

2 Cass. Req., 4 avril 1940, Annales, 1940.48, p. 167 ; Paris, 7 février 1908, Annales, 1911, p. 105.

3 POLLAUD-DULIAN (F) : op. cit. N° 1401, p.657.

4 Lyon, 13 juillet 1976. Affaire « Chausson », Annales, 1976, p. 244.

5 MATHELY (P): op. cit. p. 330. Également, POLLAUD-DULIAN (F) : op. cit. n° 1401, p.657.

Section 5 : Le délit d'importation ou d'exportation de
marchandises présentées sous une marque contrefaite

La répression de l'importation ou de l'exportation de marchandises revêtues d'une marque contrefaite fait l'objet de l'article 51 de la loi n°36-2001, la prohibition est formulée comme suit : « Sous réserves des peines prévues par des textes spéciaux, sera puni d'une amende de 5000 à 50 000 dinars quiconque aura :

b) importé ou exporté des marchandises présentées sous une marque contrefaite ».

Si l'on se réfère à la définition littérale de l'acte de contrefaçon au sens de l'article 44 tout en gardant sous les yeux l'énumération stricte de ces actes en tant qu'interdictions à la charge des tiers au sens des articles 22 et 23 de la loi n°36-2001 du 17 avril 2001, on finira par admettre que le législateur tunisien a délibérément choisi d'incriminer les actes d'importation et d'exportation de produits revêtus d'une marque contrefaite sans pour autant les qualifier expressément d'actes de contrefaçon malgré qu'ils soient passibles des mêmes peines prévues pour n'importe quel acte de contrefaçon au sens de la loi n°36-2001.

Cette distinction semble artificielle car il n'y a aucune différence de nature entre ces actes et n'importe quel acte de contrefaçon impliquant un usage illicite d'une marque enregistrée. En effet, on est en droit de soutenir que l'acte d'importer ou d'exporter des marchandises revêtues d'une marque contrefaite constitue, selon le cas, un cas particulier du délit d'usage d'une marque reproduite au sens de l'article 22 ou encore reproduite ou imitée au sens de l'article 23.

La délictualisation de l'importation et de l'exportation de produits revêtus d'une marque contrefaite est une mesure de nature à consolider l'arsenal juridique protecteur des marques, elle permet aux titulaires des droits de s'opposer à la mise en circulation et à l'exportation de marchandises revêtues illicitement de leurs marques, c'est aussi l'ultime chance de poursuivre des actes de contrefaçon, jusque là non aperçus, qui impliquent au moins la commission des délits de reproduction et d'apposition. Cette prohibition permet en outre de poursuivre, dès l'entrée de ces marchandises en Tunisie, des actes de contrefaçon consommés à l'étranger.

Par ailleurs, on note que l'interception aux frontières des marchandises revêtues d'une marque contrefaite est rendue commode grâce à l'agencement, au sens de l'article 56 de la loi n°36-2001, de mesures à la frontière 1 tendant à suspendre, lors d'une opération d'importation, le dédouanement des marchandises revêtues de marques contrefaites à fin de prévenir leur intrusion dans les circuits du commerce légitime.

Le fait d'importer ou d'exporter des marchandises présentées sous une marque contrefaite constitue une violation manifeste des interdictions qui découlent de l'enregistrement de la marque. Cet enregistrement, confère, au sens de l'article 21 de la loi n°36-2001, à son titulaire un droit privatif de propriété sur la marque pour les produits et services qu'il a désignés lors du dépôt. Ce droit exclusif est foncièrement incompatible avec toute mise en circulation de produits portant une marque contrefaisante, il bénéficie par ailleurs d'une efficacité et d'une opposabilité qui s'étendent sur tout le territoire national qui reconnaît le droit sur la marque en question.

1 Conformément à ses engagements internationaux en vertu de l'article 51 de l'accord sur les ADPIC, le législateur tunisien a prévu dans le chapitre VII de la loi n°36-2001 des mesures à la frontière tendant à suspendre le dédouanement des marchandises revêtues de marques contrefaites. Ces mesures ne sont applicables qu'aux marchandises importées.

En conséquence, l'incrimination des actes d'importation ou d'exportation se révèle comme l'expression géographique par excellence des prohibitions qui découlent de l'enregistrement de la marque. Ainsi se dégage la règle selon laquelle importer ou exporter c'est encore contrefaire.

Aux fins de l'incrimination des actes d'importation ou d'exportation, il n'est point exigé dans l'article 51 de la loi du 17 avril 2001 que ces actes doivent avoir été commis délibérément ou frauduleusement, ce sont donc des délits d'imprudence punissables du seul fait de la consommation des actes d'importation ou d'exportation ayant pour objet de telles marchandises.

Selon la lettre de l'article 51 de la loi du 17 avril 2001, la prohibition se limite aux marchandises 1 à l'exclusion des services. Le législateur n'a pas défini aux fins de l'appréciation du délit d'importation ou d'exportation ce que l'on doit entendre par « marchandises » présentées sous une marque contrefaite, s'agit-il des marchandises à caractère commercial ou simplement de marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs ?

A notre sens, le délit doit être retenu chaque fois qu'il s'agit de marchandises à caractère commercial, la question qui se pose à ce stade est celle de savoir si l'incrimination porte sur toutes les marchandises situées dans le territoire tunisien sous n'importe quel régime douanier ?

En droit français,2 depuis la mise en oeuvre de la loi dite LONGUET du 5 février 1994, la contrefaçon de marque est érigée en délit douanier. Ainsi, l'importation sous tous régimes douaniers et l'exportation de marchandises présentées sous une marque contrefaite sont interdites à titre absolu, cette prohibition concerne aussi les marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs. De même, « la circulation sur le territoire français, fût-ce sous le régime du transit, de la marchandise contrefaisante constitue une atteinte au droit du propriétaire de la marque et doit être réprimée quel que soit le régime qui lui est applicable » .3

Bien entendu, le droit tunisien dans son état actuel ne reconnaît pas une protection aussi rigoureuse des droits sur la marque, ceci étant, rien n'empêche d'appliquer l'article 51 de la loi n°36-200 1 à toute sorte de marchandises revêtues d'une marque contrefaite à l'exception de celles contenues dans les bagages personnels des voyageurs dans les limites réglementaires fixées pour l'octroi d'une franchise douanière et ne présentant pas un caractère commercial conformément à l'article 64 relatif à la limitation du champ d'application des mesures à la frontière.

La mise en oeuvre de la prohibition posée par l'article 51 de la loi des marques ne semble pas en contradiction avec les impératifs régissant les différents régimes douaniers d'admission des marchandises en territoire tunisien car ces régimes n'ont pas pour effet de situer fictivement le délit à l'étranger, ils jouent seulement en vue de l'application d'un régime fiscal privilégié ou incitatif.

1 Le législateur tunisien semble adopter la terminologie employée dans l'article 51 de l'accord sur les ADPIC qui utilise le terme marchandises au lieu de produits. Le terme marchandises est défini dans la note explicative n°14 relative à l'article 51 ADPIC comme suit : « Aux fins du présent accord : a) l'expression «marchandises de marque contrefaites» s'entend de toutes les marchandises, y compris leur emballage, portant sans autorisation une marque de fabrique ou de commerce qui est identique à la marque de fabrique ou de commerce valablement enregistrée pour les dites marchandises, ou qui ne peut être distinguée dans ces aspects essentiels de cette marque de fabrique ou de commerce, et qui de ce fait porte atteinte aux droits du titulaire de la marque en question en vertu de la législation du pays d'importation ».

2 DERRAC (M) : « Les nouveaux pouvoirs des douaniers et le règlement communautaire du 22 décembre 1994 » GAZ. PAL du 13 juin 1996. N°3. p. 590 ; Sur la réglementation européenne relative aux pouvoirs douaniers en matière de lutte anticontrefaçon, voir ARNAUD (E) : « Sur le règlement du conseil du 25 janvier 1999.. » Gaz. Pal du 14 avril 2000. N°2. p. 674. Voir également la nouvelle directive du 26 avril 2004, contre la contrefaçon et le piratage, disponible sur : www.europa.eu.

3 CA, Toulouse, Arrêt n°86 du 26 janvier 1993. publié sur l'adresse : http://www.ca-toulouse.justice.fr

Dans cette optique, il semble utile de rappeler que l'article 116 du code des douanes exclu de l'admission sur le territoire tunisien sous le régime de transit, « les marchandises portant de fausses marques d'origine tunisienne ou d'un pays en union douanière avec la Tunisie ».

De même, sont inadmissibles, au sens de l'article 128 du code des douanes, à n'importe quel titre et dans les tous les types d'entrepôts de douanes « les produits étrangers portant de fausses marques de fabrique tunisiennes ou d'un pays en union douanière avec la Tunisie ».

Sur la base de telles dispositions, on doit pouvoir admettre que ce type de marchandises n'est admis ni au dédouanement à l'importation ni à fortiori à la mise en circulation sur le territoire tunisien. La constatation du délit d'importation ou d'exportation présente une complexité particulière car elle est souvent combinée à la mise en oeuvre de la législation douanière.

S'agissant de la matérialité du délit, on doit admettre qu'il y a importation de marchandises présentées sous une marque contrefaite chaque fois que ces marchandises se situent sur le territoire tunisien et tant qu'elles n'ont pas été soumises au dédouanement car une fois qu'elles sont mises en circulation, le délit d'importation cesse d'exister.1

Quant à l'acte de l'exportation, il devra être retenu dès la présentation, au bureau des douanes concerné, de la déclaration en détail concernant ces marchandises conformément aux articles 72 et 73 du code des douanes. La présentation de la dite déclaration déclenche l'opération de l'exportation et prouve indubitablement l'intention et l'acte matériel de l'exportation.

Ce qui importe c'est l'existence d'un fait matériel permettant de conclure à la consommation de l'exportation, la chose a été jugée au pénal par la chambre correctionnelle du Tribunal de Première Instance de Bizerte.2 En l'espèce, la marque ASTRAL a été reproduite et apposée sur des pots en aluminium destinés à être rempli par des produits de peintures ne provenant pas de la société ASTRAL, ces marchandises étaient destinées à être exportées en Libye sur la demande d'un importateur libyen, le tribunal n'a pas retenu le délit d'exportation car « le délit d'exportation de marchandises revêtues d'une marque contrefaite n'est pas fondé en fait comme en droit du moment qu'il n'y a pas eu exportation des pots revêtus de la marque contrefaite à n'importe quelle destination hors des frontières ».

En définitive, il semble opportun de considérer le délit comme constitué même concernant les petits envois et les colis car les contrefacteurs font de plus en plus recours à cette pratique afin de ne pas attirer l'attention des détenteurs des droits et pour éviter les contrôles douaniers rigoureux relatifs aux conteneurs et aux grandes cargaisons. Il convient aussi de souligner que le délit de l'article 51 (b) doit pouvoir s'appliquer aussi bien pour les opérations régulières d'importation ou d'exportation que pour celles qui impliquent un trafic occulte de contrebande.

A travers l'étude de tous ces actes de contrefaçon prévus dans l'article 22 et 51 (b) de la loi n°36-2001, la protection de la marque semble rigoureuse en raison de l'atteinte directe à la marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'acte d'enregistrement, cette rigueur garde son intensité même dans le cas où l'atteinte en question toucherait la marque pour des objets non pas identiques mais seulement similaires à ceux qu'elle couvre mais dans ce cas un risque de confusion dans l'esprit du public doit être constaté afin de retenir la contrefaçon.

1 Toutefois, la mise en circulation de telles marchandises en Tunisie peut tomber sous le coup de la contrefaçon selon qu'il s'agit d'un usage au sens de l'article 22 de la loi n°36-2001 ou d'un cas spécifique d'usage au sens de l'article 52.

2 TPI, Bizerte, correctionnel n°6206 du 22 avril 2003. Affaire : ASTRAL c/ SUPER PANDA ASTRAL Voir annexe n°8.

Chapitre 2 : Les actes de contrefaçon par

« confusion »

Selon l'article 23 de la loi n°36-2001 du 17 avril 2001, « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il en peut résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :

a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement,

b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ».

Dans l'article 22 de la loi n°36-2001, le droit de propriété sur la marque bénéficie d'une protection assez rigoureuse. Toutefois, l'étendue de cette protection semble un peu restreinte dans la mesure où la marque n'est protégée, au sens de l'article 22, que dans les étroites limites de sa spécialité, c'est-à-dire contre toute usurpation de la marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement.

En traitant du principe de la spécialité de la marque, on a vu1 que celle-ci s'entend d'une manière large qui couvre par la même les produits identiques et ceux qui sont simplement similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée. L'apparition de la notion de produits similaires a vu le jour progressivement après la première guerre mondiale. A cette époque là, deux grands couturiers français à savoir MOLYNEUX et YVES SAINT LAURENT avaient lancé leurs propres marques de parfums, peu à peu la jurisprudence française est arrivée à considérer les produits de parfumerie comme similaires aux vêtements de haute couture.2

Cette extension de la protection des droits du propriétaire se justifie d'elle-même dans la mesure où « l'utilisation de la même marque pour des produits similaires par un tiers fausse la garantie d'origine attachée à la marque et dénie la fonction distinctive du signe ».3 C'est dans le dessein de consacrer une telle protection que l'article 23 se propose d'interdire, non sans une certaine complexité pratique, certains actes de contrefaçon de marque.

Toutefois, La protection de la marque pour des produits ou services seulement similaires semble, intrinsèquement, excessive et attentatoire au principe de la liberté de la concurrence car l'emploi d'une marque enregistrée en dehors de sa spécialité, au sens stricte, telle que définie dans l'acte de dépôt n'est ni condamnable en soi ni forcément préjudiciable puisqu'il ne s'agit pas de produits ou de services identiques.

Dès lors, on doit s'attendre à ce que la loi exige une certaine condition de nature à rendre cette interdiction fondée voire même souhaitable surtout si l'utilisation non autorisée de la marque pour des produits similaires cause un préjudice concurrentiel.4

1 Sur l'extension de la protection aux produits ou services similaires, voir supra. p. 61 et sui.

2 MATHELY (P): op. cit. p. 321.

3 POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. N°1394. p. 653.

4 Voir concernant la définition du préjudice concurrentiel, la remarquable étude de M. LE TOURNEAU (PH) : « De la spécificité du préjudice concurrentiel » R.T.D.com 1998. N° 1. p. 83. L'auteur soutient l'idée que le préjudice concurrentiel est essentiellement caractérisé par son unité et ce, malgré son caractère polymorphe.

La réponse apportée par l'article 23 confirme cette préoccupation. En effet, la contrefaçon n'est retenue au sens cet article que dans la mesure où l'exercice par un tiers d'un quelconque acte prévu dans l'article 23 se révèle de nature à créer « un risque de confusion dans l'esprit du public » concernant la véritable origine ou provenance des produits ou services couverts par cette marque.

En d'autre terme, si le public risque de confondre l'origine des produits couverts par la marque avec des produits similaires présentés sous la même marque et provenant d'un autre opérateur économique, on doit pouvoir considérer qu'il y a là une déstabilisation et un détournement de la fonction distinctive de la marque du moment qu'elle ne peut plus rattacher et identifier les objets qu'elle couvre en fonction de leur origine.

Dans cette optique, l'exigence d'un risque de confusion dans l'esprit du public paraît intervenir afin de conforter et éclairer le jugement sur le caractère illégitime, jusque là douteux, de l'exploitation faite de la marque d'autrui pour des produits ou services similaires.

Aux fins de l'appréciation de l'acte contrefaçon au sens de l'article 23, le législateur tunisien pose indubitablement l'exigence du risque de confusion dans l'esprit du public en tant que condition de la constitution du délit de contrefaçon ( Section 1). Ceci étant la constante, la variante dans la constitution du délit de contrefaçon au sens du même article consiste en une distinction selon qu'il s'agit des actes de contrefaçon interdits dans le point (a) ou dans le point (b) de l'article 23. ( Section 2 )

La distinction opérée dans l'article 23 implique l'étude séparée des actes interdits pour des produits ou services similaires au sens du point (a) de ceux qui selon le point (b) du même article impliquent l'imitation de la marque indifféremment du caractère identique ou similaire des produits ou services pour lesquels la marque a été usurpée.

Section 1 : Le risque de confusion dans l'esprit du public

comme élément constitutif du délit de contrefaçon au sens de

l'article 23

Quoique l'on puisse admettre qu'il s'agit d'une condition génératrice d'une complexité évidente, la subordination de la condamnation des actes de contrefaçon au sens de l'article 23 à l'existence d'un risque dans l'esprit du public semble être une juste mesure car une telle confusion aura pour conséquence directe la mise échec de la fonction de garantie d'origine que poursuit la marque et que le droit des marques se propose de sauvegarder.

L'existence d'un quelconque risque de confusion dans l'esprit du public ainsi que son appréciation est évidemment une question de fait qui échappe à toute définition légale préalable, il appartient donc aux juges de fond de l'apprécier casuistiquement et souverainement pourvu que leurs décisions soient dûment motivées.

Pour qu'il soit constitutif de contrefaçon au sens de l'article 23, l'emploi de la marque d'autrui doit nécessairement générer un risque de confusion ( Paragraphe 1), toutefois, cette confusion n'existe pas dans l'absolu, elle s'apprécie forcément à l'égard d'un public bien déterminé (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La signification du risque de confusion :

D'emblée, il est permis de voir dans l'estimation du risque de confusion une entreprise taxée d'une subjectivité plus qu'évidente, car ce qui prête à confusion pour une personne ne l'est pas du tout ou l'est à un moindre degré pour une autre personne. C'est donc une notion variable et à caractère foncièrement vacant.

Pour ce qui est de l'appréciation du risque de confusion au sens de l'article 23 de la loi n°36- 2001, il est opportun de signaler en premier lieu que la loi se limite, à juste titre, à exiger l'existence d'un risque de confusion, il n'est donc pas nécessaire de chercher si la confusion est effectivement réalisée, il suffit juste qu'elle soit possible.

Cette souplesse se justifie d'elle-même, car si l'on cherche à préserver la fonction distinctive de la marque, il semble nécessaire que l'on doive prévenir d'office le risque ou le danger même de confusion. En pratique, « il suffit que le juge estime qu'une confusion peut se produire ; il suffit que le juge, sans se borner à retenir un risque hypothétique ou probable, constate la réalité de ce risque. » 1

Quant à la confusion, elle peut d'abord être totale c'est-à-dire que l'on arrive à confondre purement et simplement la marque originale à celle qui lui ressemble et qui se trouve employée par un tiers afin de désigner des produits ou services similaires à ceux couverts la première marque. Par ailleurs, on doit admettre que la confusion peut être simplement comprise à un niveau faible de similitude ou de proximité car, comme on l'a déjà vu, le contrefacteur prend généralement le soin d'introduire quelques éléments de nature dissiper la confusion totale entre la marque originale et celle qui la contrefait.

Aux fins de l'appréciation de la contrefaçon qui résulte d'une confusion au sens de l'article 23, le juge doit impérativement prendre en considération la confusion entre les marques en question car la contrefaçon n'est retenue que lorsque les marques se révèlent, intrinsèquement, identiques ou similaires abstraction faite des objets auxquels elles s'appliquent, en ce sens, la cour d'appel de Tunis rappelle que « c'est la ressemblance entre les marques et non pas l'identité des produits qui, du simple fait de leur usage, trompe et induit le public des consommateurs en erreur sur le véritable fabricant du produit ».2

Par ailleurs, le caractère identique ou similaire des produits ou services ne compte que pour l'application du principe de spécialité en vue de déterminer si l'atteinte portée à la marque usurpée rentre dans le cadre de sa spécialité ou non.

L'inobservation de la règle de l'appréciation de la confusion par rapport aux signes eux-mêmes conduit généralement à l'exclusion de la contrefaçon car dans ce cas ce ne sont plus les marques qu'il convient de comparer mais ce sont forcément des éléments extrinsèques tels que la forme des produits, leur odeur, leur conditionnement ou leur couleur.3

Sur la base d'une telle démarche erronée, la Cour de Cassation n'a pas retenu la contrefaçon dans

1 MATHELY (P): op. cit. p. 301.

2 CA, Tunis, arrêt, n°60537 du 16 février 2000. (JOHNSON ENDSON. Inc c/ JASMINAL). Voir annexe n°5.

3 TPI, Sfax, Jugement n°14808 du 13 février 1989. . Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 144. La contrefaçon n'a pas été retenue, à tort, car « les deux termes ne prêtent pas à confusion dans l'esprit du consommateur ordinaire surtout que le volume des flacons, leurs couleurs et l'odeur des parfums sont différents ».

dans l'affaire KIRI c/ RIKI,1 il en est de même des affaires Royal Crown c/ S.C.B.G 2 et OMO c/ ORO.3

Par ailleurs, on doit admettre que le demandeur en contrefaçon sur la base de l'article 23 de la loi n°36-2001 n'a pas à rapporter la preuve formelle de la confusion car celle-ci se dégage simplement de la simple confrontation des deux marques envisagées abstraitement et ce même avant toute apposition sur les produits.

Parfois, la ressemblance entre deux marques se limite à un élément particulier. Pour qu'il y ait confusion, on doit exiger dans ce cas que cet élément reproduit ou imité soit distinctif en soi car ce n'est que sur la base d'un tel caractère original que la présence de cet élément dans une autre marque devient susceptible de semer la confusion dans l'esprit du public.

La chose a été jugée par la Cour de Cassation qui a censuré un arrêt qui n'a pas prêté un intérêt particulier à la distinctivité de l'élément reproduit. En effet, en méconnaissant cette démarche, la cour d'appel ne pouvait parvenir à déterminer si, de part son caractère distinctif, l'élément reproduit dans la marque arguée de contrefaçon « saurait attester la prétendue ressemblance dans l'esprit du consommateur ordinaire d'attention moyenne de manière à l'induire en erreur sur la provenance du produit désigné par la marque ».4

Du reste, on doit admettre que la confusion se trouve caractérisée chaque fois qu'il résulte de la confrontation des deux marques un simple rapprochement qui laisse à croire que l'on est devant deux marques identiques ou tout le moins d'une évidente ressemblance. Cette ressemblance est jugée d'après l'impression générale des deux marques en présence, si l'impression générale des deux marques se ressemble alors il y a risque de confusion.

Le danger que constitue la marque contrefaisante, qui cherche à se confondre dans l'esprit du consommateur avec la marque originale, réside dans l'effet de perplexité et d'indécision qu'elle engendre à propos de la véritable origine des produits ou services qu'elle couvre. A ce propos, il est nécessaire de préciser qu'il n'est pas essentiel que le consommateur ait été effectivement trompé car, tout simplement, il importe de se contenter du fait qu'il aurait pu l'être.

Par ailleurs, il semble utile de rappeler que certains facteurs exercent en fait un pouvoir décisif sur l'esprit des juges lors de l'appréciation de la confusion entre deux marques peu importe qu'elles soient appliquées à des objets identiques ou similaires, c'est, notamment, le cas où la marque usurpée se révèle notoire.

Quoique l'article 23 ne le précise pas, la prise en compte du degré de notoriété d'une marque paraît s'imposer d'elle-même car la notoriété influe, inconsciemment, sur le jugement d'une manière ou d'une autre surtout si la marque en question a fait l'objet d'une publicité fracassante.

« Le caractère distinctif de la marque antérieure, et en particulier sa renommée, doit être pris en compte pour apprécier si la similitude entre les produits ou les services désignés par les deux marques est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion ». C'est la réponse donnée par la Cour de Justice des Communautés Européennes5 à la question préjudicielle consistant à savoir si

1 Cass-Civ, n°18698 du 4 décembre 1989. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 149.

2 CA, Sousse, arrêt n°10167 du 19 avril 1984. Chronique, R.T.D 1986. p. 572.

3 CA, Tunis, Arrêt n°62158 du 12 juin 1985. BOUDEN (O): op. Cit. Annexe p. 79.

4 Cass-civ n° 65931 du 8 mai 2001. Bull Civ 2001, p 103.

5 (Affaire : CANON c/ MGM) : CEJE, 29 septembre 1998. , PIOTRAUT (J-L) & DECHRISTE (P-J): « Jugements et arrêts fondamentaux de la propriété intellectuelle ». Editions TEC & DOC 2002. p. 552.

la notoriété de la marque contrefaite doit être prise en compte pour apprécier si la similitude des produits en cause suffisait pour donner lieu à un risque de confusion.

Tout en interprétant le paragraphe premier de l'article 4 de la directive européenne 89/104/CEE du 21 décembre 1988, la cour a considéré qu'il faut entendre par risque de confusion « le risque que le public puisse croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement » par conséquent « il ne suffit pas, afin d'exclure l'existence du-dit risque de confusion, de démontrer simplement l'absence du risque de confusion dans l'esprit du public quant au lieu de production des produits ou services en cause »

Afin de confirmer la vertu pratique d'une telle position, on peut l'illustrer par les exemples suivants : Si l'on se trouve devant un produit fabriqué en Turquie et portant une marque presque identique à une marque française prestigieuse appliquée à un produit identique ou similaire, on est tenté de croire que le produit provenant de la Turquie a été fabriqué sous licence alors que ce n'est probablement pas le cas.

De même, on peut légitimement attribuer à la même marque l'origine d'un produit revêtu de cette dernière alors que l'on n'est pas habitué à voir cette marque appliquée à ce genre de produits. On croira alors que l'application de cette marque à ce nouveau produit s'explique peut être par la diversification, très courante de nos jours, de l'activité de cette maison de fabrique.

Notons enfin, qu'en pratique, les manoeuvres frauduleuses du contrefacteur, qui a sciemment cherché à créer la confusion, devront compter pour beaucoup dans l'esprit du juge lors de l'appréciation de la confusion entre deux marques car ce sont souvent des circonstances de fait propres à chaque espèce qui forgent la conviction du juge sur l'existence du risque de confusion.1

L'appréciation du risque de confusion au sens de l'article 23 de la loi n°36-200 1 revient naturellement au juge qui l'appréciera, bien entendu, en tant que consommateur, car c'est à ce dernier que s'adresse en définitive la marque authentique ainsi que celle qui la contrefait.

Paragraphe 2 : Le public considéré aux fins de l'appréciation du risque de confusion

La confusion est un état d'esprit, c'est l'état de ce qui n'est pas clair. Ainsi comprise, la confusion est donc sise dans l'esprit de quelqu'un qui prend quelque chose pour quelque chose d'autre.

Appliquée au droit des marques, la confusion est celle qui, au sens de l'article 23 de la loi n°36- 2001, s'installe « dans l'esprit du public » car c'est dans son application au destinataire final de la marque que la confusion revêt un sens et devient, par la même, susceptible d'appréciation.

1 Dans chaque espèce, le risque de confusion revêt un sens précis et une manifestation particulière. C'est le cas de ces décisions dans lesquelles la confusion a été retenue : (BOURGEOIS c/ BATTIKH) : TPI, Tunis, jugement n°12716 du 6 juin 1982. RTD 1995. p. 299 ; (ROYAL CROWN INK U.S.A c/ S.C.B.G) : TPI, Sousse, jugement n°477 du 20 décembre 1982. RTD 1986. p. 569 ; (DIXAN c/ DEXEL) : TPI, Tunis, jugement commercial n° 11380 du 18 janvier 2003. (inédit) voir annexe n°9. Confirmé en appel par CA Tunis, Arrêt commercial n°1810 du 19 janvier 2004. voir annexe n°10 ; (CRISTAL c/ KRISTAL) : TPI, Tunis, jugement N° 64616 du 5 juillet 1983. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 145 ; (KIRI c/ RIKI) : TPI, Tunis, jugement N°460/08 du 23 octobre 1983. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 148 ; (SONY c/ SONYA) : CA, Tunis, Arrêt N°1593 du 13 février 1987. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 150 ; (MAKNI c/ MAKNI AUDIO) : TPI, Tunis, jugement n°81656 du 17 mai 1993. Cité par KTARI (S) : pré-cit. R.J.L, mai 1997. p. 83 ; (WELLASTRATE c/ BEL STRATE) : TPI, Tunis, jugement n°19598 du 27 décembre 1988. BOUDEN (O): op. cit. Annexe p. 170 ; (SUNSILK c/ SUPERSILK) : TPI, Tunis, JUGEMENT n°11049 du 4 mars 1985. BOUDEN (O): op. cit. Annexe p. 103 ; (BENDIX c/ ALIF) : TPI, Tunis, correctionnel n°18444 du 11 novembre 1989. BOUDEN (O): op. cit. Annexe p. 191.

Lors de l'appréciation du risque de confusion, le juge se placera fictivement dans la situation d'un public de consommateur pour savoir si confusion il y a ou non. La question qui se pose donc est celle de savoir quel consommateur doit-on considérer à cette fin ? S'agit-il d'un consommateur averti qui manifeste une attention particulière à l'élément marque ou doit-on par contre apprécier le risque de confusion par rapport au plus commun des consommateurs ?

Raisonnablement, une jurisprudence à la fois ancienne et constante a estimé, à juste titre, que le risque de confusion doit être apprécié à l'égard d'un « consommateur ordinaire d'attention moyenne »,1 ce n'est ni un esprit brillant ni un illettré, c'est une personne douée de capacités mentales ordinaires. En effet, on ne peut qu'approuver ce choix judicieux du moment qu'il rend compte de la majorité écrasante du public des consommateurs.

Le consommateur est généralement conçu comme l'antithèse du professionnel, c'est en effet une personne qui acquiert ou utilise un bien ou un service à des fins privées. Néanmoins, il n'y a pas lieu de distinguer, aux fins de l'appréciation de la confusion, si le destinataire d'un quelconque produit ou service est professionnel ou non car, même si l'on doit admettre sa prise en compte, la qualité de professionnel ne joue - semble t-il - qu'à titre de circonstance aggravante dans l'esprit du juge toutes les fois où la contrefaçon se révèle l'oeuvre d'un professionnel. 2

Une fois qu'on a admis le caractère ordinaire de la personne à l'égard de laquelle s'apprécie le risque confusion, on doit admettre par la même que cette entreprise doit être opérée dans des conditions normales ou ordinaires qui rendent compte du fait que le consommateur n'a pas forcément les deux marques en question sous les yeux afin de les comparer.

De même, il faut considérer l'effet d'accoutumance qu'exerce la marque qui par une sorte d'osmose fidélise le public. Dans cette optique, il semble utile de citer une considération décrivant cette situation : « La marque de fabrique attire le consommateur final qui la retient et lui manifeste un intérêt particulier s'il trouve satisfaction dans le produit qu'elle désigne, en conséquence, il ne portera plus attention, dorénavant, au nom du fabricant quiconque soit-il ».3

Dans le même sens, la Cour de Cassation a rappelé, dans l'arrêt du 8 mai 2001,4 que la confusion s'apprécie à l'égard « de l'acheteur d'attention moyenne qui ne prête pas attention aux ressemblances de détail dans les produits, qu'il se procure de temps à autre, mais » garde en tête « une perception d'ensemble de la marque qui les désigne sans s'attarder sur ses particularités circonstanciées, ainsi, il ne garde (de la marque) dans son esprit qu'une impression d'ensemble propre à l'induire en confusion chaque fois qu'on lui mette sous les yeux une autre marque qui lui ressemble sommairement ».

La jurisprudence tunisienne semble s'inscrire dans le droit fil de cette démarche qui illustre pertinemment l'attitude du consommateur tunisien à l'égard de la marque en général, par

1 Cass-civ n° 65931 du 8 mai 2001. Bull Civ 2001, p 103. Les tribunaux utilisent souvent des formules équivalentes tel que : consommateur ou acheteur ordinaire, moyennement attentif, d'attention ou d'observation moyenne, etc.

2 TPI, Tunis, Jugement commercial n° 2703 du 11 avril 2000. (DRYPERS corporation c/ CIPAP). Voir annexe n°6. Les juges ont considéré qu' « en vertu de son statut de professionnel, un commerçant doit être en mesure de connaître pertinemment les marques notoires dans son secteur d'activité, car étant soumis au droit commercial, il se doit d'être loyal, diligent et de bonne foi afin de ne pas porter atteinte à la règle de la confiance dans le domaine commercial ».

3 TPI, Sfax, jugement commercial n°970 du 14 mars 2000. (SCHWARZKOPF c/ JASMINAL) voir annexe n°1.

4 Cass-civ, n° 65931 du 8 mai 2001. Bull Civ 2001, p 103.

ailleurs, il est arrivé que les juges demandent l'avis de personnes présentes à la salle d'audience sur l'existence du risque de confusion entre deux marques dont l'une est la contrefaisante.

A notre sens, cette pratique ne peut qu'engendrer une grave dénaturation de l'entreprise d'appréciation du risque de confusion car il n'y a pas de meilleur moyen pour éclairer le jugement qu'une expertise, d'autant plus que la personne interrogée sera tentée de prendre en compte des éléments extrinsèques aux marques elles-mêmes tels que les produits eux-mêmes, les formes, les couleurs, l'emballage etc. Il en a été ainsi dans deux affaires. 1

En définitive, on doit entendre par le risque de confusion dans l'esprit du public au sens de l'article 23, la possibilité d'une confusion créée, dans l'esprit d'un consommateur d'attention moyenne, par la ressemblance de deux marques, l'une originale et l'autre présumée contrefaisante, appliquées à des produits ou services, selon le cas, identiques ou similaires.

Outre la condition de l'existence d'un risque de confusion, la constitution du délit de contrefaçon au sens de l'article23 diffère selon qu'il s'agit des actes interdits pour des objets similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ou des actes répréhensibles du fait de leur application des objets identiques ou similaires à ceux couverts par la marque usurpée.

Section 2 : La panoplie des actes de contrefaçon par « confusion »

La marque est protégée au sens de l'article 22 de certaines atteintes préjudiciables qui mettent en cause un emploi de la marque pour les mêmes objets qu'elle désigne suivant ce qui a été revendiqué lors de son dépôt. Il s'agit donc d'une protection qui se doit d'être rigoureuse car l'atteinte dans ce cas touche la marque dans sa spécialité au sens le plus strict.

Dans ce contexte, la condamnation des actes de contrefaçon selon l'article 23 de la loi n°36- 2001 doit être entendue dans le sens d'une protection nécessaire, de nature à compléter et à conforter celle prévue dans l'article 22.

Dans le point (a) de l'article 23, le législateur a aménagé certaines interdictions propres à protéger la marque des atteintes qui résultent de son emploi par un tiers non autorisé pour des objets similaires à ceux que cette dernière couvre, cet emploi de la marque par voie de reproduction, usage ou apposition risque s'il en résulte un risque de confusion dans l'esprit du public, de nuire gravement à la singularité de la marque ainsi qu'à son propriétaire qui ne saurait assumer la responsabilité qui découle de l'emploi d'une marque identique à la sienne et désignant, par la même, des objets similaires. (Paragraphe 1)

D'autre part, l'article 23 reconnaît, dans son point (b) au propriétaire une protection contre l'imitation de sa marque ainsi que l'usage d'une marque imitant la sienne.

1 (Affaire : KIRI c/ RIKI) : CA, Tunis, Arrêt n° 61799 du 27 novembre 1985. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence, publication de la Faculté de Droit de Sfax 1997, n°1. p. 148. La cour affirme qu' « afin d'être rassurée, la cour a procédé à la présentation des deux produits dans la salle d'audience à trois personnes différentes qui ont certifié unanimement qu'il n'y a pas de ressemblances entre les produits » ; Dans le même sens, (Affaire : JACQUES JONY c/ SOTALCO) : TPI, Tunis, JUGEMENT n°15847 du 20 avril 1985. BOUDEN (O): op. cit. Annexe p. 140. Dans les deux cas, on ne peut reprocher aux personnes questionnées d'avoir comparé les produits et non pas les marques elles-mêmes.

Contrairement à l'indiscrétion de l'atteinte constitutive de contrefaçon au sens de l'article 22 et, à un moindre degré, l'article 23 (a), l'acte d'imitation de la marque se caractérise par une certaine subtilité qui n'implique pas le reprise ou l'accaparement de la marque en substance, il consiste minutieusement en l'emploi d'une marque qui, sans reprendre totalement ou même partiellement la marque d'autrui, s'en rapproche approximativement au point de créer un risque de confusion dans l'esprit du public concernant la véritable origine des objets qu'elle désigne par rapport à leurs identiques ou similaires couverts par la marque imitée. (Paragraphe 2)

Paragraphe 1 : Les actes interdits pour des produits ou services similaires à ceux
désignés à l'enregistrement :

Selon la lettre de l'article 23 (a), « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il en peut résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :

a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ».

Les actes de contrefaçon selon l'article 23 (a) se distinguent de ceux de l'article 22 (a) à deux niveaux. Le premier est celui de l'exigence d'un risque de confusion, quant au second il concerne le caractère similaire des objets pour lesquels l'usurpation de la marque a été consommée.

Nonobstant ces spécificités, les actes de contrefaçon de l'article 22 (a) et ceux de l'article 23 (a) se recoupent fondamentalement sur deux points essentiels.

En premier lieu et à l'image de l'article 22, la bonne foi du contrefacteur demeure pour les mêmes raisons un élément inopérant aux fins de l'appréciation du délit de contrefaçon qui résulte au sens de l'article 23 de « La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ». Ainsi, la contrefaçon sera retenue indépendamment de l'intention de celui qui commet les actes énumérés à titre limitatifs dans l'article 23.

En deuxième lieu, il est à préciser que la matérialité des actes de reproduction, usage, apposition d'une marque ainsi que celui de l'usage d'une marque reproduite, au sens de l'article 23 de la loi n°36-2001 ne se distingue en rien de celle de leurs semblables interdits dans l'article 22 de la même loi.

Ce sont les mêmes faits matériels qui constituent le délit de contrefaçon dans les deux cas, de même, il convient d'ajouter que les actes de reproduction, d'usage, d'apposition d'une marque ainsi que celui de l'usage d'une marque reproduite s'apprécient de la même manière et interviennent selon les mêmes modalités peu importe qu'il s'agisse de ceux interdits à l'article 22 ou de ceux prohibés dans l'article 23.

La seule différence réside donc dans le caractère similaire des produits et des services couverts par la marque contrefaite. Cette similarité a bien entendu poussé le législateur à exiger la survenance d'un risque de confusion dans l'esprit du public afin de s'assurer que la fonction distinctive de la marque ainsi que les intérêts légitimes de son propriétaire ont été atteints par

l'existence et l'emploi d'une marque, qui en raison de son caractère identique ou quasi-identique à la marque usurpée, risque de laisser à croire que les produits qu'elle désigne ont la même origine que ceux qui leurs sont similaires et qui se trouvent couverts par la marque antérieure.

Outre la sensibilité de l'appréciation du risque de confusion, c'est la détermination du caractère similaire des produits ou des services en cause qui pose véritablement un problème lors de l'appréciation du délit de contrefaçon dans tous les cas de figure de l `article 23 (a).

D'emblée, l'estimation de la similarité souffre d'une subjectivité accentuée, elle revêt par ailleurs une importance capitale car elle débouchera sur la détermination de l'étendue de la spécialité de la marque et par voie de conséquence sur l'étendue de sa protection.

Raisonnablement, le juge doit d'abord déterminer les produits qui figurent dans le dépôt de la marque peu importe qu'ils soient exploités ou non à moins qu'une décision de justice n'ait prononcé la déchéance des droits sur la marque concernant le produit ou le service en question.

Avant d'aller plus loin, il importe de rappeler que l'appartenance de deux produits à une même classe au sens du classement de l'arrangement de Nice, ne devra pas compter pour quelque chose dans la détermination de la similarité entre les produits car la loi des marques ne reconnaît à l'appartenance d'un produit à une classe donnée aucun effet de droit sur l'étendue de la protection de la marque, par ailleurs, ces « classifications sont plus ou moins arbitraires, et avec l'évolution des techniques se révèlent parfois artificielles ».1

Objectivement, on peut considérer deux produits comme similaires chaque fois que leur nature ainsi que leur usage se trouvent manifestement voisins. Par ailleurs, si l'on examine la similarité sous un angle économique, nécessairement plus souple, « on considérera comme similaires des produits dont le public a toutes raisons de croire qu'ils proviennent du même fabricant. On prendra aussi en considération la destination commune des produits ».2

Sur la base d'un tel raisonnement, ont été considérés comme similaires « les produits, qui en raison de leur nature et de leur destination, peuvent être attribués par les consommateurs à la même origine. Tel est le cas des chaussures, des produits chaussants et des vêtements, tous ces produits ayant une fonction commune qui est de vêtir l'homme ».3

Par ailleurs, il arrive qu'un produit soit similaire à un service.4 De même, outre la condition de l'emploi de signes identiques ou quasi-identiques, la similitude est envisageable entre l'objet d'un service rendu par l'animateur d'un nom de domaine sur Internet et des objets couverts par une marque de commerce, de fabrique ou de services appartenant à autrui.

Les éléments qui devront compter lors de l'appréciation de la similitude peuvent changer d'une espèce à l'autre eu égard aux circonstances de fait pertinentes.

1 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. n°1017. p. 579. Concernant l'arrangement de Nice, voir supra. p. 62.

2 Ibid. n°1018. p. 580.

3 Paris, 19 janvier 1993, D. 1994. Somm. Com., p. 56.

4 CA, Paris, 30 mai 1969. Ann. 1970. p. 118. Selon MATHELY, la similarité a été retenue entre une marque de services et une marque de fabrique dans la mesure où l'activité de la marque de services porte sur l'organisation d'une distribution commerciale d'objets couverts par la marque de produit. Op. cit. p. 318.

Parmi ces éléments, on compte la complémentarité des produits, leur destination à la même clientèle ainsi que le caractère notoire de la marque contrefaite.

Quoi qu'il en soit, l'estimation de la similarité doit nécessairement s'opérer dans les limites du raisonnable tout en gardant sous les yeux deux impératifs sensiblement peu conciliables. En effet, sans aller jusqu'à provoquer l'éclatement de tout l'édifice construit autour du principe de la spécialité des marques en tenant pour semblables deux produits qui, manifestement, ne le sont pas, le juge doit se porter garant d'une protection efficace des intérêts du titulaire de la marque ainsi que du respect de la fonction religieusement distinctive de celle-ci.

Contrairement à une jurisprudence française abondante en matière d'appréciation de la similarité des produits et des services,1 à notre connaissance, le juge tunisien n'a pas encore été saisi d'une action en contrefaçon impliquant des produits similaires à l'exception d'une affaire, encore en instance, classée au greffe du Tribunal de Première Instance d'Ariana sous le n°12127.

Dans cette affaire, la société COCA-COLA COMPANY, propriétaire de la marque FANTA enregistrée pour des produits de boissons gazeuses, s'est opposée, sur la base des articles 23 et 24 de la loi n°36-2001, à l'utilisation par un tiers de la marque FANTA CHIPS appliquée à des produits alimentaires de pommes de terre frites.

En l'espèce, il semble difficile d'admettre que la contrefaçon soit retenue au sens de l'article 23 en raison du caractère apparemment non similaire des produits en question à moins que les juges ne soient d'un avis contraire.2

En définitive, il apparaît clair que la constitution du délit de contrefaçon au sens de l'article 23 de la loi n°36-2001 repose sur la réunion de trois conditions cumulatives. En premier lieu, il faut que la marque contrefaisante soit identique ou tout le moins quasi-identique à celle d'autrui, ensuite, il faut que l'acte matériel de contrefaçon, consommé par voie de reproduction, usage, apposition ou par l'usage d'une marque reproduite, soit appliqué à des produits ou services similaires à ceux qui figurent dans l'acte d'enregistrement de la marque usurpée. En dernier lieu, il est nécessaire aux fins de la condamnation de ces actes qu'il soit établit un risque de confusion dans l'esprit du public 3 concernant la véritable origine des produits ou des services en question.

La distinction entre produits et services similaires ou identiques perd son utilité concernant la constitution du délit d'imitation de marque au sens de l'article 23 (b).

1 Voir en ce sens la jurisprudence citée par MATHELY (P): op. cit. p. 315 et sui.

2 Dans sa requête introductive d'instance, le propriétaire de la marque FANTA a mentionné les articles 23, 24 et 44 de la loi n°36-2001 en tant que base légale de sa demande. Par ailleurs, il nous a été révélé que la stratégie de la demanderesse repose plutôt sur l'article 24 relatif à l'engagement de la responsabilité civile de l'auteur d'un emploi injustifié ou préjudiciable d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux pour lesquels cette dernière a été enregistrée.

Ce choix semble raisonnable dans la mesure où les juges reconnaîtront plus aisément le caractère notoire de la marque FANTA que la nature similaire des produits en question.

Toutefois, rien n'empêche le juge de retenir la contrefaçon au sens de l'article 23 (a) pour ces raisons, d'abord, il s'agit de deux produits alimentaires, de grande consommation, vendus généralement dans les mêmes rayons en grande surface et que les jeunes tendent de nos jours à consommer à des moments et en des circonstances pareilles surtout avec la nouvelle culture de consommation qui ne cesse de se rapprocher des standards américains en la matière.

A ces considérations s'ajoute l'influence probable du caractère notoire de la marque FANTA, ce caractère pourra être pris en considération lors de l'appréciation du risque de confusion dans l'esprit du public qui pourra raisonnablement voir en la marque FANTA CHIPS la désignation du nouveau produit de la marque mère FANTA.

3 Cf. CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. n°1017. p. 579. Ces auteurs considèrent que le risque de confusion n'est pas fonction de la similarité des produits ou services mais uniquement fonction de l'identité des marques elles-mêmes.

109 Paragraphe 2 : Les actes interdits pour des produits ou services identiques ou

similaires à ceux désignés à l'enregistrement :

Selon l'article 23 de la loi n°36-2001, sont également « interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il en peut résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :

b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ».

Consécutivement à l'emploi de la conjonction « et » dans l'article 23, il convient de distinguer les interdictions posées par cet article selon qu'il s'agit d'un acte d'imitation (1) ou celui d'usage d'une marque imitée. (2)

1) Le délit d'imitation de marque :

L'interdiction de l'imitation en tant que telle était consacrée déjà sous l'empire du décret du 3 juin 1889 et plus précisément par son article 16 qui puni « ceux qui sans contrefaire une marque, en ont fait une imitation frauduleuse de nature à tromper l'acheteur ».

La consécration de l'incrimination de l'imitation dans l'article 23 de la loi n°36-2001 ne semble pas remettre en cause le mode d'appréciation du fait matériel d'imitation ni les solutions jurisprudentielles relatives à la détermination des modalités d'intervention de ce délit. Ceci étant, l `article 23 a opéré un changement fondamental relatif aux éléments constitutifs du délit d'imitation, ceci est percevable de la terminologie employée dans cet article.

En effet, l'article 23 interdit l'imitation en tant que telle sans la qualifier de « frauduleuse » comme çà était le cas dans l'article 16 du décret de 1889, c'est donc l'élément intentionnel qui a été éliminé de la sphère des éléments constitutifs de l'imitation de marque et ce aussi bien au civil comme au pénal.

En ce sens, il est permis de voir dans la mise à l'écart de l'intention criminelle des éléments constitutifs de l'imitation de marque une des plus grandes innovations de la loi n°36-2001 du 17 avril 2001.

En l'absence d'une définition textuelle, la doctrine la plus autorisée tient pour imitation, l'acte qui « consiste à reproduire le signe, constituant la marque non pas à l'identique, mais approximativement ».1 Toutes les définitions avancées par la doctrine se recoupent sur l'idée que l'imitation n'implique pas la reproduction pure et simple de la marque d'autrui, au contraire, c'est de similarité entre les marques qu'il s'agit.

L'imitation est donc en quelque sorte une contrefaçon par reproduction qui cherche à se déguiser derrière quelques dissemblances créées par le contrefacteur afin de repousser le grief de contrefaçon, c'est donc de ressemblance qu'il s'agit et non pas d'identité totale ou partielle entre les marques en question.

1 MATHELY (P): op. cit. p. 300.

L'imitation de la marque d'autrui est un acte particulièrement grave qui perturbe le jugement et le choix du consommateur sur la véritable origine du produit, revêtu de cette marque car son attention sera retenue autant par les ressemblances entre les marques que par leurs dissemblances et c'est là où entre en jeu l'effet de la confusion voulu et soigneusement aménagé par le contrefacteur par imitation.

L'imitation que le législateur tunisien réprime dans l'article 23 est celle qui implique une ressemblance d'un degré assez suffisant pour qu'il « en résulte un risque de confusion dans l'esprit ».

En pratique, la distinction entre imitation et reproduction de la marque semble être d'une délicatesse manifeste. La finesse de la distinction n'a pas manqué de d'influer sur la terminologie employée en ce sens par les juges tunisiens qui ne se donnent pas la peine de trancher s'il s'agit d'un cas d'imitation ou de reproduction surtout que les deux actes se trouvent interdits à la fois pour des produits identiques ou similaires. Et pour couronner le tout, les juges, à une exception près,1 emploient le terme contrefaçon ou taklid indifféremment pour désigner les deux délits.

Ce qui semble, donc, distinguer l'imitation de la reproduction, c'est le fait que le signe imitant se rapproche approximativement ou à peu près de la marque originale objet de l'imitation sans la reprendre, comme dans la reproduction, totalement ou même partiellement.

Comme on l'a déjà vu à propos du risque de confusion, le consommateur ordinaire retient souvent une impression générale de la marque ainsi que des éléments qui la compose, il sera d'autant plus amené à croire qu'il se trouve devant la marque authentique qu'il connaît chaque fois que la marque contrefaisante reprend approximativement les éléments caractéristiques ou potentiellement distinctifs de la marque authentique.

Pour cette raison et compte tenu du caractère déguisé de l'imitation, une jurisprudence constante admet unanimement une méthode synthétique dans l'appréciation de l'imitation de marque afin de relever les ressemblances entres les marques en questions.

Cette méthode synthétique permet au juge d'extrapoler l'impression d'ensemble que laisse la marque contrefaisante dans l'esprit d'un consommateur ordinaire, si ce dernier se laisse tenté par l'idée que la marque contrefaisante est suffisamment semblable à la marque originale pour qu'il y ait risque de confusion dans son esprit, on pourra alors retenir le délit d'imitation.

La confusion deviendra encore certaine si l'on admet que, dans des conditions normales, le consommateur n'est ni censé comparer les deux marques ni être en mesure de le faire car il n'est pas supposé avoir sous les yeux les deux marques en même temps pour qu'il puisse les comparer.

A l'image de l'appréciation de la reproduction, il est évident que le juge doit prendre en considération les éléments distinctifs de la marque imitée car ce sont ces éléments que l'enregistrement protège, qui singularisent la marque et qui de part leur présence 2 dans un

1 Le juge pénal semble plus précis sur le plan terminologique. En effet, il emploi le terme NASKH et non pas TAKLID pour désigner le délit de reproduction. Çà était le cas des juges qui ont prononcé le jugement correctionnel n°6206 du 22 avril 2003 rendu par le TPI de Bizerte. Voir annexe n°8.

2 Voir dans le droit fil de cette affirmation : Cas s-civ n° 65931 du 8 mai 2001. Bull Civ 2001, p 103.

ensemble présentant certaines démarcations, en l'occurrence la marque contrefaisante, risquent de semer la confusion dans l'esprit du public.

Il y a donc lieu de considérer que la contrefaçon par imitation n'est pas constituée si les éléments, imités, repris dans la marque contrefaisante ne figurent pas dans le dépôt de la marque imitée ou s'il s'avère qu'ils sont nécessaires, descriptifs ou encore usuels. Il faut donc qu'ils soient protégeables et intrinsèquement distinctifs.

Par ailleurs, on doit pouvoir exiger que la reprise approximative de ces éléments distinctifs dans la marque contrefaisante ne leur fasse pas perdre leur caractère original.1 En effet, si ces éléments perdent leur singularité tout en se dispersant dans l'ensemble auquel ils sont assemblés, il y a lieu de dire qu'ils ne sont plus en mesure de rappeler la marque antérieure dont ils faisaient partie. Dès lors, il n'y aura pas de confusion ni par voie de conséquence d'imitation.

Il convient de noter que la conviction du juge sur l'existence de l'imitation se nourrit souvent de la prise en compte de certaines circonstances de fait propres à chaque espèce ainsi que d'une touche de subjectivité inhérente, semble t-il, à l'appréciation.

Cette touche de subjectivité explique peut être l'exclusion de l'imitation comme çà était le cas dans l'affaire KIRI c/ RIKI. La Cour de Cassation a considéré qu'il n'y a pas d'imitation même s'il y a eu inversion de la marque KIRI. Ceci étant, il est permis de voir dans les motivations de cet arrêt l'exemple type de la démarche à ne pas suivre dans l'appréciation de l'imitation.

En effet, après avoir approuvé l'arrêt qui a basé la comparaison sur les différences quant aux dénominations -entre la marque RIKI, arguée de contrefaçon, et la marque La Vache Qui Rit- ainsi que sur les différences entre les produits quant à la forme et les couleurs, la Cour de Cassation, tout en employant un terme dénué de toute précision, en l'occurrence Tadliss,2 a considéré que « l'imitation des marques de fabrique suppose l'existence d'une confusion entre les deux marques et une identité totale tant entre les dénominations que dans la manière dont elles sont présentées au public afin qu'il puisse en résulter une confusion dans l'esprit des clients ». 3

De même, en raison de la comparaison des produits et non pas des marques en causes, il a été jugé que la marque NUIT de PARIS ne constitue pas une imitation de la marque SOIR de PARIS.4

Dans les affaires où l'imitation a été retenue, les juges motivent souvent remarquablement et dûment leurs décisions, tel est le cas dans l'arrêt qui a considéré que « la ressemblance établie entre les marques SONY et SONYA est de nature à créer un doute et une confusion auprès du commun des clients [....] La cour admet ainsi qu'il y a une grande ressemblance entre les deux marques, c'est ce qui explique le trouble et l'embrouillement du consommateur ordinaire. La responsabilité qui en découle est à la charge du propriétaire de la marque SONYA qui a choisi une marque similaire à celle de son concurrent SONY sans considérer ni observer les antériorités ni les marques déjà exploitées sur le marché dont il n'est pas en droit d'ignorer l'enregistrement».5

1 Affaire CACHOU, Cour de Cassation française, arrêt commercial du 24 janvier 1995. Rapportée dans le Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence, publication de la Cour d'Appel de Sfax 1997, n°1. p. 4. ( Partie en langue française )

2 Aux fins de la traduction, on tiendra le terme tadliss pour équivalent d'imitation frauduleuse au sens du décret de 1889.

3 Cass-Civ, n°18698 du 4 décembre 1989. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 149.

4 TPI, Sfax, Jugement n°14808 du 13 février 1989. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 144.

5 CA, Tunis, arrêt n°1593 du 13 février 1987. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 150. voir aussi dans le même sens, les motivations pertinentes de l'arrêt : Cass-civ n° 65931 du 8 mai 2001. Bull Civ 2001, p 103.

L'imitation a été aussi retenue à plusieurs reprises dans des cas très fréquents qui impliquent l'utilisation par un tiers d'une marque dont la consonance est trop proche ou rappelle excessivement la marque d'autrui, c'est la modalité d'imitation sonore. Çà était le cas dans l'affaire 1 POMPÉIA c/ PAON BEYA et Rêve d'Or c/ Rêve d'Aurore. De même dans les affaires WELLASTRATE c/ BEL STRATE 2 et SUNSILK c/ SUPERSILK. 3

A l'occasion de deux décisions rendues, dans l'affaire DIXAN c/ DEXEL, postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n°36-2001, les juges sont parvenus à consacrer l'esprit même de la protection que le législateur a voulu faire bénéficier au propriétaire de la marque face à l'imitation.

En l'espèce les premiers juges 4 ont considéré que la marque DEXEL, enregistrée et appliquée à un détergent, constituait une imitation de la marque antérieure DIXAN enregistrée pour le même produit. Selon le tribunal, « il ressort de la comparaison de l'élément nominal des marques DIXAN et DEXEL en latin une ressemblance quant à l'aspect général des deux mots d'autant plus que la grande similitude relative à la prononciation des deux marques en langue arabe est de nature à induire le consommateur à confondre ces marques, surtout qu'il s'agit d'un produit identique, en l'occurrence un détergent, dont la dénomination se confond, lors de la prononciation, à l'appellation du produit de la demanderesse ».

Tout en confirmant la solution entérinée en première instance, la Cour d'Appel de Tunis 5 a tenu à rappeler que « la détermination de l'imitation d'une marque de commerce passe par la mise en exergue des ressemblances, entre la marque authentique et celle arguée d'imitation, susceptibles de semer la confusion dans l'esprit du consommateur ordinaire qui n'est pas en mesure d'exercer un contrôle afin de comparer la marque originale à la marque contrefaisante.

Par ailleurs, les éléments circonstanciés de dissemblance n'ont point d'effet sur le pouvoir discrétionnaire du juge qui prend en considération les caractéristiques de la marque ainsi que sa perception d'ensemble afin d'établir l'imitation ».

Quant au modalités de l'imitation, elles varient en fonction de la fécondité de l'imagination du contrefacteur. Parmi ces modalités, on compte notamment l'imitation visuelle qui se trouve généralement et non pas nécessairement accompagnée par une imitation sonore, c'était le cas dans les affaires précitées : WELLASTRATE c/ BEL STRATE et SUNSILK c/ SUPERSILK.

L'imitation peut résulter aussi de la traduction de la marque dans la mesure où elle laisse transparaître la marque d'autrui,6 en ce sens, il a été jugé 7 que la marque « Après l'amour » imitait la marque « After love » de même « Master vox » et « Master voice ».

De même, il est possible que l'imitation découle d'une association d'idées dans des cas où le public ne peut s'empêcher de rapprocher les deux marques comme dans le cas de « Mignon Camembert » et « coquet Camembert ».8

1 TPI, Tunis, jugement du 5 juillet 1948. (PIVER / BATTIKH) Ann. Prop. Ind 1948. p. 272.

2 TPI, Tunis, jugement n°19598 du 27 décembre 1988. BOUDEN (O): op. cit. Annexe p. 170.

3 TPI, Tunis, jugement n°11049 du 4 mars 1985. BOUDEN (O): op. cit. Annexe p. 103

4 TPI, Tunis, commercial n° 11380 du 18 janvier 2003. voir annexe n°9.

5 CA, Tunis, arrêt commercial n°1810 du 19 janvier 2004. voir annexe n°10.

6 CHAVANNE (A) & BURST (J-J): op. cit. n°1219. p. 726.

7 Ibidem.

8 Paris, 14 septembre 1925. Ann. 1926. p. 2.

Il est à noter que le juge tunisien n'a pas reconnu, à tort, l'imitation par rapprochement à l'occasion de l'affaire SOIR de PARIS c/ NUIT de PARIS. 1

Enfin, l'association d'idées s'opère aussi par un contraste paradoxalement susceptible de semer la confusion, l'exemple classique en ce sens est celui de la marque « La vache sérieuse » qui, bien que différente, constitue la réplique par contraste de la marque « La vache qui rit ».2

Il importe en définitive de rappeler que l'imitation est retenue au sens de l'article 23 chaque fois que cet acte s'applique à « des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ».

La condamnation de l'acte d'imitation de marque ne doit pas déborder sur la protection de la marque en dehors des limites raisonnables de sa spécialité ni permettre de sanctionner des actes déloyaux qui ne rentrent pas raisonnablement et strictement dans le champ d'application de la loi des marques. la mise en oeuvre de tels propos n'est évidemment pas une mince affaire si l'on admet que la condition du risque de confusion inhérent à la condamnation de l'imitation de marque est en quelque sorte une notion empruntée à la terminologie et à l'esprit même de la répression des actes de concurrence déloyale au sens de l'article 92 C.O.C.

2) Le délit d'usage d'une marque imitée

Comme dans le cas de la reproduction et de l'usage d'une marque reproduite, l'article 23 interdit l'usage d'une marque imitée tout comme l'acte d'imitation lui-même.

Cette interdiction s'impose de toute évidence dans la mesure où l'on ne doit pas laisser en état d'impunité ceux qui, sans imiter la marque d'autrui, utilisent une marque imitée.

Deux raisons semblent expliquer la justesse de cette prohibition, d'abord, il arrive que l'imitation soit matériellement consommée soit par une personne non identifiée ou dans une aire géographique non couverte par le droit sur la marque imitée, il sera donc très profitable au titulaire de la marque originale de pouvoir poursuivre, sur la base du grief de l'usage, celui qui fait un quelconque usage de la marque imitante sur le territoire tunisien pour des produits similaires ou identiques à ceux que sa marque couvre.

Ensuite, on peut admettre que l'imitation de la marque devient encore plus préjudiciable, tant aux intérêts du propriétaire qu'à la fonction de garantie d'origine de la marque, chaque fois qu'elle se trouve mise en oeuvre par le biais d'un usage commercial de cette marque imitante.

L'usage dans ce cas s'entend d'un usage à titre commercial de la marque imitée pour des produits identiques ou similaires selon les mêmes modalités d'intervention du délit d'usage de marque 3 au sens de l'article 22 de la loi n°36-2001.

Dans l'affaire DIXAN c/ DEXEL, le grief d'usage d'une marque imitée a été retenu à l'encontre du titulaire de la marque DEXEL qui a apposé, commercialisé et utilisé cette marque dans la publicité pour des produits identiques à ceux couverts par la marque DIXAN.4

1 TPI, Sfax, Jugement n°14808 du 13 février 1989. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 144.

2 Paris, 4 mars 1959. Ann. 1959. p. 141.

3 Voir supra. p. 85.

4 CA, Tunis, arrêt commercial n°1810 du 19 janvier 2004. voir annexe n°10.

Chapitre 3 : les actes intentionnels de contrefaçon

Dans le dessein de faire bénéficier le propriétaire de la marque d'une protection efficace qui couvre une large panoplie d'actes susceptibles de porter atteintes aux droits conférés par l'enregistrement de la marque, le législateur tunisien, tout en s'inspirant largement du droit français, incrimine, au même titre que les actes de contrefaçon interdits dans les articles 22 et 23 de la loi n°36-2001, des actes qui constituent, en fait, des cas particuliers d'usage illicite de la marque d'autrui.

Tel est le cas des actes interdits au sein de l'article 52 de la loi n°36-200 1 en ces termes : « sous réserve des peines prévues par des textes spéciaux, sera puni de la peine prévue dans l'article 51 de la présente loi quiconque aura détenu, sans motif légitime, des marchandises qu'il sait revêtues d'une marque contrefaite ou aura sciemment vendu, mis en vente, fourni ou offert de fournir des produits ou des services sous une telle marque ».

De la lecture de cet article se dégage une remarque et se pose une interrogation.

S'agissant de la remarque, il convient de souligner la subordination de l'incrimination de ces actes à l'existence d'une intention frauduleuse de la part de leurs auteurs, cette affirmation s'explique évidemment par l'emploi des termes « sciemment » et « sans juste motif ». L'emploi de cas termes place indubitablement les actes interdits au sein de l'article 52 au rang des actes intentionnels de contrefaçon de marque.

Quant à l'interrogation, il est permis de s'interroger si l'on peut entendre par l'acte de fourniture, au sens de l'article 52, un délit qui couvre l'acte de substitution de produits ou de services et qui consiste pour une personne en la fourniture d'objets sous une marque autre que celle qui lui aura été demandée pour les mêmes produits et services.

A moins que l'on assimile, artificiellement, la substitution des produits ou des services à l'acte de fou niture, il n'est pas permis de prétendre, en application du principe de la légalité des

r

peines et des délits ainsi que de la règle d'interprétation stricte du texte pénal, que le législateur
tunisien a incriminé formellement l'acte de substitution car en substituant à la marque
enregistrée, sous laquelle le produit ou le service a été demandé, une marque différente de celle-

ne se rend pas coupable d'un quelconque emploi illicite de la marque

1

ci, l'auteur d'un tel acte

enregistrée d'autrui à moins qu'il ne l'ait supprimé ou modifié.

Toutefois, la substitution de la marque enregistrée par une marque identique ou similaire devient condamnable à titre de contrefaçon, selon le cas, au sens de l'articles 22 ou 23 (b).

Conformément à l'article 52 de la loi n°36-2001, on s'intéressera aux délits de contrefaçon en relation avec la vente intentionnelle de produits ou services revêtus d'une marque contrefaite (Section 2) après avoir déterminé les caractéristiques du délit de détention illégitime de marchandises revêtues d'une marque contrefaite (Section 1).

1 Cet acte constitue un délit au sens de la loi n°117-92 du 7 décembre 1992, relative à la protection du consommateur.

Section 1 : Le délit de détention de marchandises revêtues

d'une marque contrefaite

La détention prohibée par l'article 52 consiste en un acte de possession intervenu délibérément et ayant pour objet des marchandises revêtues d'une marque contrefaite.

* Se rend coupable du délit de détention, quiconque aura détenu à titre commercial ou à des fins commerciales 1 des marchandises revêtues d'une marque contrefaite. Bien que l'article 52 ne distingue pas en ce sens, il est inconcevable que la contrefaçon soit retenue en dehors du commerce ou d'un usage commercial de la marque contrefaite.

Cette précision tend évidemment à exclure du champ d'application de l'article 52, ainsi que celui de la loi des marques, les actes de contrefaçon consommés à des fins d'usage privé qui ne sauraient porter atteinte aux droits conférés par l'enregistrement d'aucune manière tant qu'elles se cantonnent dans le cercle de la vie privé de celui qui en est l'auteur.

L'acte de détention est exprimé dans le texte arabe de l'article 52 dans le sens de la possession, ainsi, on doit admettre qu'il s'agit d'un « rapport de fait avec un bien » ou d'une « maîtrise de fait qui peut être dissociée du droit » disait Carbonnier.2 Le détenteur n'est donc pas censé être le propriétaire de ces marchandises, la possession doit suffire.

De même, il semble opportun d'exclure du champ d'application du délit de détention au sens de l'article 52, celui qui, au sens de l'article 53 du code des droits réels, acquiert de bonne foi un bien meuble, fût-il revêtu d'une marque contrefaite, car « la qualité de propriétaire légitime est en principe incompatible avec celle de receleur ».3

* Les marchandises dont la détention est répréhensible sont celles qui portent une marque contrefaite peu importe que la marque en question soit reproduite ou imitée, ce qui compte c'est le caractère non authentique de la marque qui figure sur les marchandises. Par ailleurs, on constate que l'article 52 vise les marchandises à l'exclusion des services.

Concernant la nature de ces marchandises, il semble qu'il importe peu qu'elles soient à caractère commercial ou non du moment que la détention qui en est faite revêt ce caractère.

De même, il est à préciser que seul le fait de détention compte indépendamment de tout acte antérieur de reproduction, d'imitation ou d'apposition illicite de la marque sur les marchandises.

* L'incrimination de la détention de marchandises revêtues d'une marque contrefaite est subordonnée selon la lettre de l'article 52 à la condition qu'elle ait intervenue « sans juste motif ». Il est donc exigé que le détenteur ait parfaitement connaissance du fait que les marchandises qu'il détient sont revêtues d'une marque contrefaite sans qu'il soit en mesure d'invoquer un juste motif ou une raison susceptible de valider le fait de la détention illicite.

1 La doctrine dominante subordonne l'incrimination à une détention commerciale. Voir en ce sens : CHAVANNE (A) & BURST (J-J): op. cit. n°1240. p. 740 ; Lamy Droit Commercial, « Marques » 1993. N° 2119 et 2127. p. 914 et 916 ; POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. N° 1358 et 1400. p. 635 et 657.

2 CARBONNIER (J) : op. cit. N°41. p. 181.

3 CHAVANNE (A) & BURST (J-J): op. cit. n°1240. p. 740.

L'appréciation du caractère intentionnel de la détention illicite revient au juge qui le retient des circonstances de fait qui entourent l'acte incriminé, en ce sens, il est permis de considérer qu'il semble difficile que le juge ne tienne pas compte de la notoriété de la marque contrefaite.

Le juste motif propre à disculper le détenteur de marchandises revêtues d'une marque contrefaite peut varier d'une espèce à l'autre, néanmoins, pour qu'il soit opérant il doit dans tous les cas certifier que le détenteur ne savait pas qu'il détenait des contrefaçons ou bien qu'il ait une raison valable pour les détenir.

La raison valable pourra être retenue dans le cas d'une détention effectuée par un préposé qui a agi pour le compte et suivant les ordres de son employeur,1 de même, la détention par le transporteur 2 ne doit pas être condamnable car il ne fait qu'exécuter une obligation contractuelle qui rentre dans sa fonction normale.

Il ressort de ces exemples que le détenteur puni par l'article 52 doit non seulement agir sciemment mais encore dans le but de profiter personnellement et sans juste motif des fruits de la détention de ces produits précisément.

En définitive, il importe de rappeler que détenteur peut prouver sa bonne foi ou son juste motif par tous les moyens, néanmoins, cette preuve ne compte que sur le plan pénal car au civil la preuve de la bonne foi n'exclut pas la responsabilité qui découle du caractère dommageable ou fautif 3 de cette détention même justifiée.

Section 2 : Les délits de vente, mise en vente, fourniture

ainsi que l'offre de fournir des produits ou services revêtus

d'une marque contrefaite

L'incrimination dans l'article 52 de la loi n°36-2001 vise aussi celui qui « aura sciemment vendu, mis en vente, fourni ou offert de fournir des produits ou des services » revêtus

d'une marque contrefaite. D'emblée, l'emploi de l'adjectif « sciemment » avant l'énumération de ces actes interdits confirme certainement leur caractère intentionnel évident.

De même, conformément à l'approche analytique suivie par le législateur tunisien concernant tous les actes de contrefaçon, il y a lieu de dire que chacun de ces actes constitue à lui seul un délit de contrefaçon distinct des autres.

L'incrimination des actes en relation avec la commercialisation de la contrefaçon est une mesure qui témoigne sûrement du souci que le législateur manifeste spécialement à l'égard de ces actes car l'interdiction de l'usage d'une marque reproduite ou imitée au sens des articles 22 et 23 de la même loi aurait pu suffire à incriminer la vente ou la fourniture.

1 Le caractère contrefait de la marque apposée sur les marchandises motive t-il un refus de détention de la part d'un prestataire de services de dépôt ? Il semble que le refus de vente du prestataire de services ne doit être retenu car l'objet du contrat est illicite ce qui fait que le contrat lui-même sera absolument nul.

2 MATHELY (P): op. cit. p. 328.

3 Sur la base de l'article 83 C.O.C relatif à la responsabilité pour faute non-intentionnelle, le titulaire de la marque peut demander la réparation du préjudice suite à cette détention s'il prouve qu'elle était fautive.

Sans négliger la responsabilité qu'assume le titulaire de la marque victime de contrefaçon à l'égard des consommateurs en cas de défectuosité des produits, il semble, d'un point de vue économique, qu'il n'y a pas de plus dommageable pour le propriétaire de la marque que de voir un concurrent vendre ou mettre en vente des produits ou des services revêtus illicitement de sa marque. De la sorte, et sans omettre bien sûr le risque de dépréciation de sa marque, le propriétaire perdra sûrement un bénéfice certain qui découle directement de la part de marché qui lui a été soustraite par la masse de produits contrefaisants en circulation.

Les actes de vente, mise en vente, la fourniture ou l'offre de fournir des objets revêtus d'une marque contrefaite sont généralement perçus comme des cas particuliers du délit d'usage illicite de la marque d'autrui. En effet, dans ces cas précis il semble que l'on ne doit pas distinguer si ces actes sont commis à des fins commerciales ou privées car ils renferment intrinsèquement un caractère spéculatif ou lucratif évident.

De même, on constate que le législateur n'a pas exigé que ces actes doivent être commis à titre habituel ou dans un débit, il y a lieu donc de considérer qu'un seul acte de vente ou de fourniture suffit à consommer le délit peu importe qu'il soit commis dans les circuits réguliers de la distribution des biens ou sur le marché parallèle qui se présente en Tunisie comme le terrain d'élection du commerce de la contrefaçon de marque.1

Ainsi, il est permis de voir en la commercialisation d'objets revêtus une marque contrefaite l'acte le plus dangereux et le plus déstabilisateur d'un ensemble de mises axées sur la marque et qui mettent en jeu, et en première ligne, le titulaire de la marque, le consommateur objet de l'escroquerie, la loyauté de la concurrence et l'ordre public économique.

Après avoir mis le point sur les traits communs à ces délits, il y a lieu de s'intéresser à leurs spécificités.

* Concernant le délit de vente, il est certain que l'on doit entendre par la vente le contrat

défini par l'article 564 C.O.C. On doit donc exclure les autres formes impliquant un le transfert de propriété du produit ou du service en cause tel que la donation ou l'échange.

Le délit de vente est retenu indifféremment du fait qu'il est consommé dans un local commercial ou en dehors de ce cadre, on doit aussi admettre que le délit de vente est consommable sur Internet surtout que l'animateur du nom de domaine n'est pas censé être le propriétaire de la marque dont il commercialise les produits.

On peut citer en ce sens une statistique confirmant qu' « aux Etats Unis : 6.5% des noms de domaine en ( .com ) correspondent vraiment à une société propriétaire du nom, de même que 86% ont été déposés par d'autres sociétés et 7.5% sont attribués à des spécialistes de la contrefaçon ». 2

1 On peut citer à titre d'exemple tous les marchés hebdomadaires existant dans la république tunisienne ainsi que les marchés dénommés SOUK LYBIA. Toutefois, il ne faut pas négliger le commerce de contrefaçon entrepris dans les galeries marchandes et même celles du commerce des articles de luxe. Voir en ce sens, la vente et la mise en vente d'articles contrefaisants la marque notoire Christian Dior à la galerie MAKNI. AFFAIRE : Christian Dior : CA, Tunis, Arrêt correctionnel n°2731 du 12 juillet 2001. Voir annexe. N°7. Voir aussi en ce sens, Baccouche (CH) : « La contrefaçon en Tunisie : quand les faussaires se mettent au parfum » Réalités, n°725 du 11 au 17 novembre 1999.

2 In « Contrefaçon de marques et usurpation de noms de domaine, où en est la jurisprudence ? » Conférence organisée par l'A.FNIC le 2 février 2001, disponible à l'adresse : http : // www.nic.fr.

Les produits et services désignés dans l'article 52 peuvent être détenus, vendus ou mis en vente par une société totalement exportatrice au sens de l'article 10 de la loi n°93-120 du 27 décembre 1993 portant promulgation du code d'incitations aux investissements.

Une fois commis sur le territoire tunisien, 1 ces actes deviennent passibles des sanctions de l'article 51 de la loi n°36-2001 car les régimes incitatifs à l'investissement ou encore les régimes douaniers ou fiscaux privilégiés 2 ne comptent que dans l'application de la loi fiscale et ne permettent pas de localiser fictivement le délit de contrefaçon à l'étranger en vertu de la territorialité de l'application de la loi pénale. Cette règle se confirme par l'incrimination des actes d'exportation et d'importation des produits revêtus d'une marque contrefaite au sens de l'article 51 de la loi n°36-2001.

Le délit de vente, au sens de l'article 52, porte sur des produits ou services revêtus d'une marque contrefaite et non pas authentique, ceci dit, même la vente non autorisée d'objets - monopolisés ou non- acquis régulièrement ou non et revêtus d'une marque authentique ne rentre pas dans le champ d'application de l'article 52. 3

Par ailleurs, l'appréciation du délit de vente doit naturellement prendre en considération les évolutions relatives aux techniques de commercialisation tel que les ventes à distances, par colis, porte à porte, etc. De même, on peut estimer que le caractère notoire de la marque contrefaite pourra être pris en considération pour retenir la mauvaise foi du vendeur ou encore pour repousser la prétention d'ignorance de la contrefaçon que ce dernier pourra invoquer.

Parfois, il arrive qu'un seul commerçant reproduise, appose illicitement la marque d'autrui sur les produits, puis fini par les vendre et les mettre en vente, c'est le cas du commerçant qui, avant de vendre et d'offrir à la vente des sacs en cuir revêtus de la marque notoire Christian Dior, avait reproduit, utilisé et apposé la dite marque et son logo sur les sacs en question. 4

De même, dans l'affaire « HAUT MORNAG » le contrefacteur a consommé le délit de contrefaçon depuis de la reproduction jusqu'à la vente. En l'espèce, le contrefacteur était le sous- traitant du propriétaire de la marque, cette qualité lui a permis d'avoir une parfaite connaissance du produit, son emballage, la forme et la couleur des bouteilles, etc.

Ces facteurs réunis ont permis au contrefacteur, avant d'être condamné pour contrefaçon pour divers actes illicites, de commercialiser ingénieusement, sous la même marque, le même produit vinicole en Tunisie durant sept années entières. 5

Le délit de vente permet également de poursuivre ceux qui sans contrefaire la marque commercialisent les produits revêtus de cette marque contrefaite, çà était le cas dans l'affaire PURFLUX, là où un représentant commercial sud coréen, d'une société de la même nationalité,

1 La vente de produits dits «fabriqués sous la loi 72» destinés à l'exportation est possible sur le marché tunisien dans les proportions de 20% du chiffre d'affaire de la société qui les fabrique conformément au décret n°97-308 du 3 février 1997 tel que modifié par le décret n°2000-867 du 24 avril 2000. (JORT 2000, n°2. p. 982). Le commerce de ces produits portant à la fois la marque authentique et celle contrefaisante connaît un essor considérable sur le marché noir tunisien.

2 C.L.D BEN HAMIDA (H) : « les régimes fiscaux privilégiés » Ecole Nationale des Douanes 2002. Imprimerie C.R.D.

3 La question s'est posée en France concernant la violation d'un réseau de distribution sélective licite. Voir dans le sens de la condamnation pour délit d'usage illicite de marque, POLLAUD-DULIAN (F) : op. cit. N° 1403 et sui. P.658 et sui.

4 CA, Tunis, arrêt correctionnel n°2731 du 12 juillet 2001. (non publié) voir annexe n°7.

5 CA, Tunis, arrêt commercial n°83724 du 6 février 2002. (non publié) voir annexe n°4.

avait commercialisé en Tunisie des produits contrefaits fabriqués en Corée du sud et portant la marque reproduite PURFLUX, dont la propriété légitime revient à la société CIF. 1

* La mise en vente est également interdite par l'article 52, elle consiste à offrir ou à présenter

en vente des produits ou services revêtus d'une marque contrefaite, la doctrine étend, à juste titre ce délit au « stockage de produits destinés à la vente ».2

L'exposition publique ou même dans les locaux du vendeur des produits et services prohibés dans l'article 52 présume leur destination à la vente à moins que l'auteur de cet acte prouve sa bonne foi ou son ignorance du caractère contrefaisant de la marque en cause.

Le délit de mise en vente est également utile car il permet de poursuivre ceux qui n'ont ni contrefait ni encore vendu de tels produits comme c'est le cas de celui qui expose à titre publicitaire ou informatif le produit revêtu de la marque contrefaite à l'occasion d'une foire.

Les industriels européens accordent une grande importance à la prévention de la contrefaçon par le biais de l'interception des produits revêtus de marques contrefaisants les siennes lors des foires.3

Par ailleurs, le délit de mise en vente revêt un caractère dommageable certain pour le titulaire de la marque authentique même s'il n'a pas produit son objectif final que constitue la vente, en ce sens la Cour d'Appel de Toulouse rappelle remarquablement que « la mise en vente de produits de moindre qualité et à un prix inférieur déprécie l'image de la marque contrefaite et détourne la clientèle des articles portant la marque ainsi discréditée par les contrefaçons condamnées.

Elle affaiblit le caractère distinctif et le pouvoir attractif des marques antérieurement déposées et le préjudice en résultant est d'autant plus important qu'il s'agit de marques notoirement connues ayant une valeur patrimoniale élevée ».4

* L'article 52 incrimine également celui qui sans vendre ou mettre en vente, aura fourni ou simplement offert de fournir des produits ou services revêtus d'une marque contrefaite. Le fournisseur s'entend de celui qui consomme matériellement l'acte de la fourniture des produits en question.

Quant à l'offre de fournir, le délit semble être susceptible d'intervenir par des modalités diverses, on peut penser, en ce sens, à l'offre constatée par écrit, fax, téléphone, écrit ou message électronique et on doit admettre aussi que l'offre peut être tout simplement verbale.

En définitive, il importe de rappeler que la preuve de la bonne foi fournie par les auteurs des actes interdits dans l'article 52 n'opère que devant le juge pénal car au civil le caractère dommageable ou fautif de ces actes ouvre la voie à celui qui prétend en être la victime à une réparation à titre de dommages-intérêts.

1 TPI, Tunis, JUGEMENT n°45395 du 26 mai 1983. BOUDEN (O): op. Cit. Annexe. P. 153.

2 CHAVANNE (A) & BURST (J-J): op. cit. n°1238. p. 740.

3 Voir en ce sens le rapport « COMBATTRE LA CONTREFAÇON » rédigé par l'ORGALIME avec le soutient de
la Commission Européenne. Octobre 2001. publié à l'adresse : http://www.orgalime.orgpdfcounterfeiting_guide_fr.pdf

4 AFFAIRE : VUITTON c/ ESPORT 2000 : CA, Toulouse, Arrêt n°86 du 26 janvier 1993. Publié sur le site officiel de la Cour d'Appel de Toulouse : http://www.ca-toulouse.justice.fr

Conclusion

L'identification de l'acte de contrefaçon de marque est, semble t-il, teintée d'une incertitude évidente, malgré le secours significatif de l'article 44 de la loi n°36-2001.

Allant d'une identification synthétique à une identification analytique, l'alinéa premier et l'alinéa deuxième de cet article ne permettent pas d'identifier à coup sûr l'acte de contrefaçon car même les actes que le législateur énumère à titre limitatif et qui seraient constitutifs de contrefaçon ne sauraient déterminer avec exactitude les manifestations possibles du-dit acte.

Des actes tels que la reproduction, l'usage, l'apposition... de la marque d'autrui sont eux- mêmes des notions vacantes dont le contenu n'est jamais déterminable avec certitude. A vrai dire l'appréciation de l'acte de contrefaçon est une question de mesure et de bon sens avec l'inévitable aspect plus ou moins subjectif de l'appréciation.

A l'état actuel des choses, le juge tunisien ne semble pas tout à fait familiarisé avec le caractère pointu et technique du droit des marques et de l'atteinte au droit sur la marque que constitue l'acte de contrefaçon.

Il est permis de considérer qu'une efficace protection de la marque passe nécessairement à travers une identification de l'acte de contrefaçon dans les règles de l'art de l'appréciation juste des faits juridiques, l'entreprise de l'identification pèse donc sur la poursuite de l'objectif même de la loi n°36-2001.

Si la démarche poursuivie lors de l'identification est erronée, le juge ne peut que finir par prononcer le non-fondé de la demande en contrefaçon et on a vu sur ce point que chaque fois que le juge confond la marque au produit ou tient compte seulement de considérations de faits extrinsèques aux marques en question, le résultat est toujours le même, le contrefacteur jouira d'une impunité choquante et les droits du propriétaire de la marque se trouvent ainsi bafoués.

La lutte anti-contrefaçon de marque participe du développement économique dans ces temps- ci. L'ineffectivité, l'inefficacité ainsi que le laxisme dans la mise en oeuvre de la protection des marques tendent de nos jours à être perçus comme des indices du désintéressement des pouvoirs publics de la protection des droits des titulaires des marques.

Ce laxisme témoigne aussi souvent d'un état de crise économique qui fait que l'économie parallèle et informelle se substitue au circuit légitime et régulier du commerce. Il est commun de nos jours de voir les titulaires des droits, les groupes de pression 1 consuméristes ou

1 Les groupes de pression sont ces « groupes organisés (en principe volontaires) qui cherchent à réaliser leurs intérêts en obtenant des décisions favorables des rouages de la structure politique. » Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, 2ème édition, L.G.D.J, 1993, p 274.

professionnels 1 manifester leurs inquiétudes à haute voix face aux dimensions planétaires et alarmantes de la contrefaçon en général et spécialement celle relative aux marques.

Nonobstant la divergence des motifs et des intérêts mis en jeu concernant la lutte anticontrefaçon de marque, tout le monde semble s'accorder sur le fait que la prévention de la contrefaçon vaut mieux que sa répression. Néanmoins, et sans négliger le caractère vital de la prévention, les faits prouvent indubitablement que les contrefacteurs disposent d'une grande faculté d'adaptation face aux dispositifs juridiques les plus protecteurs des droits sur la marque.

Certains parlent de lois permissives, d'autres au contraire reprochent aux acteurs de la lutte anti-contrefaçon, c'est-à-dire les pouvoirs publics, les administrations concernées ainsi que les juridictions, d'être plus ou moins laxistes dans l'application des règles protectrices des droits sur la marque, d'autres mettent l'accent sur le caractère déraisonnable des coûts et des délais de la mise en oeuvre de la protection de la marque face à la contrefaçon. 2

En droit comparé comme en droit international, 3 les lois relatives à la protection des marques sont de plus en plus rigoureuses et sévères face au phénomène de la contrefaçon.

L'illustration la plus récente de cette rigueur en est la fermeté de la nouvelle directive européenne du 26 avril 2004, contre la contrefaçon et le piratage,4 ainsi que la rigueur exemplaire

1 Voir en ce sens à titre d'exemple les rapports des associations interprofessionnelles françaises très actives dans le domaine de la lutte anti-contrefaçon : « COMBATTRE LA CONTREFAÇON » par ORGALIME avec le soutient de la commission Européenne octobre 2001, publié sur : http// www.orgalime.org/pdf/counterfeiting_guide_fr ; « La contrefaçon » Document émis par l'Union des Fabricants, Association française de lutte anti- contrefaçon, publié sur http// www.unifab.fr ; « Les saisies douanières » rapport sur les saisies sur les saisies effectuées par les douanes françaises publié sur http://www.finances.gouv.fr/douanes/actu/rapport/contrfac.htm#1.1; « Informations économiques et conseils » http://www.douane.minefi.gouv.fr/C1/d13625.htm ; « Les incidences économiques de la contrefaçon » Document émis par l'OCDE 1998 (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) publié sur www.oecd.org. voir aussi, sur les compagnes et propositions en matière de lutte anti-contrefaçon en France, le site officiel du Comité national anti-contrefaçon (CNAC) : http://www.industrie.gouv.fr/pratique/conseil/contrefa/f4p_contrefa.htm

2 Voir sur les défaillances des systèmes de protection des marques dans dix pays parmi lesquels les 7 les plus industrialisés, : « Rapport sur l'application des dispositions de l'accord relatif aux ADPIC portant sur le respect des droits » Document émis par la Chambre du Commerce International, rédigé par la Commission de la propriété intellectuelle et industrielle. Publié sur le site officiel de la C.C.I : http://www.iccwbo.org/home/intellectual_property/tripsf.asp. Voir aussi le rapport de la C.C.I « Déclaration de politique générale : Commentaires d'ICC sur le Livre Vert de la CE sur la lutte contre la contrefaçon et la piraterie dans le marché intérieur » Commission de la propriété intellectuelle et industrielle 1999. Publié sur http://www.iccwbo.org/home/statements_rules/statements/1999/french_translations/combating_counterfeiting.asp.

3 Voir en ce sens le texte commenté de l'accord sur les ADPIC publié sur : http://www.jurisint.org- ADPIC. Date de consultation le 22/10/2002.

4 Cette directive est largement inspirée des bonnes pratiques des Etats membres, elle s'inscrit dans le cadre fixé par l'accord ADPIC, tout en allant plus loin sur certains points, notamment : La reconnaissance du droit des organismes collectifs de gestion des droits et des organismes de défense professionnels d'ester en justice, la mise en place de procédures relatives à la protection des preuves et de mesures provisoires telles que les ordonnances et les saisies, la possibilité pour les autorités judiciaires d'ordonner à certaines personnes de fournir des informations sur l'origine et les réseaux de distribution des marchandises ou services illicites, la destruction, aux frais du contrevenant, des marchandises illicites mises sur le marché et l'harmonisation des modes de calcul des dommages-intérêts. Pour en savoir plus sur les nouveautés apportées par cette directive voir : http://europa.eu.int/comm/internal market/fr/intprop/news/index.htm

de la loi française du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, qui contient un volet spécifique à la contrefaçon de marque.1

Bien qu'elle soit relativement moderne, la loi n°36-2001 du 17 avril 2001 relative à la protection des marques doit être révisée sur certains sujets et notamment celui relatif à l'aggravation des sanctions de la contrefaçon qui ne dépassent pas une amende allant de 5000 à 50 000 dinars.

Le montant de l'amende n'est suffisamment pas dissuasif, il l'est encore moins si l'on tient en compte le fait que le juge tunisien n'est encore jamais allé à condamner un contrefacteur au paiement d'un montant voisin du plafond prescrit par la loi.

L'acte de contrefaçon n'est pas un délit mineur qui ne trouble pas l'ordre public comme l'a estimé certains juges tunisiens 2 qui ont couru au secours d'un contrefacteur en abaissant le montant de l'amende pour ces motifs.

L'acte de contrefaçon est indubitablement l'une des plus importantes gangrènes des économies modernes, et c'est pourquoi l'on estime que le législateur ainsi que le juge tunisien en tireront les conséquences pratiques de ce constat, le premier en assouplissant davantage la gamme des actes de contrefaçon et en renforçant les sanctions minimales, l'autre en l'identifiant suivant une démarche appropriée et en le réprimant convenablement.

1 Cette loi a notablement aggravé les peines relatives à la contrefaçon de marque, l'emprisonnement est passé de 2 à 3 ans et les amendes de 150 000 à 300 000 €. Pour certains délits concernant les marques, les sanctions sont même portées à 4 ans d'emprisonnement et 400 000 euros d'amende. Par ailleurs, de nouvelles dispositions prévoient, lorsque les délits sont commis en bande organisée, une peine d'emprisonnement de 5 ans et 500 000 € d'amende. Pour de plus amples informations sur cette loi, voir http://www.inpi.fr ou encore www.contrefacon-danger.com /

2 CA, Tunis, arrêt correctionnel n°2731 du 12 juillet 2001. (non publié) voir annexe n°7.

Bibliographie générale

Ouvrages généraux :

* CARBONNIER (J) : Droit civil, T3, Les biens. 12ème éd, Thémis, PUF 1988..

* CHARFI (M) & MEZGHANI (A): Les droits subjectifs. Sud Editions 1995. (en arabe)

* CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : Droit de la propriété industrielle. 5ème éd, Dalloz Delta 1998.

* CHRISTINE LABASTIE DAHDOUH & Habib DAHDOUH : Droit commercial, 1ère édition. I.O.R.T 2002.

* COLOMBET (C) : Propriété littéraire et artistique et droits voisins. 9ème éd, DALLOZ DELTA 1999.

* HUET (J): Traité de droit civil, les principaux contrats spéciaux. L.G.D.J 1996.

* MEZGHANI (N) : Droit commercial. ( Actes de commerce, Commerçants, Fonds de commerce) CPU 1999.

* PERROT (R) : Institutions judiciaires. 9ème éd, Montchrestien 1998.

* PIOTRAUT (J-L) : Droit de la propriété intellectuelle, Collection Référence Droit, Ellipses 2004.

* POLLAUD - DULIAN (F) : Droit de la propriété industrielle. Montchrestien, E.J.A. , Paris, 1999.

* PRADEL (J) : Droit pénal général. 8ème éd, CUJAS 1992.

* ROUBIER (P) : Droit de la propriété industrielle. Sirey 1952. T1.

* STEFANI (G), LEVASSEUR (G) et BOULOC (B) : Droit pénal général. 16ème édition, Précis Dalloz 1997.

* TERRE (F), SIMLER (PH) et LEQUETTE (Y) : Droit civil, Les obligations. 7ème éd, Dalloz 1999.

Ouvrages spécialisés :

* Actes du colloque organisé par l'institut de recherche en propriété intellectuelle HENRI-

DESBOIS (Paris 26 janv. 1994): «Arbitrage et propriété intellectuelle». Librairie technique 1994.

* AMAMMOU (S) : « Le Manuel Permanent du Droit des Affaires Tunisien » : « Brevets d'invention » septembre 2001.

« Dessins et modèles » septembre 2001.

« Marques de fabrique » juillet 1994.

« Propriété industrielle » juin 2000.

« Nom commercial » juillet 1994.

* ARNAUD (A-j) ( sous dir.) : « Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit » 2ème édition, L.G.D.J 1993.

* AUROUX (S) ( sous la dir.) : « Encyclopédie Philosophique Universelle » Tome II, Les notions philosophiques. PUF 1990.

* BEN HAMIDA (H) : « les régimes fiscaux privilégiés » Ecole Nationale des Douanes 2002. Imprimerie C.R.D.

* BERTIN (G-Y) & WYATT (S) : « Multinationales et propriété industrielle, le contrôle de la technologie mondiale » IRF, PUF 1986.

* BOUCHE (N) : « Le principe de territorialité de la propriété intellectuelle ». Collection Logiques Juridiques 2002.

* BURST (J-J) : « Concurrence déloyale et parasitisme » DALLOZ, 1993. * CARBONNIER (J) : « Flexible droit » L.G.D.J 1995.

* CORNU (G) : « Linguistique juridique » 2ème éd, Montchrestien 2000.

* « Dictionnaire encyclopédique universel », Editions George Naef. Genève 1993.

* DIENER (M) : « Contrats internationaux de propriété industrielle » Litec. ( La date de publication n'est pas mentionnée)

* GASTOMBIDE (A) : « Traité théorique et pratique des contrefaçons en tous genres ». Le grand & Descaurier Éditeurs, Paris 1837.

* LAJMI (M) : « La réparation du dommage corporel en droit tunisien et comparé » Editions Papyrus 1997. ( en arabe )

* LELOUP (J-M) : « La franchise, droit et pratique » 3ème édition, Delmas 2000.

* Le TOURNEAU (PH) & CADIET (L) : « Droit de la responsabilité et des contrats » DALLOZ ACTION 2000/2001.

* MATHELY (P) : « Le nouveau droit français des marques » éditions J.N.A. 1994. * ROUVILLOIS (F) : « Le droit » GF Flammarion, 1999.

* PASSA (J) : « Contrefaçon et concurrence déloyale » LITEC, 1997.

* PATRICK (B) : « La contrefaçon ». Que sais-je ? PUF, Paris 1986. N° 1611.

* PEYRET (S) : « Sous traitance industrielle » Encyclopédie DELMAS, DALLOZ 2000.

* PIOTRAUT (J-L) & DECHRISTE (P-J): « Jugements et arrêts fondamentaux de la propriété intellectuelle » Editions TEC & DOC 2002.

* SALAH ZIN EDDINE : « Propriété industrielle et commerciale » DARAL THAKAFA FOR PUBLISHING AND DITRIBUTION, AMMAN 2000. ( en arabe)

* TERCINET (A) : « Droit européen de la concurrence » Montchrestien, Editions Gualino 2001. * ZHANG (SH) : « De l'OMPI au GATT » LITEC 1994.

Mémoires :

* BOUDEN (O) : « La protection des marques de fabrique et de commerce » Mémoire de D.E.A, Tunis 1990. Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis.

Articles :

· ARNAUD (E) : « L'extension aux brevets et à la marque communautaire du règlement européen fixant des mesures en vue d'interdire la mise en libre pratique, l'exportation, la réexportation et le placement sous un régime suspensif des marchandises contrefaisantes » GAZ. PAL du 17 novembre 1998.N°6.

· ARNAUD (E) : « Sur le règlement du conseil du 25 janvier 1999.. » GAZ . PAL du 14 avril 2000.N°2.

· BACCOUCHE (CH) : « La contrefaçon en Tunisie : quand les faussaires se mettent au parfum » Réalités, n°725 du 11 au 17 novembre 1999.

· BAUD (E) et COLOMBET (S) : « La parodie de marque : vers une érosion du caractère absolu des signes distinctifs ? » D. 1998, n°23, Chron.

· BIENAYME (A) : « L'intérêt du consommateur dans l'application du droit de la concurrence : un point de vue d'économiste ». Revue Internationale de droit économique, N°3, 1995.

· BLOCH (G) : « Acquisition en France des droits sur une marque par usage » GAZ..PAL du 3 déc. 1991. N°6.

· BONET (G) : « Propriété industrielle et libre circulation des produits des dans la communauté économique européenne : La règle d'épuisement des droits de propriété industrielle » GAZ. PAL du 26 mars 1994.N°2 .


· BOUAZZAOUI (A): « Le projet de loi sur la protection de la propriété industrielle et la répression de la contrefaçon » GAZ. PAL du 19 mars 2000.N°2.

· BOUROUROU (A) : « Les implications de l'accord euro-méditerranéen d'association entre l'union européenne et la tunisie. » RJL avril 1999.N°4.

· Brunot (V) et Haas (M-E) : « Le droit sur le nom de domaine : vers un droit d'occupation... » Gaz. Pal du samedi 13 juillet 2002.

· CHAVANNE (A) : « Le délit d'usage de marque et son évolution ». Mélanges Paul Mathély, Litec 1990.

· CORBOBESSE (P) : « La lutte contre la contrefaçon , la contribution de l'imprimerie nationale » GAZ. PAL du 13 juin 1996.N°3.

· DAVID (J) : « La contrefaçon dans l'industrie automobile » ( in forum Sup'entreprise
sur la contrefaçon du 26 avril 1994 à Eperyna) GAZ. PAL 1995. (1er sem).

· DERRAC (M) : « Les nouveaux pouvoirs des douaniers et le règlement communautaire du 22 décembre 1994 » GAZ. PAL du 13 juin 1996. N°3. p. 590.

· DESJEUX (X) : « Peut-on copier une forme utile » GAZ.PAL du 2 janv. 1990.N°1.

· DURANCE (J-Y) & RICHEZ (B) : « Les services : quelle libéralisation pour le XXI siècle ? » Problèmes Economiques n°2.772 du 14 août 2002.

· DURRANDE (S) : « L'élément intentionnel de la contrefaçon et le nouveau code pénal » D. 1999, n°30, Chron. p. 322.

· FEKETE (J-M) : « La concurrence déloyale et sa sanction » GAZ. PAL ( 1er sem.) 1994.

· GAZA (N) :«L'action publique dans les délits douaniers» R.J.L, octobre 1994.(en arabe)

· HANGARD (D) : « La lutte contre la contrefaçon » GAZ. PAL du 13 juin 1996. N°3.

· HERTZ-EICHENRODE (CH) & SEELIG (G.W) : « De quelques aspects de la nouvelle loi Allemande sur les marques » in Mélanges JEAN-JACQUES BURST, LITEC 1997.

· IZORCHE (M-L) : « Les fondements de la sanction de la concurrence déloyale et du parasitisme » R.T.D.Com 1998. N°1.


· JALENQUES (D) & GODEFROY (N) : « La protection de la propriété intellectuelle en Chine » GAZ. PAL 1995.(2ème sem.).

· KESSLER (M) : « La contrefaçon dans l'industrie automobile » GAZ. PAL du 26 mars 1994. N°2.

· KTARI (S) : « La marque de fabrique » R.J.L, mai 1997. ( en arabe).

· LAMOUREUX (G-G) : « Le cadre juridique français des marques » GAZ . PAL du 26 mars 1994.N°2.

· LAMPRE (C) : « Le Champagne ou le parfum de la renommée » D. 1994, n°27, Chron.

· LE CACHEUX (J) : « Mondialisation économique et financière : de quelques poncifs, idées fausses et vérités » Revue de l'O.FC.E, hors série, mars 2002. . Publié également dans « Problèmes Economiques » n°2.772 du 14 août 2002.

· Le TALLEC (G): « La primauté des appellations d'origine contrôlée sur les marques » Mélanges Paul Mathély, Litec 1990.

· LE TOURNEAU (PH) : « De la spécificité du préjudice concurrentiel » R.T.D.Com 1998. N° 1.

· MANDEL (S) : « L'indemnisation du préjudice en cas de contrefaçon de marque ou de modèle » GAZ. PAL du 13 juin 1996.N°3.

· MEZGHANI (A): « Le 11 septembre 2001 et droit économique » Revue Internationale de Droit Economique 2002. N°1.

· MEZGHANI (N) : « Les implications des accords ADPIC sur le droit de la propriété intellectuelle dans les pays arabes du Maghreb » R.J.L, mai 1997.

· M'HAMED BEN SASSI : « Loi du 17 avril 2001, protection de la marque de fabrique, de commerce et de services » La Tunisie Économique, n°122, mai 2001.

· MONTEIRO (J) :« Droit des marques et publicité comparative :propos sur des idées (communautaires) réductrices ». GAZ. PAL du 13 juin 1996.N°3.

· NAUMANN (S) :« Commentaire sur la marque communautaire » GAZ. PAL du 7 mars 1996.N° 2.

· NUSS (P) : « Le consommateur et la marque à la veille d e l'an 2000 » GAZ. PAL du 27 mai 1999.N°3.

· PAISANT (G) : « L'obligation de sécurité et le droit de la consommation » GAZ. PAL du 23 septembre 1997. N° spécial « La naissance de l'obligation de sécurité ».

· PASQUA (CH) : « Contrefaçon: contre la loi de la jungle» GAZ. PAL du 26 mars 1994. .N°2.


· PEROT-MOREL (M-A) : « L'opposabilité des antériorités en matière de marque de fabrique, de commerce ou de service » R.T.D.Com 1971.

· PIATTI (M-CH): « L'appellation d'origine » R.T.D.Com 1999. N° 3.

· REMICHE (B) : « Révolution technologique, mondialisation et droit des brevets » Revue Internationale de Droit Economique 2002. N°1.

· ROUBIER (P) : «Théorie générale de l'action en concurrence déloyale » R.T.D.Com 1948. I.

· SCHMIDT-SZALEWSKI (J) : « L'avenir de la propriété industrielle » in Mélanges JEAN- JACQUES BURST, LITEC 1997.

· SCHMIDT-SZALEWSKI (J) : « La distinction entre l'action en contrefaçon et l'action en concurrence déloyale dans la jurisprudence » R.T.D.Com 1994. N°3.

· SPECIAL CONTREFAÇON : « L'intervention du ministre de l'économie et des finances » Allocution de clôture du premier forum de la propriété industrielle. GAZ. PAL du 13 juin 1996.N°3.

· SPECIAL CONTREFAÇON: « Les contrefaçons » GAZ. PAL du 13 juin 1996.N°2. ( sans auteur )

· STORCK (M) :« La déchéance d'une marque à travers le temps :l'application dans Le temps de l'article 27 de la loi du 4 janvier 1991 » in Mélanges JEAN-JACQUES BURST, LITEC 1997.

· TOUMI (F) : « La propriété industrielle en Tunisie et les conventions internationales » (En arabe) Etudes Juridiques 2002. n°9. Faculté de Droit de Sfax.

· TURENNE (M) : « Il faut légaliser l'économie informelle ». Courrier International, n°55 1 du 23 au 30 mai 2001. ( propos recueillis )

· VERON (P): « Le recours de l'acheteur contre le vendeur de produits contrefaisants» in Mélanges JEAN-JACQUES BURST, LITEC 1997.

· VILMARD (CH-M) : « La référence à la marque d'autrui sera t-elle encore sanctionnée en dehors de la contrefaçon ? Le cas de la parfumerie »GAZ.PAL du 21 février 1991.N°1.

· VILMART (CH) : « La répression de la contrefaçon » les nouveaux moyens juridiques de protection des droits de propriété intellectuelle en France et dans la Communauté Européenne » GAZ. PAL du 17 septembre 1994. N°5.

· VILMART (CH): « La protection des droits de propriété intellectuelle dans les accords du GATT » GAZ. PAL du 20 octobre 1994. N °5.

· WALINE (J) : « Propriété industrielle et droit public » in Mélanges JEAN-JACQUES BURST, LITEC 1997.


· SANS AUTEUR : « La propriété intellectuelle et les P.M.E » Conjoncture n° 223 du 6 au 12 octobre 2002. ( source : O.M.P.D )

BIBLIOGRAPHIE INTERNET :

- http://www.barreau.qc.ca/journal/frameset.asp?article=/journal/vol31/no7/surlenet.html

« LES NOMS DE DOMAINE : au-delà du mystère » par Marie-Hélène Deschamps-Marquis.

- www.nic.fr.

« Contrefaçon de marques et usurpation de noms de domaine : où en est la jurisprudence ? »

Association Française pour le Nommage Internet en Coopération chargée de l'attribution des noms de domaine Internet en .fr. Actes de la Conférence-débat à l'initiative de l'AFNIC. Salon des Entrepreneurs vendredi 2 février 2001.

- www.unifab.fr

« LA CONTREFACON «

Documents émis par l'Union des Fabricants, Association française de lutte anti- contrefaçon.

- http:// www.orgalime.orgpdfcounterfeiting_guide_fr.pdf

« COMBATTRE LA CONTREFAÇON »

par ORGALIME avec le soutient der la commission Européenne octobre 2001.

- www.irpi.fr.

« LA JURISPRUDENCE RELATIVE A LA CONTREFAÇON DE DROITS DE PROPRIETE INTELECTUELLE »

- http://www.robic.ca/publications/210.shtml

« Exercice des droits de propriété intellectuelle Contrefaçon et responsabilité » Par Jacques A. Léger, c.r. LEGER ROBIC RICHARD.

- http://www.finances.gouv.fr/douanes/actu/rapport/contrfac.htm « Les saisies douanières »

- http://www.iccwbo.org/home/intellectualproperty/tripsf.asp

« Rapport sur l'application des dispositions de l'accord relatif aux ADPIC portant sur le respect des droits » Document émis par la Chambre du Commerce International rédigé par la Commission de la propriété intellectuelle et industrielle.

- http://www.douane.minefi.gouv.fr/C1/d13625.htm

« Informations économiques et conseils »

- httpwww.oecd.org. pdfM00024000M0002461 9.pdf

« Les incidences économiques de la contrefaçon » par L'Organisation de Coopération et de Développement Economiques 1998. (OCDE)

- http://www.ifrance.com/contrefait/

«Contrefaçon et malfaçons des médicaments en Afrique » par SOPHIE SCHMIDT, thèse 1999.

L'identification de l'acte de contrefaçon de marque

Table des matières

Introduction 1

Titre 1 : L'approche synthétique de l'acte de contrefaçon :

une atteinte au droit de propriété sur la marque 15

Chapitre 1 : Le droit sur la marque : objet spécifique de l'acte de contrefaçon 18

Section 1 : La validité du droit sur la marque 19

Paragraphe 1 : Les conditions de validité du signe constitutif de la

marque 20

- A - Les divers signes susceptibles de constituer une marque ..20

1) Les signes nominaux 21

2) Les signes figuratifs ..22

3) Les signes sonores .....23

- B - Les conditions de validité du signe choisi comme marque 23

-1- Le caractère licite du signe choisi ..23

-a- Les signes interdits comme marque ...24

-b- Les signes contraires à l'ordre public ou aux bonnes moeurs........24

-c- Les signes trompeurs ou déceptifs

-2- Le caractère distinctif du signe constitutif de la marque

-a - Les signes dépourvus du caractère distinctif

132

26

...28

28

-1- Les signes génériques

..29

-2- Les signes descriptifs

...29

 

-3- Les signes visés dans l'article 3 alinéa (c)

31

-b - Le caractère disponible de la marque

...32

Paragraphe 2 : L'acquisition du droit sur la marque

.35

-A- Le dépôt de la demande d'enregistrement

36

-B- La publication du dépôt .

..37

 

-C- L'inscription au registre national des marques 38

Section 2 : L'opposabilité du droit sur la marque 40

Paragraphe 1 : Le retrait de la demande d'enregistrement de la marque

...40

Paragraphe 2 : La renonciation aux effets de l'enregistrement

41

Paragraphe 3 : La déchéance des droits sur la marque

42

-A- La déchéance pour défaut d'exploitation de la marque

..43

-B- La déchéance de la marque devenue déceptive

44

-C- La déchéance de la marque devenue usuelle

45

-1- Le caractère usuel de la marque

.46

-2- Une marque usuelle dans le commerce

46

 

-3- Le fait du titulaire de la marque

...46

Chapitre 2 : Les spécificités de l'atteinte constitutive

de l'acte de contrefaçon 48

Section 1 : Le défaut d'autorisation comme condition d'illégalité

de l'acte de contrefaçon ...49

Paragraphe 1 : L'intervention de l'acte de contrefaçon en dehors d'une

autorisation contractuelle .50

-A- De quelques formes d'exploitation autorisées par le propriétaire ...51

1) Le contrat de licence ..51

2) Le contrat de franchise .52

3) La convention de sous-traitance .53

-B- Les conséquences du dépassement des prérogatives

consenties par le propriétaire ...54

Paragraphe 2 : L'intervention de l'acte de contrefaçon en dehors d'une autorisation légale ..56

-A- La tolérance accordée à certains signes distinctifs

antérieurs à la marque 56

-B- La tolérance accordée au tiers utilisant son nom ..58

patronymique

-C- La tolérance reconnue aux fabricants d'accessoires 58

Section 2 : La localisation tridimensionnelle de l'acte de

Contrefaçon 60

Paragraphe 1 : L'acte de contrefaçon : une atteinte dans la spécialité de la

Marque .61

Paragraphe 2 : La territorialité de l'acte de contrefaçon 66

Titre deuxième :

Les manifestations de l'acte de

contrefaçon 70

Chapitre 1 : Les actes de contrefaçon érigés en délits

matériels 72

Section 1 : La reproduction de la marque pour des produits

ou services identiques 73

Paragraphe 1 : Les éléments indifférents à la constitution

du délit de reproduction ..74

-A- L'indifférence de la bonne foi ..74

-B- L'indifférence du risque de confusion 75

-C- L'indifférence de l'appréciation du degré de distinctivité de la
marque 76

Paragraphe 2 : L'étendue de la reproduction de la marque 77

Paragraphe 3 : Les modalités de la reproduction de la

Marque 81

Section 2 : Le délit d'usage de marque 84

Paragraphe 1 : Les caractéristiques du délit de contrefaçon de

marque par usage .....84

Paragraphe 2 : Les modalités du délit d'usage 85

Section 3 : Le délit d'apposition de marque ...86

Section 5 : Le délit d'importation ou d'exportation de

marchandises présentées sous une marque contrefaite 90

Chapitre 2 : Les actes de contrefaçon par

« confusion » .........93

Section 1 : Le risque de confusion dans l'esprit du public

comme élément constitutif du délit de contrefaçon au sens de

l'article 23 94

Paragraphe 1 : La signification du risque de confusion .....95

Paragraphe 2 : Le public considéré aux fins de l'appréciation du risque de confusion .97

Section 2 : La panoplie des actes de contrefaçon par «Confusion».....99

Paragraphe 1 : Les actes interdits pour des produits ou services similaires à ceux désignés à l'enregistrement ....100

Paragraphe 2 : Les actes interdits pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés à l'enregistrement .103

-A- Le délit d'imitation de marque 103

-B- L'usage d'une marque imitée ..107

Chapitre 3 : Les actes intentionnels de

Contrefaçon ..108

Section 1 : Le délit de détention de marchandises revêtues d'une

marque contrefaite 109

Section 2 : Les délits de vente, mise en vente, fourniture ainsi que

l'offre de fournir de produits ou services revêtus d'une

marque contrefaite 110

Conclusion ...114

Bibliographie générale 117

Table des matières 125

Annexes 131

Table des jugements et décisions inédits rapportés dans le

mémoire

ANNEXES

AFFAIRE : SCHWARZKOPF c/ JASMINAL :

Annexe n°1 : TPI, SFAX, Jugement commercial n° 970 du 14 mars 2000 132

AFFAIRE : Sté TUNISIENNE D'ETANCHEITE (DERBIGUM) c/ Sté MAGRHEBINE D'ETANCHEITE ( COMMET ).

Annexe n°2 : TPI, Ben AROUS, jugement n°9918 du 21 novembre 2001 .133

Annexe n°3 : CA Tunis n°546 du 3 décembre 2003 ..134

AFFAIRE : UCCV c/ Coopérative viticole BOU ARGOUB :

Annexe n°4 : CA , Tunis, arrêt n°83724 du 6 février 2002 ..135

AFFIRE : JOHNSON ENDSON c/ JASMINAL :

Annexe n°5 : CA, Tunis, arrêt n° 60 537 du 16 février 2000 136

AFFAIRE : DRYPERS c/ CIPAP :

Annexe n°6 : TPI, Tunis, jugement commercial n° 2703 du 11 avril 2000 ..137

AFFAIRE : Christian Dior :

Annexe n°7 : CA, Tunis, Arrêt correctionnel n°273 1 du 12 juillet 2001 138

AFFAIRE : ASTRAL c/ SUPER BANDE ASTRAL et autres :

Annexe n°8 : TPI, Bizerte, jugement correctionnel n°6206 du 22 avril 2003 139

AFFAIRE : HENKEL ALKI ( DIXAN ) c/ SODET ( DEXELL ) :

Annexe n°9 : TPI, Tunis Jugement commercial n°11380 du 18 janvier 2003 ...140

Annexe n°10 : CA, Tunis, commercial n°1810 du 19 janvier 2004 .141






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand