UNIVERSITÉ 7 NOVEMBRE À CARTHAGE
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
de
Tunis
MÉMOIRE POUR L'OBTENTION DU MASTÈRE EN SCIENCES
JURIDIQUES FONDAMENTALES SUJET : L'IDENTIFICATION DE
L'ACTE DE
CONTREFAÇON DE MARQUE
ÉLABORÉ ET SOUTENU LE 1er
DÉCEMBRE 2004 PAR :
Kaús BERRJAB
SOUS LA DIRECTION DE : Mme Monia BEN
JEMIA, MAîTRE DE CONFÉRENCES
AGRÉGÉ EN DROIT PRIVÉ.
JURY:
PRÉSIDENT: Mr Sadok BELAD, professeur
émérite à la faculté des sciences juridiques,
politiques et sociales de Tunis.
MEMBRE: Mr Moncef CHEFFA, professeur agrégé
à la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
de Tunis.
MEMBRE: Mme Monia BEN JEMIA, maître de conférence
agrégé à la faculté des sciences juridiques,
politiques et sociales de Tunis.
ANNÉE UNIVERSITAIRE : 2003 / 2004
Liste des principales abréviations
ADPIC : Accord sur les « Aspects des Droits de
Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce »
Al. : Alinéa
Ann : Annales de Propriété Industrielle
Bull. Civ : Bulletin civil de la cour de cassation
CA : Cour d'Appel
Cass-Civ : Arrêt de la Cour de Cassation Tunisienne (
matière civile) CDR : Code Des Droits Réels
Civ : Arrêt civil de la Cour de Cassation
Française
Civ, Com : Arrêt commercial de la Cour de Cassation
Française COC : Code des Obligations et des Contrats
D : Dalloz
Gaz. Pal : Gazette du Palais
JCP : Juris Classeur Périodique
LGDJ : Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
LITE C : Librairies Techniques
PIBD : Propriété Industrielle - Bulletin
Documentaire
RJL : Revue de Législation et de Jurisprudence
RTD civ : Revue Trimestrielle de Droit Civil
RTD Com : Revue Trimestrielle de Droit Commercial
RTD : Revue Tunisienne de Droit
TGI : Tribunal de Grande Instance
TPI : Tribunal de Première Instance
La faculté n'entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans ce mémoire.
Ces opinions doivent être considérées
comme
propres à leur auteur.
Au nom de dieu clément et miséricordieux Ce
travail est dédié A la mémoire de ma grand-mère
HALIMA BENNOUR A mes PARENTS A mes frères A mon oncle TAREK
BENNOUR A maître MEHREZ BOUSSAYENE et ses collaborateurs A
maître Youssef Knani A mes enseignants Et à tous mes
amis...
Merci d'avoir contribué à faire de moi ce que
je suis.
« J'aime le droit pour lui-même, et aussi pour la
justice et l'équité. Je l'aime
encore pour sa langue »*
Gérard Cornu
L'identification de l'acte de contrefaçon de
marque
Plan sommaire
Titre Premier :
L'approche synthétique de l'acte de
contrefaçon :
une atteinte au droit de propriété sur la
marque
Chapitre 1 : Le droit sur la marque : objet
spécifique
de l'acte de contrefaçon
Chapitre 2 : Les spécificités de
l'atteinte
constitutive de l'acte de contrefaçon
Titre deuxième :
Les manifestations de l'acte de
contrefaçon
Chapitre 1 : Les actes de contrefaçon
érigés
en délits matériels
Chapitre 2 : Les actes de contrefaçon
par
«confusion»
Chapitre 3 : Les actes intentionnels de
Contrefaçon
Introduction
De tout temps, l'atteinte à la propriété
soit plus généralement l'usurpation du bien d'autrui faisait
l'objet d'interdits sociaux, quel que soit l'ordre normatif dans lequel la
prohibition puise son discours fondateur. Appliquée aux droits du
propriétaire d'une marque de fabrique, de commerce ou de services,
l'atteinte ou l'usurpation se désigne par un terme spécifique
dénommé l'acte de contrefaçon de marque.
Une fois saisie par le droit, en l'occurrence la
législation des marques, une telle atteinte devient sujette à
identification et à une qualification afin de lui appliquer le
régime juridique qui lui est propre. Dans ce contexte s'insère la
présente étude ayant pour finalité l'identification d'un
fait juridique particulier : l'acte de contrefaçon de marque.
Elevé au rang des droits faisant l'objet de garanties
constitutionnelles,1 le droit de propriété est
défini par l'article 17 du code des droits réels 2
comme étant celui qui « confère à son
titulaire le droit exclusif d'user de sa chose, d'en jouir et d'en
disposer. »
Etant le plus complet des droits réels,3 le
droit de propriété visait originairement et depuis la nuit des
temps les biens 4 corporels qui se divisent, au sens de l'article 2
du CDR, en biens meubles et immeubles.5
Compte tenu de sa définition rigide, le bien immeuble
constitue une catégorie close fermement cloisonnée par la loi.
Les biens meubles sont par contre une catégorie ouverte susceptible
d'englober toute chose qui ne rentre pas dans la stricte définition de
l'immeuble.6
« Chaque catégorie de biens comporte une
forme d'appropriation à elle particulière (...)
Il n'y a pas une propriété ; il y a des propriétés,
parce que l'intérêt de la société est que
l'appropriation des biens comporte des statuts en harmonie avec les buts
poursuivis, lesquels varient beaucoup ; le droit de propriété est
un des plus souples et des plus nuancés qui figurent dans les
différentes catégories juridiques ; sa plasticité est
infinie. »7
La plasticité dont parlait Josserand a permis
d'étendre le droit de propriété à des biens
incorporels ou sans réalité physique. Ces biens n'existent que
dans la mesure où la loi a disposé ainsi, leur existence vient de
la loi et par une décision de celle-ci.
1 Le droit de propriété est un droit
fondamental garanti par l'article 14 de la constitution tunisienne du
1er juin 1959 en ces termes : « Le droit de
propriété est garanti. Il est exercé dans les limites
prévues par la loi. » ; Sur le statut constitutionnel du droit de
propriété, voir Fadhel Moussa (M-L) : « La constitution et
le droit de propriété en Tunisie » RTD 1986. p. 371.
2 Le Code des Droits Réels a été
promulgué par la loi n°5-65 du 12 février 1965.
3 Selon le doyen CARBONNIER, le droit réel
s'entend d'un « pouvoir juridique qu'a une personne de retirer directement
tout ou partie des utilités économiques d'une chose [...] La
chose est comme assujettie à la personne, obligée de lui
obéir ; et c'est en quoi on peut parler d'un droit sur la chose »
J. Carbonnier, Droit civil, T. 3, Les biens, 12ème éd.
Thémis, PUF 1988, n°12. p. 62.
4 Au sens de l'article 1 CDR, « Les biens sont
toutes choses qui ne sont pas hors du commerce par leur nature ou par
disposition de la loi et qui peuvent faire l'objet d'un droit ayant une valeur
pécuniaire. »
5 Selon l'article 3 du CDR, « est immeuble toute
chose fixe qu'on ne peut déplacer sans dommages. »
6 Voir en ce sens, CHARFI (M) & MEZGHANI (A):
« Les droits subjectifs » Sud Editions 1995. (en arabe), p. 47.
7 JOSSERAND (L) : « Cours
élémentaires de droit civil », 1929, T. 1, n°1517. p.
839.
Etant donné qu'ils ne peuvent être
qualifiés d'immeubles, les biens incorporels sont naturellement
rangés parmi les biens mobiliers non pas naturels mais ceux qui, au sens
de l'article 13 du CDR, le sont « par détermination de
la loi. »
Objets d'appropriation, les biens incorporels peuvent
être le siège d'un droit de propriété que la
doctrine tend à désigner sous le vocable de
propriété incorporelle comme pour rendre compte du
caractère soit immatériel soit intellectuel de cette
propriété.
C'est précisément à la catégorie
des propriétés incorporelles que participe l'ensemble des droits
portant sur des choses intellectuelles et que l'on désigne par
la dénomination générique : Droits de
Propriété Intellectuelle lesquels faisant l'objet d'une
discipline juridique à part entière et qui comprend «
toutes les règles tendant à la protection des droits de
propriété industrielle, des droits d'auteur et du
savoir-faire. »1
Bien que leur objet soit purement intellectuel, ces droits
évoquent le droit de propriété 2 par leur
opposabilité à l'égard des tiers, une opposabilité
qui permet au titulaire de ces droits de les défendre contre quiconque y
porte atteinte, la propriété est aussi étendue à
ces droits afin de mettre l'accent sur le droit exclusif d'user et de disposer
de ces biens intellectuels.
Au-delà de son unité terminologique et de son
objet foncièrement immatériel, la notion de
propriété intellectuelle abrite des catégories de biens
hétérogènes, elle se divise classiquement en
Propriété littéraire et artistique d'une part, et en
Propriété industrielle d'autre part.
Selon Carbonnier, la Propriété littéraire
et artistique, ou encore le droit d'auteur, est « l'ensemble des
prérogatives qui appartiennent à l'écrivain ou à
l'artiste (peintre, sculpteur, musicien, etc.), sur son oeuvre
».3
1 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : Droit de la
propriété industrielle. 5ème éd, Dalloz
Delta 1998.. p. 1.
2 Il est à noter que du point de vue de la
qualification et la terminologie, l'appellation « droits de
propriété intellectuelle » n'a cessé d'alimenter un
épineux débat doctrinal, le problème s'est posé
à la fois à propos de l'adjectif « intellectuel »
qualifiant l'objet de ces droits et concernant le substantif «
propriété » indiquant la nature de ce genre de droits. Bien
entendu, eu égard à leur objet immatériel, on ne peut
appliquer à ces droits mobiliers les règles du droit des biens
régissant les meubles, ainsi, ils ne sont pas susceptibles de
possession. Ces droits sont par ailleurs des droits temporaires alors que le
droit de propriété se caractérise par sa
perpétuité. On peut aussi reprocher à ces droits
intellectuels de ne pas être purement intellectuels à
tous les coups car il est des droits qui portent sur des objets qui
n'impliquent généralement, en substance, aucune activité
créative ou innovatrice tel que l'adoption d'une marque qui reprend un
nom patronymique ou l'usage d'une appellation d'origine protégée.
Sur l'ensemble de la question et les théories avancées en ce
sens, voir POLLAUD-DULIAN (F) : Droit de la propriété
industrielle. Montchrestien. E.J.A, Paris, 1999. n°8 à n°38.
p. 3 et s.
3 Carbonnier (J) : op. cit. p. 377. La
propriété littéraire et artistique est régie en
droit tunisien par la loi n°94-36 du 24 février 1994 relative
à la propriété littéraire et artistique. JORT
n°17 du 1er mars 1994, p. 361.
Le droit d'auteur comporte deux composantes, l'une
patrimoniale, l'autre morale, il reconnaît au créateur d'une
oeuvre littéraire ou artistique un droit de paternité sur son
oeuvre qui lui permet de s'opposer à la modification ou à
l'altération de celle-ci sans qu'il n'y consente. Quant à
l'attribut patrimonial du droit d'auteur, il permet à son titulaire de
bénéficier d'un monopole d'exploitation sur son oeuvre, il est
ainsi seul à en tirer les profits et il lui revient exclusivement
d'ordonner sa publication et d'autoriser son exploitation selon les modes qu'il
juge convenables.
Sur l'ensemble de la question, voir en ce qui concerne le
droit tunisien : Ben Jemia (M) : « Cours de propriété
intellectuelle » , 3ème année de la
maîtrise en sciences juridiques, FSJPS, année universitaire
2002/2003. (non publié) ; Voir notamment concernant le droit
français et international de la propriété
littéraire et artistique, COLOMBET (C) : Propriété
littéraire et artistique et droits voisins. 9ème
éd, Dalloz Delta 1999 ; Voir aussi, Piotraut (J-L) : Droit de la
propriété intellectuelle, Collection Référence
Droit, Ellipses 2004. p. 27 et s.
Quant à la propriété industrielle, on
regroupe sous ce vocable générique deux grandes catégories
de droits incorporels à savoir le droit des créations
industrielles et le droit des signes distinctifs.
Concernant le droit des créations industrielles, il
couvre des objets et des techniques d'une originalité et d'une
nouveauté absolue, on compte parmi ces droits le brevet
d'invention,1 les dessins et modèles industriels,2
les obtentions végétales 3 ainsi que les
schémas de configuration des circuits
intégrés.4
Pour ce qui est du droit des signes distinctifs, il comporte
essentiellement les marques de fabriques, de commerce et de services, les
appellations d'origines contrôlées,5 le nom
commercial,6 l'enseigne,7 la dénomination
8 et la raison9 sociale.
Bien que l'on soit tenté d'observer une certaine
hiérarchie concernant la classification des droits portant sur les biens
incorporels que constituent les signes distinctifs, on note néanmoins
qu'ils ont pour trait commun de jouer « un rôle essentiel
dans la concurrence : ils servent à distinguer les compétiteurs
et leurs produits ou prestations les unes aux autres, aux yeux de la
clientèle. La clientèle peut rattacher les produits ou services
à l'entreprise qui en est responsable, choisir ses partenaires
commerciaux en connaissance de cause. Le titulaire du signe y trouve un moyen
de conquête et d'attachement de la clientèle, qui donne de la
valeur à son fonds et lui permet d'empêcher toute confusion avec
ses concurrents. »10
1 Les brevets d'invention étaient
régis en droit tunisien depuis 1888 par le décret du 22
décembre 1888 portant loi sur les brevets d'invention. La nouvelle
législation en la matière a vu le jour avec la promulgation de la
loi n°84 2000 du24 août 2000, relative aux brevets d'invention. JORT
n°68 du 25 août 2000. Selon l'article premier de cette loi, «
toute invention d'un produit ou d'un procédé de fabrication peut
être protégée par un titre, dénommé brevet
d'invention qui est délivré par l'organisme chargé de la
propriété industrielle et ce, dans les conditions
déterminées par la présente loi. » Ce titre est
délivré au sens de l'article 2 de la même loi « pour
les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et
susceptibles d'application industrielle ». Voir concernant le nouveau
cadre juridique des brevets d'inventions en Tunisie, « Brevets d'invention
» in Le Manuel Permanent du Droit des Affaires Tunisien, Cabinet Salah
Ammamou. Mise à jour septembre 2000. p. 1 et s.
2 Le droit tunisien des dessins et modèles
industriels était réglementé par le décret du 25
février 1911, ce décret a été abrogé par la
loi n° n°2001-21 du 6 février 2001, relative à la
protection des dessins et modèles industriels.
3 Le droit sur les obtentions végétales
est régi par la loi n°99-42 du 10 mai 1999, relative aux semences,
plants et aux obtentions végétales telle que modifiée par
la loi n°2000-66 du 3 mars 2000.
4 Voir en ce sens la Loi n°2001-20 du 6
février 2001, relative à la protection des schémas de
configuration des circuits intégrés. Sur la question, voir
notamment : CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. p. 394 et s.
5 L'appellation d'origine protégée
est un signe distinctif indiquant l'origine géographique et certifiant
la production et la qualité d'un produit donné selon des
méthodes originales d'une localité ou d'une région
déterminée et réputée dans la fabrication ou la
production d'un tel produit. L'usage de ce signe fortement distinctif et
attractif est soumis à des conditions légales et
réglementaires très strictes et à un contrôle
permanent de qualité et de conformité aux usages et normes de
production. Voir en ce sens, sur la réglementation stricte des
appellations d'origine contrôlée des produits
agricoles, la loi n°99-57 du 28 juin 1999. J.O.R.T 1999, n°2. p.
1088.
6 Le nom commercial est le nom sous lequel une
personne exerce l'exploitation effective d'un fonds de commerce afin de le
distinguer des autres fonds de commerce similaires. Voir en ce sens, « Nom
commercial » in Le Manuel Permanent du Droit des Affaires Tunisien,
Cabinet Salah Ammamou. Mise à jour juillet 1994. p. 1 et s.
7 Selon Chavanne et Burst, « l'enseigne est un
signe visible qui sert à distinguer un établissement commercial
et à permettre au public de ne pas le confondre avec un autre »,
op. cit, N°1382. p. 841.
8 La dénomination sociale se définie
comme le nom adopté par une société de capitaux.
9 La raison sociale est la désignation,
incluant le nom patronymique d'au moins un associé, de
l'éventuelle société de personnes qui exploite un fonds de
commerce.
10 POLLAUD-DULIAN (F) : Droit de la
propriété industrielle. Montchrestien. E.J.A, Paris, 1999.
n°1033. p. 461.
Le fait de porter sur des choses incorporelles et
intellectuelles ne suppose aucunement que l'usage ou l'adoption d'un signe
distinctif implique une quelconque activité inventive témoignant
d'une originalité particulière.1
Ainsi, on peut estimer que les signes distinctifs ne sont
rangés parmi les droits de propriété intellectuelle et
plus précisément la propriété industrielle qu'en
fonction de leurs objets incorporels, leur originalité ou
nouveauté est largement relative car ils n'ont pour fonction que
d'accompagner ou garantir l'origine d'un produit ou d'un service rendu par un
opérateur économique. Ils permettent en outre de distinguer le
commerce et l'établissement d'un commerçant par rapport à
ceux détenus par des concurrents.
Ce sont donc des signes visibles qui servent au ralliement de
la clientèle autour d'une entreprise ou d'un fonds de commerce auquel
les signes distinctifs participent en tant qu'éléments
incorporels.2
Au sommet de la pyramide des signes distinctifs, la marque
occupe à plusieurs titres, à coté de l'appellation
d'origine contrôlée, une place de choix. Etant une création
ingénieuse du droit des marques, la marque se présente comme un
sceau, une empreinte ou un signe visible et distinctif qui sert à
distinguer, dans le commerce, les produits ou les services d'une personne
physique ou morale.
La marque n'a pour fonction légale que de rattacher
d'une manière certaine un produit ou un service à la personne ou
à l'entreprise qui l'a produit ou offert sur le marché et qui en
assume, en conséquence, la responsabilité à l'égard
des tiers. La marque n'est jamais, en principe, une garantie de la
qualité ou des propriétés du produit ou service qu'elle
désigne. La garantie de la qualité est par ailleurs régie
par la loi sur la protection du consommateur et la législation sur les
fraudes.
La reconnaissance de la marque et du droit de
propriété dont elle fait l'objet est relativement récente
en droit tunisien comme en droit comparé.3
En droit tunisien, il semble que la production
législative relative à la propriété industrielle et
plus précisément celle des marques n'a fait que répondre
aux engagements internationaux de la Tunisie résultant des conventions
auxquelles elle a adhéré. Tout s'est passé comme si le
législateur tunisien entendait honorer ses engagements conventionnels
parallèlement à la signature d'une convention qui traite de la
protection des droits sur la marque.
1 Les signes distinctifs tel que la marque ne
servent qu'à rallier, fidéliser et informer la clientèle
à propos de l'origine d'un produit ou d'un service offert dans le
commerce. Pour arriver à se distinguer eux et leurs produits, les
commerçants font appel à des signes plus ou moins originaux et
suffisamment distinctifs par rapport à ceux employés par des
établissements similaires et concurrents. La créativité
n'est donc pas de mise.
2 En tant que bien unitaire, meuble et incorporel,
le fonds de commerce est constitué de biens mobiliers affectés
à l'exercice d'une activité commerciale à savoir la
clientèle et l'achalandage. Il comprend aussi, au titre de l'article 189
alinéa 3 du code du commerce tunisien, « sauf dispositions
contraires, tous autres biens nécessaires à l'exploitation du
fonds, tel que l'enseigne, le nom commercial, le droit au bail, le
matériel, les marchandises, les brevets, marques de fabrique,
dessins et modèles, droits de propriété littéraire
et artistique. » Concernant les éléments non obligatoires du
fonds de commerce, voir : Christine Labastie DAHDOUH & Habib DAHDOUH :
Droit commercial, 1ère éd, I.O.R.T 2002. volume I. p.
325 et sui.
3 Concernant l'historique de la reconnaissance du
droit sur la marque ainsi que sa protection en droit français, voir
notamment, POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. P. 2 et sui ; Piotraut (J-L) : Droit
de la propriété intellectuelle, Collection
Référence Droit, Ellipses 2004. p. 11 et sui ; CHAVANNE (A) &
BURST (J-J) : op. cit. p. 484 et sui.
En effet, après avoir adhéré, en date du
7 juillet 1884,1 à la Convention de Paris pour la protection
de la propriété industrielle - dite aussi Convention d'Union de
Paris - signée le 20 mars 1883, la première législation
tunisienne relative aux marques a vu le jour en vertu du décret beylical
du 3 juin 1889 portant loi sur les marques de fabriques et de
commerce.2
Ne dépassant pas les 29 articles, ce décret
avait pour handicap d'être trop économe pour gérer une
matière aussi complexe que le droit des marques. Bien qu'il ait repris
quelques règles matérielles énoncées dans la
Convention de Paris, le décret du 3 juin 1889 est, à mains
égards, le produit d'une réception juridique dans la mesure
où il témoigne d'un emprunt 3 pur et simple de la loi
française sur les marques datant du 23 juin 1857.
Le-dit décret prévoyait une protection
relativement satisfaisante du droit sur la marque face à la
contrefaçon qu'il ne défini pas d'ailleurs, il subordonne en
outre l'accès à la protection pénale du droit à la
marque à l'accomplissement d'un acte spécifique, en l'occurrence
le dépôt. En déposant une marque auprès de
l'autorité compétente à cet effet, un commerçant
pourra se réserver le droit exclusif d'user et d'exploiter cette marque
afin de désigner ses produits ou son commerce.
A une époque où le secteur des services n'a pas
encore dominé l'économie, le décret du 3 juin 1889 ne
reconnaissait bien évidemment que les marques de fabriques et de
commerce. La marque de fabrique est celle qui « appartient
à l'industriel qui fabrique un produit et l'appose sur ses propres
produits ».4 Quant à la marque de commerce,
elle consiste en la marque qu'un commerçant appose pour désigner
des produits qu'il n'a pas fabriqués, « elle est le signe
du soin qu'il met à sélectionner les produits qu'il vend et
à choisir entre les divers fabricants. » 5
Le décret du 3 juin 1889 avait régi la marque en
Tunisie pendant près de 112 années sans qu'il soit notablement
modifié afin de l'adapter au contexte évolutif de la vie
économique.
L'anachronisme du décret de 1889 témoigne sans
doute du fait que la législation des marques et par delà leur
protection n'a jamais été un besoin pressant se fondant sur une
rationalité 6 propre au système juridique tunisien ou
répondant aux aspirations ou à la pression des opérateurs
économiques tunisiens.
Le décret fût abrogé suite à
l'avènement de la nouvelle législation tunisienne des marques,
c'est-à-dire la loi n°36-2001 du 17 avril 2001.
1 Information fournie par l'I.NNORPI. La Convention de
Paris n'a été rendue applicable en Tunisie que cinquante ans plus
tard en vertu du décret beylical du 2 janvier 1940 publié au
Journal Officiel Tunisien (JOT) du 14 mars 1940.
2 Publié au Journal Officiel Tunisien du 6 juin
1889, p. 167.
3 Dans une large mesure, la protection des marques
par le décret du 3 juin 1889 décret s'analyse comme la mise en
forme juridique de la domination politique française exercée sur
le territoire tunisien. Les marques, à l'époque, revenaient dans
leur quasi-totalité aux entreprises et aux colonisateurs
français, la protection de la marque alors ne pouvait que soutenir et
garantir leurs intérêts et investissements.
4 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit.
n°865. p. 481.
5 Ibid. P. 482.
6 Appliquée aux règles juridiques
elles-mêmes, la rationalité se présente comme un «
ordre structuré dont les éléments ne sont pas liés
au hasard ou arbitrairement qui de plus est toujours censé incarner de
façon intrinsèque ou du moins pouvoir véhiculer des
valeurs positives et qui est considéré comme propre à (ou
prôné comme souhaitable pour) la conduite des hommes à
certains égards, ou qui, à tout le moins, relève de
données objectives déterminantes pour rendre possible une telle
conduite ». Dictionnaire encyclopédique de théorie et de
sociologie du droit, 2ème édition, L.G.D.J 1993. p.
504.
Comme son objet l'indique, la loi n°36-20011
est « relative à la protection des marques de fabrique, de
commerce et de services », la protection de la marque semble donc
a priori occuper une place de choix au sein de cette loi.
La loi n°36-2001 a, dans une large mesure,2 vu
le jour dans le dessin d'harmoniser le droit tunisien des marques avec les
engagements internationaux de la Tunisie en la matière.
Ayant adhéré à la convention du 15 avril
1994 portant création de l'Organisation Mondiale du Commerce, la Tunisie
s'est engagée 3 à se doter d'une législation
relative aux marques en harmonie avec le standard international conçu
par une annexe de cette convention et dénommée « Accord sur
les « Aspects des Droits de Propriété
Intellectuelle qui touchent au Commerce » »4
désigné aussi par l'abréviation : Accord sur les ADPIC.
Cet accord prévoyait une protection minimale
à respecter par les Etats signataires concernant les droits de
propriété intellectuelle, il s'est inscrit, en outre, dans la
continuité de la Convention d'Union de Paris tout en innovant sur
certains sujets.
A son tour, la loi n°36-2001 s'est conformée aux
standards internationaux en la matière tout en assurant,
théoriquement, une protection relativement satisfaisante des droits du
propriétaire de la marque. A ce stade, l'efficacité 5
de cette loi ne peut être appréciée que d'un point de vue
statique ou textuel, le court laps de temps séparant cette étude
de sa mise en oeuvre ne permet certainement pas d'apprécier, à sa
juste valeur, son effectivité 6 et son adéquation aux
fins de protection de la marque qu'elle poursuit.
D'après l'intitulé même de la loi
n°36-2001, le législateur tunisien admet trois sortes de marques
à savoir la marque de fabrique, de commerce et de
services.7
1 Publiée au JORT n°31 du 17 avril 2001.
p. 834.
2 Cette loi tend indirectement à encourager
l'investissement étranger, la protection des droits des investisseurs
sur leurs droits de propriété intellectuelle, et notamment les
droits sur la marque, les incite, ne serait-ce que théoriquement,
à s'implanter en Tunisie. Voir en ce sens, les travaux
préparatoires relatifs à cette loi, discussions parlementaires du
19 mars 2001, n°29. p. 1881.
3 La ratification par la Tunisie des accords de
l'Uruguay Round est intervenue par le biais de la loi n°95-6 du 23 janvier
1995. JORT n°9 du 31 janvier 1995.
4 Une prise de conscience relative à la
protection du commerce international légitime face à la nouvelle
réalité de la contrefaçon dans le monde s'est
manifestée après les négociations entamées durant
le TOKYO ROUND sous l'égide de l'accord du GATT, ce regain
d'intérêt pour les droits de propriété
intellectuelle a fini par les mettre à l'ordre du jour des
négociations de l'URUGUAY ROUND depuis 1986.
Suite à la fermeté de la position des pays
industrialisés et singulièrement les Etats Unis
d'Amérique, l'accord sur les ADPIC a vu le jour dans le contexte de la
création de l'Organisation Mondiale du Commerce à Marrakech en
1994. L'ADPIC a vu le jour en droit comparé et en droit international
des marques afin de contrecarrer la prospérité
considérable qu'à connu le commerce de contrefaçon depuis
les années 1980. il a pour finalité de créer une sorte de
standard international en matière de protection des droits de
propriété intellectuelle et notamment le droit sur la marque.
L'accord ADPIC contribuait, en outre, à l'élimination les
barrières non tarifaires qui entravent le développement du
commerce international légitime.
La rationalité derrière l'accord ADPIC
dépasse le cadre strict de la protection du droit sur la marque, c'est
en effet une mesure qui se propose indiscutablement d'assainir le commerce
international légitime entravé depuis les années 1980 par
la montée incessante du commerce de contrefaçon. Concernant
l'accord ADPIC, voir la thèse de M. ZHANG (SH) : « De l'OMPI au
GATT » LITEC 1994.
5 L'efficacité s'entend du « mode
d'appréciation des conséquences des normes juridiques et de leur
adéquation aux fins qu'elles visent » Dictionnaire
encyclopédique de théorie et de sociologie du droit,
2ème édition L.G.D.J, 1993, p. 219.
6 On entend par effectivité, le «
degré de réalisation, dans les pratiques sociales, des
règles énoncées par le droit » Ibid. p 217.
7 La marque de services est celle qui accompagne
matériellement un service rendu par un commerçant.
Bien entendu, ces marques sont soumises à un
régime juridique unitaire tant sur le plan de leur création que
sur celui de leur protection. Quelle que soit sa dénomination, la marque
est, au titre de l'article 2 de la loi n°36-2001, « un signe
visible permettant de distinguer les produits offerts à la vente ou les
services rendus par une personne physique ou morale. »
A la marque individuelle s'ajoute la marque collective. Au
sens de l'article 66 de la loi n°36- 2001, une marque est dite collective
« lorsqu'elle peut être exploitée par toute personne
respectant un règlement d'usage établi par le titulaire de
l'enregistrement ». Elle ne se distingue, par ailleurs, en rien
des autres marques dans la mesure où l'article 67 la soumet au
régime général de la marque au sens de la loi
n°36-2001.
La loi n°36-2001 du 17 avril 2001 n'a pas
révolutionné 1 catégoriquement le droit
tunisien des marques, la jurisprudence a, relativement, su combler l'avarice du
décret du 3 juin 1889 sur certaines questions tel que les conditions de
validité de la marque.
Dès sa première consécration en droit
positif tunisien par le biais de l'article 2 du décret du 3 juin 1889,
le droit d'user, d'en jouir et d'en disposer d'une marque était
clairement reconnu comme un droit de propriété sur le signe
constitutif de la marque.
Cette conception du droit sur la marque n'a pas changé
dans la loi n°36-200 1 qui dispose dans son article 21 que «
l'enregistrement de la marque confère à son titulaire un
droit de propriété sur cette marque pour les produits qu'il a
désignés lors du dépôt ».
Le législateur tunisien est clair en ce sens, il consacre
la notion de propriété et non pas celle d'un droit exclusif ou
privatif dans l'absolu.
Comparée au décret de 1889, la loi du 17 avril
2001 a largement renforcé la protection des droits du
propriétaire de la marque, l'illustration en est l'aggravation longtemps
attendue des sanctions des atteintes aux droits sur la marque, la conversion
des droits exclusifs du propriétaire de la marque en interdictions
à l'égard des tiers, la mise en place à coté de la
saisie-contrefaçon d'une procédure de saisie en douane de
marchandises soupçonnées de porter une marque contrefaite.
A ce stade, une question se pose concernant les raisons de la
protection de la marque comme en témoigne l'objet de la loi
n°36-2001.
Le producteur fabrique un produit, le consommateur
achète une marque. La marque devient de plus en plus un contrat de
confiance, un raccourci entre le commerçant et le consommateur, c'est un
véritable avantage concurrentiel.
1 Cela dit, sans bouleverser la jurisprudence qui
lui est antérieure, la loi n°36-2001 a innové à
plusieurs titres, on peut souligner en ce sens la reconnaissance des marques
sonores ainsi que de la marque de services, la détermination des
conditions de validité de la marque, la consécration de
l'enregistrement comme seul et unique mode initial d'acquisition de la
propriété sur la marque, l'aménagement d'une
procédure d'opposition à l'encontre d'un dépôt de
marque portant atteinte à des droits antérieurs, la
possibilité de se pourvoir devant le juge contre les décisions du
directeur de l'organisme chargé de l'enregistrement des marques,
l'énumération des actes que le propriétaire est en mesure
d'interdire aux tiers, l'obligation mise à la charge du
propriétaire, sous peine de déchéance, d'exploiter
sérieusement la marque et de veiller à ce qu'elle ne devienne pas
trompeuse ou usuelle.
Par effet d'osmose, la marque exerce sur le consommateur un
pouvoir considérable créateur d'une accoutumance
stupéfiante qui est allée parfois jusqu'à pousser les
commerçants et les hypermarchés à refouler la puissante
image de marque de certaines marques en lançant des «
produits libres »1 qui libèrent le
produit de la marque du fabricant pour ne laisser dans l'esprit du consommateur
que le souvenir de la marque de commerce du distributeur.
C'est le nom accolé sur le produit qui est
créateur de plus-value et non pas le produit en lui- même. Le
produit est muet, la marque lui donne un sens. Certains ont même
estimé qu'« à défaut d'âme, les objets
ont des marques. »2
La marque « est un potentiel de ventes futures
déposé dans le subconscient de milliers d'individus
»,3 elle capitalise en elle toute l'image de l'entreprise, elle
peut aller jusqu'à devenir son bien le plus valeureux.
La familiarité rassurante de la marque repousse
l'anxiété et l'indécision du consommateur lors de l'achat
du produit. L'utilisation d'une marque peut aller jusqu'à marquer
l'appartenance de celui qui l'emploi à une classe sociale bien
déterminée, il arrive même que le consommateur soit
hanté par le désir d'acquérir un produit seulement en
raison de la marque qu'il porte et sans qu'il ne lui soit nécessaire de
se procurer ce produit marqué.
Dans les économies modernes, la marque est
perçue comme l'une des plus valeureuses composantes du patrimoine
intellectuel de l'entreprise, car il lui revient dans une large mesure de
rallier la clientèle autour de l'entreprise qui l'emploi.
Ainsi, l'usurpation des droits sur la marque semble être
l'une des plus dangereuses atteintes qui peuvent être occasionnées
à une entreprise, son accaparement par un concurrent fausse la
loyauté de la concurrence et déjoue par la même la
confiance présumée dans la poursuite des transactions
commerciales.
Par ailleurs, le droit sur la marque s'analyse comme un droit
de propriété caractérisé par sa nature exclusive
impliquant une domination sur la chose objet du droit, en l'occurrence le signe
constitutif de la marque. Le non respect des droits qu'à une personne
physique ou morale sur sa marque est érigée classiquement en une
atteinte constitutive d'un acte de contrefaçon de marque qui, selon
l'article 44 de la loi n°36-2001, « engage la
responsabilité civile et pénale de son auteur ».
Le même article considère que «
toute atteinte aux droits du propriétaire de la marque constitue
une contrefaçon ». Le droit privatif sur la marque suppose
l'interdiction de l'usage dans le commerce du signe constitutif de la marque
dans un même secteur d'activité, ainsi, la concurrence sera
légalement prohibée chaque fois qu'un concurrent tente de
reprendre le signe appartenant à autrui et servant pour le ralliement de
la clientèle. La contrefaçon naît du chef même de la
violation de cette interdiction.
1 Carrefour France a fait recours à
cette pratique depuis 1976, il a été suivi par Euromarché
qui commercialisait des « produits orange » pour lesquels tout lien
direct entre le producteur et le consommateur est rompu.
2 De l'Écotais (Y) : « La Seccotine est
irremplaçable » Editions Plon 1998. Cité par POLLAUD-DULIAN
(F) : op. Cit. P. 513.
3 Pierre Herbin, Vendre, avril 1961. cité par
LELOUP (J-M) : « La franchise, droit et pratique »
3ème édition. Editions Delmas 2000. N°326, p.
46.
Etant un délit spécifique qui a pour objet les
droits sur la marque, la contrefaçon de marque se présente comme
une atteinte singulière qui se distingue de n'importe quelle atteinte
dont une marque pourrait faire l'objet.
Sans doute, c'est l'unification et à travers elle
l'identification de la notion de contrefaçon de marque qui est la plus
marquante des nouveautés apportées par la loi n°36-200 1 et
plus précisément son article 44.
Une fois saisi par le droit, l'acte 1 de
contrefaçon de marque, à l'image de tout fait de l'homme, devient
l'objet possible d'une connaissance juridique. Ayant un régime juridique
propre, l'acte de contrefaçon est parfaitement susceptible
d'identification.
La condamnation de l'acte de contrefaçon par le droit
des marques repose sur le fait qu'il constitue une atteinte aux droits
exceptionnels reconnus par cette législation dérogatoire qui
chasse le signe constitutif de la marque déposée du domaine
public dès lors, le principe de la libre concurrence cessera
d'être applicable.
L'identification 2 de l'acte de contrefaçon
abouti à ranger ce type d'atteinte au droit sur la marque dans le
régime juridique qui lui est propre. C'est donc en terme de
spécificité que se défini l'acte de contrefaçon car
bien qu'il constitue une atteinte à la propriété sur la
marque, il se distingue des autres usurpations dont la marque pourrait faire
l'objet. .
Le voisinage de la contrefaçon de marque est
incontestablement constitué par l'institution de la concurrence
déloyale 3 qui se définie selon l'article 10 Bis de la
Convention d'Union de Paris comme « tout acte de concurrence
contraire aux usages honnêtes en matière industrielle ou
commerciale ». Sise à l'article 92 C.O.C, la concurrence
déloyale est approchée analytiquement par les rédacteurs
du code à travers l'énumération indicative de quelques
agissements proscrits qui seraient constitutifs de concurrence
déloyale.
En prévoyant spécifiquement des dispositions
relatives aux actes de concurrence déloyale, le législateur
tunisien permet la sanction de ces actes a priori, alors qu'en droit
français, compte tenu de l'absence d'un texte spécial, la
jurisprudence ne peut que qualifier ces actes de déloyaux qu'une fois
saisie par celui qui prétend en être la victime, et ce sur la base
du droit commun de la responsabilité civile pour faute, en l'occurrence,
les articles 1382 et 1383 du code civil français relatifs à la
responsabilité civile du fait personnel.
Le premier cas cité par l'article 92 est celui du
« fait d'user d'un nom ou d'une marque à peu près
similaire à ceux appartenant légalement à une maison ou
fabrique déjà connue, ou à une localité ayant une
réputation collective, de manière à induire le public en
erreur sur l'individualité du fabricant et de la provenance du
produit. »
1 On entend par acte, la « manifestation de
volonté ayant des conséquences juridiques. » Dictionnaire
encyclopédique universel, éditions George Naef. Genève
1993. p.1 5.
2 L'identification « désigne l'acte
d'esprit par lequel une identité se trouve ou constaté ou
institué entre deux réalités. [..] à partir de ses
traits distinctifs, confrontés avec une nomenclature scientifique »
AUROUX (S) ( sous la dir.) : « Encyclopédie Philosophique
Universelle » Tome II, Les notions philosophiques. PUF 1990. p. 1207.
3 Sur l'ensemble des arguments motivant la distinction
entre la contrefaçon et la concurrence déloyale, voir la
remarquable thèse de M. PASSA (J) : « Contrefaçon et
concurrence déloyale » LITEC, 1997. p. 41 et sui.
D'emblée, on peut estimer que l'atteinte constitutive
de contrefaçon est par la même attentatoire à la
règle de la loyauté de la concurrence car l'usurpation dans ce
cas n'aura pour principal effet que le détournement de la
clientèle ralliée autour de l'entreprise qui utilise la marque en
question.
Le principe de la libre concurrence implique la
possibilité d'entreprendre une activité commerciale de son choix
tout en utilisant des signes de ralliement de clientèle. Lors de ce
choix, il ne faut pas que la liberté du choix du signe en question
déborde sur l'accomplissement de pratiques déloyales en vue de
conquérir la clientèle.
L'obtention d'un avantage concurrentiel indu et acquis par des
procédés condamnables mettra celui qui en est le
bénéficiaire dans une position favorable par rapport à ses
concurrents sans que cet avantage soit le résultat d'un effort, d'un
investissement ou d'une habilité professionnelle.
Dans cette optique, si l'acte de contrefaçon porte
violation à un droit privatif sur une marque enregistrée,
valablement constituée et parfaitement opposable aux tiers, l'auteur
d'un acte de concurrence déloyale, lui, n'a pas pour objectif de
contester un droit sur la marque, il se limite juste à abuser de la
liberté de la concurrence en mettant en oeuvre des moyens ou des
procédés attentatoires aux règles de
l'honnêteté et de la loyauté tel que la recherche de la
confusion, l'usurpation des signes de ralliement de clientèle
utilisés par un concurrent, les fausses allégations, le
dénigrement... etc.
L'acte de concurrence déloyale ne transgresse
pas un droit privatif qui exclut temporairement la liberté de la
concurrence, mais il contredit un devoir légal de loyauté dans
l'exercice de cette liberté. La protection ne concerne donc plus la
propriété, le débat se déplace ainsi de la
sphère du droit des biens vers le terrain du droit des
obligations.
L'acte de concurrence déloyale découle ainsi
d'un excès ou d'un abus dans l'exercice de la liberté de la
concurrence. En effet, la liberté de la concurrence étant le
principe, il s'ensuit qu'un commerçant n'est jamais en faute toutes les
fois où il use de cette liberté, le fait qu'il cherche à
conquérir une clientèle est de tout ce qu'il y a de
légitime, toutefois, pour arriver à cette fin, il faut observer
les règles de la confiance et de l'honnêteté dans le
domaine des transactions commerciales.
Bien entendu, « Un agent économique ne
serait se plaindre de ce qu'un concurrent cherche à capter sa
clientèle, puisqu'il n'a sur celle-ci aucun droit privatif [....]
Simplement, si on doit admettre la licéité du «
préjudice concurrentiel » ainsi entendu, on ne saurait
tolérer que des actes déloyaux soient à l'origine du
transfère de clientèle de l'un des compétiteurs vers
l'autre ; la recherche de clientèle « d'autrui » est licite,
à condition « de respecter les usages loyaux du commerce
».1
L'exclusivité qui va de pair avec le droit privatif du
propriétaire de la marque est créatrice d'une exception au
principe de la libre concurrence, alors que l'acte de concurrence
déloyale n'a pour autre finalité que de porter atteinte au
principe même de la liberté de la concurrence à travers
l'excès qu'il renferme et qui se fonde sur l'usage de manoeuvres ou
pratiques qui contredisent la loyauté ou l'honnêteté
présumée être le pilier de l'éthique de tout
commerçant.
Ainsi, ce n'est que le moyen déloyal utilisé
lors de la conquête de la clientèle qui se trouve prohibé
car, étant fugitive et non susceptible d'appropriation définitive
ou même provisoire, « la clientèle est à celui
qui sait la conquérir et la prendre »1 dans les
règles de loyauté et d'honnêteté de l'art
commercial.
Il est permis donc de voir en l'acte de contrefaçon une
manifestation éclatante de la déloyauté, néanmoins
et au-delà de cette connexité évidente résultant de
sa perception dichotomique, l'acte de contrefaçon se présente
intrinsèquement et avant tout comme une violation d'un droit privatif et
non pas une violation d'une certaine éthique ou déontologie
professionnelle dont le respect est inévitable, à peine de
sanction, pour chaque commerçant.
A vrai dire, compte tenu sa nature de fait juridique, de sa
déroutante contingence à des institutions voisines et du mandat
reconnu au juge afin de l'identifier, l'identification de l'acte de
contrefaçon ne peut accéder en définitive à la
certitude.
L'identification de l'acte de contrefaçon présente
ainsi une complexité plus qu'évidente que ce soit d'un point de
vue de la qualification juridique ou de la constatation dans les faits.
En effet, il est certains facteurs de complexité qui
rendent l'identification de l'acte de contrefaçon de marque une
entreprise délicate, il s'agit, en effet, de la nature factuelle de la
contrefaçon de marque qui ajoute à l'entreprise de son
identification une complexité complémentaire. En raison de sa
nature de fait juridique, l'identification de cet acte impose une sorte de
délégation de pouvoir au profit du juge à qui revient en
définitive l'appréciation de l'existence de la
contrefaçon.
Les actes constitutifs de contrefaçon
présentent, par ailleurs, un fort degré de parenté quelque
fois déroutant. En effet, il arrive parfois que l'on puisse qualifier un
seul acte matériel de contrefaçon comme impliquant un
délit d'usage, de reproduction, d'usage d'une marque reproduite ainsi
qu'un cas d'apposition.
Un facteur de complication semble aussi peser sur
l'appréciation de la contrefaçon, c'est celui de la bonne foi. En
effet, exception faite des actes interdits dans l'article 52, bien qu'il soit
établi que l'acte de contrefaçon est répréhensible
indifféremment de la bonne foi de son auteur, il semble que le juge
tunisien ne soit pas totalement familiarisé avec le paradigme de la
responsabilité objective. Certaines décisions cherchent à
motiver la condamnation d'un acte de contrefaçon par une
appréciation plus ou moins subjective du comportement du
contrefacteur.
Un autre facteur semble aussi compter pour beaucoup dans la
démarche du juge, c'est celui de la technicité du droit des
marques ainsi que son caractère un peu abstrait. Le juge tunisien n'est
pas encore familiarisé au droit des marques, il lui arrive de confondre
marque et produit.2
L'acte de contrefaçon présente aussi un
caractère multi-céphal, il constitue une atteinte à un
droit privatif préexistant qui a pour fonction d'interdire la
concurrence, il a aussi un caractère foncièrement déloyal
car il porte forcément atteinte à la règle de
loyauté dans le commerce, il touche enfin le consommateur sa victime
perpétuelle.
1 ROUBIER (P) : «Théorie
générale de l'action en concurrence déloyale » Revue
de Droit Commercial 1948. I. p. 554.
2 Cass-Civ, n°18698 du 4 décembre 1989.
Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 149. voir
aussi, TPI, Sfax, Jugement n°14808 du 13 février 1989. Bulletin de
la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 144.
Parmi les facteurs de complication, on compte la
subtilité de la distinction de l'acte de contrefaçon par rapport
aux autres atteintes à la marque et qui ne rentre pas dans le champ
d'application de la loi des marques.
Néanmoins et sans aller jusqu'à le rendre non
identifiable, il semble judicieux de suivre la démarche de l'article 44
de la loi n°36-2001, lequel n'ayant pour objet que de tracer les contours
de l'acte de contrefaçon de marque.
Selon l'article 44 de la loi n°36-2001, «
Toute atteinte portée aux droits du propriétaire de la
marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité
civile et pénale de son auteur.
Constitue une atteinte aux droits sur la marque, la
violation des dispositions prévues aux articles 22 et 23 de la
présente loi ».
Au-delà de leur clarté apparente, le fait de
prétendre à l'automatisme dans la mise en oeuvre des dispositions
de la loi n°36-2001 relatives à l'acte de contrefaçon de
marque serait tout à fait illusoire en raison de leur
indéterminisme évident. Ceci est vrai tant pour celles qui
définissent l'acte de contrefaçon que pour celles qui
spécifient ses manifestations possibles. Il est permis de voir ainsi
dans ce dispositif légal une coquille vide 1 dont le
contenu sera déterminé par le juge ou d'une manière
générale par l'interprète..
L'article 44 parle d'une atteinte dans l'absolu aux droits du
propriétaire. Temporairement, l'acte de contrefaçon s'identifie
à une atteinte aux droits sur la marque, c'est en quelque sorte une
approche synthétique de l'acte en soi et à l'état
statique, c'est en quelque sorte une qualification de l'acte avant toute
expérience, matérialisation ou extériorisation.
L'usage des définitions dans la loi cherche à
circonscrire la discrétionnalité interprétative ; celle-ci
ne peut toutefois jamais être éliminée, car même les
énoncés de définition doivent de toute évidence
être interprétées à leur tour.
Cette démarche trouve un écho dans l'article 44
dans ses deux alinéas. En effet, la contrefaçon est une atteinte
aux droits du propriétaire de la marque, l'atteinte en question est
définie à son tour comme étant la violation de
dispositions spécifiques de la loi n°36-2001. Ces dispositions sont
relatives aux actes que le propriétaire serait admis à interdire
aux tiers.
En consultant les dispositions des articles 22 et 23 de la loi
n°36-2001 auxquelles renvoie l'article 44 alinéa 2, on
s'aperçoit aussitôt des limites de la définition des
catégories d'actes par lesquels se manifeste l'atteinte constitutive de
contrefaçon.
Il est certain que la définition des ces actes, en
l'occurrence la reproduction, l'usage, l'apposition, la suppression,
l'imitation, etc., n'est ni possible à titre définitif ni
souhaitable d'un point de vue pratique compte tenu du caractère
contraignant de la définition en droit. Leur définition
circonstanciée n'ira pas sans tomber dans une circularité de la
définition.
1 Rouvillois (F) : « Le droit » GF
Flammarion, 1999. p. 219. En considérant le droit et plus
précisément la règle juridique comme une coquille vide,
une école anglo-saxonne de l'interprétation en droit, en
l'occurrence celle du réalisme juridique américain, a pour
principal souci de reconnaître au juge la possibilité, voire le
nécessaire pouvoir, de remodeler, préciser et affiner le droit
positif pour l'adapter aux changements incessants et aux situations de faits
toujours différentes.
L'identification à ce stade rend compte du qualificatif
d'atteinte, cette atteinte, qu'est la contrefaçon, renferme des
spécificités qui découlent par ricochet de la
spécificité de l'objet de l'atteinte lui-même, en
l'occurrence, le droit de propriété ayant pour objet une
marque.
L'article 44 parle de toute atteinte, cette
ambiguïté momentanée n'est que fonction de l'objet
même de l'alinéa 1 de l'article 44, car c'est au concept
même de contrefaçon que s'intéresse cet alinéa. Pour
donner une substance ou un contenu suffisamment précis à l'acte
de contrefaçon de marque, l'article 44 al. 2 invite l'identificateur
à consulter les articles 22 et 23 de la même loi afin de
déterminer les actes dont l'exercice non autorisé par un tiers
serait constitutif d'un acte de contrefaçon.
La consommation de l'un de ces actes interdits aux tiers sauf
autorisation du propriétaire tel que la reproduction de la marque, son
usage, son imitation, son apposition, etc, peut être perçue comme
la mise en oeuvre de l'atteinte au droit sur la marque, c'est à travers
ces actes, qui supposent la dynamique, que l'atteinte s'extériorise et
devient sujette à détermination.
En dévoilant l'économie générale
de l'acte de contrefaçon, l'article 44 reflète en vertu de
l'articulation de ses deux alinéas « la technique du
développement en parallèle »,1 il avance
le principe ou la définition puis sa mise en oeuvre ou ses cas
particuliers.
La démarche poursuivie par le législateur
tunisien lors de l'identification de l'acte de contrefaçon de marque
répond à la logique de l'entonnoir, il procède du
général, en considérant que « toute atteinte
aux droits du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon
», pour finir au particulier, c'est-à-dire la
spécification de la quintessence même de l'acte en disposant que
« Constitue une atteinte aux droits sur la marque, la violation
des dispositions prévues aux articles 22 et 23 de la présente
loi ». Ainsi, on part de la règle à son
application.
La structure de l'article 44, pierre angulaire de
l'identification de l'acte de contrefaçon, le fait paraître comme
la réponse à une question posée par le destinataire de la
règle qu'il énonce.
Le recours à l'affirmatif « Tout
» exprime clairement la totalité globalement sans l'individualiser.
Placée en tête de l'article, le terme marque la
généralité et la met en pleine évidence.
L'acte de contrefaçon s'identifie à une atteinte
qui se distingue par ses spécificités de n'importe quelle
atteinte perpétrée à la marque et c'est là
où l'article 44 alinéa 1 devient profitable dans la mesure
où il trace les termes de l'économie générale de
l'acte de contrefaçon, bien entendu l'intérêt de cet
article se résume à l'approche synthétique qu'il renferme,
sa généralité ne l'empêche pas d'être
décisif lors de l'identification une fois qu'il est
décortiqué.
La qualification de la contrefaçon comme atteinte est
symptomatique car d'emblée la loi place le débat sur le terrain
de l'illégalité, la spécificité de cette atteinte
découle incontestablement des propriétés de l'objet auquel
elle s'attaque, en l'occurrence, le droit du propriétaire de la
marque.
C'est de l'interdépendance des rapports entre le droit
sur la marque et l'atteinte qui lui est perpétrée que se
dégage les traits caractéristiques propres à identifier
l'acte de contrefaçon de marque. Bien qu'elle semble tautologique, la
détermination des spécificités de la marque et du droit
dont elle fait l'objet s'impose incontestablement à l'identificateur de
l'acte de contrefaçon.
1 CORNU (G) : « Linguistique juridique »
2ème éd, Montchrestien 2000. p. 302.
En effet, si l'acte de contrefaçon devait être un
livre, la mise en exergue de la quintessence du droit de marque auquel il porte
atteinte en sera la préface. La définition légale de
l'acte de contrefaçon est en elle-même sujette à
décortication car, compte tenu de sa nature de fait juridique, l'acte de
contrefaçon échappe d'emblée à toute tentative de
délimitation définitive concernant ses manifestations
possibles.
De la démarche poursuivie par le législateur
tunisien, se dégage un constat qui se résume à
considérer que l'identification de l'acte de contrefaçon est
réalisable en deux temps ou à deux vitesses allant de
l'unicité conceptuelle de l'acte vers une diversité factuelle et
catégorielle de ses manifestations.
Ainsi, se pose la question de savoir en quoi consiste la
spécificité de l'identification de l'acte de contrefaçon
de marque ?
Notre approche sera axée sur une étude
structurale de l'article 44 siège de la philosophie
générale de l'acte de contrefaçon et point de
départ de l'entreprise de son identification. En effet, en le
présentant d'une manière synthétique, l'alinéa
premier de l'article 44 dévoile l'infrastructure de l'acte de
contrefaçon qui n'est autre qu'une atteinte aux droits du
propriétaire de la marque.
Quant à l'alinéa deuxième du même
article, tout en poursuivant une approche analytique, il se prononce in
concreto sur la superstructure ou encore la phénoménologie
de l'acte de contrefaçon de marque et ce, en renvoyant aux actes
interdits aux tiers dans les articles 22 et 23 de la loi n°36- 2001 du 17
avril 2001..
Ainsi et en vue d'arriver à une satisfaisante
identification de l'acte de contrefaçon de marque, ne voilà t-il
pas possible de joindre l'utile à l'agréable en associant
à l'étude analytique des
contrefaçons, dans leur riche palette, la
conceptualisation de l'acte de contrefaçon dans le dessin de tracer,
partout où il atterrit, son fil conducteur ou son droit
commun.
Titre premier : L'approche synthétique de
l'acte de
contrefaçon :
une atteinte au droit de propriété sur la
marque
Titre deuxième : Les manifestations de
l'acte de
Contrefaçon
TITRE PREMIER :
L'approche synthétique de l'acte de
contrefaçon : une atteinte au droit de
propriété
sur la marque
Alors qu'il était conçu d'une manière
purement analytique dans les articles 15, 16 et 17 du décret du 3 juin
1889, l'acte de contrefaçon de marque s'identifie aujourd'hui, au sens
de l'article 44 alinéa 1 de la loi n°36-2001, à
l'idée commune de « toute atteinte portée aux droits
du propriétaire de la marque».
L'unification du concept de l'acte de contrefaçon est
une nouveauté apportée par la loi n°36- 2001, en ce sens,
l'article 44 al. 1 de la dite loi se propose d'exposer en termes clairs
l'économie générale de l'identification de l'acte de
contrefaçon.
Partant de l'idée selon laquelle l'article 44 de la loi
n°36-2001 se présente comme la pierre angulaire de l'identification
de l'acte de contrefaçon, on se trouvera d'emblée amené
à penser l'acte de contrefaçon dans le paradigme de la
spécificité. Une spécificité qui découle
fondamentalement de la spécificité du droit auquel il porte
atteinte, en l'occurrence, le droit de propriété sur la marque.
C'est en effet, une atteinte spécifique à un droit
spécial.
L'apport théorique de l'approche synthétique du
concept de contrefaçon aura donc pour effet, a priori, de le distinguer
en fonction de ces spécificités telles qu'elles se
dégagent de l'article 44 al. 1 qui dispose que « Toute
atteinte portée aux droits du propriétaire de la marque constitue
une contrefaçon engageant la responsabilité civile et
pénale de son auteur ».
Sur la base de cet alinéa, l'acte de contrefaçon
ne peut intervenir sans la réunion de deux conditions cumulatives
intimement liées à savoir un droit exclusif sur la marque et une
atteinte qui lui est perpétrée. Ces deux conditions
résument pertinemment l'économie générale de l'acte
de contrefaçon et dévoilent sommairement ses
caractéristiques propres.
D'un point de vue chronologique, on ne peut envisager de
parler de la contrefaçon de marque sans l'existence préalable
d'une marque. La marque comme tout bien incorporel tire son existence de la loi
1 et par une décision de la loi. Elle consiste, au sens de
l'article 2 de la loi n°36-2001, en un signe visible servant à
distinguer, dans le commerce, les produits et services d'une personne physique
ou morale par rapport à leur semblable.
Etant un bien immatériel, la marque s'acquiert
exclusivement et initialement par un mode spécial qu'est
l'enregistrement. Ce dernier confère à son titulaire,
conformément à l'article 21 de la loi n°36-2001, un
véritable droit de propriété sur le signe qui la constitue
dans son application aux produits et services désignés dans
l'enregistrement.
1 CARBONNIER (J) : Droit civil, Les biens.
12ème éd, Thémis, PUF 1988. N°19 et 83. p.
87 et 373.
Ceci étant, l'efficacité du droit de
propriété sur la marque se trouve subordonnée à
l'observation de conditions légales strictes qui tiennent à sa
validité lors de sa création et à son opposabilité
lors de son exploitation.
En conséquence, une marque nulle ou dont les droits qui
s'y rattachent sont inopposables n'est en rien une marque, dès lors, son
propriétaire ne pourra plus bénéficier de la protection
spéciale que lui garantie la loi des marques. En effet, la loi
n°36-2001 ne protège la marque que si elle répond à
ses conditions rigoureuses relatives à la validité et
l'opposabilité du droit dont elle fait l'objet.
Il s'ensuit que si l'une de ces conditions fait défaut
dans une marque, tout l'édifice des dispositions
échafaudées sur la loi des marques cessera de lui être
applicable, ceci aura donc pour conséquence de déplacer le
débat en dehors de la loi n°36-200 1 et c'est ainsi qu'un
changement de paradigme s'opère.
En effet, étant une atteinte aux droits du
propriétaire de la marque, l'acte de contrefaçon est
érigé en délit pénal selon les articles 51 et 44
al. 2 de la loi n°36-2001. Ceci dit, on ne peut qualifier une atteinte,
aux droits sur la marque, de contrefaçon qu'en application de la loi
n°36- 2001, or si le droit sur la marque n'est pas valablement
constitué ou utilement opposable, la loi des marques ne lui sera plus
applicable, dès lors et par ricochet, il n'y aura plus lieu d'identifier
une quelconque atteinte comme constitutive d'acte de contrefaçon.
Ainsi, se dévoile la première
spécificité de l'atteinte constitutive de l'acte de
contrefaçon. Une spécificité directement rattachée
aux caractéristiques propres de son objet, en l'occurrence, le droit de
propriété sur la marque. ( Chapitre 1 )
A l'image de toute propriété incorporelle, la
marque évoque le droit de propriété par son
opposabilité quasiment absolue du moment qu `elle peut être
défendue contre quiconque y porte atteinte. Par ailleurs, le droit de
propriété s'analyse comme un rapport de droit entre son titulaire
et la chose ou le bien objet du droit, ce rapport implique par sa nature
certaines prérogatives dont le bénéfice revient
exclusivement au propriétaire.
En raison de sa nature exclusive, le droit de
propriété sur la marque se trouve naturellement assorti, à
l'égard des tiers, d'une interdiction formelle de porter atteinte aux
droits privatifs accordés au propriétaire. C'est
précisément de la violation de ces droits que découle
l'atteinte constitutive de l'acte de contrefaçon au sens de l'article 44
al. 1 de la loi n°36-2001.
Toutefois, si l'acte de contrefaçon résulte
d'une atteinte aux droits du propriétaire de la marque, il convient de
préciser qu'il est des cas où la qualification d'atteinte ne
pourra être retenue soit parce que le propriétaire autorise un
tiers à exercer un quelconque droit sur la marque soit parce que la loi
greffe le droit de propriété sur la marque de servitudes
légales comparables à celles supportées par le
propriétaire d'un bien immeuble conformément à l'article
165 C.D.R.
Pour qu'il y ait donc atteinte constitutive de
contrefaçon, il faut que l'acte reproché au tiers soit intervenu
en dehors d'une quelconque autorisation de nature à le rendre
fondé en droit.
Dans cette optique, l'acte de contrefaçon se
présente comme l'atteinte qui contredit, en dehors de toute
autorisation, les droits du titulaire de la marque dans leur acception
privative ou exclusive.
Par ailleurs, pour qu'il y ait atteinte à la
propriété sur la marque, il faut que cette atteinte soit
située dans les limites objectives des droits conférés par
l'enregistrement. Ceci nous amènera nécessairement à
délimiter le champ dans lequel les droits sur la marque s'exercent et se
localisent.
En effet, la portée du droit de propriété
sur la marque se trouve triplement délimitée. En premier lieu, la
protection de ce droit est fonction de son objet spécifique et qui se
limite en substance aux produits et services pour lesquels la marque a
été enregistrée conformément à l'article 21
de la loi n°36-2001, c'est ce que la doctrine et la jurisprudence ont
convenu à appeler le principe de la spécialité de la
marque.
En deuxième lieu, à l'image de tout droit
subjectif, le droit de propriété sur la marque n'a d'existence
que dans les limites géographiques de l'ordre juridique au sein duquel
il est crée et reconnu, il s'ensuit que l'acte de contrefaçon
doit nécessairement se localiser dans cette aire géographique
d'efficacité du droit sur la marque, c'est ce qu'on entend par le
principe de la territorialité du droit des marques et plus
généralement de l'ensemble des droits de propriété
intellectuelle.1
En dernier lieu, compte tenu du caractère temporaire
2 des droits sur la marque et qui se limite à dix ans
à compter de la date du dépôt, la conséquence en est
que les droits sur la marque ne sont opposables aux tiers que de durant cette
limite temporelle. Il s'ensuit que l'atteinte constitutive de
contrefaçon ne peut exister et n'aura de sens que si elle intervient
dans cette durée de protection légale.
C'est seulement dans sa localisation tridimensionnelle,
entendue dans le sens de la spécialité, la territorialité
et la temporalité des droits sur la marque, que l'acte de
contrefaçon revêt un sens et une spécificité par
rapport à n'importe quelle atteinte 3 perpétrée
à la marque.
Ainsi, se dégage le deuxième volet de
l'identification de l'acte de contrefaçon dans sa double
spécificité qui tient à la violation de
l'exclusivité des droits sur la marque d'une part et à sa
localisation tridimensionnelle d'autre part. (Chapitre 2)
1 Voir en ce sens, BOUCHE (N) : « Le principe de
territorialité de la propriété intellectuelle ».
Collection Logiques Juridiques 2002.
2 La temporalité étant le principe, ceci
n'empêche pas le propriétaire désireux de conserver ses
droits sur la marque de renouveler indéfiniment son dépôt
à l'expiration de la période de protection de base fixée
à dix ans selon l'article 6 de la loi n°36-2001 du 17 avril
2001..
3 En dehors de la spécialité et des limites
spatio-temporelles des droits sur la marque, la protection de la marque ne peut
être obtenue que dans les conditions du droit commun de la
responsabilité civile que ce soit sur le terrain de la concurrence
déloyale au sens de l'article 92 C.O.C ou sur celui de la
responsabilité civile pour faute au sens des articles 82 et 83 C.O.C.
Toutefois, la localisation de l'acte de contrefaçon au
sens de la trilogie citée plus haut n'est jamais aussi facile ou
aisée à opérer pour deux raisons. En premier lieu, on note
que la frontière est parfois mince entre une atteinte constitutive de
contrefaçon et atteinte constitutive d'un acte de concurrence
déloyale. Cette subtilité s'explique par le caractère
dichotomique de l'atteinte portée à la marque et qui peut
représenter à la fois une atteinte aux droits privatifs sur la
marque et une atteinte à la règle de loyauté de la
concurrence dans le domaine économique. Sur la distinction entre
contrefaçon et concurrence déloyale, voir : PASSA (J) : «
Contrefaçon et concurrence déloyale » LITEC, 1997.
En deuxième lieu, l'acte de contrefaçon est
naturellement une question de fait dont l'appréciation relève
souverainement du pouvoir discrétionnaire des juges de fond, or nul
besoin de rappeler que la conviction du juge là dessus est largement
teintée par une subjectivité inhérente à toute
appréciation. C'est ce qui fait de l'identification de l'acte de
contrefaçon une entreprise d'une exceptionnelle complexité et
d'une évidente incertitude.
Chapitre 1 : Le droit sur la marque :
objet spécifique de l'acte de
contrefaçon
Présenté comme le pilier du libéralisme
économique, le principe de la liberté de la concurrence constitue
la règle d'or de l'activité économique aussi bien en droit
tunisien1 qu'en droit comparé.
Dans ce contexte régi par la libre concurrence, le
droit des marques s'analyse comme un droit spécial et
dérogatoire. En effet, par sa nature même, le droit de
propriété sur la marque confère à son titulaire un
monopole exclusif d'exploitation sur le signe constitutif de la marque
dans son application aux objets qu'il couvre.
Le caractère monopoliste des droits sur la marque rend
évidemment le signe qui la constitue indisponible dans le commerce, des
produits et services similaires, aussi bien à l'usage comme à
l'appropriation. Dès lors, à défaut d'autorisation, il
sera défendu à tout concurrent d'utiliser le même signe
pour désigner des objets identiques ou similaires à ceux
désignés par la dite marque.
Conscient de sa nature restrictive de la libre concurrence, le
législateur a subordonné la protection de la marque dans la loi
n°36-2001 à l'observation de plusieurs conditions qui tiennent
à sa validité lors de sa naissance et à son
opposabilité lors de son exploitation.2
L'inobservation de ces conditions déplace le débat
en dehors du droit des marques qui ne s'applique qu'à une marque qui
répond à ses exigences relatives au fond et à la forme.
Par conséquent, l'acte de contrefaçon, en tant
qu'atteinte spécifique à un droit de marque, ne peut être
envisagé que dans la mesure où la marque à laquelle il
s'attaque est valablement constituée. Ainsi si le droit sur la marque ne
satisfait pas aux conditions requises à sa protection en vertu de la loi
n°36-2001, il ne saura bénéficier des dispositions de la
dite loi, dès lors, il ne sera plus question de défendre ce droit
sur la base du droit des marques.
Or l'on sait que l'acte de contrefaçon n'a de sens que
dans la mesure où la loi des marques s'applique, car il est interdit et
réprimé en tant que tel uniquement par cette loi. Il s'ensuit que
toute atteinte au droit sur une marque nulle ou inopposable sera
disqualifiée de contrefaçon, dès lors, un changement de
paradigme s'imposera. Il sera alors question de qualifier cette atteinte, le
cas échéant, de faute ou d'acte de concurrence déloyale au
sens du droit commun de la responsabilité civile.
Ainsi, il apparaît clair que l'objet de l'acte de
contrefaçon de marque est nécessairement un droit de
propriété sur une marque, un droit qui répond aux
conditions strictes requises à sa validité ( section
1) et son opposabilité une fois valablement constitué.
(section 2)
1 Le principe de la liberté de la
concurrence est consacré en droit tunisien par l'article 2 de la loi
n°64-91 du 29 juillet 1991, relative à la concurrence et aux
prix.
2 La subordination de la validité du droit
sur la marque à l'observation de certaines conditions de fond, de forme
et d'opposabilité n'est pas étrangère au droit tunisien
des marques, car bien que le décret de 3 juin 1889 soit trop
économe en ce sens, il convient de noter que la jurisprudence tunisienne
a relativement comblé cette lacune tout en s'inspirant des principes
généraux régissant la validité de la marque en
droit français.
Section 1 : La validité du droit sur la marque
Le propriétaire désireux de voir sa marque
protégée contre une atteinte constitutive de contrefaçon
doit d'abord veiller à ce que son titre de propriété soit
valable. En effet, une marque nulle ne saurait faire l'objet d'un acte de
contrefaçon car celui-ci n'est qualifié comme tel que parce qu'il
porte atteinte aux droits sur une marque valablement constituée.
La validité du droit sur la marque s'entend ici de sa
nécessaire conformité aux prescriptions spécialement
aménagées à cet effet par la loi n°36-2001 du 17
avril 2001. Il n'est pas sans intérêt de remarquer que cette loi
édicte les conditions de validité de la marque dès son
chapitre premier relatif aux « dispositions générales »
et plus précisément à partir de son article
deuxième, c'est en quelque sorte la charte du droit des marques tunisien
ou en quelque sorte ses conditions spécifiques d'application.
Dans les articles 2, 3, 4 et 5 de la loi n°36-2001, le
législateur prévoit pour la première fois en droit positif
tunisien les conditions de validité de la marque de fabrique, de
commerce et de services.1 Ces conditions concernent la
validité de la marque quant au fond, elles tiennent essentiellement
à la détermination du signe pouvant constituer une marque au sens
de l'article 2, à la licéité de ce signe eu égard
aux dispositions de l'article 4 et enfin au caractère distinctif du
signe choisi comme marque au sens des articles 3 et 5 de la loi
n°36-2001.
La marque qui ne satisfait pas à toutes ces conditions
n'est en rien une marque, par conséquent, son titulaire ne pourra
prétendre aucun droit privatif sur elle.
Une fois qu'il répond aux conditions de validité
relatives au fond, le signe constitutif de la marque doit être
enregistré auprès de l'Institut National de la Normalisation et
de la Propriété Industrielle car « la
propriété de la marque s'acquiert par l'enregistrement
» selon la lettre de l'article 6. Ceci dit, nul ne peut revendiquer la
propriété d'une marque qui n'a pas été
enregistrée fût-elle valable au fond.
Ainsi, exception faite de la marque notoire au sens de
l'article 5 (a), la marque non- enregistrée ne peut
bénéficier de la protection accordée par la loi
n°36-2001, dès lors, son exploitation par un tiers ne peut tomber
sous le coup de la contrefaçon car elle ne fait pas l'objet d'un droit
privatif de propriété. Etant le seul mode d'acquisition
originaire des droits sur la marque, l'enregistrement reflète un
formalisme témoignant de la rigueur du droit des marques.
Ainsi, on s'aperçoit que la création d'une
marque de fabrique, de commerce ou de service est une opération
complexe. En effet, cette complexité se manifeste dans la loi du 17
avril 2001 à deux stades différents, le premier concerne
l'observation des conditions de validité du signe choisi comme marque
(paragraphe 1), quant au second, il se réfère
aux modalités de l'acquisition du droit de propriété sur
la marque (paragraphe 2).
1 Le décret du 3 juin 1889 applicable aux
marques de fabriques et de commerce ne prévoyait pas les conditions de
la validité de la marque, il se limitait à exiger dans son
article premier la condition de la distinctivité du signe choisi comme
marque et la subordination de l'appropriation exclusive de la marque à
son enregistrement dans son article 2.
Paragraphe 1 : Les conditions de validité du signe
constitutif de la
marque
Au sens de l'article 2 alinéa.1 de la loi
n°36-2001, le législateur tunisien entend par marque «
un signe visible permettant de distinguer les produits
offerts à la vente ou les services rendus par une personne physique ou
morale ».
Cet article, comme d'ailleurs l'ensemble de la loi
n°36-2001, est le fruit d'une greffe juridique 1 dans la mesure où
il a été directement inspiré du code de la
propriété intellectuelle français 2 et plus
précisément son l'article 711-1.
La définition de la marque repose fondamentalement sur
l'existence d'un signe visible et distinctif. Ce signe peut être choisi
parmi les trois catégories de signe admis à constituer une marque
au sens de l'article 2 (A). Une fois choisi parmi la liste
indicative de l'article 2, le signe constitutif de marque doit
nécessairement revêtir un caractère distinctif et licite au
sens des articles 3, 4 et 5 de la loi n°36-2001 ( B ).
- A - Les divers signes susceptibles de constituer une
marque :
L'article 2 al. 2 énonce, à titre indicatif, une
liste de signes admis à constituer une marque, le caractère
énonciatif de cette énumération découle
évidemment de l'emploi de la formule « peuvent notamment
constituer un tel signe ». A ce titre, l'article 2 rejoigne
l'article premier du décret du 3 juin 1889 qui admet entre-autre comme
signe constitutif de marque « tous autres signes servant à
distinguer les produits d'une fabrique ou les objets d'un
commerce».
Comparé à l'article premier du décret du 3
juin 1889, l'article 2 alinéa. 2 renferme une liste relativement
exhaustive des signes admis à constituer une marque tel que :
« a - Les dénominations sous toutes les
formes, telles que les mots, les assemblages de mots, les noms patronymiques,
les noms géographiques, les pseudonymes, les lettres, les chiffres et
les sigles,
b - Les signes figuratifs, tels que les dessins, les
reliefs, les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement ou
celles caractérisant les services, les dispositions, les combinaisons ou
les nuances de couleurs,
c - Les signes sonores, tels que les sons et les phrases
musicales. »
1 On entend par greffe juridique la «
technique de droit comparé consistant à introduire dans un
système juridique un élément provenant d'un autre
système juridique dans lequel il a démontré son
utilité et son bon fonctionnement ». Dictionnaire
encyclopédique de théorie et de sociologie du droit,
2ème édition, L.G.D.J 1993. p 273.
2 Le Code de la Propriété Intellectuelle
français a été promulgué par la loi n° 92 -
597 du 1er juillet 1992. J.O du 3 juillet 1992, p. 8801.
Avant de procéder à une brève analyse des
trois types de signes proposés par l'article 2, il est une
précision qui mérite d'être signalée.
En effet, alors que çà était une chose
impensable pour les rédacteurs du décret du 3 juin 1889, la loi
n°36-2001 reconnaît la marque dite sonore.
Désormais, en vertu de l'article 2 les sons ou les phrases musicales
seront admis à constituer une marque valable. Malgré son
caractère auditif, la condition de visibilité 1
exigée par l'article 2 ne fait défaut pas au signe sonore car il
est parfaitement susceptible de représentation graphique.
Il est à noter que conformément à la
tendance générale en droit comparé,2 le
législateur tunisien n'admet pas les marques olfactives et les marques
gustatives, ce rejet ne résulte pas d'une disposition expresse,
cependant le défaut de visibilité doit pouvoir empêcher
l'admission de tels signes comme marques.
S'agissant des signes proposés dans l'article 2, on
peut les classer en trois types à savoir les signes constitutifs de
marques nominales, les signes constitutifs de marques figuratives et ceux
constitutifs de marques sonores.
-1- les signes nominaux :
Enumérés dans le titre (A) de l'article 2, les
signes nominaux consistent en des termes que l'on peut écrire et
prononcer, il importe peu que le signe soit fantaisiste ou porteur d'une
signification. On compte parmi ce type de signes, le nom patronymique.
Etant un attribut de la personnalité, le nom
patronymique a joué depuis la nuit des temps un rôle distinctif
dans le commerce, cependant, ce rôle distinctif peut cesser de produire
ses effets en cas d'homonymie.3 En ce sens, la confusion peut
être dégagée à travers l'adjonction du prénom
ou du lieu d'exploitation ou encore tout autre élément propre
opérer une distinction nette.
De même, un pseudonyme peut constituer une marque. Il
consiste, en fait, en « un nom supposé sous lequel une
personne dissimule sa véritable identité dans l'exercice de ses
activités publiques».4 Les règles
applicables au nom patronymique semblent être valables aussi pour les
pseudonymes à une exception près.5
Il peut s'agir aussi d'un mot, d'un ensemble de mots, de
lettres, de chiffres ou de sigles. Il est à noter que le
législateur tunisien admet ces signes sans exiger leur
présentation sous une forme particulière pourvu qu'ils soient
distinctifs. La porte est donc ouverte à la créativité
humaine.
Enfin un signe peut être constitué d'un nom
géographique. Le rattachement du signe à une aire
géographique peut être fantaisiste, il peut aussi coïncider
avec la réalité.
1 Selon l'article 15. 1 de l'accord ADPIC « les membres
pourront exiger, comme condition de l'enregistrement, que les signes soient
perceptibles visuellement ». Chaque Etat est donc libre d'exiger la
visibilité comme condition.
2 Contrairement à cette tendance
générale, une marque olfactive de fils à broder
parfumés a été valablement admise à
l'enregistrement aux Etats Unis d'Amérique comme marque ; Voir en ce
sens CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : Droit de la propriété
industrielle. 5ème éd. Dalloz Delta 1998. p. 505.
3 Face à un conflit entre un nom patronymique
et une marque, la solution diffère selon qu'il s'agit d'appliquer
l'article 5 ou 25 de la loi n°36-2001. voir infra. p. 58.
4 T.G.I, Paris, 4 juin 1987, PIBD 1987. III. 509,
n°424.
5 A la différence du nom patronymique, le
pseudonyme ne peut être opposé à une marque
antérieure et identique car il ne bénéficie pas de la
tolérance accordée au nom patronymique à cet effet par
l'article 25 de la loi n°36-2001 .Voir infra p 58.
Dans ce cas précis, le signe en question risque de
porter atteinte à des droits antérieurs et notamment ceux
résultant d'une appellation d'origine protégée1
ou d'une indication géographique, qui au sens de l'article 22-1 de
l'accord sur les ADPIC, sert à « identifier un produit
comme étant originaire du territoire d'un membre, ou d'une région
ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité,
réputation ou autre caractéristique déterminée du
produit peut être attribuée essentiellement à cette origine
géographique ».
Il est à noter que rien n'empêche de combiner les
signes nominaux de l'article 2 entre- eux ou encore panacher un signe nominal
avec un signe figuratif.
-2- les signes figuratifs :
Les signes figuratifs ou encore emblématiques
s'entendent des signes qui s'adressent par nature à la vue, le titre (B)
de l'article 2 alinéa 2 cite à titre d'exemple « les
dessins, les reliefs, les formes, notamment celles du produit ou de son
conditionnement ou celles caractérisant les services, les dispositions,
les combinaisons ou les nuances de couleurs ».
Etant simplement indicative, cette énumération
n'empêche en rien l'admission d'autres signes figuratifs comme les images
de synthèse ou les marques à trois dimensions. Cependant certains
signes peuvent susciter quelques problèmes, il s'agit surtout des cas
où un commerçant s'approprie une marque représentant le
portrait d'une personne notoire.
A défaut d'autorisation de la personne
concernée, Il semble que l'appréciation de la
licéité d'une telle appropriation pourra faire l'objet d'une
délicate casuistique qui ne peut échapper à certaine
subjectivité.
En effet, si les portraits de Cléopâtre
et de la défunte princesse DIANA n'ont pas été
admis comme marques, le portrait de MONICA LEWINSKI a
été valablement admis aux Etats Unis d'Amérique, à
titre de marque, pour désigner des cigares.2
Par ailleurs, on sait que l'article 2 admet clairement les
combinaisons ou les nuances de couleurs comme marque sans pour autant se
prononcer à propos de l'admission d'une couleur unie à titre de
marque. En ce sens, une hypothèse intéressante est à
envisager : qu'en est-il du droit de choisir une couleur comme
élément d'une marque lorsque les couleurs de l'arc-en-ciel se
trouvent déjà enregistrées par un ou plusieurs
commerçants pour désigner des objets identiques ?
Bien que rien ne proscrive formellement une telle pratique
dans la loi n°36-2001, il semble, néanmoins, qu'elle puisse
constituer un cas d'abus de droit au sens de l'article 103 C.O.C. Par ailleurs,
on est en droit d'affirmer qu' « une couleur unie n'est pas
distinctive s'il ne s'y j oint d'autres éléments
d'individualisation ».3
S'agissant d'une question de fait, l'appréciation de
l'aptitude d'un signe à constituer une marque relève bien
évidemment du pouvoir discrétionnaire des juges de fond.
1 Sur l'appellation d'origine, voir PIATTI (M-CH):
« L'appellation d'origine » R.T.D.Com 1999. N° 3. p. 557. Sur la
question de l'identité entre le signe constitutif d'une marque et celui
constituant une appellation d'origine, voir infra p 33.
2 SALAH ZIN EDDINE : « Propriété
industrielle et commerciale » DARAL THAKAFA FOR PUBLISHING AND
DITRIBUTION, AMMAN 2000. ( en arabe ). p. 264.
3 CHAVANNE (A) & BURST (J-J): op. cit. p. 530.
-3- les signes sonores :
L'article 2 se limite à citer les sons et les phrases
musicales, néanmoins, la nature du son importe peu pourvu qu'il soit
distinctif, il peut s'agir de « l'indicatif d'un poste
émetteur pour une radio ou une émission déterminée
de télévision ou encore l'accompagnement de la publicité
pour un produit quelconque » .1
Concernant la question de la représentation graphique,
« on admet que les signes sonores ou auditifs, sons, note de
musique, peuvent être matérialisés sur une partition
musicale ou sur un disque enregistreur et peuvent, en conséquence, faire
l'objet d'un dépôt » 2 à titre de marque.
La représentation graphique peut être
décrite par des courbes mathématiques ou encore des
spectrogrammes de sons, dans ces cas, la représentation risque
d'être imprécise ou au contraire trop compliquée pour
être intelligible par le public.
Une fois choisi parmi les trois types proposés à
l'article 2, le signe constitutif de la marque doit satisfaire aux conditions
de validité exigées dans les articles 3, 4 et 5 de la loi n°
36-2001.
- B - Les conditions relatives à la validité
de la marque au fond :
Le signe susceptible de constituer une marque au sens de la
loi n°36-2001 doit, à peine de nullité, être licite
(1), en outre, pour pouvoir singulariser le produit ou le
service qu'il a pour fonction de distinguer, ce même signe doit
revêtir un caractère distinctif (2).
- 1 - Le caractère licite du signe choisi :
Pour qu'une marque soit déclarée illicite, il
faut qu'elle présente en elle-même dès son
dépôt des caractères expressément prohibés
par la loi. En effet, l'illicéité dont on parle n'est autre
qu'une illicéité intrinsèque qui
s'apprécie uniquement par rapport à la marque abstraction faite
de l'objet sur lequel elle porte.
Quoi que non consacrée expressément par la loi
n°36-2001, la règle de l'indépendance de la marque par
rapport au produit ou au service auquel il s'applique découle en droit
tunisien comme en droit international des marques de l'article 7 de la
Convention d'Union de Paris qui dispose que « la nature du produit
sur lequel la marque de fabrique ou de commerce doit être apposée
ne peut, dans aucun cas, faire obstacle à l'enregistrement de la
marque ».
Réaffirmée par l'article 15. 4 de l'Accord sur
les ADPIC, 3 la règle de l'indépendance de la marque
par rapport à l'objet auquel elle s'applique, exprime l'impératif
selon lequel « on ne veut pas que l'interdiction de tel ou tel
produit dans sa fabrication ou sa vente à un moment donné et dans
un pays donné, puisse retentir sur la validité d'une marque
».4
1 Ibid. P. 504.
2 Christine Labastie DAHDOUH & Habib DAHDOUH :
Droit commercial, 1 ère éd. I.O.R.T, 2002, vol 1. p
504.
3 « La nature des produits ou services auxquels une marque
de fabrique ou de commerce s'appliquera, ne constituera en aucun cas un
obstacle à l'enregistrement de la marque »
4 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. p. 502,
n° 896.
Une fois qu'on admis son caractère intrinsèque,
l'illicéité du signe peut résulter, selon l'article 4 de
la loi n°36-2001, de trois situations, à savoir, le cas où
il reproduit un signe interdit par la loi à l'usage comme marque
(a), le cas où le signe serait contraire à
l'ordre public ou aux bonnes moeurs(b) et en fin s'il
s'avère qu'il est de nature à tromper le public et donc
déceptif (c).
- a - Les signes interdits comme marque :
Selon l'article 4, « Ne peut être
adopté comme marques ou élément de marque, tout signe
:
a) Reproduisant ou imitant les armoiries, drapeaux et
autres emblèmes, sigles, dénominations ou abréviations de
dénominations de tout état ou de toute organisation
internationale intergouvernementale ou de toute organisation
créée par une convention internationale, à moins que cette
utilisation ne soit autorisée par l'autorité compétente de
l'état ou de l'organisation en cause.
b) Reproduisant ou imitant des signes ou
poinçons officiels de contrôle et de garantie adoptés par
un état, à moins que cette utilisation ne soit autorisée
par l'autorité compétente de cet état » .
Interdits déjà par l'article 6 Ter de la
Convention d'Union de Paris, les signes énumérés dans
l'article 4. (a) et (b) se trouvent énergiquement prohibés,
à la fois par leur interdiction comme marque ou élément de
marque et par la portée de cette interdiction qui couvre et leur
reproduction et leur imitation.
Concernant la première série de signes,
l'interdiction des signes, drapeaux, armoiries et dénominations
appartenant aux états, semble tenir surtout à leur grande valeur
symbolique, car ils incarnent la souveraineté. C'est pourquoi, chaque
état dresse souverainement la liste des emblèmes qu'il entend
interdire à l'usage et la notifie à l'O.M.P.I qui à son
tour la communique aux états membres de l'Union de Paris.
Sont également interdits, les signes représentant
une organisation internationale
intergouvernementale ou toute organisation créée
par une convention internationale.
Sont interdits, à l'image des signes
précédents, les signes ou les poinçons officiels de
contrôle et de garantie adoptés par un état, de tels signes
servent normalement à garantir la qualité d'un produit ou sa
teneur en une matière déterminée comme c'est le cas pour
les poinçons relatifs aux métaux précieux.
Malgré la fermeté de l'interdiction qui entoure
l'usage de ces signes comme marques, leur prohibition cède devant
l'autorisation de l'autorité compétente de l'état ou de
l'organisation internationale en cause conformément à l'article 4
de la loi n°36-2001.
L'exigence de la licéité du signe tient aussi
à ce que ne peuvent constituer une marque valable, les signes contraires
à l'ordre public ou aux bonnes moeurs.
- b - Les signes contraires à l'ordre public ou aux
bonnes moeurs :
Selon l'article 4 (c) de la loi du 17 avril 2001, ne peut
être adopté comme marques ou élément de marque, tout
signe « contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, ou
dont l'utilisation est légalement interdite ».
Il est évident que l'on ne peut admettre comme marque ou
élément de marque, un signe portant, par ce qu'il exprime ou
évoque, atteinte à l'ordre public 1 ou aux bonnes
moeurs.2
Le recours aux notions souples d'ordre public et de bonnes
moeurs est nécessaire, car il est impossible et inopportun de dresser
une liste qui englobe tous les signes interdits pour illicéité.
C'est pourquoi, en plus des interdictions expresses, ces notions interviennent
en tant que correctifs souples face aux excès lors du choix du signe
constitutif de la marque.
Bien qu'elles présentent un certain degré de
parenté fonctionnelle et conceptuelle,3 les notions d'ordre
public et de bonnes moeurs sont distinctes. En effet, chacune d'elles peut
jouer, à elle, seule afin de prohiber un signe indépendamment de
l'existence d'une atteinte à l'autre notion.
Cependant, elles peuvent jouer ensemble car le choix d'un
signe immoral est attentatoire à la fois aux bonnes moeurs et à
l'ordre public dans sa conception large. Compte tenu de l'incertitude relative
à leur contenu, les notions de l'ordre public et des bonnes moeurs
revêtent un caractère relatif tant dans l'espace que dans le
temps.
C'est pourquoi, il revient au juge et parfois à
l'administration de dire le dernier mot sur leur contenu comme c'est le cas en
droit des marques. S'agissant de l'administration, elle peut intervenir dans la
définition du contenu de l'ordre public à l'occasion de l'examen
au fond de la marque lors de l'enregistrement. En France, lors d'un tel examen,
la marque OPIUM pour des parfums a été reconnue comme contraire
à l'ordre public avant que les juges 4 ne reconnaissent sa
licéité.
Quant au juge, il intervient suite au refus d'enregistrement
de la marque par l'administration ou lorsque la nullité de la marque est
invoquée à l'occasion d'un procès à titre principal
ou incident.
Il arrive parfois que l'appréciation
démesurée des notions d'ordre public et des bonnes moeurs puisse
aboutir à des solutions très critiquables. Il en est ainsi du
refus de la marque ZIPPO à l'enregistrement
par l'office jordanien des marques pour contrariété aux bonnes
moeurs. Selon le juge jordanien, la traduction littérale de cette marque
en langue arabe finira par lui donner un sens grossier, la
contrariété de la marque ZIPPO aux
bonnes moeurs a été confirmée par la cour suprême
jordanienne.5
Un tel refus est critiquable car la traduction de la marque en
langue arabe n'est point exigée en droit jordanien, par ailleurs, cette
attitude risque de susciter des réactions réciproques.
1 L'ordre public s'entend de l'ensemble des
règles -écrites ou non-écrites- qui
veillent à la défense des piliers d'un ordre social donné
à une époque déterminée. L'ordre public s'identifie
donc à l' « ensemble des standards et valeurs fondamentales d'une
société, auxquels il est interdit de déroger sous peine de
nullité. » Dictionnaire encyclopédique de théorie et
de sociologie du droit, 2ème édition, L.G.D.J, 1993. p
415.
2 TERRE (F), SIMLER (PH) et LEQUETTE (Y) : Droit
civil, Les obligations. 7ème éd, Dalloz 1999.
n°362. p. 357. Selon ces auteurs, les bonnes moeurs se définissent
comme étant « Les règles de morale sociale
considérées comme fondamentales pour l'ordre même de la
société ».
3 Idem. n°348. L'ordre public et les bonnes
moeurs « remplissent tous deux la même fonction. Ce
sont des interdits sociaux qui restreignent la liberté contractuelle.
Ils marquent qu'il existe, au-dessus des intérêts particuliers,
des intérêts généraux que le pouvoir de la
volonté ne saurait méconnaître.
Ils ont tous deux la même nature
conceptuelle. Ce sont des normes à contenu
indéterminé, des standards, qui ne répondent à
aucune définition précise et qui ont donc souvent besoin du
relais du juge pour être concrétisées ».
4 CHAVANNE (A) & BURST (J-J): op. cit. N°959.
p. 538.
5 Cour Suprême de Justice, Arrêt
n°377-95. Revue du Syndicat des Avocats 1997. p. 605. cité par,
SALAH ZIN EDDINE : op. cit. p. 275.
Le droit des marques peut devenir un terrain d'enjeux purement
stratégiques et religieux. En effet, il s'est avéré, en
Jordanie,1 que l'ordre public fait obstacle à
l'enregistrement des marques dont les propriétaires entretiennent des
relations commerciales avec Israël ou ses ressortissants.2
Outre les cas où il se trouve interdit par la loi,
contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, le signe constitutif de
la marque encoure la nullité s'il revêt un caractère
déceptif.
- c - Les signes trompeurs ou déceptifs :
Selon l'article 4 de la loi n°36-2001, « Ne
peut être adopté comme marque ou élément de marque,
tout signe : d) De nature à tromper le public, notamment sur la nature,
la qualité ou la provenance géographique du produits ou du
service ».
Etant donné la fonction distinctive que lui assigne la
loi n°36-2001, la marque sert de toute évidence à identifier
les produits ou les services d'une personne physique ou morale par rapport
à leurs semblables, toutefois, « si, dans l'exercice de
cette fonction, la marque cause une tromperie à l'égard du
public, qu'elle a pour mission d'informer, elle sort de son rôle, et elle
cesse d'être utile pour être dommageable : elle doit donc
être interdite ».3
La prohibition des signes trompeurs par le droit des marques
s'aperçoit comme une mesure complémentaire à la loi
n°117-92 du 7 décembre 1992 4 relative à la
protection des consommateurs. En effet, cette loi interdit respectivement les
pratiques contraires à la loyauté des transactions
économiques dans son article 11 et la publicité mensongère
dans l'article 13 qui semble être manifestement la source d'inspiration
5 de l'article 4 (d) de la loi n°36-2001.
Ainsi, il paraît que la rationalité sur laquelle
repose la prohibition des signes déceptifs s'explique surtout par la
sauvegarde de l'intérêt du consommateur ainsi que celui de l'ordre
public économique.
A l'image des signes contraires à l'ordre public, la
prohibition des signes déceptifs porte sur les signes eux-mêmes,
c'est ce que laisse entendre la loi en interdisant le signe « de
nature à tromper le public ». En effet, il s'agit d'une
déceptivité intrinsèque à
la marque.
Par ailleurs, l'objet et les moyens de la tromperie sont par
nature très variés, c'est pourquoi la liste des signes
déceptifs a été précédée par
l'adverbe « notamment » comme pour confirmer son
caractère énonciatif. Il peut donc s'agir d'une tromperie sur la
nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou
service couvert par la marque en cause.
1 SALAH ZIN EDDINE : op. Cit. P. 324.
2 Concernant la connotation parfois politique des
marques, on remarque qu'à chaque fois que la tension monte lors des deux
dernières guerres du golf ou dans les territoires palestiniens
occupés, on entend de parts et d'autres des compagnes appelant à
boycotter les marques appartenant aux sociétés multinationales
américaines, britanniques ou même celles détenues ou
dirigées, de près ou de loin, par des juifs. C'est dire que la
marque est plus qu'un simple signe distinctif.
3 MATHELY (P) : « Le nouveau droit
français des marques » éditions J.N.A. 1994. p.46.
4 JORT N°83 du 15 décembre 1992,
p.1571.
5 Selon l'article 13 de la loi n°117-92 :
« Est interdite toute publicité pour des produits comportant sous
quelque forme que ce soit, des allégations ou des indications fausses ou
de nature à induire en erreur lorsque celles-ci portent
notamment sur un ou plusieurs des éléments ci-après : -
L'existence du produit, sa nature, sa composition, ses qualités
substantielles, sa teneur en principes utiles, son espèce ou son origine
ainsi que sa quantité ou son mode ou sa date de fabrication »
Compte tenu de sa nature de fait juridique, la
détermination de la tromperie revient au pouvoir discrétionnaire
des juges de fond qui doivent, sous peine de voir leurs décisions
censurées, préciser en quoi le signe est susceptible de tromper
le public.
A la différence de la jurisprudence tunisienne, les
tribunaux français ont eu -à maintes reprises- à se
prononcer sur les marques déceptives, en voici quelques exemples :
Il est des cas où un signe trompe le public sur la
nature du produit qu'il désigne, c'est en effet, le cas du signe «
servifrais »1 pour des produits
surgelés; « Capillosérum »2
pour un produit ne consistant pas en un sérum pharmaceutique. D'autres
décisions ont reconnu le caractère déceptif de la marque
compte tenu d'une tromperie sur la qualité du produit marqué, il
en est ainsi de la marque « Mokalux »3
pour un café ordinaire ; « Miel Epil
»4 pour un produit qui ne contient pas de miel.
La tromperie peut consister encore en l'usurpation d'une
appellation d'origine ou d'une indication de provenance à laquelle le
déposant de la marque n'a pas droit, c'est le cas de la marque «
Brazil »5 pour des cafés de
différentes origines; « Havane »6
pour des cigares qui ne proviennent pas de Cuba. Concernant la tromperie sur
l'origine, on note qu'elle s'accompagne souvent d'une tromperie sur la
qualité ou la réputation du produit ou du service
marqué.
Il convient de souligner que l'appréciation de la
déceptivité passe par la confrontation du signe au produit ou au
service qu'il identifie, s'il s'avère que le signe choisi cherche
à persuader le public quant à l'existence d'une qualité ou
origine qui ne coïncide pas avec la réalité, il y a alors
déceptivité.
En outre, le caractère déceptif d'un signe doit
s'apprécier de manière relative, car une marque peut
désigner plusieurs produits, alors si elle a été reconnue
comme déceptive pour certains produits, elle demeure valable pour les
autres objets désignés au dépôt. On note enfin qu'il
convient de se placer au moment de l'enregistrement de la marque pour
apprécier son caractère trompeur car c'est à cette date
que le droit sur la marque s'acquière.
Dans tous les cas d'illicéité d'un signe au sens
de l'article 4 de la loi n°36-2001, c'est-à-dire le choix d'un
signe interdit comme marque, contraire à l'ordre public ou aux bonnes
moeurs ou enfin déceptif, la loi n°36-200 1 prévoit la
nullité comme sanction unique à ce type de signe.
C'est ce qui ressort de l'article 32, de la dite loi, qui
dispose que « L'enregistrement d'une marque est
déclaré nul par décision de justice s'il n'est pas
conforme aux dispositions des articles 2, 3, 4 et 5 de la présente loi.
La décision d'annulation a un effet absolu ».
Compte tenu de la fermeté de leur interdiction, les
signes illicites au sens de l'article 4 sont d'une nullité absolue. En
ce sens, l'article 4 commence par la formule : « Ne peut
être adopté comme marque ou élément de marque, tout
signe.... ».
1 Paris, 12 février 1981, Ann. 1981. p. 32.
2 CA Paris, 24 mai 1962, PIOTRAUT (J-L) &
DECHRISTÉ (P-J): « Jugements et arrêts fondamentaux de la
propriété intellectuelle », Editions TEC & DOC 2002. p.1
70.
3 TGI Paris, 22 avril 1968, D. 1968, p.557
4 Cass., 27 novembre 1963, RTD Com. 1964. 548,
n°5.
5 Paris, 16 juin 1968, D. 1989, p.282.
6 Paris, 4 juillet 1985, Ann.1986. p. .226.
D'autres part l'article 32 alinéa 3 ne laisse aucun
doute quant au caractère absolu de la décision d'annulation d'une
telle marque, c'est pourquoi on conçoit mal la possibilité de la
régularisation d'une marque illicite.
Une fois qu'il est choisi parmi les catégories
proposées par l'article 2 et déclaré licite au sens de
l'article 4, le signe constitutif de la marque doit, sous peine de
nullité, être distinctif afin de pouvoir poursuivre la fonction
que lui assigne le droit des marques.
-2- Le caractère distinctif du signe constitutif de
la marque :
La marque est définie par l'article 2 de la loi
n°36-2001 comme étant « Un signe visible permettant de
distinguer les produits offerts à la vente ou les services rendus par
une personne physique ou morale ».
A partir de cette définition, il semble clair que le
droit des marques considère la distinctivité comme la raison
d'être de la marque car « un signe non distinctif
n'entraîne pas seulement la nullité de la marque »
mais encore « il n'est en rien une
marque». 1
Le caractère distinctif de la marque est unanimement
perçu comme condition essentielle de validité, car à
défaut de distinctivité on ne peut ni rattacher le produit
à une origine certaine ni encore permettre au consommateur de faire un
choix raisonné parmi des produits semblables offerts sur le
marché.
D'autre part, on peut estimer que l'appropriation d'un signe
non-distinctif revêt un caractère anticoncurrentiel dans la mesure
où elle prive les concurrents d'utiliser un signe qui, de part son
défaut de distinctivité, doit être de libre d'usage et
profiter, par conséquent, à tout concurrent.
Ainsi et afin d'être reconnu comme distinctif, le signe
constitutif de la marque doit réunir deux conditions au sens des
articles 3 et 5 de la loi n°36-2001. Premièrement, il ne doit pas
être dépourvu du caractère distinctif (a) au sens de
l'article 3, deuxièmement, le signe ne doit pas être
déjà utilisé pour désigner les mêmes produits
ou services, il doit être donc possible ou encore disponible à
l'appropriation (b) au sens de l'article 5.
-a- Les signes dépourvus du caractère
distinctif :
La distinctivité d'un signe est une question de fait
qui doit normalement échapper à une définition
légale rigide. En effet, on doit pouvoir admettre de principe le
caractère distinctif d'un signe, toutes les fois où la loi ne
l'exclut expressément.
En conséquence, le législateur tunisien a
opté, dans l'article 3, pour une définition négative du
caractère distinctif en énumérant à titre limitatif
trois grandes catégories de signes dépourvus de caractère
distinctif, il s'agit en effet des signes génériques
(1), les signes descriptifs (2) et les signes
constitués strictement par la forme imposée, la nature ou la
fonction du produit ou conférant à ce dernier sa valeur
substantielle (3).
1- POLLAUD-DULIAN (F) : Droit de la propriété
industrielle. Montchrestien, E.J.A, Paris, 1999. p 534.
-1- Les signes génériques :
Sont dépourvus de distinctivité, au sens de
l'article 3 (a), « Les signes ou dénominations qui, dans le
langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation
nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du
service ».
Derrière l'interdiction des signes
génériques comme marques, il semble que c'est le principe de la
libre concurrence qui s'oppose à l'appropriation d'un tel signe qui,
dans le langage courant ou professionnel, n'est autre que le nom même du
produit ou du genre auquel il appartient. En l'absence d'une telle
règle, les concurrents seront obligés de recourir à des
synonymes, des périphrases ou voire même à des
néologismes pour indiquer la nature de leurs produits.
S'agissant de l'appréciation du caractère
générique ou usuel, l'article 3 précise que l'interdiction
porte seulement sur les signes ou dénominations qui sont
exclusivement la désignation nécessaire du produit ou du
service.
On comprend par l'usage de l'adverbe
exclusivement que l'adjonction d'un terme
générique dans une marque complexe ne finira pas par l'invalider
si, dans son ensemble, la marque semble arbitraire par rapport à l'objet
qu'elle désigne.1
Par ailleurs, le caractère générique
s'apprécie, selon article 3, par rapport au langage courant ou
professionnel, une telle précision est la bienvenue surtout pour sa
vertu pratique, car elle lie le juge lors de l'appréciation. Au
même titre que les signes génériques, la
distinctivité est refusée aux signes descriptifs.
-2- Les signes descriptifs :
Par application de l'article 3 (b), la loi sur les marques
exclut de la sphère de la distinctivité « Les signes
ou dénominations pouvant servir à désigner une
caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce,
la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance
géographique, l'époque de la production du bien ou de la
prestation de service »
La marque a pour fonction de distinguer des produits ou
services par référence à leur origine. Alors si, pour ce
faire, la marque ne fait que décrire une ou plusieurs
caractéristiques du produit, il s'ensuit qu'elle ne saura, de la sorte,
poursuivre sa fonction distinctive du moment qu'elle reprend ce qui est commun
à tous les produits ou les services semblables.
Il est donc normal qu'une telle marque soit nulle car on ne
peut tolérer l'appropriation par un commerçant de termes
indispensables à tous les concurrents pour définir la composition
ou les qualités essentielles de leurs produits.
A la différence du point (a) de l'article 3, on
relève que l'absence de l'adverbe exclusivement dans le
point (b) du même article, peut créer une dissymétrie
injustifiée entre les deux alinéas
1 Civ.,16 février 1936, cité par
PIOTRAUT( J-L ) & DECHRISTE ( P-J ): op. cit. n°173 ; Tout en
admettant le caractère générique la marque «
Crème de Gruyère », la Cour de Cassation française,
laisse entendre, a contrario, qu'elle aurait pu reconnaître la
validité de cette marque s'il y a eu « adjonction d'un nom
ou d'un signe distinctif quelconque ».
et finir par invalider certaines « marques complexes
dont certains éléments descriptifs s'inscrivent pourtant dans un
ensemble qui, lui, est arbitraire » .1
Quant à la jurisprudence tunisienne concernant les
marques descriptives, elle semble, du moins, incohérente. C'est
d'ailleurs le cas d'un jugement,2 qui a ordonné la radiation
d'une marque complexe composée par le terme BRILLANCE,
la dénomination sociale SCHWARZKOPF et un
élément figuratif. Cette marque a été
annulée car elle portait atteinte à la marque antérieure
BRILLANCE enregistrée pour le même produit, en
l'occurrence, un shampoing.
Les juges ont considéré que le terme brillance
pour un shampoing n'est en rien descriptif du produit marqué. Quoique
fondée sur le terrain de l'indisponibilité du signe en question,
cette solution orthodoxe serait tout autre si le terme
BRILLANCE aurait pu être considéré comme
descriptif du résultat attendu de l'utilisation de ce genre de produit,
il semble donc que la protection du-dit signe l'a emporté sur sa
validité douteuse comme marque.
Dans un autre jugement, cette fois rendu après
l'entrée en vigueur de la loi n°36-2001, le Tribunal de
Première Instance de Ben Arous,3 a rejeté la demande
intentée par la société DERBIGUM pour
contrefaçon 4 de ses marques (DERBIGUM P2;
SP4 et GC5). Les juges ont vu dans ces
signes des termes scientifiques et descriptifs de la
qualité et de l'épaisseur des produits
d'étanchéité en question. En appel, la solution a
été confirmée, la cour 5 a
considéré les signes précités comme descriptifs,
communs à tous les concurrents et indignes d'une protection
spéciale.
Ces décisions reflètent à plus d'un titre
l'incohérence de la démarche de la jurisprudence ne serait-ce
qu'en raison de la fâcheuse tendance des juges à ignorer le
rapport de l'expertise,6 pour conclure souverainement au
caractère descriptif et scientifique de ces signes, alors qu'il
n'y avait aucune preuve attestant ces caractères en question.
A travers les deux espèces, on constate que sur la base
d'une appréciation un peu spéculative les signes P2, SP4 et GC5
ont été dénués du caractère distinctif,
alors que la marque BRILLANCE pour un shampoing a
été validée malgré son caractère descriptif
plus ou moins évident.
En définitive, il serait difficile de prévoir
à l'avance dans quel sens ira le juge de fond lors de
l'appréciation du caractère descriptif d'une marque. C'est
pourquoi, il est opportun d'adopter une marque qui soit aussi arbitraire, que
possible par rapport au produit qu'elle désigne sans, pour autant, avoir
à recourir systématiquement à des néologismes car
le droit des marques n'exige guère du signe constitutif de la marque une
originalité absolue.
Par ailleurs, on note qu'une marque descriptive peut, selon
l'article 3 in fine, acquérir le caractère distinctif
par l'usage.7
1 POLLAUD- DULIAN (F) : op. cit. n°1160. p.
538.
2 AFFAIRE: « SCHWARZKOPF / JASMINAL
» T.P.I SFAX, n° 970 du 14 mars 2000. voir annexe
n°1.
3 Jugement n°9918 du 21 novembre
2001, (Affaire: DERBIGUM / COMMET) voir annexe
n°2.
4 Les marques arguées de contrefaçon
sont : BITUPLAST P2 ; BITUPLAST HP4 et
BITUPLAST GC5.
5 C A, Tunis n°546 du 3 décembre
2003, (Affaire: DERBIGUM / COMMET), voir annexe
n°3.
6 En se référant à l'article 112
C.P.C.C selon lequel l'avis de l'expert ne lie pas le tribunal.
7 L'article 6 quinquiès C de la convention
d'Union de Paris prévoit une telle faculté, toutefois, il ne
s'agit pas d'une validation de plein droit, c'est juste une possibilité
de sauvetage laissée à l'appréciation du juge et c'est
d'ailleurs l'un des rares cas où la loi n°36-200 1 tient compte de
l'usage d'une marque.
Si l'usage prolongé dans le temps est admis à
purger la marque de vices tels que les caractères
générique et descriptif, il convient de noter que cette
mesure de g âce ne bénéfice pas aux signes
r
visés dans l'article 3 (c), pour lesquels un usage aussi
long soit-il n'est pas admis à les valider.
-3- Les signes visés dans l'article 3
alinéa (c) :
Si les signes descriptifs et génériques ont pu
bénéficier des faveurs du législateur, la solution n'est
pas aussi heureuse pour la dernière catégorie de signes qui fait
l'objet de l'article 3 (c). En effet, sont absolument nuls, « les
signes constitués exclusivement par la forme imposée, La nature
ou la fonction du produit ou conférant à ce dernier sa valeur
substantielle ».
Alors que la volonté du législateur est claire
à propos de l'invalidation de tels signes, il est évident que
l'exclusion ne concerne pas toutes les formes car l'article 2 al. 2, compte les
formes parmi les signes qui pourraient valablement constituer une marque.
A vrai dire, l'article 3 n'interdit que les signes qui soient
exclusivement dictés par la forme ou la
fonction pratique ou technique du produit ou du service, il serait, par
exemple, inadmissible de concevoir une marque constituée exclusivement
de la forme circulaire pour désigner des pneus alors que la forme se
trouve nécessairement imposée par la nature du produit.
Ainsi, l'exclusion de ces signes de la sphère des
signes distinctifs se fonde assurément sur leur carence en
caractère arbitraire et fantaisiste. Par ailleurs, on note que le rejet
des formes nécessaires et fonctionnelles par le droit des marques
s'inscrit dans une logique de délimitation de son champ d'action par
rapport au droit des dessins et modèles industriels.
En effet, le droit des dessins et modèles industriels a
été conçu spécifiquement pour protéger les
formes fonctionnelles et les dessins faisant preuve d'originalité pour
une durée limitée à la fin de laquelle ils tombent dans le
domaine public, alors que la protection de telles formes à titre de
marque, reviendra à accorder à son titulaire un avantage
concurrentiel indu et un droit de propriété qui a vocation
à la pérennité sur une marque constituée d'une
forme fonctionnelle.1
Dans la même logique que celle du rejet des formes
fonctionnelles et nécessaires, l'article 3 (c) dénue les formes
conférant au produit sa valeur substantielle de tout caractère
distinctif. Certes, l'interdiction ne porte pas sur le conditionnement du
produit ou de son emballage qui peuvent être valablement admis comme
marques conformément à l'article 2 al.2 (b), «
Seules donc sont concernées les marques constituées par
la forme du produit [...] et à condition que cette forme ait une
influence sur la valeur intrinsèque du produit
».2
Du reste, on note que l'emploi de l'adverbe
exclusivement par le législateur laisse la voie de la
validité ouverte pour les marques complexes qui revêtent un
caractère distinctif certain malgré qu'elles soient
constituées en partie par une forme fonctionnelle ou imposée.
En définitive, s'agissant d'un droit d'occupation et
non de création, le droit des marques admet valablement la marque
constituée par une forme, pourvu qu'elle soit suffisamment
1 Voir en ce sens, CJCE 18 juin 2002, aff. Philips
c./ Remington. RTD com 2003, n°3. p. 500. obs. J. Azéma. Il a
été jugé que l'enregistrement d'une marque ne doit pas
être utilisé pour obtenir ou perpétuer des droits exclusifs
sur des solutions techniques nonobstant l'existence d'autres formes permettant
la réalisation du même résultat. Ainsi, la cour a
rejeté la demande de la société Philips tendant à
perpétuer un droit de marque ayant pour objet la forme d'un produit
à savoir un rasoir électrique composé de trois têtes
circulaires à lames rotatives disposées dans un triangle
équilatéral.
2 POLLAUD- DULIAN (F) : op. cit. n°1163. p.
540.
distinctive et non usuelle, sans pour autant requérir de
la dite forme, la nouveauté ou l'originalité qu'impliqueraient sa
protection au titre des dessins et modèles industriels.
A l'image des signes interdits au sens de l'article 4, sont
frappées de nullité, les marques non conformes aux dispositions
de l'article 3. Cette nullité ne joue pas de plein droit, selon
l'article 32 al.2, elle doit être déclarée par le juge.
C'est là une affirmation implicite de la présomption de
validité de toute marque jusqu'à preuve du contraire.
Le caractère distinctif de la marque se réalise
à un double point de vue, car outre la condition de
l'originalité, la marque doit être disponible conformément
à l'article 5 de la loi n°36-2001.
-b- Le caractère disponible de la marque :
En règle générale, pour qu'un signe puisse
être valablement distinctif, il faut qu'il soit nouveau par rapport
à ceux utilisés par des concurrents opérant dans le
même secteur d'activité.
Concrètement, la nouveauté du signe se traduit
en terme de disponibilité. En effet, s'agissant d'un droit d'occupation,
il suffit que le signe soit disponible à l'appropriation au moment de
son dépôt à titre de marque. Dès lors, on entend par
signe disponible, celui qui ne fait pas l'objet d'un droit antérieur et
opposable, d'ailleurs, c'est dans le droit fil de cette affirmation que
s'inscrit le rejet, à titre de marque, du « signe portant
atteinte à des droits antérieurs » conformément
à l'article 5.
A l'image de la solution admise en droit
français,1 l'article 5 de la loi sur les marques, admet,
à titre indicatif, huit sortes de signes constitutifs
d'antériorités opposables que l'on peut classer en deux
catégories, la première concerne des droits sur des signes
distinctifs à savoir les marques y compris les marques notoires, les
dénominations ou les raisons sociales, les noms commerciaux et les
enseignes et enfin les appellations d'origines protégées.
Quant à la deuxième catégorie, elle
renferme successivement, les droits d'auteur, les droits résultants des
dessins et modèles industriels, les droits rattachés à la
personnalité d'un tiers et enfin le droit au nom ou à l'image
d'une collectivité locale.
De toutes ces antériorités, c'est le droit sur
une marque antérieure qui se trouve le plus souvent invoqué pour
s'opposer à l'enregistrement d'une marque identique ou similaire pour
désigner des objets couverts par la marque antérieure. C'est
pourquoi, avant de déposer sa marque, il serait prudent de consulter le
registre national des marques afin d'effectuer une recherche
d'antériorité.2
Malheureusement, cette recherche est très
limitée,3 du moment qu'elle ne couvre que les marques
à l'exclusion des autres droits de propriété
industrielle.
En survolant l'énumération de l'article 5, on
s'aperçoit que la portée de l'interdiction - qui entoure
l'adoption d'un signe qui fait l'objet d'une antériorité- n'est
pas aussi absolue, car
1 On note que l'article 5 de la loi du 17 avril 2001
ne fait que reprendre l'article 711-4 du C.P.I français.
2 La recherche des antériorités
s'effectue auprès de l'I.NNORPI sur la base du registre national des
marques moyennant une redevance fixe conformément au décret
n°2001-1934 du 14 août 2001, fixant le montant des redevances
afférentes aux marques de fabriques, de commerce et de services.
3 Même la recherche des
antériorités constituées par des marques manque de
fiabilité, car l'I.NNORPI se limite à une recherche suivant les
paramètres qui lui sont suggérés par le demandeur de la
recherche.
« la marque ne protège que les produits ou
services pour lesquels elle a été déposée. Pour les
activités totalement différentes, le même signe pourrait
être valablement choisi » .1
Pour qu'il y ait donc antériorité opposable
à l'enregistrement d'une marque identique ou similaire, deux conditions
doivent se réunir. En premier lieu, il faut que le droit invoqué
soit déjà existant au moment de la constitution du droit sur la
marque, cette condition s'impose d'elle-même car la prohibition dans
l'article 5 de la loi n°36-2001 porte précisément sur un
signe faisant l'objet d'un droit antérieur.
En deuxième lieu, étant donné que la
marque n'a de sens et d'utilité que dans son application, dans le
commerce, aux produits et services qu'elle désigne, il s'ensuit que l'on
doit raisonnablement exiger que l'antériorité invoquée
« existe dans le même secteur d'activité commerciale
que celui où l'on veut déposer la marque. Il importe donc peu que
le même signe soit déjà utilisé dans d'autres
branches commerciales pour des produits ou services différents
».2
Ainsi et en règle générale,
l'opposabilité de toute antériorité trouve ses limites
propres dans la sphère de la branche d'activité économique
à laquelle elle se rattache strictement.
Ceci étant, une exception, qui bénéficie
à l'appellation d'origine protégée, est apportée
à la règle de la spécialité ou de la
relativité des antériorités. En tant que signe distinctif,
l'appellation d'origine protégée certifie le lieu de fabrication
d'un produit, sa qualité certaine et sa fabrication ou son obtention
selon une méthode originale impliquant un savoir-faire confirmé.
En raison de ces facteurs réunis, l'appellation d'origine évoque
généralement une renommée universelle.3
Le droit d'utiliser une appellation d'origine
protégée fait l'objet d'une autorisation spéciale
accordée par les autorités compétentes de chaque Etat.
C'est pourquoi, nul ne peut avoir droit à employer une appellation
d'origine protégée sans qu'il ne remplisse les conditions
légales et réglementaires strictes requises à son
utilisation.
En effet, elle est indisponible à titre de droit
antérieur même pour des produits similaires à ceux qu'elle
couvre. La rigueur de la réglementation des appellations d'origine
protégée, et surtout celles contrôlées,4
a permis à certains d'estimer qu'elles « occupaient le
sommet de la hiérarchie en matière de signes distinctifs
».5
Du reste, si un même signe ne peut constituer une marque
s'il reprend une appellation d'origine à protégée à
laquelle le déposant de la marque n'a pas droit, 6 la
solution est tout autre concernant les dénominations et les raisons
sociales.
1 CHRISTINE-LABASTIE DAHDOUH & HABIB DAHDOUH : op.
cit. p. 510.
2 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit.
n°1016, p. 578.
3 C'est le cas des vins de Champagne, de
Bordeaux ou du fromage de Camembert provenant de ces localités
françaises.
4 Sur la réglementation stricte des
appellations d'origine contrôlée des produits
agricoles, voir la loi n°99-57 du 28 juin 1999. J.O.R.T 1999, n°2. p.
1088. L'article 20 de cette loi frappe le signe constitutif de l'appellation
d'origine contrôlée d'une indisponibilité absolue à
titre de droit antérieur opposable au dépôt d'une marque
postérieure et similaire.
5 Le TALLEC (G): « La primauté des
appellations d'origine contrôlée sur les marques »
Mélanges Paul Mathély, Litec 1990. p. 249. Voir aussi, PIATTI
(M-CH): « L'appellation d'origine » R.T.D com 1999. N° 3. p.
557.
6 Dans le sens de l'indisponibilité de
l'appellation d'origine, voir : CA, Paris, 15 décembre 1993. PIOTRAUT
(J-L) & DECHRISTE (P-J): op. cit. n°140. p 186. En l'espèce, le
dépôt de la marque Champagne entrepris par
YVES SAINT LAURENT, pour un parfum, a été annulé
dans la mesure où il reprenait l'appellation d'origine Champagne
absolument indisponible et à laquelle le titulaire du
dépôt n'avait pas droit. Voir notamment sur l'affaire du
Champagne : LAMPRE (C) : « Le Champagne ou le parfum de la
renommée » D. 1994, n°27, Chron. p. 213.
En effet, ces deux signes ne sont opposables à
l'enregistrement d'une marque identique qu'en la présence d'un risque de
confusion. De même, outre le risque de confusion, les noms commerciaux et
les enseignes ne peuvent être utilement opposables à l'adoption du
même signe par un tiers comme marque que dans la mesure où ils
sont « connus sur l'ensemble du territoire tunisien
» conformément à l'article 5 (c).
Par ailleurs, rien n'empêche l'utilisation d'un signe
indisponible avec l'autorisation du titulaire du droit en question, qu'il
s'agisse d'un dessin ou d'un modèle industriel, d'un droit d'auteur,
d'un droit de la personnalité d'un tiers et enfin de l'image ou du droit
au nom d'une collectivité locale dont la super-protection
semble un peu excessive.1
Le caractère relatif des antériorités au
sens de l'article 5 de la loi n°36-200 1 se confirme aussi sur le plan
procédural car, au sens de l'article 33 alinéa 2 de la même
loi, « Seul le titulaire d'un droit antérieur peut agir en
nullité sur le fondement de l'article 5 de la présente loi.
Toutefois son action n'est pas recevable si la marque a été
déposée de bonne foi et s'il en a toléré l'usage
pendant cinq ans ».
Etant précédée par l'adverbe
notamment, l'énumération de l'article 5
n'empêche pas l'admission d'autres antériorités. En France,
la jurisprudence a pu retenir comme opposable, sur la base de l'article 711-4
du C.P.I -équivalent à l'article 5 de la loi n°36-2001-
l'antériorité constituée par le nom d'un
établissement public français.2
Une nouvelle sorte d'antériorité, issue de la
confrontation de plus en plus sensible entre le droit des marques et la
nouvelle réalité technologique de l'Internet, semble poser des
problèmes auxquels la solution n'est pas encore fournie en droit positif
ni en jurisprudence. En effet, on peut se demander si un nom de domaine
3 sur Internet peut être qualifié de signe distinctif
et par la même, constituer une antériorité opposable
à une marque postérieure.
En l'absence d'un cadre juridique qui définit les noms
de domaine et permet de cerner leur rapport avec la marque, la réponse
dépendra de la nature juridique du nom de domaine qui se
présente, en fait, comme le nouvel attribut de la personnalité
dans la société de l'information.
1 POLLAUD- DULIAN (F) : op. Cit. N°1193. p. 558.
L'auteur dénonce, à juste titre, cette super
protection.
2 Paris, 18 septembre 1998, RTD com 1998, n°4.
p.848, obs. J. AZEMA.
3 Marie-Hélène Deschamps-Marquis :
« Les noms de domaine : au-delà du mystère » disponible
à l'adresse :
http://www.robic.ca. Selon l'auteur
« Les noms de domaine sont ces noms qui identifient l'adresse d'un
ordinateur relié au réseau Internet. Cette adresse peut mener
à différents modes de communications dont notamment un site web
».
L'adresse électronique se divise principalement en deux
parties : l'adresse IP (Internet Protocole) et le nom de domaine. La partie
numérique, l'adresse IP, est l'information constituée d'une suite
de quatre chiffres inférieurs à 256, qui est utilisée par
l'ordinateur pour comprendre l'adresse. Il est possible d'accéder
à l'endroit voulu en entrant simplement ces numéros. Cependant,
l'adresse IP est difficile à mémoriser pour l'humain, c'est
pourquoi on y accole un nom de domaine.
Le nom de domaine contient des lettres qui sont habituellement
alignées de façon à leur donner une signification, par
exemple,
www.juripole.fr. Il est
composé de trois parties. La première partie
établit le protocole de communication choisi; par exemple, www est
l'acronyme de World Wide Web, ce qui signifie que cette adresse correspond
à une page web. La deuxième partie du
nom de domaine est son principal élément distinctif. Elle est
composée d'un ensemble de lettres ayant préférablement une
signification.
La troisième partie est le Top
Level Domain (TLD). Ce diminutif sert à catégoriser
l'utilisateur de l'adresse tel que le : (.Com) pour les sites
commerciaux ou privés, (.Org) pour les organisation
internationales. Il existe aussi d'autres types de TLD identifiant le pays
d'origine du nom de domaine tel que le (.tn) pour la Tunisie, le (.fr)
pour la France. Chaque nom de domaine réfère à une seule
adresse numérique et chaque adresse numérique correspond à
une seule source d'information.
Selon Me Alain Bensoussan,1 la marque, signe
distinctif dont on connaît la nature juridique, l'emporte toujours sur le
nom de domaine surtout lorsque ce dernier n'est pas utilisé.
Cependant, la jurisprudence française semble donner au
droit sur le nom de domaine une nature de « droit
d'occupation »2 qui serait opposable dans les limites
de sa spécialité 3 à l'enregistrement, de bonne
foi, d'une marque identique 4 et postérieure.
Si, en France, une telle construction jurisprudentielle tend
à se confirmer, il est difficile d'admettre sa transposition en Tunisie
surtout qu'en l'état actuel du droit et de la jurisprudence, les noms de
domaine ne peuvent faire le poids face à la marque. Néanmoins, il
semble équitable d'admettre la possibilité d'annuler
l'enregistrement d'une marque s'il est démontré que celui-ci a
été obtenu frauduleusement afin de désigner des produits
ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels un nom de
domaine antérieur a été enregistré.
En l'état actuel du droit tunisien, une protection
efficace du nom de domaine reposera certainement sur l'existence d'une marque
antérieure car le nom de domaine enregistré n'est pas opposable
du moment qu'il ne fait pas l'objet d'une publication officielle, du reste, on
se demande si la notification du dépôt d'un nom de domaine le rend
opposable, dans sa spécialité, à titre de droit acquis au
futur déposant d'une marque identique.5
La marque qui porte atteinte à une
antériorité au sens de l'article 5 encoure, selon l'article 32
al. 2 et 3, une nullité absolue peu importe que la nullité touche
la marque pour tout ou partie des objets qu'elle couvre, toutefois, la
nullité ne peut être invoquée que par le titulaire du droit
antérieur en question.6 Par ailleurs, la nullité d'une
marque opère de plein droit sa radiation du registre des marques sans
qu'il soit nécessaire que le juge le précise dans le jugement.
Une fois que le signe choisi répond à toutes ces
conditions relatives au fond, il pourra alors être acquis à titre
de marque conformément aux modalités et aux procédures
prescrites à cet effet par la loi n°36-2001 du 17 avril 2001 et ses
décrets d'application..
Paragraphe 2 : L'acquisition du droit sur la marque :
Conformément au régime juridique issu du
décret du 3 juin 1889, le droit de propriété sur une
marque pouvait s'acquérir simplement par l'usage, ainsi, le droit sur
une marque était perçu comme un droit d'occupation. En effet, la
première personne à avoir utilisé le signe comme marque,
afin de désigner des produits ou services, en devenait par la même
propriétaire.
1 In « Contrefaçon de marques et
usurpation de noms de domaine, où en est la jurisprudence ? »
Conférence organisée par l'A.FNIC le 2 février 2001,
disponible à l'adresse : http : //
www.nic.fr. L'A.FNIC est l'organisme
chargée en France de la gestion et de l'octroi des noms de domaines sur
le Top Level Domain (.fr).
2 TGI, Lille, ord. Réf., 10 juillet 2001,
cité par Brunot (V) et Haas (M-E) : « Le droit sur le nom de
domaine : vers un droit d'occupation... » Gaz. Pal du samedi 13 juillet
2002, p. 1131. Le tribunal affirme « Qu'à la différence d'un
droit de marque qui, pour être valable, suppose que l'expression choisie
soit distinctive par rapport aux produits et services visés, le droit
sur le nom de domaine est un droit d'occupation, régi par la
règle du premier arrivé, premier servi, sauf en cas de faute
».
3 Un nom de domaine a été reconnu opposable
à une marque antérieure et identique par application du principe
de la spécialité des marques. Voir en ce sens : TGI, Angers 6 mai
2003 ; Affaire « Distrib » publiée sur
www.droit-ntic.com/news.
4 T.G.I. Le Mans, 1ère ch., 29 juin
1999. Affaire : Microcaz c/ Océnat, publiée sur l'adresse :
www.juriscom.net
5 Raisonnablement, la réponse par l'affirmative
s'impose compte tenu du caractère énonciatif de la liste de
l'article 5.
6 La nullité ne peut être invoquée
par le ministère public sur la base de l'article 5, pourtant
l'intérêt général la motive.
Etant facultatif, le dépôt se limitait à
un effet déclaratif du droit sur la marque tout en accordant à
son auteur la protection pénale des marques déposées que
prévoyait le décret de 1889. En outre, le dépôt
permettait la pérennité des droits privatifs sur la marque peu
importe qu'elle soit exploitée ou non.
A la différence du décret de 1889, la loi
n°36-2001 semble imprégner le droit tunisien des marques d'un
caractère formaliste. Dorénavant, exception faites des marques
notoires, l'usage importera peu quant à l'acquisition du droit à
la marque du moment que l'article 6 dispose en termes clairs que «
La propriété de la marque s'acquiert par
l'enregistrement ».
Ceci étant, l'enregistrement se présente comme
une opération complexe qui commence par l'acte de dépôt de
la demande pour finir par l'inscription de la marque sur le registre national
des marques après l'écoulement de la période
d'opposition.
-A- Le dépôt de la demande d'enregistrement
:
Le dépôt est l'acte par lequel, une personne
demande à l'organisme chargé de la propriété
industrielle, en l'occurrence l'I.NNORPI, d'enregistrer à titre de
marque un signe déterminé, servant à désigner un ou
plusieurs produits ou services, afin qu'elle en devienne le
propriétaire.
Un même dépôt ne peut concerner qu'une
seule marque selon l'article premier al. 2 du décret n° 2001-1603
du 11 juillet 2001,1 cependant, un seul dépôt peut
désigner plusieurs produits ou services selon l'article 3 du même
décret. Concernant la personne pour le compte de laquelle le
dépôt est effectué, il peut s'agir d'une ou plusieurs
personnes physiques ou morales, toutefois, rien n'empêche des personnes
tels que les associations ou les personnes publiques, de déposer des
marques.
La représentation 2 par un mandataire
domicilié en Tunisie devient obligatoire pour le déposant
domicilié à étranger et en cas de pluralité de
déposants pour une seule demande. La demande d'enregistrement est
soumise à plusieurs conditions de forme, l'inobservation de ces
conditions donne lieu, selon les alinéas 5 et 6 de l'article 8, au rejet
de la demande en tout ou en partie.
En application de l'article 8 de la loi n°36-2001, le
décret n°2001-1603, dans son article premier, soumet la
validité de la demande à la présentation d'un dossier
comportant une demande rédigée suivant un formulaire
établi par l'I.NNORPI.
La dite demande doit préciser l'identité du
déposant et son adresse, le modèle de la marque consistant en sa
représentation graphique, les produits ou services auxquels elle
s'applique ainsi que leurs classes 3 correspondantes, la
justification du droit de
1 Fixant les modalités d'enregistrement et d'opposition
à l'enregistrement des marques de fabriques, de commerce et de services
et les modalités d'inscription sur le registre national des marques.
JORT n°58 du 20 juillet 2001, p. 1774.
2 Sauf stipulations contraires, le pouvoir du mandataire
s'étend à toutes les opérations affectant la marque
à l'exclusion de la renonciation et du retrait, là où un
pouvoir spécial doit être joint à la demande selon
l'article 7 al.4.
3 Sur la base de l'une des 45 classes
établies par l'arrangement de Nice relatif à la classification
internationale des produits et des services en matière de
dépôt de marque. Quoi que signé par la Tunisie, cet
arrangement pose le problème de son applicabilité en l'absence
d'un texte qui donne à l'adoption d'un classement les effets
correspondants en terme d'étendue de protection. Voir en ce sens, TOUMI
(F) : « La propriété industrielle en Tunisie et les
conventions internationales » (En arabe) Etudes Juridiques 2002. n°9.
Faculté de Droit de Sfax. p. 278.
priorité 1 pour celui qui le revendique, la
justification du paiement des redevances prescrites, le pouvoir du mandataire
s'il en est constitué, la justification de l'usage si le
caractère distinctif du signe déposé a été
acquis par l'usage, la preuve de l'enregistrement de la marque dans le pays
d'origine ou de l'établissement.
En outre, la preuve de la réciprocité de la
protection accordée aux marques tunisiennes doit être
rapportée par le déposant étranger non domicilié et
non établi sur le territoire tunisien.
Enfin, le déposant doit justifier l'acquittement de la
redevance prescrite à cet effet telle que prévue par le
décret n°2001-1934 du 14 août 2001, fixant le montant des
redevances afférentes aux marques.
A la réception du dépôt, l'I.NNORPI remet
au déposant un récépissé, elle doit en outre
mentionner sur la demande d'enregistrement le numéro du
dépôt ainsi que sa date qui revêt une importance
particulière puisque c'est à partir de cette date que
l'enregistrement produit ses effets, en terme de protection de la marque, pour
une durée de dix ans indéfiniment renouvelable
conformément à l'article 6 al.3 de la loi n°36-2001.
Selon l'article 8 al.2, tout dépôt de marque
donne lieu à une vérification de l'aptitude du signe
proposé à constituer une marque au sens des articles 2, 3 et 4 de
la loi n°36-2001. En pratique, cet examen préalable s'est
révélé inefficace à plus d'un titre et notamment
pour son manque de rigueur 2 et son caractère complaisant.
3 Par ailleurs, la loi permet la régularisation des demandes
non conformes dans le mois qui suit la notification faite par l'I.NNORPI en ce
sens.
-B- La publication du dépôt :
Tout dépôt reconnu recevable est publié au
bulletin officiel de l'I.NNORPI dans un délai maximum de douze mois
à partir de la date du dépôt. Durant les deux mois suivant
la publication de la demande, les personnes visées à l'article 11
de la loi du 17 avril 2001, peuvent s'opposer, suivant les conditions de
l'article 3 du décret n°2001-1603 du 11 juillet 2001, à
l'enregistrement qui porte atteinte à leurs droits antérieurs.
L'opposition est instruite par l'I.NNORPI 4 qui
tentera de concilier les deux parties. Une fois la procédure
d'opposition est clôturée, l'inscription au registre national des
marques devient possible.
1 Le droit de priorité est reconnu, sous certaines
conditions, aux ressortissants des Etats signataires de la Convention de Paris.
Il permet au déposant étranger de bénéficier, en
Tunisie, d'un droit de priorité à l'enregistrement sur une marque
déjà enregistrée dans le pays du déposant d'origine
ou dans tout autre état unioniste, sous réserve de
réciprocité. Selon l'article 2 de la Convention de Paris, le
délai de priorité est de six mois à compter de la date du
dépôt ou de l'enregistrement la marque.
2 Sur la base de nombreux litiges concernant les
marques, on s'aperçoit que l'on peut tout enregistrer auprès de
l'I.NNORPI et notamment une marque identique à une autre
déjà enregistrée pour les mêmes produits et
services, une marque notoire ou encore une marque dont
l'irrégularité au fond se révèle choquante,
l'examen au fond fait par l'I.NNORPI témoigne d'une rapidité et
d'un manque de rigueur de manière à se douter de sa
crédibilité.
3 La rapidité de l'obtention d'un
enregistrement de marque en Tunisie a fait d'elle, à une époque
donnée, la première destination des «
cybersquatters » canadiens et américains
qui procèdent à l'enregistrement de marques appartenant à
des tiers auprès de juridictions étrangères, rapides et
complaisantes comme l'I.NNORPI pour finir par pratiquer le chantage en
matière des noms de domaine correspondant à ces marques en vue de
les vendre plus cher à leur légitime propriétaire. Voir en
ce sens, Deschamps-Marquis (M-H) : Art-précité, publié sur
(
www.robic.ca). Une telle
réputation n'encouragera certainement pas les investisseurs
étrangers à déposer leurs marques en Tunisie du moment
qu'ils ne sont pas certains que leurs droits de marque seront
protégés. Ceci nuira considérablement à la
poursuite de la politique tunisienne d'incitation de l'investissement.
4 Conformément aux procédures des
articles 4 et 5 du même décret.
-C- L'inscription au registre national des marques :
L'inscription au registre national des marques est la
dernière étape du processus de l'enregistrement de la marque.
Cette inscription fera l'objet d'une publication dans le bulletin mensuel
officiel de l'I.NNORPI (MOUWASSAFAT) durant les douze mois
suivant la date du dépôt, le tout moyennant le paiement des
redevances prescrites.
L'accomplissement de toutes ces formalités permet au
déposant d'obtenir un certificat d'enregistrement de la marque qui lui
servira de véritable titre de propriété sur la marque pour
les produits et services qu'il a désignés lors du
dépôt.
Il est à noter que l'admission d'une marque à
l'enregistrement ne certifie pas sa validité au fond et ce pour deux
raisons. En premier lieu, l'I.NNORPI ne procède qu'à un examen
incomplet du moment qu'il ne vérifie pas la nouveauté de la
marque, d'autant plus que son appréciation de la validité au sens
des articles 2, 3 et 4 n'a point l'autorité de la chose jugée.
En second lieu, la loi permet sous certaines conditions de
contester aussi bien, la validité de la marque à travers une
action en nullité au sens de l'article 33, ainsi que la validité
de l'enregistrement par le biais d'une action en revendication au sens de
l'article 15 de la loi n°36- 2001 afin de récupérer
le droit sur la marque usurpée par un dépôt frauduleux
1 ou obtenu en violation d'une obligation légale ou
conventionnelle.
L'action en revendication se prescrit par trois ans à
compter de la date de publication de l'enregistrement à moins que le
déposant ne soit de mauvaise foi, dans ce cas, la demande de la
radiation de la marque sera toujours recevable en dehors de tout
délai.
Au sujet de l'indifférence des délais relatifs
à l'action en revendication en cas de dépôt frauduleux ou
de mauvaise foi, on peut légitimement s'interroger sur l'admission du
propriétaire légitime de la marque à invoquer ses droits
après l'écoulement d'une période de quinze ans à
compter de la date du dépôt frauduleux.
L'article 402 du code des obligations et des contrats, droit
commun de prescription extinctive, dispose que « toutes les
actions qui naissent d'une obligation sont prescrites par quinze ans, sauf les
exceptions ci-après et celles qui sont déterminées par la
loi dans les cas particuliers ».
Confirmée par l'article 115 al. 2 du C.O.C relatif
à la prescription de l'action en responsabilité civile en
matière délictuelle, la règle générale de
l'article 402 s'oppose en principe à la pérennité de
l'action en revendication peu importe que la faute sur laquelle se base
l'action soit d'origine délictuelle ou contractuelle.
Par ailleurs, la loi n°36-2001 ne peut déroger au
droit commun que dans la mesure où elle fixe un délai
déterminé qui soit inférieur ou supérieur à
celui prescrit par l'article 402 C.O.C. Or, l'article 15 2 de la loi
n°36-2001 ne prévoit aucun délai en ce sens.
1 Sur les modalités du dépôt frauduleux,
voir CA, Tunis, arrêt n°83724 du 6 février 2002. (non
publié) voir annexe n°4 ; CA, Tunis, arrêt n° 60 537 du
16 février 2000. Voir annexe n°5. Sur la recevabilité de
l'action en revendication de la marque enregistrée frauduleusement voir,
CA, Tunis arrêt n°2703 du 11 avril 2000, voir annexe n°6. Dans
cet arrêt la cour a mis en oeuvre la règle de
l'indifférence des délais du recours en annulation à
l'égard d'un dépôt de marque obtenu frauduleusement.
2 L'article 15 alinéa 2 est ainsi
formulé : « à moins que le déposant ne soit de
mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par trois ans à
compter de la date de publication de l'enregistrement ».
De même, on peut estimer que l'imprescriptibilité
de l'action en revendication contredit directement l'esprit du principe
général du droit édicté par l'article 560 C.O.C
selon lequel « en principe, chacun est présumé libre
de toute obligation jusqu'à preuve du contraire ».
Ceci dit, si le principe est que l'on est libre de toute
obligation, l'exception serait donc que l'on soit tenu par une obligation qui
n'est jamais présumée ni éternelle. Or, si l'action en
revendication demeure ouverte à tout jamais, le déposant de
mauvaise foi demeurera indéfiniment débiteur de l'obligation de
restituer la marque à son légitime propriétaire
et c'est justement là où l'imprescriptibilité de l'action
en revendication contredit l'article 560 C.O.C.1
Ainsi et afin de préserver la sécurité
des situations juridiques, il semble opportun d'appliquer l'article 402 C.O.C
à la prescription de l'action en revendication du dépôt
frauduleux de marque.
On note enfin qu'une « Exception est
apportée à la règle, selon laquelle l `enregistrement est
seul constitutif du droit sur la marque. Cette exception
bénéficie à la marque, qui est notoire
».2 La protection renforcée de la marque notoire
3 est due en raison de sa seule notoriété qui se
substitue à l'exigence de l `enregistrement. Cette protection est
établie en droit conventionnel des marques par l'article 6 Bis de la
Convention d'Union de Paris.
Concernant l'inobservation des conditions de forme, la seule
sanction prévue dans la loi n°36-2001 est celle du rejet de la
demande d'enregistrement, bien entendu, l'appréciation de
l'irrégularité revient à l'I.NNORPI sur la base des
conditions objectives prévues par la loi.
Selon l'article 8, le rejet est la sanction qui frappe la
demande d'enregistrement incomplète et qui n'a pas fait l'objet d'une
régularisation dans les délais prescrits à cet effet,
cependant, « Lorsque les motifs de rejet n'affectent la demande
d'enregistrement qu'en partie, il n'est procédé qu'à son
rejet partiel », du reste, le dépôt sera reconnu
valable. A ce stade, la question qui se pose est celle de savoir quels sont les
motifs du rejet partiel ?
La réponse n'est pas fournie ni par la loi
n°36-2001 ni dans le décret n°2001-1603 du 11 juillet 2001.
Ainsi, la détermination de ces motifs semble relever du pouvoir
d'appréciation de l'I.NNORPI, néanmoins, « s'il
s'agit de mentions substantielles déterminant l'étendue des
droits du déposant, les tiers s'en tiendront alors à ce qui a
été réellement enregistré ». 4
Sur la base de tous ces développements, on constate que
la constitution d'une marque valable est une opération complexe et
soumise à de multiples conditions de fond et de forme.
Si l'on a insisté sur l'importance capitale du respect
de ces conditions de validité, c'est parce que, seule une marque valable
permet à son titulaire de se prévaloir de la protection
renforcée qu'accorde le droit des marques. Mieux encore, la
contrefaçon n'est qualifiée comme telle que parce qu'elle
constitue une atteinte aux droits conférés par l'enregistrement
d'une marque valable.
Par ailleurs, pour se prévaloir utilement de la
protection accordée par la loi, il ne suffit pas que la marque soit
valable, encore faut-il que les droits qui s'y rattachent demeurent opposables
aux tiers.
1 Le texte arabe de l'article 560 C.O.C semble plus
explicite que le texte français dans la mesure où il
évoque la présomption du caractère indemne, sain ou intact
du patrimoine.
2 MATHELY (P) : « Le nouveau droit
français des marques » éditions J.N.A. 1994. p. 157.
3 Concernant la définition et le régime
juridique de la marque notoire, voir infra. P. 65 et sui.
4 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit.
n°1061, p. 612.
Section 2 : L'opposabilité du droit sur la
marque
La marque que l'on peut défendre contre un acte de
contrefaçon n'est pas seulement valable, c'est encore, une marque dont
le propriétaire est en mesure de faire prévaloir la
plénitude de ses droits à l'égard des tiers, car bien que
le monopole sur la marque soit constitué, il existe un certain nombre de
comportements ou d'attitudes de la part du propriétaire qui peuvent
vider le droit privatif sur la marque de son objet.
Sans les qualifier de causes d'inopposabilité, la loi
des marques reconnaît trois situations qui, une fois intervenues, auront
pour effet de rendre les droits du propriétaire de la marque, en fait,
inopposables sur le terrain du droit des marques. Ces causes
d'inopposabilité se ramènent soit à la volonté du
propriétaire de la marque soit à une faute ou une
négligence qui lui est imputable.
Dans le premier cas on parlera soit de retrait (
paragraphe I ) soit de renonciation ( paragraphe
II) du propriétaire à ses droits en tout ou en partie.
Quant au second cas, on parlera de la déchéance
(paragraphe III) du droit sur la marque soit pour
défaut d'exploitation, dégénérescence soit enfin
pour déceptivité du signe constitutif de la marque.
Paragraphe 1 : Le retrait de la demande d'enregistrement de
la marque
On entend par retrait, l'acte, constaté par
écrit, en vertu duquel le titulaire d'une demande d'enregistrement de
marque manifeste sa volonté de retirer sa demande pour tout ou partie
des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé.
Dans le cas où la demande a été
déposée par plusieurs personnes, elle ne peut être
retirée que par l'ensemble des déposants ou par une personne
mandatée à cet effet, de même la loi exige le consentement,
constaté par écrit, de toutes les personnes qui ont pu
bénéficier d'un droit de gage ou d'exploitation
concédé par le titulaire de la demande d'enregistrement.
Une fois intervenu, le retrait a pour effet d'ôter
à la demande d'enregistrement toute existence pour l'avenir, ainsi, les
droits qui découlent de l'enregistrement cesseront d'exister et
d'être opposables aux tiers en tout ou en partie suivant l'étendue
du retrait. C'est pourquoi, la détermination de la date à
laquelle le retrait produit ses effets revêt une importance capitale.
Toutefois, à la lecture de l'article 30 de la loi
n°36-2001, on s'aperçoit qu'il se limite à exiger
l'intervention du retrait avant la délivrance de la marque sans pour
autant déterminer la date à laquelle le retrait prend effet, or
le terme délivrance ne renvoi pas à une date précise ou
à un acte spécifique. Néanmoins, il semble qu'il s'agit,
au sens de l'article 13 alinéa 2, du certificat d'enregistrement
délivré au déposant par l'I.N.N.O.R.P.I.
Ainsi, et en l'absence d'une date précise, on dira que
le retrait prend effet normalement à la date de réception de la
déclaration par l'I.NNORPI. Par ailleurs, si l'on admet que le retrait
n'opère que pour l'avenir, on peut se demander si, durant la
période qui se situe entre le dépôt et le retrait de la
demande, le déposant serait admis à défendre ses droits
sur la marque ?
Selon l'article 6 al.2 de la loi n°36-2001,
l'enregistrement de la marque produit ses effets à compter de la date du
dépôt de la demande, ainsi, le droit de propriété
sur la marque est réputé naître dès le
dépôt.
Toutefois, le dépôt ne permet pas, en principe,
à son titulaire de se prévaloir de la protection accordée
par la loi des marques 1 car d'après l'article 45 de la loi
n°36-2001, « Ne peuvent être considérés
comme ayant porté atteinte aux droits attachés à une
marque, les faits antérieurs à la publication de la demande
d'enregistrement de cette marque ».
Il est clair donc que c'est à partir de la publication
de la demande d'enregistrement que les droits sur la marque deviennent
opposables aux tiers, ainsi et à compter de cette date, peuvent
être poursuivies et sanctionnées à titre de
contrefaçon, toutes les atteintes perpétrées aux droits
conférés par l'enregistrement.
Une telle protection basée seulement sur la publication
d'une demande d'enregistrement, témoigne sans doute de la rigueur du
droit des marques qui préserve les droits du déposant même
durant la courte période de temps qui se situe entre la publication de
la demande et la déclaration de son retrait.
Mieux encore, l'article 45 al.2, permet au déposant de
constituer un présumé contrefacteur de mauvaise foi par le biais
de la notification d'une copie de la demande d'enregistrement. En agissant de
la sorte, le déposant pourra se prémunir rapidement des
agissements d'un contrefacteur potentiel juste après le
dépôt de la marque.
La célérité de cette technique de
protection anticipée permet de renforcer la défense de la marque
durant la période qui se situe entre la date du dépôt et
celle de sa publication surtout que cette période risque de durer au
plus tard douze mois selon l'article 9 de la loi n°36- 2001.
Au même titre que le retrait, la renonciation ôte aux
droits sur la marque leur opposabilité.
Paragraphe 2 : La renonciation aux effets de
l'enregistrement
La renonciation, selon l'article 31 de la loi du 17 avril
2001, consiste pour le propriétaire d'une marque enregistrée
à renoncer aux effets de l'enregistrement pour tout ou partie des
produits ou services pour lesquels s'applique la marque.
A la différence du retrait, la renonciation est
l'oeuvre du propriétaire d'une marque enregistrée, elle
intervient normalement après que l'enregistrement serait inscrit au
registre national des marques et elle n'opère que pour l'avenir afin de
préserver les droits que les tiers ont pu acquérir sur la marque
dans le passé.
A ce stade une précision de taille s'impose, selon
l'article 31 la renonciation porte sur les effets de l'enregistrement de la
marque et non pas sur l'enregistrement lui-même, ainsi, la marque reste
valable quelle que soit l'étendue de la renonciation. L'effet de la
renonciation se limite donc à rendre la marque inopposable aux tiers sur
le terrain de la loi des marques, du reste, la marque pourra être
protégée en vertu des règles de la responsabilité
civile pour faute.
Contrairement au retrait, la renonciation peut être
explicite ou tacite. En pratique, elle intervient souvent d'une manière
tacite à travers le défaut de renouvellement de l'enregistrement
de la marque, ainsi, il importera peu que la marque soit encore
exploitée car le propriétaire a déjà renoncé
au support juridique de son droit sur la marque.
Toutefois, le renouvellement de l'enregistrement peut
être partiel dans le sens où il peut porter seulement sur certains
objets pour lesquels la marque a été enregistrée, on dira
alors que le propriétaire a tacitement renoncé à ses
droits sur les autres objets désignés par la marque et qui ne
figurent pas sur la demande de renouvellement.
Ceci étant, il est de droit que la renonciation ne se
présume pas car « La simple tolérance, même de
longue durée, de marques contrefaisantes ne saurait davantage
s'interpréter comme une renonciation au droit sur la marque
».1
On note enfin que la renonciation à la marque pour
cause de défaut de renouvellement de l'enregistrement, n'était
pas concevable sous l'empire du décret du 3 juin 1889, car tant que la
marque était exploitée à la date d'expiration des effets
de l'enregistrement, on ne pouvait retenir la renonciation, puisque l'usage
était apte à combler le défaut de renouvellement.
Ce régime n'a plus raison d'être dans la loi
n°36-200 1 vu qu'elle a subordonné la protection de la marque
à l'enregistrement. Quant à la pérennité de la
protection, elle est subordonnée, selon l'article 16 al.2, au
renouvellement du dépôt.
Si dans les cas du retrait et de la renonciation, la perte du
droit sur la marque se ramène à un acte de volonté,
celle-ci n'est pas toujours la cause déterminante de l'extinction des
droits sur la marque, car la perte des droits peut être retenue à
titre de sanction à l'encontre d'une faute du propriétaire, c'est
le cas de la déchéance au sens des articles 34 et 36 de la loi
n°36-2001.
Paragraphe 3 : La déchéance des droits sur la
marque
Une fois que la marque est enregistrée, le
propriétaire voit la persistance de son droit sur la marque
subordonnée au respect de certaines obligations dont le non-respect est
sanctionné au sens de la loi n°36-2001 par la
déchéance des droits sur la marque.
La déchéance, selon l'article 35, est
prononcée par le juge suite à une demande formulée par
toute personne intéressée que ce soit à titre principal ou
reconventionnel, c'est dire qu'elle ne joue pas de plein droit. Ainsi, toute
marque demeure opposable aux tiers jusqu'à ce que son titulaire soit
déchu de ses droits par une décision de justice.
La sanction de déchéance est une sanction
particulièrement grave compte tenu de son effet absolu. Une fois
déchu, le propriétaire de la marque se trouve
dépouillé de ses droits et c'est alors qu'il ne sera plus admis
à agir utilement en contrefaçon. Quant à la marque, elle
devient res nullius, et donc susceptible d'appropriation par tout
intéressé.
1 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit.
n°1089, p. 630.
Par ailleurs, on note que le législateur a placé
la déchéance sur le même pied que la nullité tant
sur le plan de son effet absolu que sur celui de son étendue qui peut
être partiel ou total selon qu'il touche tout ou partie des produits ou
services pour lesquels la marque a été enregistrée.
D'après les articles 34 et 36 de la loi du 17 avril
2001, on constate que le législateur frappe par la
déchéance le propriétaire de la marque qui oppose son
inertie face à trois obligations de faire. En effet, encoure la
déchéance, le propriétaire qui n'exploite pas sa marque
(A) ainsi que celui qui en fait d'elle un usage de manière à la
rendre déceptive (B) ou usuelle (C).
-A- La déchéance pour défaut
d'exploitation de la marque :
Sous l'empire du décret de 1889, ce type de
déchéance n'avait pas de raison d'être car il suffisait
à l'intéressé d'exploiter la marque pour en
acquérir la propriété ou encore l'enregistrer pour en
revendiquer la propriété exclusive sans pour autant avoir
à l'exploiter obligatoirement. Sur la base d'un tel régime, le
propriétaire de la marque pouvait conserver son droit grâce au
renouvellement du dépôt, alors même qu'il n'a jamais
exploité la marque.
Avec la loi n°36-2001, l'exploitation de la marque a
regagné d'intérêt puisqu'elle pèse en tant
qu'obligation sur le propriétaire. En effet, il n'y a aucune raison
à reconnaître perpétuellement un monopole légal sur
une marque qui n'est même pas exploité car « La
marque n'est pas un signe pris en lui-même : c'est un signe pris dans son
application à des produits ou à des services, et dans la fonction
de les désigner en référence à leur origine. Or la
marque ne se réalise que par l'usage qui en est fait. Une marque
non-exploitée n'exerce pas la fonction qui est la sienne ; Par
conséquent elle cesse en vérité d'être une marque,
au sens juridique et économique du mot ».1
Conformément à ses engagements
internationaux,2 le législateur tunisien a entouré la
déchéance de garde-fous, en ce sens, tout en retenant l'exception
de juste motif, la loi n°36-2001 subordonne la déchéance
pour défaut d'exploitation à plusieurs conditions.
En effet, le titulaire de la marque peut invoquer un juste
motif afin d'éviter la sanction de la déchéance. Bien
qu'il ne soit pas définit dans l'article 34 al, le juste motif s'entend,
au sens de l'article 19 de l'accord ADPIC, de toutes «
circonstances indépendantes de la volonté du titulaire de la
marque qui constituent un obstacle à l'usage de la marque, par exemple
des restrictions à l'importation ou autres prescriptions des pouvoirs
publics visant les produits ou les services protégés par la
marque». Bien évidement, il revient au juge
d'apprécier la justesse du motif susceptible d'exonérer le
propriétaire de la sanction de déchéance.
Concernant la période de non-usage après
laquelle la déchéance pourra être retenue, elle est
fixée à cinq ans selon l'article 34. Par ailleurs, au sens de
l'alinéa 3 du même article, la déchéance pour
défaut d'exploitation ne peut être invoquée à
l'encontre d'une marque qui a fait l'objet d'un commencement ou d'une reprise
d'usage sérieux, il est donc indispensable que la durée de non-
exploitation s'étale d'une manière ininterrompue pendant cinq
ans.
1- MATHELY (P): op. cit. p. 243.
2 Conformément à l'article 5-C-1 de
la Convention d'Union de Paris, « L'enregistrement ne pourra être
annulé qu'après un délai équitable et si
l'intéressé ne justifie pas des causes de son inaction ».
Dans le même ordre d'idée, l'accord sur les ADPIC dans son article
19 ordonne aux états signataires de subordonner la radiation de
l'enregistrement à l'écoulement d'une « période
ininterrompue de non-usage d'au moins trois ans, à moins que le
titulaire de la marque ne donne des raisons valables reposant sur l'existence
d'obstacles à un tel usage ».
Toutefois, l'article 34 al. 2 ne compte sauver de la
déchéance que la marque ayant fait l'objet d'une exploitation
sérieuse du même ordre que les exemples qu'il cite à titre
indicatif.
Il est à noter que l'article 34 al. 4 n'admet pas le
caractère sérieux de l'usage entrepris dans les trois mois
précédant la présentation de la demande de
déchéance car un tel usage dans cette période
suspecte tend manifestement à frauder la sanction de la
déchéance.
Par ailleurs, au terme de l'article 34 al. 3, le décompte
de la période de non-exploitation de cinq ans commence à partir
du jour de la présentation de la demande de déchéance.
Néanmoins, il est une situation intéressante
à envisager, il s'agit en effet de la demande de déchéance
d'une marque enregistrée depuis cinq ans et qui n'a jamais
été exploitée, dans ce cas, les délais
commenceront-ils à courir à partir de la date du
dépôt ou de la date de la publication de l'enregistrement de la
marque ?
Il semble opportun d'adopter la date de publication de
l'enregistrement de la marque comme point de repère car c'est à
cette date là -et non pas à celle du
dépôt-1 que les tiers, y compris le demandeur en
déchéance, seront informés de l'existence de la marque.
En définitive, si le titulaire de la marque objet d'une
demande en déchéance ne parvient pas à prouver par tous
les moyens une exploitation propre à éviter la sanction, le
tribunal prononcera alors la déchéance avec un effet absolu. Par
ailleurs, la déchéance prend effet à partir de la date de
l'expiration du délai de cinq ans conformément à l'article
35 alinéa 3.
Toutefois, la perte des droits ne sera que partielle lorsque
la déchéance est retenue pour certains produits ou services
à l'exclusion des autres pour lesquels la marque a été
enregistrée, ainsi, la marque demeure opposable aux tiers pour les
produits non concernés par la déchéance.
Par ailleurs, tant que la marque n'a pas été
enregistrée par un tiers, le propriétaire déchu pourra
alors utilement l'exploiter et l'enregistrer à nouveau pour son propre
compte.
-B- La déchéance de la marque devenue
déceptive :
Si l'adoption d'un signe propre à induire le public en
erreur se trouve prohibée au moment de l'enregistrement de la marque,
cette interdiction joue aussi lors de l'exploitation de la marque si cette
dernière est devenue trompeuse.
Au sens de l'article 36 (b), une marque devient trompeuse si
-suite à l'usage qui en est fait par le
propriétaire ou avec son consentement- elle risque
d'induire le public en erreur notamment sur la nature, la qualité ou la
provenance géographique du produit ou du service. A contrario, l'article
36 (b) semble créer à la charge du propriétaire une
obligation d'exploiter la marque de manière à ce qu'elle ne
devienne pas trompeuse, ainsi, le non-respect d'une telle obligation se trouve
sanctionné par la déchéance des droits sur la marque.
Etant donné qu'elle ne se présume pas, il revient
au juge de prononcer la déchéance une fois ses deux conditions
cumulatives sont réunies. Par ailleurs, l'appréciation de la
déceptivité de la
1 Outre les risques financiers qu'encoure le
déposant, il serait périlleux de s'aventurer à exploiter
une marque dès son dépôt car il est toujours possible que
la demande soit rejetée, qu'un tiers s'y oppose ou revendique la
propriété de la marque ou encore demande l'annulation de
l`enregistrement.
marque est une question de fait qui relève du pouvoir
discrétionnaire du juge, il incombe donc au demandeur de rapporter la
preuve, par tous les moyens, que la marque est devenue en
fait propre à induire le public en erreur.
Le caractère trompeur ne doit pas être
intrinsèque à la marque car dans ce cas elle encoure la
nullité, il doit donc résulter de l'usage que l'on fait de la
marque. En effet, il arrive qu'une marque laisse entendre garantir une
qualité certaine 1 ou une origine géographique
notoire, une telle marque n'est pas blâmable si le produit qu'elle couvre
renferme de telles qualités.
Par contre, s'il est démontré que suite à
l'usage qui en est fait, la marque ne couvre plus des produits de la
qualité qu'elle prétend garantir ou si l'élément
géographique qu'elle évoque ne coïncide plus à
l'origine des produits, le propriétaire encourra alors la
déchéance si la marque est devenue propre à induire le
public en erreur.
Il semble, toutefois, que le changement des conditions de
l'exploitation de la marque, qu'il soit frauduleux ou non, n'induit pas
nécessairement le public en erreur, néanmoins, il suffit au
demandeur en déchéance de prouver que la marque est devenue, au
sens de l'article 36, trompeuse aux yeux du public sans avoir à prouver
une quelconque intention frauduleuse.
Par ailleurs, la déchéance peut être
invoquée à l'encontre d'une exploitation consentie par le
propriétaire de la marque, il peut s'agir de l'usage déceptif
entrepris par un licencié ou encore par le nouvel acquéreur de la
marque.
Concernant le volet procédural de la
déchéance d'une marque devenue trompeuse, en l'absence de
dispositions spéciales en ce sens, il semble nécessaire d'en
« déduire que certaines des règles posées
pour la déchéance pour défaut d'exploitation pourront
s'appliquer, par analogie ».2
Ainsi, on doit admettre que tout intéressé peut
invoquer cette déchéance, qu'elle peut être partielle et
qu'une fois prononcée, elle a un effet absolu. Toutefois, l'analogie
avec les articles 34 et 35 devient inutile s'agissant de la date à
partir de laquelle la déchéance prend effet. Il est
préférable donc que le législateur intervienne pour
combler cette lacune.
En France, sur la base d'un l'article similaire,3
la jurisprudence et la doctrine ont convenu à faire partir la
déchéance de la date de la demande.
-C- La déchéance de la marque devenue usuelle
:
Selon l'article 36, « Le titulaire d'une marque peut
être déchu de ses droits :
a) Lorsque la marque est devenue de son fait la
désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service.
»
Dans cet article, le législateur répond par la
négative à la question suivante : doit-on tolérer
l'existence d'une marque qui a cessé d'être distinctive pour
devenir usuelle par le fait de son titulaire ? La solution semble a priori
heureuse.4
1 La déceptivité de la marque ne découle pas
forcément de la dégradation de la qualité du produit
qu'elle couvre car, au sens du droit des marques, elle n'est censée
garantir une qualité constante, à l'exception des marques de
certification.
2 POLLAUD- DULIAN (F) : op. Cit. N°1289.
p.601.
3 Il s'agit de l'article L 714-6 du C.P.I
français. Cet article est l'équivalent de l'article 36 (b) de la
loi n°36-2001.
4 La déchéance de la marque devenue
usuelle ne semble pas accueillir l'approbation de M. POLLAUD- DULIAN qui la
considère comme «discutable» du moins pour son
incompatibilité avec les principes du droit civil en relation avec le
droit de la propriété, voir en ce sens : POLLAUD- DULIAN (F) :
op. Cit. N°1293.
En effet, si la marque doit être, sous peine de
nullité, distinctive au moment de sa création, il importe
à son titulaire de veiller à ce qu'elle demeure ainsi au cours de
son exploitation, sinon elle perd sa substance et il n'y aura plus de raison
à reconnaître à son propriétaire des droits
exclusifs susceptibles d'être protégés par la loi des
marques, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'article 36 frappe par la
déchéance le titulaire d'une telle marque.
Telle qu'elle est prévue dans l'article 36, la
déchéance est encourue lorsque, postérieurement à
son enregistrement, la marque est devenue usuelle (1) dans le commerce du
produit ou du service désigné (2) par le fait du
propriétaire de la marque (3).
Le caractère usuel de la marque :
Le problème concerne une marque qui, au lieu de
distinguer les produits ou les services d'un commerçant, se confond ou
s'identifie au produit ou au service lui-même.
Désormais, une telle marque ne poursuit plus la
fonction de rattachement du produit à son origine, car elle tend
à désigner indifféremment tous les produits de la
même catégorie, ainsi, le signe constituant la marque cesse aux
yeux du public d'être perçu comme une marque pour devenir le nom
commun du produit ou du service en question.
Le caractère usuel de la marque découle souvent
de sa notoriété excessive, de son usage largement
généralisé ou encore du fait qu'elle est constituée
d'un néologisme appliqué à un nouveau produit. Tel est le
cas des marques : Tergal, Alpaga et Dentelle
pour des tissus, Frigidaire pour les
réfrigérateurs, Bic pour le stylo-bille,
Pédalo pour des engins de plage à
pédales, Vaseline pour de la graisse industrielle,
Alcotest pour des testeurs du taux d'alcool dans le
sang, Bikini pour des maillots deux-pièces, et
OMO, en Tunisie, pour détergent de linge.
Il est à préciser que l'article 36 exige que la
marque soit devenue usuelle, il ne s'agit donc pas d'un risque ou
d'une probabilité, c'est en effet une réalité. Ainsi, le
caractère usuel de la marque doit être existant et
vérifiable au moment où la déchéance est
demandée.
Une marque usuelle dans le commerce :
Selon l'article 36, la marque doit devenir usuelle dans le
commerce du produit ou du service en question. Le mot commerce doit
être entendu dans son sens large qui couvre les professionnels ainsi que
les consommateurs, car une marque ne devient générique que si
elle est perçue comme telle par un large public qui s'empare, par la
même, du signe qui la constitue pour faire de lui le nom commun du
produit.
Bien entendu, le caractère usuel s'apprécie dans
le commerce du produit couvert par la marque, ceci dit, la
déchéance joue exclusivement à l'encontre du
produit ou service pour lequel la marque est devenue effectivement une
désignation usuelle.
-3- Une marque devenue usuelle par le fait de son titulaire
:
Cette solution a le mérite d'être juste, car pour
que l'on puisse admettre le fait de dépouiller le propriétaire de
ses droits, il est nécessaire de retenir contre lui une sorte de
négligence ou d'inertie face à la vulgarisation et à la
détérioration du pouvoir distinctif de sa marque.
La dégénérescence de la marque semble
souvent résulter du fait du public qui, en employant le signe comme
terme générique, opère une sorte d'expropriation
de la marque au profit du langage courant. Dès lors, il serait injuste
de ne pas reconnaître au propriétaire le droit de défendre
sa marque contre un tel usage.
C'est pourquoi, il est appelé à jouer rôle
déterminant afin de sauvegarder le caractère distinctif de sa
marque, toutefois, on ne peut exiger du propriétaire qu'il
procède à une action généralisée
1 et systématique afin de défendre sa marque.
Raisonnablement, il lui suffit souvent d'un communiqué
de presse, d'une compagne publicitaire ou encore plus radicalement entamer des
poursuites en justice contre des personnes ayant fait un usage usuel de la
marque. Peu importe la stratégie adoptée ou même le fait
qu'elle ait été couronnée de succès ou non, le
propriétaire doit manifester le souci de voir le caractère
distinctif de sa marque reconnu et respecté autant que possible.
Parfois, il arrive que l'usage d'une marque soit tellement
généralisé qu'elle devient irrémédiablement
générique par excès de notoriété
malgré les efforts de son propriétaire, dans ce cas, le
caractère générique ou usuel de la marque ne touchera en
rien à la validité de la marque.
Concernant le volet procédural de ce type de
déchéance, en l'absence de dispositions spéciales, on doit
admettre par analogie que les procédures applicables à la
déchéance pour défaut d'exploitation le sont aussi pour la
déchéance de la marque devenue usuelle.
Reste à déterminer la date à laquelle la
déchéance prend effet ? La date de l'introduction de la demande
semble la plus appropriée puisque la date à laquelle la marque
est devenue usuelle ne peut être déterminée avec exactitude
au jour près.
Qu'elle soit prononcée en vertu de l'article 34 ou 36,
la déchéance est encourue par le titulaire actuel de la marque
même s'il venait de l'acquérir car il ne saurait avoir autant de
droits que l'ancien propriétaire, de plus, la marque lui est
transférée dans son état au moment de la cession avec tout
ce qui en découle comme risques.
Pour conclure, il importe de dire que les
développements précédents nous ont permis de cerner
succinctement les caractéristiques que doit revêtir toute marque
propre à être défendue avec succès contre tout
atteinte qui lui est perpétrée par les tiers. En effet, il s'agit
d'une marque enregistrée, valable et opposable.
Toutefois, comme tout droit de propriété, le
droit sur la marque n'est en rien absolu car, d'une part, il n'a de substance
et de portée que celles que lui reconnaît la loi des marques,
d'autre part, la marque n'est protégée par la loi n°36-2001,
que dans la mesure où un tiers porte illégalement atteinte aux
droits exclusifs qui reviennent au propriétaire de la marque en vertu de
l'enregistrement.
1 Il faut reconnaître que la mise au point d'une
stratégie de défense systématique de la marque
nécessite beaucoup de temps et d'argent, ce qui n'est pas toujours
abordable pour les PME. Par contre une telle stratégie devient vitale
quand il s'agit d'une marque notoire car, par son effet d'osmose sur le
public, la notoriété provoque souvent la
dégénérescence.
Chapitre 2 : Les spécificités de
l'atteinte
constitutive de l'acte de contrefaçon
Comme tout droit de propriété, le droit sur la
marque génère au profit de son titulaire un monopole
constitué par des prérogatives exclusives sur la marque, tel que
l'usage et l'apposition de la marque sur les produits. La contre-partie de
l'établissement de telles prérogatives monopolistes se traduit,
naturellement, à l'égard des tiers en terme d'interdictions, car
la reconnaissance du droit exclusif sur la marque porte en elle-même, une
prohibition à l'encontre des tiers.
En effet, sera qualifié d'atteinte aux droits sur la
marque, l'exercice par un tiers de l'une des prérogatives exclusives
reconnues au propriétaire, cette affirmation traduit l'esprit de
l'article 44, lequel intervient pour donner un sens au monopole du
propriétaire vis-à-vis des tiers. Désormais, constitue une
contrefaçon, « Toute atteinte portée aux droits du
propriétaire de la marque »
Sur la base de l'article 44, il s'avère que le terme
« atteinte » est le mot clé dans la définition
de l'acte de contrefaçon, toutefois, on doit noter que le rattachement
de la notion de contrefaçon à la notion d'atteinte semble
réducteur et impropre à mettre en exergue la quintessence
même de la contrefaçon car il est des atteintes qui ne sauraient
rentrer dans la qualification de contrefaçon telles que les diverses
formes d'atteintes à la valeur de la marque.1
Quoi qu'il en soit, l'emploi du terme « atteinte
» dans l'article 44 est symptomatique en ce qu'il suppose d'emblée
le caractère illégal de la contrefaçon, toutefois, si
l'illégalité n'est pas spécifique à la
contrefaçon, il est certain que l'illégalité de l'atteinte
constitutive de contrefaçon renferme bel et bien des
caractéristiques propres.
En effet, l'illégalité de l'acte de
contrefaçon tient, en premier lieu, au fait qu'il intervient sans
l'autorisation du propriétaire de la marque ni même de la loi
(Section 1). Par ailleurs, si le défaut d'autorisation
se présente comme une condition nécessaire, il n'est pas pour
autant suffisant à distinguer la contrefaçon des diverses
atteintes pouvant être perpétrées à la marque, et
c'est là où la deuxième caractéristique de
l'illégalité entre en jeu.
L'illégalité de l'acte de contrefaçon
tient, en second lieu, au fait que l'atteinte incriminée intervient
nécessairement dans les limites objectives du droit de
propriété sur la marque, ces limites rendent, en fait compte au
terrain au-delà duquel le propriétaire de la marque ne pourra
plus défendre ses droits exclusifs sur la base de la loi des marques.
Ainsi, ce n'est qu'en délimitant les contours du
monopole d'exploitation sur la marque, dans ses limites relatives
à la spécialité, la territorialité et la
temporalité, que l'on peut localiser le terrain sur lequel
l'intervention d'un acte de contrefaçon serait possible. Ceci nous
amènera donc à conclure que l'acte de contrefaçon de
marque est spécifiquement une atteinte qui viole la
propriété sur la marque dans sa délimitation
tridimensionnelle. (Section 2)
Section 1 : Le défaut d'autorisation comme
condition d'illégalité
de l'acte de contrefaçon
Selon les articles 22 et 23 de la loi du 17 avril 2001 : «
Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : a) La
reproduction, l'usage, l'apposition d'une marque..... ».
A lire ces articles, on ne peut s'empêcher de remarquer
que « Le législateur porte en tête de
l'énoncé l'élément qu'il veut introduire en premier
dans l'esprit du destinataire »,1 ainsi, on dira que
l'usage du procédé de l'inversion au début de ces
articles, n'est autre qu'une manière de mettre l'accent sur ce que le
législateur considère comme essentiel afin préserver les
droits exclusifs reconnus au propriétaire de la marque.
Toutefois, l'interdiction formulée dans les articles 22
et 23 de la loi n°36-2001, n'est pas absolue puisqu'elle succombe face
à l'autorisation du propriétaire selon les termes mêmes
des-dits articles. Ceci dit, l'exercice par un tiers d'un ou plusieurs droits
qui reviennent au propriétaire sera disqualifié de
contrefaçon s'il intervient dans les limites d'une autorisation
accordée par le titulaire de la marque.2
Ainsi, le défaut d'autorisation s'apparente à
une condition nécessaire pour que l'on puisse qualifier de
contrefaçon l'exploitation de la marque faite par une personne autre que
son propriétaire. Consistant en un fait négatif, le défaut
d'autorisation pure et simple n'est pas sujet à une démonstration
ou à une appréciation spécifique, car, tout simplement,
une fois l'absence d'autorisation est invoquée par le
propriétaire de la marque, il incombe à l'auteur de
l'exploitation présumée contrefaisante d'apporter la preuve d'une
autorisation préalable valablement accordée par le titulaire du
droit sur la marque en question.
Par ailleurs, l'appréciation du défaut
d'autorisation devient intéressante si elle découle d'un
dépassement des termes d'une autorisation préalablement
accordée par le propriétaire de la marque. C'est dans ce sens que
s'inscrive, après un bref rappel des plus éclatantes techniques
contractuelles 3 portant autorisation de l'exploitation 4
de la marque, l'entreprise de la détermination de l'absence
d'autorisation souvent constitutive d'un acte de contrefaçon.
(Paragraphe 1)
Outre les formes d'exploitation consenties par le
propriétaire de la marque, on note que le législateur permet
l'utilisation de la marque par des tiers dans des cas spéciaux sans que
le grief de contrefaçon puisse être retenu, c'est le cas de
l'autorisation par la force de la loi. (Paragraphe 2)
1 CORNU (G) : « Linguistique juridique »
2ème éd, Montchrestien 2000., n°8 5. p. 326.
2 Etant donné sa valeur économique
capitale dans les temps modernes, la marque est devenue l'un des piliers du
patrimoine intellectuel de l'entreprise, en conséquence, la
stratégie commerciale de l'entreprise se trouve de plus en plus
axée autour de l'élément marque. Afin de s'adapter aux
impératifs pressants de rentabilité, de technicité et de
compétitivité, plusieurs formes contractuelles ont
été institutionnalisées et mises au point par les
titulaires des marques en vue de faire contribuer des tiers dans l'exploitation
de la marque.
3 A ce stade, il nous importe de souligner que ces
techniques contractuelles, par lesquelles le propriétaire concède
aux tiers des droits sur la marque, sont foncièrement
diversifiées et évolutives, dès lors, leur
délimitation serait tout à fait illusoire. Toutefois, il est de
contrats qui se sont imposés en pratique de manière à ce
qu'ils sont devenus les principales techniques d'autorisation par lesquelles le
propriétaire concède à un tiers le droit d'utiliser sa
marque
4 Sur la notion d'exploitation dans
les contrats relatifs aux droits de propriété industrielle, voir
: DIENER (M) : « Contrats internationaux de propriété
industrielle » Litec. Spécialement p. 6 et sui.
Paragraphe 1 : L'intervention de l'acte de
contrefaçon en dehors d'une
autorisation contractuelle
L'exclusivité inhérente au droit de
propriété sur la marque fait que l'exercice par un tiers de l'une
des prérogatives qu'il confère suppose l'autorisation
préalable du titulaire du droit. Dans cette optique,
l'illégalité de l'acte de contrefaçon s'explique dans une
certaine mesure par son intervention en l'absence de l'autorisation du
titulaire du droit.
Or comme tout fait négatif, le défaut
d'autorisation n'est pas susceptible d'être prouvé
concrètement ou positivement car ou bien autorisation il y a ou bien
elle fait défaut. En ce sens, il est admis que l'exploitation non
autorisée de la marque est, en principe, une exploitation
contrefaisante.
C'est pourquoi, on doit admettre que l'exercice par un tiers
d'un quelconque droit sur la marque est présumé
non-autorisé jusqu'à preuve du contraire. Partant de ce constat,
il semble que le défaut d'autorisation ne présente pas en soi une
difficulté particulière d'appréciation.
Néanmoins, il y a lieu de préciser que le
défaut d'autorisation, comme caractéristique de l'atteinte
constitutive de l'acte de contrefaçon, peut résulter du
dépassement d'une autorisation accordée par le
propriétaire de la marque et c'est là où la
détermination des prérogatives concédées aux tiers
devient capitale afin de déterminer à partir de quel moment on
peut affirmer qu'un quelconque emploi de la marque ne se situe plus dans les
limites autorisées par le propriétaire de la marque et qui, par
conséquent, tombe sous le coup du défaut d'autorisation.
Il semble donc judicieux de s'intéresser à
l'autorisation qui dérive paradoxalement au défaut d'autorisation
susceptible d'aboutir à la consommation d'un acte de
contrefaçon.
Bien entendu, la liberté contractuelle garde tout son
éclat pour ce qui est des contrats ayant pour objet la concession de
droits sur la marque,1 en ce sens, le propriétaire de la
marque peut même accorder une autorisation orale car l'écrit,
comme condition de validité, n'a pas encore pris le dessus sur le
caractère consensuel des contrats passés sur la
marque.2
Certaines techniques contractuelles parmi d'autres, se sont
imposées en pratique dans le domaine de l'exploitation des marques
grâce, dans une large mesure, à leur adaptation aux besoins
spécifiques des opérateurs économiques. L'étude de
quelques contrats relatifs à l'exploitation de la marque nous permettra
de relever certains impératifs qui poussent les titulaires des droits
à faire intervenir un tiers dans l'exploitation de leurs marques.
(A)
Par ailleurs, la pratique de ces contrats semble confirmer que
le dépassement des prérogatives consenties par le
propriétaire débouche souvent sur la consommation du délit
de contrefaçon de marque (B), il semble donc opportun
de tracer les limites au-delà desquelles le contractant du
propriétaire ne sera plus admis à exercer un quelconque droit
revenant au titulaire de la marque.
1- Bien entendu, il ne faut pas que les contrats passés
sur la marque aboutissent à commettre des pratiques
anticoncurrentielles, des concentrations interdites ou un abus de position
dominante sur le marché au sens des articles 5 et 6 de la loi
n°64-9 1 du 29 juillet 1991, relative à la concurrence et aux
prix.
2 Contrairement au formalisme du contrat portant
cession des droits sur la marque. ( voir l'article 27 de la loi
n°36-2001)
-A- De quelques formes d'exploitation autorisées par
le propriétaire :
Suite au recours croissant et systématique à
certaines formes contractuelles dans le domaine de l'exploitation des marques,
on est arrivé, en fait, à formaliser des contrats tel que la
licence, la franchise, la distribution sélective1 ou encore
le recours à la sous-traitance industrielle.
Dans les développements sommaires qui suivent, on
essayera de déterminer les spécificités de ces formes
contractuelles d'autorisation ainsi que les impératifs qui gouvernent
leur conclusion.
1) Le contrat de licence de marque :
La reconnaissance du contrat de licence est une
nouveauté apportée par la loi n°36-2001, toutefois, le
législateur n'a pas pris le soin de le définir ni encore de
préciser son régime juridique. On doit admettre donc qu'il s'agit
d'un terrain régi par l'autonomie de la volonté.
Les seules dispositions relatives à la licence
concernent son étendue. Selon l'article 28 de la loi n°36-2001,
elle est soit exclusive soit non exclusive, par ailleurs, le déposant et
le propriétaire d'une marque peuvent, au sens de l'article 29, saisir le
tribunal compétent afin d'obtenir le retrait de la licence si le
licencié enfreint les termes du contrat de licence.
Selon Chavanne et Burst, « le contrat de licence
de marque est celui par lequel le propriétaire d'une marque
confère à un tiers le droit d'apposer sa marque sur ses produits
et d'en faire un usage commercial ».2 Il
semble donc que le droit d'apposer la marque sur les produits ou en
accompagnement d'un service permet de distinguer la licence des institutions
voisines telle que la représentation commerciale.
En effet, dans le contrat de concession, le concédant,
à qui revient la propriété de la marque, autorise le
concessionnaire à utiliser sa marque et son enseigne afin de marquer de
façon ostensible, envers tous, son appartenance au réseau
commercial du propriétaire de la marque, toutefois, sauf stipulations
expresses, « le concessionnaire n'a pas le droit d'apposer le
signe sur les produits qu'il se procure ou qu'il fabrique directement
».3
Concernant les conditions de forme, la loi n'exige pas
l'écrit comme condition de validité du contrat de licence,
toutefois, il semble que l'écrit s'impose implicitement pour deux
raisons, d'une part l'article 7 du décret n°2001-1603 du 11 juillet
2001 exige la publication, au registre des marques, de toutes les modifications
qui affectent la jouissance des droits attachés à la marque, or
la publicité suppose en principe l'écrit comme support
matériel.
D'autre part, l'écrit est seul à pouvoir
déterminer les obligations respectives des parties, c'est pourquoi, la
rédaction du contrat de licence fait souvent preuve d'un luxe de
précisions.
1 Dans le cadre de cette étude, on ne
s'intéressera pas à la distribution sélective pour deux
raisons, premièrement, les grands développements qu'elle suscite
dépassent largement le cadre précis et indicatif dans lequel on a
été amené à étudier les principales formes
d'exploitation de la marque. Deuxièmement, dans l'état actuel du
paysage économique en Tunisie, il apparaît clair que le contrat
instituant un réseau de distribution sélective n'est pas encore
assez développé pour que l'on puisse tirer de sa pratique des
enseignements significatifs. Sur l'exploitation de la marque à travers
l'institution d'un réseau de distribution sélective, voir
notamment, POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. N°1403. p. 658; CHAVANNE (A)
& BURST (J-J): op. cit. N°1146. p. 674.
2 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. N°1130. p.
664.
3 Le TOURNEAU (PH) & CADIET (L) : « Droit de
la responsabilité et des contrats » DALLOZ ACTION 2000/2001.
N°4489, p. 942.
De manière générale, la licence
confère à son bénéficiaire un droit de jouissance
sur la marque, cependant, le contrat de licence peut comporter toutes sortes de
limitations quant à la durée du contrat ainsi qu'au territoire
sur lequel le licencié devra exploiter la marque, d'autre part la
licence peut être exclusive ou non, elle peut, en outre, concerner un
produit ou un service à l'exclusion des autres objets couverts par la
marque.
Par l'octroi d'une licence, le propriétaire de la
marque verra sa marque exploitée dans des aires géographiques
étendues, ce qui lui fera éviter des investissements parfois
énormes tout en renforçant le rayonnement de la marque ainsi que
sa présence sur d'autres marchés, en outre, la licence permet au
propriétaire d'éviter la déchéance pour
défaut d'exploitation dans tous les cas où il ne peut exploiter
lui-même la marque.
2) Le contrat de franchise :
Tout comme la licence, le recours à la franchise
connaît un essor non négligeable.1 Ce contrat consiste
pour le franchiseur propriétaire de la marque à mettre à
la disposition du franchisé des moyens d'exploitation
éprouvés tels qu'un nom commercial, une marque ainsi qu'un
savoir-faire qui peut prendre la forme d'un soutient logistique, d'une
technique de commercialisation originale ou encore d'un un soutien marketing et
publicitaire. En contrepartie, le franchisé se doit de verser à
son franchiseur soit une rémunération fixe soit calculée
en fonction du chiffre d'affaires soit encore en combinaison des deux modes
cités.
La franchise en tant que technique d'exploitation de la marque
consiste pratiquement à « permettre à autrui de
réussir comme on a réussi »,2 à
travers l'exploitation de la marque, par le franchisé, dans sa fonction
de ralliement et de fidélisation de la clientèle.
Par ailleurs, l'écrit semble s'imposer afin de
déterminer les droits et les obligations réciproques des parties
de manière à éviter les divergences dans
l'interprétation des termes de l'accord.
D'autre part, il est important de signaler que le franchiseur
se doit de garantir au franchisé l'avantage concurrentiel qui repose sur
la qualité ou la valeur économique de la marque, il se doit aussi
de lui garantir une jouissance paisible de la marque sans être
inquiété par des tiers.
Au coeur du contrat de franchise, se trouve donc le droit
à l'usage de la marque, c'est le plus important parmi les moyens
d'exploitation transmis au franchisé car la concession de droits sur la
marque, dans le cas de la franchise, emporte de fait un transfert du
savoir-faire3 ayant contribué à forger le pouvoir
attractif de la marque, son impact psychologique et sa familiarité
rassurante qui transforme généralement le consommateur en un
véritable client.
1 Sur la franchise, voir l'excellent ouvrage de M.
Jean-Marie LELOUP: « La franchise, droit et pratique »
3ème édition, Delmas 2000. L'auteur définit le
contrat de franchise comme étant : « Le contrat synallagmatique
à exécution successive par lequel une entreprise,
dénommée franchiseur, confère à une ou plusieurs
autres entreprises, dénommées franchisées, le droit de
réitérer, sous l'enseigne du franchiseur, à l'aide de ses
signes de ralliement de la clientèle et de son assistance continue, le
système d'exploitation préalablement expérimenté
par le franchiseur et devant, grâce à l'avantage concurrentiel
qu'il procure, raisonnablement permettre à un franchisé diligent
de faire des affaires profitables ». p. 38.
2 Ibid. p. 38.
3 Le savoir-faire consiste en « un ensemble
finalisé de connaissances pratiques, transmissibles, non
immédiatement accessible au public, non brevetées et
conférant à celui qui maîtrise cet ensemble un avantage
concurrentiel ». ibid. p. 53. Pour d'amples développements sur la
notion de savoir-faire, voir LELOUP (J-M) : op. cit. p. 53 à 59.
Par ailleurs, on note que la franchise se présente
comme une technique très souple et efficace car elle permet l'expansion
de la marque ainsi que son exploitation selon les normes approuvées par
le propriétaire qui, pour préserver une image de marque certaine,
se réserve souvent le droit de contrôler l'exploitation faite de
la marque par le franchisé.
3) La sous-traitance :
Avec l'essor technologique et l'accentuation de la
spécialisation dans tous les domaines de l'activité
économique, le recours à la sous-traitance, comme technique de
division du travail, n'a cessé de se développer dans tous les
compartiments de la vie économique, toutefois, la sous- traitance
apparaît comme une notion malaisée à définir, le
terme lui-même prête à équivoque en raison de sa
polysémie.
Parmi les types de la sous-traitance,1 on
s'intéressera à la sous-traitance industrielle car elle
débouche souvent sur des litiges de contrefaçon de marque
opposant les parties à la convention de sous-traitance.
« Dans le domaine industriel, qu'il existe ou non
un marché initial ou un contrat principal préalable, les usages
professionnels permettent de considérer comme activités de
sous-traitance industrielle toutes les opérations concourant, pour un
produit déterminé, à l'une ou plusieurs opérations
de conception, d'élaboration, de fabrication, de mise en ouvre ou
d'entretien, dont une entreprise dite donneur d'ordres, confie la
réalisation à une entreprise, dite sous-traitant ou preneur
d'ordres, tenue de se conformer exactement aux directives ou
spécifications techniques que ce donneur d'ordres arrête en
dernier ressort ».2
A cette définition, M. PEYRET ajoute quatre
critères cumulatifs propres à distinguer la sous- traitance
industrielle.3
La pratique du contrat de sous-traitance nous
révèle que les parties au contrat ne constatent pas toujours
leurs obligations réciproques par écrit, il suffit souvent d'un
bon de commande ou même d'un accord verbal selon l'intensité des
rapports d'affaires entre les parties, l'écrit semble tout de même
nécessaire toutes les fois où les enjeux économiques
deviennent importants.
Ce qui est intéressant au sein d'une relation de
sous-traitance, c'est qu'elle donne souvent naissance à des obligations
de marquage. En effet, le sous-traitant se voit généralement
autorisé, selon le contrat et la nature de sa prestation, à
apposer, modifier ou encore supprimer la marque du donneur d'ordres, ces
opérations sont très courantes pour les confectionneurs de
textile, les opérations d'emballage ainsi que dans les industries
mécaniques.
1 La dissemblance et
l'hétérogénéité des structures et des
pratiques par lesquels se concrétise la sous-traitance ne permet pas de
les identifier comme relevant d'une même et unique définition, les
auteurs parlent de sous-traitance industrielle, de services, de marché
ou encore de transport.
2 PEYRET (S) : « Sous-traitance industrielle
» Encyclopédie Delmas, Dalloz 2000. N°103, p. 10.
3 Ibid. p. 11. Selon l'auteur, la sous-traitance
industrielle doit sa spécificité à quatre critères
cumulatifs propres à l'individualiser. Premièrement, elle
consiste en une substitution du sous-traitant au donneur d'ordres dans
l'accomplissement du travail, deuxièmement, elle se caractérise
d'une dépendance économique du sous-traitant par rapport au
donneur d'ordres, qui peut aller jusqu'à l'assujettissement absolu du
premier par la voie de spécifications, de directives ainsi que d'un
contrôle technique rigoureux, troisièmement, la sous-traitance se
caractérise par l'exercice d'une fonction technologique, en effet, le
sous-traitant est appelé à déployer son savoir-faire et
ses capacités techniques au service du travail qui lui est soumis,
enfin, la sous-traitance se distingue par l'autonomie juridique du
sous-traitant par rapport au donneur d'ordres, en effet, c'est une relation
contractuelle entre deux partenaires économiques indépendants
juridiquement.
Le recours à la sous-traitance industrielle est devenu
inévitable pour les industriels car elle répond à leurs
besoins sur les plans aussi bien financiers que technologiques surtout avec
l'accentuation de la technicité dans certaines branches de production
qui nécessite l'intervention d'un sous-traitant souvent hautement
qualifié en terme de moyens techniques et humains.
-B- Les conséquences du dépassement des
prérogatives consenties par le propriétaire de la marque :
Dans tous les cas où le propriétaire de la
marque autorise un tiers à faire usage de sa marque, le grief de
contrefaçon ne peut être retenu, car la contrefaçon
découle d'une atteinte aux droits sur la marque, or dans ces cas
l'autorisation permet à l'intervention du tiers d'être
fondée en droit.
Toutefois, la solution devient tout autre si le contractant du
titulaire de la marque ne respecte pas les termes du contrat. En ce sens, il
communément admis que le dépassement, par le licencié, le
franchisé ou le sous-traitant, des droits qui leurs sont consenties par
le propriétaire de la marque tombe sous le qualificatif de
contrefaçon.
Autrement dit, tout ce qui dépasse les termes du
contrat devient contrefaçon, c'est pourquoi la rédaction des
contrats revêt une importance capitale surtout pour minimiser les risques
de divergence dans l'interprétation des droits et obligations
découlant du contrat.
Bien évidemment, ce qui nous
intéresse c'est le fait que le contractant dépasse, par l'usage
qu'il fait de la marque, le cadre prévu par le contrat tout en portant
atteinte aux droits sur la marque car seule l'atteinte au droit peut être
qualifiée d'acte de contrefaçon.
La pratique des contrats portant sur la jouissance des droits
sur la marque, tel que la licence et la sous-traitance, révèle
que les anciens partenaires ou contractants du titulaire de la marque sont
souvent les plus susceptibles de devenir des contrefacteurs en raison des
connaissances techniques et des secrets de fabrication qu'ils ont pu
acquérir tout au long de la période où ils entretenaient
des rapports d'affaires avec le propriétaire de la marque.
Dans le cas de la sous-traitance, une enquête
1 nous a permis constater certaines pratiques constitutives de
contrefaçon de marque. En effet, il est courant pour le contractant du
titulaire de la marque de dépasser la production prévue dans la
commande, peu importe le fait que le produit sur lequel la marque d'autrui est
apposée soit un produit authentique ou imité, le délit de
contrefaçon pourra être retenu contre un tel sous-traitant soit
pour reproduction, apposition ou encore usage de marque et ce pour
l'excédant qu'il a produit sans autorisation.
Ce type de dépassement est courant surtout chez les
confectionnaires en matière de textile, il est souvent question de
sur-production d'étiquettes ou de logos de la marque, cette
pratique est très répondue en Tunisie et il semble que certaines
entreprises en font l'essentiel de leur activité.
1- Afin de donner un sens plus pratique aux dimensions de la
contrefaçon de marque en Tunisie, nous avons procédé
à une enquête auprès de quelques entreprises industrielles
et commerciales domiciliées en Tunisie, rares sont celles qui ont
coopéré, certains refusent d'admettre la contrefaçon de
leur marques tel que LEVI'S® et
SONY®.
Egalement pour le secteur de l'industrie
automobile,1 les constructeurs détenteurs des marques
automobiles souffrent souvent du dépassement des termes des contrats
passés avec leurs sous-traitants. Lors d'une enquête auprès
de l'entreprise RENAULT, les responsables de cette régie
d'automobile n'ont pas manqué de révéler leur
inquiétude à propos des pratiques de leur principal
sous-traitant, la société italienne VALEO.
En effet, en Tunisie comme à l'étranger, le dit
sous-traitant occasionne de considérables pertes à son donneur
d'ordre tant sur le plan financier que sur celui du prestige et de l'image de
marque et ce à travers la fabrication excédentaire et la
commercialisation, sur les circuits officiels de distribution, de pièces
de rechange contrefaites -dites adaptables- non
conformes aux normes du constructeur.
La dépendance de RENAULT envers VALEO
est aussi forte qu'elle ne peut la poursuivre pour contrefaçon car le
préjudice qu'elle peut encourir en rompant avec son sous-traitant serait
largement supérieur au préjudice que lui fait subir la
contrefaçon.
Concernant le dépassement de l'autorisation par le
licencié, le problème semble se poser lorsque le contrat omet de
prendre en considération le sort des stocks de produits marqués
encore en possession du licencié alors que la relation contractuelle est
arrivée à terme. Dans ce cas, à défaut d'accord des
parties, le licencié doit bénéficier d'un délai
raisonnable afin d'écouler le stock en sa possession sans qu'il puisse
être taxé de contrefaçon.
Parfois, certaines affaires de contrefaçon de marque
permettent de regarder avec méfiance la concession de droits sur la
marque sous quelque forme qu'elle soit, c'est le cas de l'affaire «
Haut Mornag ».2 En l'espèce, la
Coopérative viticole BOU ARGOUB, ancien membre de
l'Union Centrale des Coopératives Viticoles
3 a été exclue de l'union pour
dépassement des prérogatives qui lui sont consenties par
l'U.C.C.V. Sa mission consistait en partie en la mise en
bouteille des produits vinicoles sous la marque Haut Mornag
appartenant à l'U.C.C.V.
En raison de sa mission de remplissage, la Coopérative
viticole BOU ARGOUB connaissait parfaitement les caractéristiques de
cette marque notamment l'étiquette, le logo, la forme de la bouteille,
l'emballage ainsi que les prix pratiqués, ce savoir-faire lui a permis
de contrefaire la marque « Haut Mornag » durant sept
années entières en proposant à la vente un vin d'une
qualité médiocre sous la même marque.
La reproduction de la marque était tellement
ingénieuse que le propriétaire de la marque n'a pu, avant la
découverte de la contrefaçon, donner une explication rationnelle
à la baisse spectaculaire du chiffre d'affaire des ventes du produit
vinicole marqué.
Dans une autre affaire,4 il a été
révélé qu'un partenaire commercial s'est
approvisionné de produits revêtus d'une marque notoire tout en se
comportant, de fait, comme représentant du titulaire de la marque sur le
marché tunisien, alors qu'il se ravitaillait de produits marqués
afin de les mettre en vente tout en procédant à l'enregistrement
de la marque pour son propre compte.
1 Voir en ce sens, KESSLER (M): « La
contrefaçon dans l'industrie automobile » Gaz. Pal du 26 mars 1994.
n°2. p. 365.
2 CA, Tunis, arrêt n°83724 du 6
février 2002. (non publié) voir annexe n°4.
3 L'activité de l'U.C.C.V consiste en la
centralisation de la production des coopératives membres, le stockage,
la mise en bouteille, ainsi que la commercialisation de cette production sous
les différentes marques qu'elle possède.
4 CA, TUNIS, Arrêt n° 60537 du 16
février 2000. (JOHNSON ENDSON / JASMINAL) Voir annexe
n°5.
Outre les termes du contrat, s'il est constaté par
écrit, ce sont surtout des considérations de fait propres
à chaque espèce qui permettent aux juges de retenir le
délit de contrefaçon contre le dépassement, par le
contractant, des droits qui lui sont consentis par le titulaire de la
marque.
Comme pour témoigner du caractère
non-absolutiste du droit sur la marque, le législateur autorise
exceptionnellement certaines personnes, sous certaines conditions, à
utiliser le signe constitutif d'une marque enregistrée.
Paragraphe 2 : L'intervention de l'acte de
contrefaçon en dehors d'une
autorisation légale
Il va sans dire que si la loi autorise les tiers à
utiliser un signe identique à celui d'une marque enregistrée, il
ne sera plus question de qualifier un tel usage d'atteinte illégale
constitutive, le cas échéant, d'une contrefaçon. Ainsi,
l'autorisation légale s'analyse comme un fait justificatif ou encore une
sorte de servitude légale au même titre que celle
supportée, en vertu des aménagements apportés à la
propriété immobilière, par le propriétaire du
fond servant.
Cette limite apportée au droit sur la marque par
l'article 25 de la loi n°36-2001 est formulée dans les termes
suivants : « L'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle
à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme
:
a) Dénomination sociale, nom commercial ou
enseigne, lorsque cette utilisation est, soit antérieure à
l'enregistrement, soit le fait d'un tiers de bonne foi employant son nom
patronymique,
b) Référence nécessaire pour
indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant
qu'accessoire ou pièce détachée, à condition qu'il
n'y ait pas de confusion sur l'origine du produit ou du service.
Toutefois, si cette utilisation porte atteinte
à ses droits, le titulaire de l'enregistrement peut présenter une
requête auprès du tribunal compétent pour limiter cette
utilisation ou l'interdire ».
Avant de procéder à une brève analyse des
trois cas d'autorisation légale, il est important de souligner qu'elles
ne peuvent être interprétées d'une manière
extensive, d'autant plus qu'il faut réunir les conditions
nécessaires à sa mise en oeuvre sinon l'utilisation de la marque
d'autrui tombe sous le coup de la contrefaçon.
-A- La tolérance accordée à certains
signes distinctifs antérieurs à la marque :
Dans l'article 25 (a), le législateur met l'accent sur
la gestion des conflits pouvant opposer trois signes distinctifs à
l'enregistrement d'une marque. Il s'agit en effet de la tolérance
accordée par la loi à la dénomination sociale,1
le nom commercial 2 et l'enseigne.3
1 La dénomination sociale se définie
comme le nom adopté par une société de capitaux.
2 Le nom commercial est le nom sous lequel une
personne exerce l'exploitation effective d'un fonds de commerce afin de le
distinguer des autres fonds de commerce similaires.
3 Selon Chavanne et Burst, « L'enseigne est un
signe visible qui sert à distinguer un établissement commercial
et à permettre au public de ne pas le confondre avec un autre »,
op. cit, N°1382.
A l'opposé des droits sur la marque, l'acquisition des
droits, sur le nom commercial, la dénomination sociale et l'enseigne,
n'est subordonnée à aucune obligation d'enregistrement, ils
s'acquièrent par le premier usage, toutefois, même s'ils sont
protégés en tant qu'éléments du fonds de commerce,
ces droits ne font pas toujours le poids face au droit sur la marque.
En effet, on a déjà vu qu'en vertu de l'article
5 de la loi n°36-2001, le titulaire de l'un de ces signes ne peut opposer
son droit antérieur à l'enregistrement d'une marque identique que
dans des conditions précises.
Concernant la dénomination sociale, elle ne constitue
une antériorité opposable à une marque identique que
lorsque la marque risque de créer une confusion dans l'esprit du public.
Quant au nom commercial et l'enseigne, outre la nécessité de
l'existence d'un risque de confusion, ils ne sont opposables à
l'enregistrement d'une marque identique que lorsqu'ils sont connus sur
l'ensemble du territoire tunisien.
En pratique, rares sont les situations où ces signes
distinctifs remplissent ces conditions, c'est pourquoi, ils ne font pas souvent
obstacle à l'enregistrement d'une marque identique.
Toutefois, faisant l'objet d'un droit antérieur acquis
par l'usage, le nom commercial, la dénomination sociale et l'enseigne
méritent bien d'être respectés malgré qu'ils n'aient
pas le pouvoir de s'opposer à l'enregistrement de la marque pour
défaut de notoriété ou de rayonnement territorial. En
fait, c'est le respect des droits acquis sur ces signes distinctifs qui leur
permet de tenir face à l'existence d'une marque identique ou
similaire.
Il convient de noter que les droits acquis sur ces signes
distinctifs ne résistent pas à la marque à tous les coups,
car s'il est démontré que l'utilisation du même signe, dans
le même secteur d'activité, par les titulaires de ces droits porte
atteinte aux droits du propriétaire d'une marque identique ou similaire,
le juge pourra selon le cas ordonner la limitation de cet usage ou voire
même l'interdire sur la base de l'article 25 alinéa 2 de la loi du
17 avril 2001.
Concernant la limitation de l'usage, elle peut consister en
l'adjonction de tout terme, date ou lieu d'exploitation propre à
dissiper la confusion dans l'esprit du public quant à l'origine de
produits ou des services. A notre avis, il est souhaitable que les juges optent
pour la coexistence de ces signes avec la marque tout en exigeant la preuve du
préjudice subi.
Quant à l'autre alternative de l'article 25 al. 2, elle
permet au juge d'interdire l'usage de la marque comme dénomination
sociale, nom commercial ou enseigne. Hélas, la solution n'est pas
heureuse,1 car elle contredit directement le principe de la
protection des droits acquis.
En ce sens, MATHELY 2 voyait, à juste titre,
en la mesure d'interdiction une expropriation
pure et simple, il est donc très recommandé à tout
commerçant ou opérateur économique de déposer
à titre de marque les noms sous lesquels il exerce son commerce ou son
activité.
1 l'adoption de la mesure de l'interdiction dans l'article 25
témoigne d'un mimétisme coutumier car le législateur n'a
fait que reprendre l'article L. 713-6 du C.P.I français, or rien ne
fonde cette mesure orthodoxe. En effet, il est très
démesuré de faire disparaître un droit acquis pour
réparer un préjudice parfaitement réparable sur le terrain
du droit commun de la responsabilité ou encore sur celui de la
concurrence déloyale.
2 MATHELY (P): op. cit. p. 190.
La tolérance accordée au tiers utilisant son
nom patronymique :
Une autre situation doit être prise en compte selon le
point (a) de l'article 25, il s'agit de l'autorisation accordée par la
loi à un tiers d'utiliser son nom patronymique dans le commerce pour
désigner un produit ou un service alors que ce même nom fait
déjà l'objet d'un dépôt à titre de marque
pour couvrir le même produit ou service.
La tolérance accordée au tiers qui utilise son
nom patronymique, puise sa raison d'être dans le respect des droits
rattachés à la personnalité humaine, toutefois, l'exercice
d'un tel droit fondamental sur son nom patronymique, ne doit pas faire profiter
l'homonyme injustement de la renommée d'une marque constituée par
un nom identique ou similaire.1 C'est pourquoi l'article 25
subordonne le bénéfice de cette autorisation légale
à un usage de bonne foi.
Ainsi, si l'usage du patronyme projette de profiter de la
renommée d'une marque antérieure identique ou similaire, l'auteur
de cet usage se comporte, en fait, « en parasite pour
profiter de son homonymie, et cela alors qu'il lui était facile
d'adopter un autre signe ».2
Selon l'article 25 de la loi n°36-2001, un tel usage
suspect du patronyme peut encourir, sur requête du titulaire de la marque
identique, soit la limitation soit l'interdiction, par ailleurs, l'interdiction
semble être appropriée comme sanction car l'homonyme peut toujours
utiliser un signe autre que son patronyme, de plus l'interdiction semble
être « le seul moyen de conjurer le préjudice que
cause au titulaire de la marque la tolérance concédée
à l'homonyme ».3
La tolérance reconnue aux fabricants d'accessoires
:
L'article 25 de la loi du 17 avril 2001 tolère
l'utilisation d'une marque enregistrée toutes les fois qu'elle serve de
« référence nécessaire pour indiquer la
destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou
pièce détachée, à condition qu'il n'y ait pas de
confusion sur l'origine du produit ou du service».
Cette autorisation accordée aux fabricants des
accessoires et des pièces de rechange n'est autre qu'un
aménagement apporté par le principe fondamental de la
liberté du commerce et de l'industrie à l'absolutisme et au
caractère monopoliste du droit des marques.
La solution apportée dans l'article 25 se
présente comme suit, chaque fois qu'une marque désigne dans le
commerce un produit composé de pièces détachables ou
d'accessoires qui ne font pas l'objet d'un droit exclusif tel qu'un brevet
d'invention ou un modèle industriel, la libre concurrence fait que l'on
peut, sans avoir à requérir l'autorisation du titulaire de la
marque, fabriquer ces pièces détachées ou accessoires tout
en indiquant la marque qui couvre le produit auquel ils sont destinés.
Cette exception aux droits sur la marque s'explique donc par la
nécessité de faire référence à l'objet
marqué auquel s'applique un produit libre de fabrication dans le
commerce.
1 TPI, Tunis, jugement n°8 1656 du 17 mai
1993. Cité par, KTARI (S) : « La marque de fabrique » R.J.L,
mai 1997. p. 83. (en arabe). En l'espèce l'usage la marque MAKNI
AUDIO a été interdit à juste titre car il portait
atteinte aux droits sur la marque MAKNI alors que les deux
homonymes n'étaient pas des concurrents directs. (textile/produits
électroniques)
2 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. N°
910, p. 508.
3 MATHELY (P): op. cit. p. 198.
Toutefois, comme les exceptions sont d'interprétation
restrictive, l'autorisation légale ne doit porter que sur un objet
accessoire entrant dans la composition du produit marqué, elle ne doit,
sous peine de devenir une contrefaçon, concerner le produit principal
lui-même.1
En outre, le champ de l'autorisation se cantonne, dans
l'article 25, à l'indication nécessaire de la destination du
produit accessoire, ainsi l'autorisation ne tient plus dès lors que la
référence à la marque d'autrui ne se présente plus
comme une nécessité impérieuse.
« Enfin, et c'est probablement la condition
essentielle, l'utilisation de la marque, à titre de
référence, doit être faite dans des conditions qui
écartent toute confusion sur l'origine du produit ou du service
offert ».2 Le fabricant des accessoires et des
pièces détachées, doit donc se référer
à la marque d'autrui sans pour autant semer la confusion 3
dans l'esprit du public sur l'origine des produits, c'est pourquoi il lui est
nécessaire de présenter le produit et formuler l'utilisation de
la marque à titre de référence d'une manière aussi
claire et limpide que possible.
Concernant, l'inobservation des conditions de mise en oeuvre
de cette autorisation légale, elle est sanctionnée, comme dans
les autres cas, soit par la limitation soit par l'interdiction, il est à
noter que si l'utilisation de la marque entraîne la confusion, la
contrefaçon pourra être retenue contre le fabricant des produits
d'accessoires ou détachés en vertu de l'article 23 de la loi
n°36- 2001, et en conséquence, le juge lui interdira l'usage de la
marque.
Il est à noter qu'en dehors des situations
envisagées dans l'article 25 de la loi n°36-2001, il est des cas
spéciaux où l'usage de la marque se trouve autorisé aussi
par la force de la loi mais pour des motifs totalement différends de
ceux qui commandent les cas de l'article 25.
Il en est ainsi de l'usage fait par les créanciers du
titulaire de la marque suite à la saisie de la marque isolément
du fonds de commerce ou suite à la saisie ou la liquidation du fonds de
commerce auquel elle se rattache en tant qu'élément
incorporel.4 Il en est de même de l'usage de la marque
entrepris par un administrateur judiciaire commis à cet effet par une
décision de justice à l'occasion d'une procédure de
redressement d'une entreprise en difficultés économiques au sens
de la loi n°95-35 du 17 avril 1995.5
Enfin, et d'une manière radicale, l'expropriation d'une
marque, bien qu'elle tende à devenir une hypothèse
d'école, opère le transfert du droit de propriété
sur la marque, par la force de la loi qui la prononce, à la personne
publique bénéficiaire.
L'étude des différentes formes d'autorisations
portant sur l'utilisation de la marque par un tiers, nous a permis d'aborder a
contrario la spécificité de l'illégalité de la
contrefaçon en tant qu'atteinte non consentie par le titulaire
de la marque ni encore autorisée par la loi. Par ailleurs, on verra que
l'acte de contrefaçon doit aussi son caractère illégal au
fait qu'il doit incontestablement intervenir directement dans les limites
objectives du monopole sur la marque.
1
Cass. Com., 4 janvier 1985. PIOTRAUT (J-L)
& DECHRISTE (P-J): op. cit. N°25 1. p. 312 et sui.
2 MATHELY (P): op. cit. p. 201.
3 On note que l'article 25 autorise l'utilisation de
la marque pourvu qu'elle ne prête à confusion, il importe donc au
titulaire de la marque de prouver la confusion et non pas un simple risque de
confusion.
4 La marque est un élément incorporel du fond de
commerce au sens de l'article 189 al. 3 du code du code du commerce.
5 JORT, n°33 du 25 avril 1995.
Section 2 : La localisation tridimensionnelle de l'acte
de
contrefaçon
Longtemps présenté comme un droit absolu, le
droit sur la marque est en fait relatif à plusieurs titres. Outre les
limites qui lui sont imposées par la loi soit pour préserver des
droits antérieurs soit pour des considérations
spécifiques, il est important de souligner que le droit sur la marque,
à l'image de toute propriété incorporelle, n'a de
portée et d'existence que celle que lui reconnaît la loi.
En effet, « si l'on doit dépeindre la condition
juridique des meubles incorporels par comparaison aux meubles corporels, ce
sont surtout des traits négatifs qui apparaissent. Ce que l'on observera
de plus net, c'est que [...] les restrictions aux droits du propriétaire
sont généralement plus nombreuses, [...] il s'agit de biens sans
réalité physique, qui tirent leur existence même de la loi
; celle-ci peut efficacement restreindre la portée d'une existence
qu'elle accorde » . 1
Cette affirmation traduit excellemment la situation juridique
de la marque bien que la doctrine ainsi que la jurisprudence 2
tendent parfois à qualifier le droit de propriété sur la
marque en tant que droit absolu. Bien entendu, il ne s'agit là que d'une
formule qui rend compte de la place de choix qu'occupe le droit de marque dans
la hiérarchie des signes distinctifs, l'emploi de l'expression droit
absolu « signifie seulement le large rayonnement que les
tribunaux entendent donner au droit sur la marque
».3
La portée du droit sur la marque est relativement
restreinte par la loi des marques, cette limitation se manifeste
simultanément à trois niveaux différents.
En premier lieu, la marque ne peut être
protégée que dans son application à des produits ou
services identiques ou similaires à ceux pour lesquels elle a
été enregistrée, c'est là la limite apportée
par le principe fondamental de la spécialité des marques (
Paragraphe I ).
Ensuite, et conformément au principe de la
territorialité des droits de propriété intellectuelle, le
droit sur la marque n'existe et n'est protégé
géographiquement que sur le territoire couvert par l'ordre juridique qui
l'a créé ( Paragraphe II ).
Outre sa relativité dans l'espace, le droit sur la
marque se caractérise aussi par sa relativité dans le temps. En
effet, les droits conférés par l'enregistrement ne peuvent
être défendus face à l'acte de contrefaçon que pour
une période limitée, à moins que le titulaire de la marque
observe les conditions légales nécessaires à la
pérennité des droits sur la marque ( Paragraphe
III ).
C'est dans ces limites objectives et seulement dans ces
limites que les droits sur la marque sont protégés par la loi des
marques, c'est aussi seulement dans ce cadre précis que l'atteinte
constitutive de l'acte de contrefaçon devient envisageable, identifiable
et répréhensible.
1 CARBONNIER (J) : Droit civil, Les biens.
12ème éd, Thémis, PUF 1988.. N°83. p.
373.
2 Voir en ce sens, Paris, 12 février 1982,
Gaz. Pal. 1982, II, som., p. 113. Le tribunal affirme que « la
propriété d'une marque régulièrement
enregistrée est absolue et confère, à celui qui en est
titulaire, une action contre tous ceux qui y portent atteinte de bonne ou
mauvaise foi, sous quelque mode que ce soit ».
3 CHAVANNE (A) & BURST (J-J): op. cit. N°
1154, p. 678.
Paragraphe 1 : L'acte de contrefaçon : une atteinte
dans
la spécialité de la marque
Etant donné son caractère dérogatoire, le
droit de propriété sur la marque fait l'exception à la
libre concurrence. Il serait donc sage d'interpréter les droits
exclusifs du propriétaire d'une manière stricte, car dans le
domaine économique, la libre concurrence demeure le principe.
Dans cette perspective, le droit sur la marque s'analyse comme
un droit de propriété qui a pour objet un signe servant à
distinguer les seuls produits ou services qui ont été
désignés dans l'acte de dépôt de la marque, c'est ce
que prévoit l'article 21 de la loi n°36-2001, en disposant que
« l'enregistrement de la marque confère à son
titulaire un droit de propriété pour les produits et services
qu'il a désignés lors du dépôt
».
Ainsi, compris, l'article 21 porte consécration de la
règle de la spécialité des marques en droit tunisien. En
vertu de cette règle, on ne pourra admettre la protection de la marque,
sur le terrain de la loi n°36-2001 du 17 avril 2001, pour des produits ou
services autres que ceux pour lesquels elle a été
enregistrée, car la marque « consiste dans un signe, pris
dans son application à un objet déterminé, avec la
fonction de le distinguer ».1
Il s'ensuit que la protection reconnue à la marque face
à l'acte de contrefaçon n'est possible que dans les cas où
l'usurpation du signe se réalise dans un cadre concurrentiel pour
désigner des produits ou des services identiques à ceux
couverts par la marque usurpée.
En effet, c'est seulement dans le cadre précis des
produits ou services identiques que les actes de contrefaçon
sont interdits dans l'article 22 de la loi n°36-2001 comme suit : «
Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque
[...] pour des produits ou services identiques à ceux
désignés dans l'enregistrement ».
Toutefois, sans pour autant tomber dans la contradiction,
l'article 23 la loi n°36-2001 pose la règle de la protection des
marques pour des produits ou services similaires. Il est de droit que la
protection de la marque couvre non seulement des produits ou services pour
lesquels elle a été enregistrée, mais encore les produits
et les services similaires à ceux qui figurent dans l'acte de
dépôt de la marque.
Cette extension de la protection des droits du
propriétaire se justifie d'elle-même dans la mesure où
« l'utilisation de la même marque pour des produits
similaires par un tiers fausse la garantie d'origine attachée à
la marque et dénie la fonction distinctive du signe
».2
1- MATHELY (P): op. cit. p. 171.
2 POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. N°1394. p.
653.
En effet, si la marque garantie aux yeux du public une
certaine origine ou provenance du produit ou du service, son utilisation par un
tiers pour désigner des objets similaires risque d'être
attribuée par le public à la même origine, en pareil cas,
la fonction foncièrement distinctive de la marque risque d'être
mise en cause.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle un risque de
confusion est exigé dans ce cas précis pour que soit
constitué le délit de contrefaçon dans ce cas
précis.
Selon MATHELY, il n'y a pas de contradiction entre le principe
de la spécialité et la protection de la marque pour des produits
et services similaires à ceux désignés au
dépôt « car il ne faut pas confondre l'objet du
droit, et l'étendue de la protection conférée au droit
».1
En conséquence, n'est pas contrefaçon,
l'utilisation d'une marque identique pour désigner des objets
similaires, à ceux qu'elle couvre, s'il ne résulte de cet usage
aucun risque de confusion dans l'esprit du public quant à l'origine ou
la provenance des produits ou des services.
Par ailleurs, il paraît que la protection de la marque
sur la base de l'article 23 pour des produits ou services similaires
tire plutôt vers la théorie de la concurrence déloyale car,
dans ce cas, la contrefaçon n'est retenue qu'en la présence d'un
risque de confusion, or il est de règle générale que la
confusion se rattache à la concurrence déloyale plutôt
qu'à la violation d'un droit privatif porteur, par sa nature exclusive,
d'une interdiction légale de la concurrence.
Concernant l'appréciation des notions de produits ou
services identiques ou similaires à ceux désignés lors de
l'enregistrement de la marque, il s'agit là bien entendu d'une question
de fait laissée à l'appréciation souveraine des juges,
toutefois, la question devient délicate concernant l'estimation du
caractère similaire des produits ou services au sens de l'article 23.
Parfois, les tribunaux se réfèrent directement
au classement international des produits et des services, tel que prévu
par l'Arrangement de Nice 2 du 15 juin 1951, afin
de retenir l'identité entre deux produits appartenant à la
même classe de produit. 3
Toutefois, la référence au classement
international n'a aucun effet sur l'étendue des droits sur la marque en
l'absence d'un texte de loi qui tire de l'appartenance d'un produit ou d'un
service à une classe déterminée des conséquences
juridiques en terme d'étendue de protection de la marque.4
1 ibid. p. 315.
2 Ratifié par la Tunisie en date du 29 mai
1967, selon l'I.NNORPI.
3 AFFAIRE : SCHWARZKOPF / JASMINAL
: TPI, SFAX, Jugement commercial n° 970 du 14 mars 2000, voir
annexe n°6. ; AFFAIRE :CRISTAL / KRISTAL : TPI, Tunis,
jugement n°64616 du 5 juillet 1983. Bulletin de la doctrine et de la
jurisprudence. Cour d'Appel de Sfax 1997, n°1. Dans ces deux affaires, il
a été question de comparer des produits appartenant à la
troisième classe selon l'arrangement de Nice.
4 Sur la question de la valeur juridique du
classement international des produits et des services issu de l'Arrangement de
Nice, voir : TOUMI (F) : « La propriété industrielle en
Tunisie et les conventions internationales » (En arabe) Etudes Juridiques
2002. n°9. Faculté de Droit de Sfax. p. 278. Outre le
problème posé par sa nature obligatoire douteuse, on note que le
classement des produits et services se révèle, avec le passage du
temps et les mutations profondes et accélérées de
l'innovation technologique, de plus en plus dépassé et voire
même arbitraire. C'est la raison pour laquelle il est communément
admis en doctrine qu'il n'a qu'une valeur interne à l'administration
chargée de l'enregistrement des marques. Sur la question voir notamment
: CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. n°1017. p. 579.
Le classement international des produits ne compte donc qu'aux
fins de l'enregistrement des marques. Il sert pour l`administration à
déterminer sur le plan fiscal le nombre de taxe à payer en
fonction du nombre des classes dans lesquelles le dépôt a
été effectué.
Sur la base des développements
précédents, on constate que l'illégalité de l'acte
de contrefaçon tient en premier lieu à l'usurpation du signe
constitutif d'une marque enregistrée tout en l'appliquant à des
produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la
marque usurpée a été enregistrée.
Par conséquent, ne peuvent être poursuivies ni
encore sanctionnées à titre de contrefaçon au sens de la
loi n°36-2001, toutes les atteintes à la marque en dehors du cadre
précis de sa spécialité, c'est donc la
spécialité de la marque qui définie les frontières
du droit de propriété qui s'y rattache.
Enfin, il est une précision qui mérite une
attention particulière, en effet, il s'agit des rapports du principe de
la spécialité des marques avec l'étendue de la protection
de la marque dite notoire ou celle jouissant d'une renommée, la question
qui se pose est la suivante : Serait-il possible d'étendre la protection
de la marque de renommée au-delà des limites de la
spécialité ?
La réponse à cette interrogation passe d'abord
par la détermination du régime juridique de la marque notoirement
connue ou jouissant d'une renommée au sens de l'article 24 de la loi
n°36- 2001.
Selon l'article 24 « L'emploi d'une
marque jouissant d'une renommée pour des produits ou
services non similaires à ceux désignés dans
l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s'il est
de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque
ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette
dernière.
Les dispositions de l'alinéa premier du
présent article sont applicables à l'emploi d'une
marque notoirement connue au sens des conventions
internationales ratifiées par la République Tunisienne
».
L'article 24 semble a priori distinguer clairement dans ses
deux alinéas entre la marque « jouissant d'une
renommée » et la « marque notoirement
connue » sans pour autant les définir ni tracer les
frontières entre la notion de la notoriété et celle de la
renommée.
Par ailleurs, on note que le législateur tunisien
emploi aussi la formule « marque notoire » dans
l'article 5 afin de reconnaître au titulaire d'une telle marque,
supposée non-enregistrée, le droit de s'opposer à
l'enregistrement par un tiers d'une marque identique et ultérieure.
Sans grand risque de se tromper, on peut soutenir que la
marque notoire et la marque notoirement connue ne font qu'un dans la mesure
où la loi n°36-200 1 les protègent sans requérir de
leurs propriétaires qu'ils procèdent à leur
enregistrement. Par ailleurs, on peut admettre qu'il s'agit dans les deux cas
d'un même degré de notoriété. De même, il
semble que pour des raisons de commodité langagière, la doctrine
contemporaine emploi la formule marque notoire au lieu de marque
notoirement connue tout en admettant leur identité conceptuelle.
D'un point de vue étymologique, il semble
évident qu'il n'y a pas une différence de nature entre la notion
de notoriété et celle de renommée, de même, on ne
peut soutenir avec certitude que l'une des deux notions évoque
objectivement une célébrité assez remarquable et
aisément quantifiable au point d'opérer une distinction
contraignante ayant une valeur de droit.
Le ministre Jean Foyer n'a pas manqué de qualifier
l'article 713-5 du CPI français -équivalent à l'article 24
de la loi n°36-200 1- de « raté
législatif » tout en considérant, à juste
titre, que l'on « tombe dans le byzantinisme en voulant distinguer
la notoriété et la renommée. »1
MATHELY exprime cette idée comme suit : «
Il faut néanmoins préciser qu'il existe des degrés
dans la notoriété. Mais il n'est pas possible que le droit entre
dans la distinction entre ces degrés, car cette distinction serait
difficile à opérer objectivement. C'est ce que dit la
jurisprudence, en jugeant que la marque a le caractère notoire, sans
qu'il y ait à tenir compte d'une exceptionnelle
célébrité ». 2
Par ailleurs, on note que la marque notoirement connue et la
marque jouissant d'une renommée bénéficient sur un
même pied d'égalité des dispositions protectrices de
l'article 24.
Raisonnablement, bien que l'on soit tenté de
considérer qu'une marque notoirement connue évoque normalement
une célébrité plus intense que celle jouissant d'une
renommée, il semble que la différence entre les deux marques
réside dans le caractère obligatoire ou non de l'enregistrement.
Concernant la marque notoire ou notoirement connue, le législateur
tunisien n'exige nullement qu'elle soit enregistrée pour qu'elle puisse
bénéficier de l'ensemble des dispositions protectrices de la loi
n°36-2001. En ce sens, il est unanimement admis que la
notoriété de la marque se substitue à l'obligation de
l'enregistrement.
Quant à la marque jouissant d'une renommée,
l'article 24 semble exiger qu'elle soit enregistrée. Cette
déduction se dégage de la lettre de cet article qui dispose que
« l'emploi d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits
ou services non similaires à ceux désignés dans
l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur
».
A moins de réduire l'emploi des notions de
renommée et de notoriété à une maladresse dans la
rédaction 3 de l'article 24 et qui serait créatrice
d'une dissymétrie difficilement concevable entre ses deux
alinéas, la question semble donc logiquement se ramener plutôt
à une différence quant à la l'obligatoriété
de l'enregistrement qu'à une différence d'intensité en
terme de célébrité.4
Sans définir la marque notoire,5 l'article
24 l'entend « au sens des conventions internationales
ratifiées par la République Tunisienne », ainsi, on
doit nécessairement se référer à la Convention
d'Union de Paris et plus précisément son article 6 Bis qui
prévoit la protection de la marque notoire.
1 Foyer (J): « commentaire de la loi du 4 janvier
1991 ». Actualités législatives Dalloz, 1991.
2è Cahier, p. 65.
2 MATHELY (P): op. cit. p. 159.
3 Empruntées à l'article 713-5 du CPI
français, les dispositions de l'article 24 de la loi n°36-2001
témoignent d'un mimétisme pur et simple, le législateur
tunisien s'est contenté de reprendre ces dispositions avec toute leur
maladresse de rédaction. La doctrine française n'a pas
manqué de relever le paradoxe de cet article qui parle de
notoriété et de renommée sans donner de critère de
distinction ni donner un effet concret à cette distinction sur le plan
de l'étendu de la protection. Voir en ce sens, MATHELY (P): op. cit. p.
228 ; CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. N°1026. p. 586.
4 Dans le même sens, POLLAUD-DULIAN (F) : op.
Cit. N°1422. p. 671. Cette position est partagée par une doctrine
autorisée comme en témoigne les références faites
par l'auteur dans la note n°346 de son ouvrage.
5 Aux fins de la détermination du régime
juridique de la marque notoire et son impact sur le principe de la
spécialité des marques, on tiendra pour équivalent la
marque notoire et la marque jouissant d'une renommée ou notoirement
connue.
Sans définir 1 à son tour la marque
notoirement connue, l'article 6 Bis de la Convention d'Union se limite à
consacrer la protection due à cette marque en précisant que la
notoriété s'apprécie au pays sur le territoire duquel la
protection est demandée. La notoriété d'une marque est
donc une question de fait qui s'apprécie souverainement par les
autorités compétentes de chaque Etat.
En l'absence d'une définition légale, la
doctrine la plus autorisée considère une marque comme notoire,
« lorsqu'elle est connue d'une très large fraction du
public. Il ne suffit pas donc que la marque soit connue d'un public
spécialisé, par exemple dans un cercle professionnel. Le plus
souvent, il sera exigé que la marque soit connue d'une grande partie du
public, c'est-à-dire de l'ensemble de la population
».2
Toujours selon MATHELY, « le fait que la marque
soit renommée abouti à lui conférer une seconde fonction,
distincte de sa fonction première et naturelle qui est de distinguer les
objets qu'elle désigne en raison de leur provenance : cette fonction
consiste à exercer un pouvoir d'attraction propre, uniquement imputable
à la renommée de la marque, et tout à fait distinct des
objets désignés et de leur origine. Il suit de là que les
marques renommées font l'objet d'une grande convoitise ».
3
La notoriété d'une marque s'apprécie par
référence au public, elle découle souvent d'un usage
très répondu, ancien et d'une qualité irréprochable
des produits ou des services 4 qu'elle couvre, cependant, avec
l'essor considérable des moyens de communication, il semble qu'une
publicité fracassante et bien étudiée est à
même d'imposer une grande réputation en peu de temps.
Bien que l'on soit tenté de considérer que la
notoriété se forge suite à un usage répondu de la
marque d'un point de vue territorial, il semble nécessaire de se
suffire, au sens de l'article 6 Bis de la Convention de Paris, à la
simple condition que la marque soit notoirement connue dans le pays où
la protection est demandée. C'est d'ailleurs dans ce sens que la Cour
d'Appel de Tunis s'est prononcée suite à une
interprétation pertinente de l'article 6 Bis de la Convention de Paris.
5
Ainsi définie, la marque notoire peut-elle être
protégée sur le terrain du droit des marques pour des produits ou
services différents de ceux qu'elle désigne ?
Au sens de l'article 6 Bis de la Convention de Paris ainsi
qu'au sens de la loi tunisienne des marques, les droits du propriétaire
d'une marque notoire ne sont protégés que dans le cadre de sa
spécialité, ceci dit, la marque notoire n'est
protégée que pour les objets identiques ou similaires à
ceux qu'elle désigne. Le principe de la spécialité demeure
donc intangible.
En application de cette règle, la Cour de Cassation
française 6 a censuré une décision qui avait
fait bénéficier la marque notoire COCA-COLA, en
raison de sa notoriété, d'une protection qui s'étend
à tout genre de produits et services.
1 POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. N°1601. p.
782.
2 MATHELY (P): op. cit. p. 159.
3 ibid. p. 225.
4 La protection des marques notoires a
été introduite dans la Convention d'Union de Paris après
sa révision à La Haye en 1925, par ailleurs, l'article 6 Bis ne
concernait que les marques de fabrique et de commerce. La protection des
marques notoires de services a textuellement vu le jour avec l'accord sur les
ADPIC et spécialement dans son article 16-2
qui dispose que « L'article 6 Bis de la Convention de Paris
s'appliquera mutatis mutandis, aux services. »
5 CA, Tunis, Arrêt n° 60537 du 16
février 2000. (JOHNSON ENDSON) Voir annexe n°5.
Voir également sur l'appréciation de la notoriété,
TPI, Tunis, jugement n° 2703 du 11 avril 2000. (DRYPERS).
Voir annexe n°6.
6
Cass. Com., 4 juin 1991. PIOTRAUT (J-L)
& DECHRISTE (P-J): op. cit. p. 309.
Sans pour autant contredire la règle de la
spécialité, il est de droit selon l'article 24 de la loi
n°36-2001, que la marque notoire bénéficie d'une protection
complémentaire.
En effet, selon l'article 24 « L'emploi d'une
marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non
similaires à ceux désignés dans l'enregistrement
engage la responsabilité civile de son auteur s'il est de nature
à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet
emploi constitue une exploitation injustifiée de cette
dernière ».
En vertu de la règle de la spécialité, le
droit des marques n'interdit pas l'usage d'une marque, fût-elle notoire,
pour des produits ou services différents de ceux désignés
dans l'acte de dépôt.
Pourtant, le droit d'utiliser une marque notoire pour des
produits ou services non similaires, ne doit pas être exercé d'une
manière frauduleuse ou abusive. Ainsi, si cet usage se
révèle fautif ou dommageable au sens de l'article 24, il engage
la responsabilité civile de son auteur.1
La condamnation de l'emploi d'une marque notoire en vertu du
droit commun de la responsabilité respecte parfaitement et la
règle de la spécialité et le caractère fautif du
comportement de celui qui adopte une marque notoire afin de profiter de sa
renommée.
Il est donc certain que l'atteinte constitutive de
contrefaçon n'est poursuivie et réprimée que si elle
empiète sur le droit à la marque pour des produits ou services
identiques ou similaires à ceux qu'elle désigne. Du reste, seule
la marque notoire bénéficie d'une protection large qui ne
découle pas du droit à la marque mais qui se fonde sur la
répression d'une faute civile qui, sans contredire strictement le droit
à la marque, porte atteinte à la valeur économique de
celle-ci.2
Paragraphe 2 : La territorialité de l'acte de
contrefaçon
Une marque n'est protégée, en principe, que dans
les limites territoriales de l'Etat dans lequel elle a été
déposée. Il s'ensuit que la territorialité se
présente comme l'expression géographique de la relativité
du droit sur la marque.
En effet, une marque enregistrée seulement en Tunisie
ne peut bénéficier d'une protection qui dépasse les
frontières de la république tunisienne, il est donc possible
d'enregistrer et d'utiliser, dans un autre pays, la même marque pour des
produits identiques ou similaires sans que le grief de contrefaçon ne
puisse être retenu contre l'auteur d'un tel enregistrement ou usage.
La territorialité du droit sur la marque est un
principe qui s'explique surtout par la nature subjective du droit en question,
car comme tout droit subjectif, le droit sur la marque est «
relatif à un ordre juridique déterminé, il ne
s'étend dans l'espace que dans la mesure où l'ordre juridique
lui-même s'étend dans l'espace ».3 Il n'a
donc géographiquement d'existence et d'effet que sur le territoire de
l'ordre juridique au sein duquel il a été créé.
1 Bien que l'article 24 ne se prononce pas sur les
sanctions d'un tel l'emploi, il semble logique que la sanction consistera en
l'interdiction de cet emploi ainsi que la réparation du préjudice
matériel et moral subi par le titulaire de la marque.
2 Voir en ce sens CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op.
cit. p. 590, n° 1033.
3 BOUCHE (N) : « Le principe de
territorialité de la propriété intellectuelle ».
Collection Logiques Juridiques 2002. N°272, p. 159.
De la territorialité du droit sur la marque, se
dégage une indifférence générale par rapport aux
faits intervenus à l'étranger et ayant pour objet une atteinte au
droit sur la marque car le droit sur la marque ne peut, en principe, être
violé dans un pays où il n'a point d'existence ou de protection.
Il s'ensuit qu'une marque déposée en Tunisie ne pourra faire
l'objet d'un acte de contrefaçon, que si les faits incriminés se
sont réalisés sur le territoire tunisien.
La relativité du droit des marques dans l'espace se
confirme aussi en vertu du principe de la territorialité de
l'application de la loi pénale. En effet, l'on sait que la
contrefaçon de marque est érigée en délit
pénal selon les articles 51 et 44 al. 1 de la loi n°36-2001, la
conséquence en est que l'atteinte à la marque n'est poursuivie et
qualifiée de contrefaçon que dans les limites de l'aire
géographique couverte par la loi pénale tunisienne.
Sur la base de ces développements, la relativité
territoriale du droit des marques semble être incontestable et
justifiée, toutefois, il est communément admis que la protection
de la marque peut être obtenue dans des pays étrangers en vertu
des conventions internationales tel que la Convention d'Union de Paris et
l'Arrangement de Madrid,1 ceci étant, peut-on voir dans les
conventions internationales une exception à la territorialité des
droits sur la marque ?
La réponse par la négative s'impose, car si les
conventions internationales permettent au droit sur la marque d'être
reconnu dans plusieurs ordres juridiques distincts, « elles ne
font qu'instituer un ordre juridique spécial plus large
»,2 ainsi la territorialité du droit sur la marque ne
fait que passer à une aire géographique plus large sans qu'elle
ne soit modifiée dans son principe.
Tel est le cas de l'enregistrement international des marques
dont les effets se répercutent dans les états -membres de
l'arrangement de Madrid- que le déposant aura désigné dans
l'acte de dépôt. « Tout ce passe comme si le
déposant international avait directement effectué un
dépôt dans chacun des pays de l'arrangement
».3 D'un point de vue terminologique, on parle d'un
dépôt international de marque et il n'est jamais question d'une
marque internationale.
Le principe de la territorialité des droits sur la
marque tient aussi face à la marque notoire. En vertu de l'article 6 Bis
de la Convention de Paris, le titulaire d'une marque notoire se trouve
implicitement dispensé de l'obligation de l'enregistrement de la marque,
dans les pays Unionistes, en raison de la notoriété qui se
substitue à l'obligation d'enregistrement.
Toutefois, l'exception dont bénéficie la marque
notoire, n'est en fait due que grâce à une appréciation
objective et territoriale de la notoriété, car pour
exonérer le titulaire d'une marque notoire de l'obligation
d'enregistrement, il faut d'abord, au sens de l'article 6 Bis de la Convention
de Paris, « que l'autorité compétente du pays de
l'enregistrement ou de l'usage estimera y être notoirement connue comme
étant déjà la marque d'une personne admise à
bénéficier de la présente Convention ».
1 L'Arrangement de Madrid a été
conclu le 14 avril 1891, il concerne l'enregistrement international des
marques. Le dépôt international de la marque, effectué par
le ressortissant d'un Etat signataire, permet de protéger la marque dans
tous les pays signataires de l'arrangement désignés dans la
demande d'enregistrement. Actuellement, l'enregistrement international
s'effectue à Genève auprès de l'O.M.P.I. La Tunisie,
partie à cet arrangement depuis le 28 août 1967, a fini par le
dénoncer en date du 8 avril 1987, la dite dénonciation a pris
effet à partir du 9 avril 1988. En effet, depuis cette date, les
étrangers qui entendent protéger leur droits doivent
déposer leurs marques directement en Tunisie. A titre informatif on note
que les Etats Unis d'Amériques n'ont adhéré à cet
arrangement qu'en date du 2 novembre 2003.
2 BOUCHE (N) : op. cit. N°273. p. 160.
3 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit.
N°1296. p. 781.
Ainsi, toute la construction échafaudée au tour
de la marque notoire se trouve subordonnée à la reconnaissance de
la notoriété par les autorités territorialement
compétentes de chaque Etat, elle n'a donc de sens que dans les limites
de l'ordre juridique étatique qui la reconnaît.
Au même titre que les limites relatives à la
spécialité et à la territorialité, l'atteinte
constitutive de contrefaçon de marque n'est envisageable que lorsqu'elle
intervient à une date où l'enregistrement de la marque produit
encore ses effets, elle doit en effet se situer dans le temps à une
époque où les droits sur la marque sont encore opposables aux
tiers.
Paragraphe 3 : La localisation temporelle de l'acte de
contrefaçon
Au sens de l'article 6 alinéa 2 de la loi du 17 avril
2001, l'enregistrement de la marque produit ses effets à compter de la
date du dépôt de la demande, et ce, pour une période de dix
ans indéfiniment renouvelable. Cet article est particulièrement
important car il nous permet de déterminer la période de temps
tout au long de laquelle l'acte de contrefaçon pourra intervenir.
Ainsi, la protection décennale commence depuis la date
du dépôt car c'est à cette date que la marque est
réputée naître. Néanmoins, on a vu que
l'opposabilité des droits sur la marque par rapport aux tiers ne
commence qu'à partir de la date de la publication 1 de la
demande d'enregistrement, car l'acte de dépôt est occulte et ne
permet en aucune manière de porter à la connaissance des tiers
l'existence de la marque nouvellement déposée.
C'est donc à partir de la date de la publication de la
demande d'enregistrement que naisse le droit de poursuivre en
contrefaçon tout atteinte portée aux droits
conférés par l'enregistrement de la marque.
Cette position se trouve encore confirmée par l'article
45 de la loi n°36-2001 qui pose la règle selon laquelle «
ne peuvent être considérés comme ayant porté
atteinte aux droits attachés à une marque, les faits
antérieurs à la publication de la demande d'enregistrement de
cette marque. Cependant, si le déposant notifie au présumé
contrefacteur une copie de la demande d'enregistrement, les faits
postérieurs à cette notification peuvent être
constatés et poursuivis ».
A défaut de notification, les faits de contrefaçon
ne peuvent être, donc, ni constatés ni poursuivis avant que la
demande d'enregistrement ne soit publiée.
Sachant que tout dépôt de marque confère
à son titulaire un droit de propriété qui dure dix ans
selon l'article 6, il s'ensuit que les droits sur la marque ne peuvent faire
l'objet d'une atteinte constitutive de contrefaçon de marque que dans
limites de cette période de dix ans car c'est au cours de cette
période seulement que le propriétaire de la marque
bénéficie des effets de l'enregistrement en terme
d'exclusivité des droits ainsi que leur protection.
Une fois que la période de protection légale arrive
à terme, la marque perd son support juridique, ainsi, son titulaire
n'aura plus de droit à faire valoir sur la base de la loi des
marques.
1 Voir supra. P. 40 et 41.
En conséquence, la marque devient res nullius
et c'est alors qu'un tiers pourra l'enregistrer pour son propre compte à
moins que le propriétaire ne procède, en temps utile, au
renouvellement de l'enregistrement de la marque pour une autre période
de dix ans et conformément aux conditions prescrites à cet effet
par l'article 16 de la loi n°36-2001.
A défaut de renouvellement, l'enregistrement de la
marque perd sa validité ainsi que les droits exclusifs qui en
découlent, ceci implique qu'il n'y aura plus de droit privatif de
propriété à contredire ou à violer.
Ainsi, la loi n°36-2001 du 17 avril 2001 relative
à la protection des marques ne pourra plus s'appliquer et par voie de
conséquence la contrefaçon ne pourra plus être retenue car
le droit auquel elle est censée porter atteinte n'existe plus.
En conclusion, on note que le caractère illégal
de l'atteinte portée aux droits du titulaire de la marque par l'acte de
contrefaçon tient à deux causes, la première est relative
au fait que l'acte incriminé se réalise sans l'autorisation du
propriétaire de la marque ni même de la loi, on a vu aussi que
l'illégalité peut provenir du dépassement des
prérogatives consenties par le propriétaire de la marque.
Quant à la deuxième cause, elle s'explique par
le fait que l'acte de contrefaçon se localise nécessairement sur
le terrain prohibé créé par le monopole sur la marque,
c'est en effet une atteinte aux droits sur la marque dans les limites de sa
spécialité, sur une aire géographique où ces droits
sont reconnus et opposables et enfin c'est une atteinte qui intervient
forcément à un moment où l'enregistrement de la marque
produit encore ses effets dans le temps.
En d'autres termes la contrefaçon n'est possible que dans
la mesure où le droit sur la marque existe en substance, dans le temps
et dans l'espace.
Etant une atteinte à un droit privatif de
propriété, la contrefaçon est érigée en
délit aussi bien au plan civil que pénal conformément
à l'article 44 al 1.
Afin de pouvoir cerner les contours de ce délit, il
nous est nécessaire de définir en quoi consiste
matériellement l'atteinte constitutive de la contrefaçon de
marque, ainsi se pose la question de la détermination des manifestations
et des modalités d'intervention de l'acte de contrefaçon.
S'agissant des actes par lesquels elle se manifeste, la loi
n°36-2001 qualifie de contrefaçon des actes tels que la
reproduction, l'usage, l'imitation, l'apposition ou la suppression de la marque
en violation des droits conférés par l'enregistrement et des
interdictions qui en découlent.
Ainsi, et en raison de l'approche analytique adoptée
par le législateur tunisien, on examinera distinctement les
différents actes érigés en délits de
contrefaçon tels que prévus par la loi du 17 avril 2001.
TITRE DEUXIÈME :
Les manifestations de l'acte de contrefaçon
En disposant dans l'article 44 que « toute
atteinte portée aux droits du propriétaire constitue une
contrefaçon », la loi du 17 avril 2001 forge en termes
clairs l'unification du concept de contrefaçon de marque.
Désormais, il n'y a plus lieu de distinguer, comme
çà était le cas sous l'empire du décret du 3 juin
1889, la contrefaçon stricto sensu -qui concernait
essentiellement des hypothèses de reproduction illicites de la marque-
des autres violations du droit sur la marque souvent désignées
sous le terme de contrefaçon lato sensu ou délits
accessoires et qui se présentaient comme la continuité
d'une préalable contrefaçon par reproduction, il en était
ainsi de l'apposition frauduleuse d'une marque enregistrée.
Sur le plan terminologique, les rédacteurs de la loi du 17
avril 2001 semblent manifester un souci particulier quant à la
clarté des dispositions relatives au concept de contrefaçon.
En effet, selon une démarche chronologique, le
législateur défini la contrefaçon dans l'article 44 al.1
comme toute atteinte perpétrée aux droits sur la marque, ensuite,
et afin de lui donner un contenu propre, il est dit dans l'article 44 al.2 que
« constitue une atteinte aux droits sur la marque, la violation
des dispositions prévues aux articles 22 et 23 de la présente
loi ».
Invité par l'article 44 à consulter les articles
22 et 23 de la loi n°36-2001, on y trouve une liste d'actes ou de droits
réservés au propriétaire de la marque. En tête
des-dits articles, il est clairement formulé avec un luxe d'insistance
stylistique que ces actes ou droits « sont interdits,
(aux tiers) sauf autorisation du propriétaire
». En conséquence, l'exercice non autorisé de l'un de ces
droits par un tiers sera qualifié de contrefaçon.
Par ailleurs, il semble que le législateur tunisien a
choisi de définir les droits du propriétaire de la marque, dans
les articles 22 et 23, par la négative comme pour insister sur les
interdictions qui les entourent à l'égard des tiers. Ce sont ces
droits là et seulement ces droits que le droit des marques
protège et sanctionne la violation à titre de délit de
contrefaçon.
Une remarque concernant la portée des interdictions qui
pèsent sur les tiers mérite d'être signalée. En
effet, les interdictions formulées dans les articles 22, 23 et 52
renferment à la fois une constante et des variantes.
S'agissant de la constante, elle se rapporte au
caractère limitatif des interdictions énoncées dans les
articles 22, 23 et 52. En effet, la violation de ces interdictions engage la
responsabilité pénale de son auteur, par voie de
conséquence, il est indispensable que ces interdictions soient
interprétées d'une manière stricte que ce soit du point de
vue du droit pénal ou sous l'angle du principe de la liberté de
la concurrence.
Quant aux variantes, elles concernent des
différences relatives aux éléments constitutifs du
délit de contrefaçon selon qu'il s'agissait des interdictions
posées dans l'article 22, 23 ou 52 de la loi n°36-2001.
En effet, selon l'article 22 « Sont interdits, sauf
autorisation du propriétaire :
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une
marque....., pour des produits ou services identiques à ceux
désignés dans l'enregistrement ».
Il ressort de cet article que le simple exercice non
autorisé de l'un des actes qu'il énonce à titre limitatif
suffit seul à consommer le délit de contrefaçon de marque
indifféremment de tout risque de confusion ou de toute intention
frauduleuse. Par ailleurs, il est clair qu'il met en oeuvre la protection de la
marque dans les strictes limites de sa spécialité,
c'est-à-dire pour des produits ou services identiques
à ceux désignés dans l'acte de dépôt d la
marque.
Pour ces raisons, et compte tenu de la manière dont ils
sont incriminés, les actes interdits au sein de l'article 22 sont
érigés, à juste titre, en délits matériels
de contrefaçon. ( Chapitre 1 )
A la différence de l'article 22, les interdictions
portées dans l'article 23 ne jouent qu'à double condition. En
effet, les actes interdits dans cet article ne sont susceptibles de poursuites
que lorsqu'ils sont accomplis par un tiers afin de désigner des produits
ou services non pas identiques mais seulement similaires
à ceux désignés dans l'enregistrement de la marque
usurpée.
Cette condition ne joue évidemment pas pour l'imitation
ainsi que l'usage d'une marque imitée au sens de l'article 23 car ces
actes sont répréhensibles indifféremment du
caractère identique ou similaire des produits ou services en
question.
A la condition d'employer la marque enregistrée pour
des produits ou services similaires, s'ajoute l'exigence d'un risque de
confusion dans l'esprit du public comme deuxième condition
nécessaire à la constitution du délit de
contrefaçon au sens de l'article 23 de la loi n°36-2001.
Ainsi, tombe sous la qualification de contrefaçon
par confusion,1 l'exercice non autorisé d'un
quelconque droit sur une marque enregistrée pour des objets similaires
tout en créant une confusion dans l'esprit du public. ( Chapitre
2 )
Peuvent aussi être considérés comme
délits de contrefaçon au sens de l'article 52 de la loi
n°36-2001, des actes tels que la vente, la mise en vente, la fourniture,
l'offre de fournir ou encore la détention sans motif légitime de
marchandises revêtues d'une marque contrefaite. Bien que l'article 44 ne
renvoi pas à ces actes, ces faits incriminés par l'article 52
n'échappent pas à la qualification de contrefaçon car ce
sont des formes particulières d'usage et d'exploitation
illégitime de la marque.
Toutefois, ces actes ne sont punissables au sens de l'article
52 que lorsqu'ils ont été commis intentionnellement. Ainsi, en
raison de l'exigence de cet élément moral, on peut
légitimement les qualifier d'actes intentionnels de contrefaçon
de marque. (Chapitre 3)
Chapitre 1 : Les actes de contrefaçon
érigés en délits
matériels
Selon l'article 22 de la loi n°36-2001 du 17 avril 2001,
« Sont interdits, sauf autorisation du
propriétaire :
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une
marque, même avec l'adjonction de mots tels que : « formule,
façon, imitation, genre, méthode », ainsi que l'usage d'une
marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux
désignés dans l'enregistrement,
b) La suppression ou la modification d'une marque
régulièrement apposée. »
Sous l'angle du droit pénal, il semble permis de
désigner sous la formule de délits matériels
1 de contrefaçon, tous les actes interdits aux tiers par
l'article 22 de la loi du 17 avril 2001 car leur interdiction répond
parfaitement à cette qualification du moment qu'ils sont punissables du
seul fait de leur commission indifféremment de l'intention de leur
auteur.
Cette qualification semble satisfaisante puisqu'elle donne
à ce type d'actes de contrefaçon des dimensions proportionnelles
à leur gravité car aux yeux du propriétaire de la marque
rien n'est plus dommageable que de voir un tiers reproduire, utiliser, apposer,
modifier ou supprimer sa marque en vue de désigner des produits
identiques à ceux pour lesquels la marque contrefaite a
été enregistrée. En agissant de la sorte, le tiers
contrefacteur porte directement atteinte à l'objet même du droit
de propriété sur la marque vu que ce droit n'est reconnu que pour
s'appliquer aux produits ou services que le propriétaire entend
désigner par la marque conformément à ce qui a
été revendiqué dans l'acte de dépôt.
En effet, l'acte de contrefaçon qui découle de
la consommation de l'un des actes interdits dans l'article 22 vide le droit sur
la marque de sa substance et dérobe à cette dernière sa
fonction première qui consiste en la distinction des objets qu'elle
désigne par rapport aux objets identiques présentés sur le
marché par un autre fabricant ou prestataire de services.
Toujours selon l'article 22, il est important de signaler que
la commission de chaque acte interdit dans cet article constitue à elle
seule un délit de contrefaçon de marque distinct et
dissocié des autres. Ainsi, il apparaît clair que le délit
de contrefaçon est un délit simple2
puisqu'il se consomme par un seul et isolé acte matériel, cette
dissociation a une grande utilité pratique surtout concernant la
prescription et les personnes susceptibles de poursuites en
contrefaçon.
En raison de l'approche analytique adoptée par le
législateur tunisien dans l'énumération de l'article 22,
ainsi qu'en raison de la dissociation des actes de contrefaçon, il
semble opportun de déterminer la signification ainsi que les
éléments constitutifs de chaque acte de contrefaçon
isolément. Il convient d'ajouter à la liste de l'article 22, des
actes tels que l'importation ou l'exportation
de marchandises présentées sous une marque contrefaite. Bien
qu'ils fassent l'objet de l'article 51 (b), ces actes sont qualifiés de
délits matériels car ils sont réprimés au
même titre que les actes de contrefaçon et surtout
indépendamment de toute intention frauduleuse.
1- Sur les infractions matérielles, voir STEFANI (G),
LEVASSEUR (G) et BOULOC (B) : Droit pénal général.
16ème édition. Précis Dalloz 1997.. N°273
et 282.
2 idem. n°221 à 225. p. 192 et suivantes.
Section 1 : La reproduction de la marque pour des
produits ou services identiques
La reproduction de la marque enregistrée est la plus
flagrante des formes d'usurpation des droits sur la marque. Elle a longtemps
été confondue avec le concept de contrefaçon
lui-même tant en France en vertu de la loi de 1857 qu'en Tunisie sous
l'empire du décret du 3 juin 1889.
A cette époque là, le support matériel de
la contrefaçon reposait sur un acte de reproduction, la confirmation de
cette idée peut être dégagée de la définition
de GASTOMBIDE qui considérait la contrefaçon comme «
un détournement de la clientèle consommé au moyen
d'une reproduction ».1 Sur la base d'une telle
définition, on peut comprendre les raisons du rattachement de la
reproduction de marque à la notion de contrefaçon
stricto sensu.
Avec la promulgation de la loi de 17 avril 2001, le sens de la
reproduction de marque a été reconsidéré, c'est en
effet un acte de contrefaçon parmi d'autres. Il convient de noter que le
texte arabe de l'article 22 utilise le terme NASKH,
c'est-à-dire copier, afin de désigner l'acte de reproduction de
marque, il s'ensuit de cet emploi que le terme taklid
ne doit plus désigner la reproduction au sens des articles
22 et 23. Toutefois, le terme taklid demeure
polysémique 2 car outre son emploi dans l'article 44 afin de
désigner le concept de contrefaçon, il est employé aussi
dans le sens de l'imitation au sens de l'article 23 de la même loi.
Comme tous les actes de contrefaçon de marque, la
reproduction n'est pas définie dans la loi n°36-2001. Pour sa part,
la doctrine la considère comme l'acte de « confectionner ou
reproduire la marque à l'identique ou au quasi-identique. Elle est soit
servile, c'est-à-dire sans aucune différence perceptible,
quasi-servile, lorsque les différences sont insignifiantes, presque
imperceptibles ».3 Pareillement pour MATHELY, outre le
sens de la copie servile du signe constituant la marque, « la
reproduction en est quasi servile, lorsque la marque reproduite ne
présente, par rapport à la marque originale, qu'une
différence si légère qu'elle laisse subsister l'apparence
d'une identité totale entre les marques ».4
Ainsi défini, l'acte de contrefaçon de marque
par reproduction, au sens de l'article 22, doit être entendu dans le
cadre strict de la spécialité de la marque, c'est-à-dire
qu'il n'est qualifié ainsi que parce qu'il empiète sur le terrain
des produits et services identiques à ceux pour lesquels la marque
reproduite a été enregistrée. Le caractère
identique ne semble pas poser des gênes singulières pour les juges
qui doivent l'apprécier, au sens de l'article 22, strictement par
rapport aux produits et services désignés lors du
dépôt de la marque reproduite.
En conséquence, le délit de contrefaçon
par reproduction doit être retenu toutes les fois où un tiers
reproduit la marque pour des objets identiques peu importe le fait qu'ils
soient non- exploités car la protection couvre indistinctement tous les
objets désignés lors du dépôt.
1 GASTOMBIDE (A-J) : « Traité
théorique et pratique des contrefaçons en tous genres
». Le grand & Descaurier Éditeurs, Paris 1837. p. 410.
2 Les tribunaux emploient le terme taklid
pour désigner la reproduction et l'imitation. Il a
été même question d'utiliser les termes
tadliss ou tazouir au sens de
taklid alors qu'ils signifiaient le faux au
sens stricte du terme en droit pénal.
3 POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. N°1362. p.
638.
4 MATHELY (P): op. cit. p. 291.
Avant de déterminer les spécificités de
ce délit, il est important de souligner qu'à l'image de tout acte
de contrefaçon au sens de la loi n°36-2001, l'acte de reproduction
de la marque n'est punissable que lorsqu'il est établi que la marque a
été en fait matériellement et définitivement
reproduite peu importe le moyen ou le support utilisé. Ainsi, on doit
admettre que la tentative n'est pas punissable en matière de
contrefaçon car ce délit ne rempli pas les conditions requises
à la répression de la tentative telle que prévue dans
l'article 59 du code pénal.
Bien que les éléments indifférents
(I) à la constitution du délit de reproduction
sont aussi valables pour le reste des actes interdits dans l'article 22, l'acte
de reproduction est un délit spécifique tant sur le plan de son
étendue (II) que sur celui de ses modalités
d'intervention (III).
Paragraphe 1 : Les éléments
indifférents à la constitution du délit de reproduction
:
Au sens de l'article 22, doivent être
considérés comme inopérants aux fins de
l'appréciation de la reproduction, des éléments tels que
la bonne foi (1), le risque de confusion (2)
ainsi que le degré attractif de la marque reproduite
(3). A ces éléments, s'ajoutent d'autres souvent
invoqués en défense, tels que la qualité du produit, son
conditionnement, les techniques utilisées en vue de sa commercialisation
ainsi que la clientèle concernée par le produit ou la marque en
question.
1) L'indifférence de la bonne foi :
La reproduction de la marque pour des produits ou services
identiques est constitutive de contrefaçon indifféremment de
l'appréciation plus ou moins subjective de l'attitude du contrefacteur,
en ce sens, il est établi en droit comme en jurisprudence que la bonne
foi du contrefacteur importe peu car le contrevenant n'est pas en droit
d'ignorer 1 l'existence du droit sur la marque reproduite du moment
que son acte de dépôt a été publié.
Par ailleurs, il est certain que la responsabilité qui
découle de la consommation du délit de reproduction est
incontestablement insensible au paradigme de la faute, d'autant plus qu'il est
communément admis en doctrine comme en jurisprudence que la reproduction
de la marque pour des objets identiques présume d'une manière
irréfragable la mauvaise foi de son auteur.
La présomption de mauvaise foi en matière de
reproduction de la marque a été rappelée à maintes
reprises par le juge tunisien, il en est ainsi du jugement rendu dans l'affaire
PUMA.2
Les juges ont considéré que « la
société contrefactrice ne pouvait se prévaloir de sa bonne
foi car le seul fait de la contrefaçon inclut la malice et la tromperie
et constitue ainsi un dommage certain à la demanderesse, dommage qui lui
donne droit à réparation ».
Dans le même sens, il a été jugé 3
« que l'on ne peut opposer à la protection de la marque de
fabrique la bonne foi de la défenderesse étant donné que
le but recherché est la protection du produit d'origine
indépendamment de la bonne ou mauvaise foi ». Dans une
autre affaire de contrefaçon jugée au pénal, la cour
rappelle clairement qu'il importe de mettre en évidence la
1 Conformément au principe
général de droit posé par l'article 545 C.O.C, l'ignorance
de la loi ne tient pas lieu d'excuse légitime.
2 TPI, Tunis, jugement n°57782 du 2 octobre
1986. Rapporté en annexe du mémoire soutenu par BOUDEN (O) :
« La protection des marques de fabrique et de commerce »
Mémoire de D.E.A, Tunis 1990. Faculté de Droit et des Sciences
Politiques de Tunis. Page 121.
3 CA, Tunis, Arrêt n°62158 du 12 juin 1985.
BOUDEN (O): op. Cit. Annexe p. 57.
mauvaise foi dans les délits relatifs à la
tromperie et à l'escroquerie, toutefois, « la jurisprudence
a fini par admettre dans certains cas l'existence de la mauvaise foi de la
simple commission de certains actes » 1 parmi lesquels compte
l'acte de reproduction de marque.
Afin de démontrer que l'excuse de bonne foi est
inopérante dans le cas d'espèce, les juges s'efforcent parfois
à conforter leur position soit en procédant à
l'appréciation du comportement du contrefacteur soit en faisant exclure
l'excuse de l'ignorance ou de la coïncidence toutes les fois où la
marque reproduite se révèle notoire.
C'est ainsi que la Cour d'Appel de Tunis 2 a fini
par conclure à la mauvaise foi de celui qui a utilisé, reproduit
et enregistré pour son compte les marques notoires
d'autrui alors qu'il était lié à leur propriétaire
par une convention de fourniture de produits revêtus de ces marques
usurpées.
Non sans une certaine ironie, la cour insiste sur le fait que
le contrefacteur a procédé à l'enregistrement des marques
en question trois jours seulement après la rupture de ses relations
commerciales avec le propriétaire légitime.
Parfois, il a été question de dégager la
présomption de mauvaise foi du contrefacteur de sa seule qualité
de commerçant professionnel. C'est en effet le cas d'un jugement
3 qui, tout en déboutant le contrefacteur qui se
prétend être de bonne foi, rappelle avec un luxe d'insistance
qu'en vertu de son statut de professionnel, un commerçant doit
être en mesure de connaître pertinemment les marques notoires dans
son secteur d'activité. En outre, étant soumis au droit
commercial, tout commerçant se doit d'être loyal, diligent et de
bonne foi afin de ne pas porter atteinte à la règle de la
confiance en matière de transactions commerciales.
Ainsi, bien qu'il soit de droit que le délit de
reproduction est toujours exclusif de la bonne foi et ce bien longtemps avant
la loi du 17 avril 2001, les juges prennent souvent le soin de donner un
contenu ou une substance à la mauvaise foi de celui qui
reproduit une marque enregistrée compte tenu des circonstances de fait
propres à chaque espèce.
En se référant à l'article 22 de la loi
n°36-2001, on s'aperçoit qu'il ne contient aucune
référence au fait que les agissements du contrefacteur doivent
avoir été perpétrés « sciemment », «
frauduleusement » ou encore « de mauvaise foi », il en est ainsi
de l'exigence d'un risque de confusion.
2) L'indifférence du risque de confusion :
Il va sans dire que celui qui reproduit une marque pour des
produits ou services identiques à ceux qu'elle a pour fonction de
désigner ne risque pas de semer la confusion dans l'esprit du public,
mais au contraire, il cherche plutôt à dissiper toute confusion
quant à la véritable origine des objets couverts par la marque
reproduite car, en fait, il est allé plus loin en se substituant
purement et simplement au propriétaire lui-même dans l'exercice de
ses droits sur la marque.
Ainsi, le consommateur trouvera sur le marché deux
produits identiques revêtus de la même marque sans s'apercevoir
qu'ils ne proviennent pas d'un seul opérateur économique.
1 CA, Tunis, arrêt correctionnel n°2611 du
30 avril 1962. RJL 1963, n°10, p. 58.
2 CA, Tunis, arrêt n°60537 du 16
février 2000. (JOHNSON ENDSON. Inc / JASMINAL).Voir
annexe n°5.
3 TPI, Tunis, jugement commercial n° 2703 du 11
avril 2000. (DRYPERS corporation / CIPAP). Voir annexe
n°6.
Par ailleurs, le consommateur n'a pas à chercher si le
produit qu'il se procure est authentique ou pas car en vertu de l'association
signe/produit qui s'est forgée dans son esprit, grâce en grande
partie au talent du titulaire de la marque, il rattache légitimement ce
produit à un seul et unique fabricant par le biais de la marque qu'il
porte, puisqu'il est impensable et illogique de voir deux opérateurs
économiques proposer sur un même marché des produits de
même nature et portant la même marque alors que celle-ci est
censée religieusement les distinguer en fonction de leur provenance ou
de la maison de fabrique qui les a produit.
En conséquence, le risque de confusion n'a pas à
être pris en compte 1 toutes les fois où la marque
enregistrée se trouve reproduite pour désigner des objets
identiques à ceux qui figurent dans l'acte de son dépôt car
le contrefacteur par reproduction ne cherche qu'à être
perçu aux yeux du public comme étant le véritable
fabricant ou prestataire de services des objets désignés par la
marque reproduite que ce soit à l'identique ou au quasi identique.
L'indifférence de ces éléments confirme
encore une fois la qualification de l'acte de reproduction en tant que
délit matériel, ainsi, le seul fait matériel de reproduire
la marque enregistrée pour des produits ou services identiques suffira
à retenir la contrefaçon peu important l'intensité du
pouvoir distinctif de la marque reproduite.
3) L'indifférence de l'appréciation du
degré de distinctivité de la marque :
Le droit des marques protège la marque
indépendamment du degré de sa notoriété, de son
rayonnement ou de l'intensité des rapports qu'elle entretient avec le
public. En ce sens, l'accès à la protection n'est
conditionné que par la validité de la marque dont la protection
est demandée, son opposabilité aux tiers et le fait que
l'atteinte en question touche la marque dans sa spécialité.
Ainsi, toute discrimination fondée sur le
caractère faiblement ou fortement distinctif de la marque victime d'un
acte de contrefaçon par reproduction finira par prendre le contre-pied
de l'esprit et de la philosophie même du droit des marques qui ne
distingue point en ce sens sauf pour étendre la protection de la marque
notoire conformément à l'article 24, non pas sur le terrain de la
contrefaçon mais, en vertu des règles de la responsabilité
civile.
Dans le droit fil de la dénonciation de cette
distinction, M. POLLAUD-DULIAN écrit « c'est la comparaison
des signes en question qui compte peu important le degré de
distinctivité de la marque contrefaite. Une marque est distinctive ou
elle ne l'est pas : si elle est distinctive, donc protégée, sa
reproduction à l'identique ou au quasi-identique constitue une
contrefaçon. » 2
Contrairement à cette position, une partie de la doctrine
française 3 n'a cessé de soutenir que cette
distinction, qu'aucun texte en droit français ne l'autorise,
s'impose.
1 CA, Tunis, Arrêt n°25237 du 9 juin
1965. RJL 1969, n°6-7. p. 89. La cour rappelle à juste titre que
« La contrefaçon est établie lorsque la même marque
est reproduite E...] et ce indépendamment de toute confusion ou
tromperie ».
2 POLLAUD-DULIAN (F) : op. cit. n°1363. p.
638.
3 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit.
N°1191. p. 703 ; J. Azéma. RTD com., 2001. n°1. chronique. p.
432.
La jurisprudence française récente 1
semble s'orienter fermement vers l'admission de la distinction marque
faible / marque forte. La discrimination, explique M. AZEMA,
« se justifie par le légitime désir des juges de ne
pas donner à des marques un rayonnement que ne justifierait pas leur
caractère faiblement distinctif ».2 Quoi qu'il
en soit, la maxime « ubi lex non distinguit »
dépouille une telle distinction de fondement tant en droit tunisien
comme en droit français.
Paragraphe 2 : L'étendue de la reproduction de la
marque :
Selon Roubier, « il serait vraiment excessif
d'exiger une copie totale de la marque d'autrui car le délit de
contrefaçon ne serait jamais commis, il est rare en effet que le
contrefacteur pousse l'audace jusque là ».3
Si l'on doit exiger que la reproduction prenne la forme d'une
copie servile, la conséquence sera la mise en échec totale de la
protection de la marque car de la sorte le contrefacteur ne risquera absolument
aucune sanction du moment qu'il lui suffit de reproduire la marque à
quelques différences près pour se dérober de toute
poursuite en contrefaçon.
Même en pratique, on note qu'il est de moins en moins
courant de voir un contrefacteur reproduire la marque d'autrui en entier. En
effet, sur quinze affaires recensées en matière de reproduction
de marque pour des produits identiques, il n'y a eu que trois 4
seulement dans lesquelles les titulaires des marques usurpées se
plaignaient d'une reproduction servile.
Ainsi, comme « l'imagination des hommes est
féconde lorsqu'il s'agit de mal faire »,5 il a
été admis en doctrine comme en jurisprudence que la
contrefaçon est consommée toutes les fois où la marque se
trouve reproduite même partiellement.6
Bien entendu, si la reproduction est totale, il suffit aux
fins de l'appréciation de procéder à une comparaison
élémentaire entre la marque contrefaisante et la marque
reproduite pour mettre en évidence leur caractère identique comme
çà était le cas de la reproduction servile des marques
Christian Dior, Haut Mornag et (RAID,
PLIZ et FEE du LOGIS)
Toutefois, si cette démarche est valable lorsque les
deux marques en question sont simples, c'est à dire composées
d'un seul élément figuratif, nominal ou sonore, il en va
autrement si la marque usurpée se trouve reproduite dans une marque
complexe.
Dans ce cas, la solution repose sur l'appréciation du
pouvoir distinctif de la marque simple par rapport aux autres
éléments auxquels elle est ajoutée.
1 Voir en ce sens les quatre décisions
rapportées par J. Azéma, RTD com., 2003. n°3. Chronique, p.
499. il s'agit, en effet, de : CA, Paris, 27 novembre 2002, 4e ch.
A, RG 2002/ 03748 ; CA, Paris, 27 novembre 2002, 4e ch. A, RG
2001/15809 ; CA, Paris, 4 décembre 2002, 4e ch. A, RG
2001/01099 ; CA, Paris, 27 novembre 2002, 4e ch. A, RG 2000/23
173.
2 Azéma. (J), in Chronique,
Propriétés incorporelles, RTD com., 2003. n°3. p. 500.
3 ROUBIER (P) : Droit de la propriété
industrielle. Sirey 1952. Tome I. p. 354.
4 Affaire « HAUT MORNAG
», CA, Tunis, arrêt n°83724 du 6 février 2002. (non
publié) voir annexe n°4 ; Affaire «Christian
Dior» : CA, Tunis, Arrêt correctionnel n°2731 du 12
juillet 2001. (non publié) voir annexe n°7 ; CA, Tunis,
Arrêt, n°60537 du 16 février 2000. Affaire : «
RAID », « FEE DU LOGIS » et
« PLIZ », voir annexe n°5.
5 Le TOURNEAU (PH) & CADIET (L) : op. cit.
n°6084. p. 1119.
6 Cf., très critiquable, Cass-Civ,
n°18698 du 4 décembre 1989. Bulletin de la Doctrine et de la
Jurisprudence 1997, n°1. p. 149. Dans cette affaire ( KIRI c / RIKI ), en
l'espèce, la Cour de Cassation a déraisonnablement exigé
une identité totale entre les marques.
En effet, si la marque simple est reproduite dans un ensemble
au sein duquel elle ne perd pas sa singularité et son
individualité, il y a alors contrefaçon car la
distinctivité de cette marque n'a été ni
altérée ni banalisée suite à son insertion dans la
marque complexe.
Sur la base de ce raisonnement, il a été
jugé que la reproduction de la marque DRYPERS au sein
de la marque DRYPERS COMPACT 1 était
contrefaisante, il en est ainsi de la reproduction des marques suivantes
: ASTRAL 2 dans SUPER PANDA
ASTRAL, ainsi que la reproduction de la marque BRILLANCE
3 au sein d'une marque complexe constituée par les
signes nominaux BRILLANCE et SCHWARZKOPF
auxquels s'ajoute un élément figuratif.
L'appréciation de la reproduction devient
délicate lorsque la marque n'est reproduite que partiellement, ainsi, on
se pose la question de savoir quel critère doit-on adopter afin de se
prononcer sur l'existence de la reproduction ?
A vrai dire, « tout est question de mesure et de
bon sens, avec l'inévitable aspect subjectif des
appréciations ».4 Si le résultat de
l'appréciation de la reproduction partielle souffre d'une
évidente incertitude, on note par contre que la méthode suivie
dans cette appréciation fait l'unanimité d'une jurisprudence
ancienne et constante en Tunisie comme en France.5
En effet, comme le contrefacteur n'est assez imprudent pour
reproduire la marque intégralement, on a convenu à
apprécier la contrefaçon non d'après les
différences mais d'après les ressemblances car le
contrefacteur s'efforce souvent à dissimuler la reproduction en
créant quelques différences insignifiantes afin de repousser le
grief de contrefaçon.
La jurisprudence tunisienne n'a pas manqué de rappeler
cette règle depuis 1965, il en est ainsi de l'arrêt de la Cour
d'Appel de Tunis qui a considéré qu' « il n'est pas
nécessaire à la constitution de la contrefaçon que la
même marque soit reproduite dans son ensemble, il suffit juste de
reproduire ses éléments essentiels et significatifs peu importe
les différences de détail » . 6
Afin de retenir la contrefaçon, la marque doit
être reproduite en ce qu'elle a de plus spécifique et
caractéristique car si l'élément ou la partie reproduite
se révèle ordinaire ou à la limite du banal, on ne saurait
alors admettre la reproduction, il faut donc que le signe reproduit soit
intrinsèquement distinctif.
Dans cette optique, la doctrine 7 propose une
méthode analytique d'appréciation qui consiste à
disséquer « la marque protégée pour
déterminer ses éléments essentiels, ceux qui exercent le
pouvoir distinctif et on procède de la même façon à
l'égard du signe argué de contrefaçon pour voir s'il
reproduit ou non ces éléments caractéristiques. On
confronte les deux signes en présence, leurs éléments
intrinsèques et non les produits ou services vendus ou leurs
qualités, qui ne servent qu'à déterminer si l'on se trouve
dans la même spécialité »
Comme dans l'appréciation de la reproduction servile, il
convient de distinguer selon que la marque reproduite partiellement est une
marque simple ou constituée par plusieurs éléments.
1 TPI, Tunis, jugement commercial n° 2703 du 11
avril 2000. ( DRYPERS Corporation / CIPAP), voir annexe n°6.
2 TPI, Bizerte, jugement correctionnel n°6206 du
22 avril 2003. (inédit) (ASTRAL / MAGISTRAL), voir annexe n°8.
3 TPI, Sfax, jugement commercial n°970 du 14 mars
2000. ( SCHWARZKOPF / JASMINAL), voir annexe n°1.
4 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit.
N°1192. p. 705.
5 Ibid. p. 707 et sui ; Voir aussi en ce sens la
jurisprudence citée par MATHELY (P): op. cit. p. 293 et sui.
6 Arrêt n°25237 du 9 juin 1965. RJL 1969, n°6-7.
p. 89.
7 POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. N°1364. p.
638.
Si la marque contrefaisante reprend quelques
éléments significatifs du signe constitutif d'une marque simple
tout en faisant d'eux son élément vedet e ou sa pierre
angulaire, il y a alors
t
contrefaçon du moment que l'on ne peut s'empêcher de
remarquer l'omniprésence et la subsistance de la marque reproduite au
coeur de celle qui l'a contrefait.
Il en est ainsi de la marque KRISTAL
1 qui reprend le signe CRISTAL,
SONYA 2 qui reprend SONY et
MARINI qui reprend MARTINI. 3
Par contre, dans les affaires ( KIRI
c/ RIKI) 5 et ( OMO
c/ ORO) 6 la reproduction partielle n'a
pas été retenue suite à une appréciation
erronée car les juges ont basé, à tort, leurs positions
sur des différences quant à la forme du produit, sa
présentation ou son emballage alors qu'ils auraient dû comparer
seulement les deux marques en question à l'exclusion de toute autre
considération puisque comme le rappelle la Cour d'Appel de Tunis «
c'est l'identité entre les marques et non pas l'identité
entre les produits qui induit le consommateur en erreur sur le véritable
fabricant».7
Toutefois, il est un cas où l'on doit prendre en
considération ces éléments, c'est celui où la
marque se trouve composée entièrement ou en partie, au sens de
l'article 2 al. 2 de la loi n°36- 2001, par «les reliefs, les
formes, notamment celles du produit ou de son
conditionnement».
A condition qu'ils soient distinctifs en eux-mêmes, ces
éléments deviennent protégeables et ce n'est que pour
cette raison qu'ils doivent être considérés dans
l'appréciation de la reproduction.
Par ailleurs, l'appréciation de la reproduction
partielle devient souvent plus compliquée toutes les fois où elle
a pour objet une marque complexe. En effet, la complexité de cette
appréciation n'a pas manqué d'alimenter un débat
épineux, en droit français, entre la Cour de Cassation et les
juges de fond qui refusaient de séparer analytiquement les
éléments de la marque complexe reproduite partiellement tout en
la considérant comme un tout indivisible. 8
Ainsi, s'il s'avère que c'est l'ensemble qui est
distinctif et non pas ses éléments pris séparément,
on dira alors qu'il n'y a pas de contrefaçon sauf si cet ensemble est
reproduit en entier. Le même raisonnement est valable aussi lorsqu'on est
en présence de deux marques complexes. En effet, si
l'élément reproduit se fond ou se noie dans le nouvel ensemble
auquel il est ajouté et s'il n'est pas distinctif ou attractif en soi,
on considèrera alors que la seconde marque forme un tout indivisible,
dès lors, elle ne sera pas considérée comme
contrefaisante.
Sur la base de cette méthode, les juges français
ont considéré que la marque « J.B. ADAM
» ne contrefaisait pas la marque
«J&B»,9 de même «
BIG BOSS » et « HUGO BOSS
».10
Quant à la jurisprudence tunisienne, elle semble
généralement subordonner l'appréciation de la reproduction
partielle au caractère distinctif de l'élément reproduit
dans la marque complexe.
1 TPI, Tunis, jugement N° 64616 du 5 juillet
1983. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 145.
Publication de la Faculté de Droit de SFAX.
2 CA, Tunis, Arrêt N°1593 du 13
février 1987. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997,
n°1. p. 150.
3 CA, Tunis, Arrêt du 16 mai 1951. Ann. Prop.
Ind 1952. p. 133.
5 Cass-Civ, n°18698 du 4 décembre 1989.
Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 149.
6 CA, Tunis, Arrêt n°62158 du 12 juin 1985.
BOUDEN (O): op. Cit. Annexe p. 79.
7 CA, Tunis, Arrêt, n°60537 du 16
février 2000. Affaire (JOHNSON ENDSON. Inc / JASMINAL), voir annexe
n°5.
8 Sur la jurisprudence du tout indivisible,
voir : CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. N°1192. p. 704.
9 Paris, 29 mars 1996, PIBD, 1996, n°611. III.
185..
10
Cass. Com., 7 février 1995, RTD
com., 1996, 269, obs. J. Azéma
Tout d'abord, on note que l'appréciation du
caractère distinctif des éléments reproduits n'est pas
toujours indispensable chaque fois où la reproduction partielle
s'apparente plutôt à une copie servile, c'est d'ailleurs le cas
dans l'affaire MISTER MINUTE.
En effet, sur trois niveaux de comparaison, les juges ont fini
par admettre une reproduction totale à deux reprises tout en estimant en
troisième lieu qu'« une grande similitude a
été relevée à propos de l'homme qui figure sur les
deux signes même s'il y a eu des changements qui ne soient pas de nature
à modifier le contenu du signe publicitaire
».1
Dans une autre affaire, le Tribunal de Première
Instance de Sfax a considéré que la marque NUIT de
PARIS n'est pas la contrefaçon de la marque SOIR de
PARIS.2 Selon les considérations de ce jugement, il
paraît clair que les juges ont confondu imitation et reproduction
partielle car ils ne se sont pas basés sur une appréciation
analytique mais plutôt sur une appréciation synthétique ou
d'ensemble tout en vérifiant s'il y a eu ou pas confusion dans l'esprit
du public.
S'agissant du caractère distinctif de
l'élément reproduit à partir d'une marque complexe, il
semble qu'il est de plus en plus considéré en jurisprudence.
C'est ce que laisse entendre le jugement 3 qui a retenu la
contrefaçon à partir de la reproduction de
l'élément figuratif de la marque ROMAGE au sein
de la marque IMAGE D'AMOUR.
De même, la reproduction du terme NOVA
au sein de la marque DELICE NOVA a été
jugée contrefaisante de la marque notoire MAMI NOVA.
Dans cet arrêt, la Cour de Cassation 4 a censuré,
à juste titre, la décision qui « ne s'est pas
fondée sur un critère général et clair qui rend
compte des ressemblances relatives aux caractéristiques fondamentales et
distinctives des deux marques sans s'attarder sur les dissemblances
insignifiantes et les différences de détails ».
En méconnaissant cette démarche, la cour d'appel
ne pouvait parvenir à « déterminer si la
dénomination NOVA compte en tant qu'élément distinctif de
part sa forme ou en fonction de sa conjonction aux autres
éléments et, par voie de conséquence, si son existence
dans la marque de la défenderesse (DELICE NOVA) saurait
attester la prétendue ressemblance ».
Bien que l'on approuve cette démarche, il semble,
toutefois, que la cour de cassation a relevé un cas d'imitation et non
pas de reproduction partielle alors que la demande tendait à
reconnaître la reproduction partielle sur la base de l'article 16 du
décret du 3 juin 1889.
Dans un arrêt 5 rendu après
l'entrée en vigueur de la loi n°36-2001 du 17 avril 2001, il a
été jugé que l'élément reproduit à
partir d'une marque complexe dans une autre marque complexe doit être
intrinsèquement distinctif, dès lors, s'il est prouvé
qu'il est descriptif sa reproduction ne saurait être qualifiée de
contrefaçon. Il en est ainsi de la reproduction partielle des marques
DERBIGUM AFRIQUE P2, SP4 et
GC5 dans les marques BITUPLAST P2,
HP4 et GC5.
Contrairement aux premiers juges qui ont estimé,
à tort, que le différend mettait en cause un brevet d'invention
et non pas une marque de fabrique, la cour d'appel a adopté une
démarche séduisante.
1 TPI, Tunis, Jugement n°64617 du 28
février 1989. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997,
n°1. p. 144.
2 Jugement n°14808 du 13 février 1989.
Ibidem. En l'espèce, les deux marques désignaient des produits
identiques.
3 Affaire: (BOURGEOIS / BATTIKH). TPI, Tunis, jugement
n°12716 du 6 juin 1982. RTD 1995. P. 299. Note N. Mezghani.
4 Cass-civ n° 65931 du 8 mai 2001. Bull Civ 2001,
p 103 et spécialement p. 106.
5 C A, Tunis, Arrêt n°546 du 3
décembre 2003, (Affaire: DERBIGUM / COMMET), voir annexe n°3.
D'abord, elle s'est référée à
l'article 2 de la loi n°36-2001 pour rappeler que la marque doit
être foncièrement distinctive, ensuite, elle renvoi à
l'article 3 de la même loi pour dépouiller les signes descriptifs
de tout caractère distinctifs avant de conclure à cet attendu :
« considérant que tant qu'il est établi que les
lettres objet de la reproduction ne sont en fait que des indications de
l'espèce du produit » et donc « libres
d'usage pour tous les producteurs sans que l'un d'entre eux ne puisse en
réserver l'usage à titre exclusif, il s'ensuit qu'elles ne
peuvent profiter d'une protection spéciale ».
En définitive, on conclut sur la base de ces
développements que la contrefaçon doit être retenue toutes
les fois où l'élément reproduit pris isolément se
révèle susceptible d'exercer, entièrement ou en partie, la
fonction distinctive ou attractive de la marque indépendamment de la
modalité par laquelle la reproduction a été
consommée.
Paragraphe 3 : Les modalités de la reproduction de
la marque :
Parler de modalité en matière de
contrefaçon revient à déterminer ses manifestations
possibles, or nul besoin de rappeler que c'est là une question qui varie
selon le degré de fécondité de l'imagination du
contrefacteur. La reproduction s'entend de toute reprise matérielle de
la marque ou de certains de ses éléments distinctifs, il en est
de même de la reproduction de la marque sur un site Internet.
Tout d'abord, il peut s'agir classiquement d'une reproduction de
la marque au sein d'un signe distinctif tel qu'une dénomination sociale,
une enseigne ou un nom commercial.
Le support matériel de la reproduction peut aussi
consister en un spot ou une affiche publicitaire, la licéité de
la reproduction de la marque devient plus sensible dans le cas d'une
publicité comparative 1 « par laquelle une entreprise
compare ses produits et ses services à ceux d'un concurrent, en les
désignant par la citation ou la représentation de la marque de ce
concurrent ».2
Alors qu'elle est réglementée en droit
français,3 la reconnaissance de la publicité
comparative, en Tunisie, semble douteuse surtout eu égard aux termes
généraux de l'article 22 de la loi n°36- 2001.
Quoi qu'elle puisse poursuivre une mission d'information aux
yeux du consommateur, la publicité comparative reste, néanmoins,
toujours partiale d'autant plus que la reproduction à titre comparatif
de la marque d'autrui, sans autorisation préalable, est loin
d'être la seule manière de venter les mérites d'un produit.
Ainsi, et à moins d'une réglementation stricte, son admission
semble être un facteur complémentaire de complication au sein du
droit des marques.
Du reste, on note que la marque peut être reproduite sur
tout support matériel imaginable, c'est ce que révèle la
jurisprudence française en qualifiant de reproduction la reprise de
la
1 MONTEIRO (J) :« Droit des marques et
publicité comparative : Propos sur des idées (communautaires)
réductrices ». Gaz. Pal du 13 juin 1996.N°3. p. 607.
2 MATHELY (P): op. cit. p. 184.
3 Ibidem.
marque par un tiers dans un poème
publicitaire,1 sur des sacs publicitaires,2 sur des
emballages,3 dans un catalogue,4 sur des bons de
commande,5 dans les tarifs 6 ou encore sur un
cintre.7
Quant à la jurisprudence tunisienne, il semble qu'elle
a été saisie seulement de litiges mettent en question une marque
reproduite face à une autre marque contrefaisante. L'étude de
cette jurisprudence révèle plusieurs manières
utilisées par les contrefacteurs afin de reprendre la marque d'autrui au
sein de leurs marques.
Il en est ainsi du procédé de l'adjonction qui
consiste à reproduire la marque au sein d'un ensemble comme
çà était le cas dans les affaires 8
DRYPERS c/ DRYPERS COMPACT et ASTRAL
c/ SUPER PANDA ASTRAL. Il est à noter
conformément à l'article 22 de la loi n°36- 2001 que la
reproduction « même avec l'adjonction de mots tels que :
«formule, façon, imitation, genre,
méthode» » n'est pas exclusive de la
contrefaçon.
La reproduction peut aussi se consommer par le retranchement
de la marque reproduite, c'est le cas dans les affaires MAMI
NOVA c/ DELICE NOVA,9 et MARTINI
c/ MARINI.10 De même, la reproduction est
réputée constituée suite à la traduction si la
marque traduite demeure identifiable dans la marque contrefaisante. Tombe aussi
sous le coup de la reproduction, la conversion de l'élément
nominal CROWN 11 en un élément
figuratif constitué par une couronne.
Il est également un autre cas très
répondu de reproduction qui consiste à créer des
différences entre les deux marques soit par adjonction (SONY /
SONYA),12 soit par inversion (KIRI
/ RIKI) 13 ou encore en modifiant une lettre, sa
position ou la manière dont elle est écrite. C'est le cas dans
les affaires CRISTAL c/
KRISTAL,14 et
OMO c/
ORO.15 Dans tous ces cas, on
peut estimer qu'il y a eu une contrefaçon phonétique car la
ressemblance est évidente sur le plan de la prononciation.
Incontestablement, la reprise d'une marque au sein d'un nom de
domaine sur Internet 16 semble être la plus récente
modalité de reproduction de marque dans les temps modernes, ceci
confirme une fois encore la diversité des modalités
d'intervention du délit de reproduction.
1 Paris, 11 avril 1988, RDPI 1988, n°19, p.
75.
2 Paris, 3 mars 1965, RTD Com 1968. 1039,
n°14.
3 TGI, Paris, 2 juillet 1979, RIPIA 1979. 393 ; Cass.
Crim., 18 avril 1988, D 1988. IR.158. Emballage non-authentique.
4 Paris, 16 juillet 1984, Ann. 1985. 130.
5 Paris, 15 janvier 1976, RTD Com 1977. 315,
n°9.
6 TGI, Paris, 13 juin 1991, PIBD 1991. III. 717,
n°512.
7 TGI, Paris, 4 juillet 1986, PIBD 1987. III. 35,
n°404.
8 Concernant les deux affaires, voir annexes n°6
et n°8..
9 Cass-civ n° 65931 du 8 mai 2001. Bull Civ 2001,
p 103.
10 CA, Tunis, Arrêt du 16 mai 1951. Ann. Prop.
Ind 1952. p. 133.
11 TPI, Sousse, jugement n°953 du 20
décembre 1982. Chronique, R.T.D 1986. p. 569, note N. MEZGHANI.
12 CA, Tunis, arrêt N°1593 du 13
février 1987. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997,
n°1. p. 150.
13 TPI, Tunis, jugement N°460/08 du 23 octobre
1983. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 148.
14 TPI, Tunis, jugement N° 64616 du 5 juillet
1983. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 145.
15 CA, Tunis, Arrêt n°62158 du 12 juin
1985. BOUDEN (O): op. Cit. Annexe p. 79.
16 CA, Paris, 28 janvier 2003, D. Aff. 2003, p. 690,
obs. C. Manara ; TGI, Grasse 2001. Le litige opposait la marque 1,2,3
spresso au nom de domaine 1,2,3
espresso.
com. Publié sur "
www.nice-avocats.com/avocats/deur-nicolas.htm"
; TGI, Nanterre, 20 mars 2000. En l'espèce, un distributeur exclusif de
la marque SONY a reproduit la-dite marque dans son nom de
domaine afin de bénéficier d'un bon classement par les moteurs de
recherche lorsque l'interrogation portait sur la marque SONY.
La reproduction a été jugée contrefaisante. Publié
sur l'adresse :
www.cejem.com/article.
TGI, Paris, 14 mai 2001, publié sur
www.cejem.com/article. Dans
cette affaire qui opposait la marque DANONE au
Réseau Voltaire qui utilise un nom de domaine sous le
nom de "jeboycottedanone". La société DANONE a
vu sa demande en contrefaçon repoussée s'agissant de la
reproduction de cette dénomination dans l'adresse du nom de domaine,
selon le tribunal cette reproduction constituait "une référence
nécessaire pour indiquer la destination du site polémique" ou
encore
En définitive, ce qui importe c'est que la marque soit
reproduite matériellement pour désigner des produits identiques
à ceux pour lesquels elle a été enregistrée selon
la lettre de l'article 22 de la loi n°36-2001. Toutefois, on est en droit
de soutenir que la reproduction de la marque n'est condamnable que dans la
mesure où elle poursuit des fins commerciales 1 ou
concurrentielles qui touchent directement à la spécialité
de la marque reproduite.
Cette limitation du champ de la répression de la
reproduction et de la contrefaçon en général s'explique
par le fait que la marque n'est pas protégée dans l'absolu mais
uniquement dans son application aux objets qu'elle a pour fonction de
distinguer dans le commerce. Ainsi et à l'image de son objet, la
contrefaçon n'a ni sens ni substance en dehors de la
spécialité et du commerce.
Bien entendu, la nécessité de localiser la
reproduction dans un cadre commercial ne doit pas être entendue comme
impliquant nécessairement un usage commercial de la marque reproduite
car, tel qu'il est prévu dans l'article 22 de la loi n°36-2001,
l'acte de reproduction de marque est incontestablement dissocié de tout
acte ultérieur d'usage ou de commercialisation.
Ainsi, si la reproduction intervient dans un cadre autre que
concurrentiel, on ne voit pas en quoi elle porte atteinte aux droits
conférés par l'enregistrement de la marque, l'exemple en ce sens
en est la reproduction à usage privé ou encore dans un cadre
contestataire ou parodique2 impliquant l'exercice de la
liberté fondamentale de l'expression.
La jurisprudence française relative à la
reproduction des marques dans des noms de domaine contestataires ou parodiques
semble s'orienter progressivement vers la reconnaissance de certaines
exceptions au droit des marques permettant d'envisager le droit à la
critique et à la parodie de marque.
C'est ce qu'on peut dégager du rejet des demandes en
contrefaçon intentées séparément par SCPEA
3 et ESSO 4 contre
l'association Greenpeace France, ainsi que de l'arrêt
infirmatif dans l'affaire DANONE 5 qui n'a pas
retenu la contrefaçon par reproduction. Dans ces affaires, la
jurisprudence française a fermement opposé à
l'absolutisme du droit des marques l'exception de la reproduction
à titre polémique sous l'égide du droit fondamental
à la liberté d'expression.
Internet, vecteur d'information par excellence, est le lieu
privilégié de la liberté d'expression. Toutefois,
liberté n'est point synonyme d'anarchie, tout est question de mesure et
de bon sens, c'est ce que laisse entendre la Cour d'Appel de Paris 6
en condamnant pour contrefaçon le concurrent malicieux
(EUROPE 2) qui dirige des liens hypertextes
(ANTI-NRJ) reproduisant la marque (NRJ) vers
un tiers qui tient des propos dévalorisants et dénigrants
à l'égard de celle-ci.
"le moyen de nature à garantir et
à satisfaire pleinement la liberté d'expression".
Toutefois la demande en contrefaçon a été
accueillie s'agissant de la reproduction des logos de la marque
DANONE à l'intérieur du site lui-même car
la reprise des éléments de la marque dans cette seconde
hypothèse n'était pas nécessaire au but de contestation
poursuivi par les animateurs du site. Avant d'être infirmé en
appel, ce jugement a failli faire jurisprudence.
1 Voir en ce sens, CHAVANNE (A) & BURST (J-J) :
op. cit. N°1203. p. 713; Cf, Mathély (P): op. cit. p. 324.
2 BAUD (E) et COLOMBET (S) : « La parodie de
marque : vers une érosion du caractère absolu des signes
distinctifs ? » D. 1998, n°23, Chron. P. 227.
3 TGI, Paris réf., 2 août 2002. Affaire :
SA SCPEA c/ Association Greenpeace France. Confirmé par : CA, Paris, 26
février 2003. Publié sur :
http://www.juris-nd.com/jp/00/Theme5.htm;
également sur
www. legalis. net
4 CA, Paris, 26 février 2003. Association
Greenpeace France c/ SA Esso. Infirmant TGI, Paris, réf., 8 juillet 2002
Esso c/ Greenpeace. Les deux décisions sont publiées sur :
http://www.legalis.net/cgi-iddn/certificat.
5 CA, Paris, 30 avril 2003. Affaire "jeboycottedanone"
(sur le fond), infirme TGI Paris 4 juillet 2001. publiés sur
http://www.juris-nd.com/jp/00/2003
et
www.foruminternet.org.
6 CA, Paris, 19 septembre 2001. NRJ c/ EUROPE 2.
Publié sur :
www.cejem.com/article. Note,
O. CACHARD.
Section 2 : Le délit d'usage de marque
Le délit de contrefaçon qui découle de
l'usage non autorisé d'une marque enregistrée renferme des
spécificités qui tiennent à la fois à ses
caractéristiques (1) et à ses modalités d'intervention
(2).
Paragraphe 1 : Les caractéristiques du délit
de contrefaçon de marque par usage
Le délit d'usage de marque s'entend selon MATHELY
« de tout emploi de la marque dans sa fonction de
désignation de la provenance des objets qu'elle couvre
».1 Cet emploi illicite de la marque intervient souvent
à un moment quelconque entre la fabrication et la vente du produit
portant la marque en question.
A l'image de tous les actes interdits dans l'article 22 de la
loi n°36-2001, le délit d'usage d'une marque pour des objets
identiques à ceux qu'elle désigne est insensible à la
preuve de la bonne foi ainsi qu'à la preuve de l'inexistence d'un
quelconque risque de confusion dans l'esprit du public.
Par ailleurs, le délit d'usage est parfaitement
distinct des autres délits prévus par la loi n°36- 2001, il
constitue à lui seul un acte de contrefaçon autonome et
dissociable de tout acte antérieur de contrefaçon par
reproduction ou par imitation.
Parmi tous les actes de contrefaçon, l'usage illicite
de la marque enregistrée semble être le plus préjudiciable,
en fait, pour le titulaire des droits sur la marque car l'usage commercial
2 de la marque entraîne sûrement le détournement
de la clientèle ainsi que l'avilissement du pouvoir attractif de la
marque.
Par contre ne constitue pas un usage illicite, celui qui
intervient dans des circonstances indifférentes de toute concurrence et
bien sûr ne mettant pas en cause un usage de la marque pour des produits
ou services identiques à ceux qu'elle couvre comme c'est le cas de la
citation de la marque dans un spot publicitaire à titre informatif et
indicatif des produits proposés lors d'une loterie.3 De
même, n'est pas contrefaçon,4 la citation de la marque
Pédalo dans le titre d'un article de journal intitulé
« Le couple milliardaire fait du pédalo aux
Antilles ».
Dans ce cas, le titulaire de cette marque ne pouvait s'opposer
à l'utilisation dans le langage courant du terme Pédalo
nécessaire à la désignation d'une embarcation de plage
à pédales.
Le délit d'usage revêt par ailleurs une grande
utilité pratique du moment qu'il se présente en pratique comme
l'acte de contrefaçon le plus susceptible d'être poursuivi dans le
temps par rapport à ceux de la reproduction, l'apposition ou l'imitation
de la marque car ces actes se consomment souvent dans une courte période
de temps. Par ailleurs, le délit d'usage 5 est le seul
à pouvoir permettre des poursuites en Tunisie contre la reproduction,
l'apposition ainsi que l'imitation de la marque toutes les fois où ces
actes ont été commis à l'étranger.
En outre, il est important de rappeler que seuls les cas
d'usage injustifié ou préjudiciable permettent au titulaire d'une
marque notoire, en dehors de sa spécialité, d'engager la
1 MATHELY (P): op. cit. p. 326.
2 Dans le sens de l'exigence d'un usage à titre
commercial, voir CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. N°1226. p.
732.
3 CA, Paris, 19 novembre 1984. Ann. 1984. p. 200.
4 CA, Paris, 13 mars 1989. Ann. 1990. p. 165.
5 Le terme usage est entendu ici dans son sens
large qui englobe la vente, l'offre, fourniture et la détention qui sont
d'ailleurs des cas spéciaux d'usage. Peuvent également être
considérés comme des cas particuliers du délit d'usage,
l'importation ou l'exportation de produits revêtus d'une marque
contrefaite au sens de l'article 51 de la loi n°36-2001.
responsabilité civile de l'auteur de cet usage en vertu de
l'article 24 de la loi n°36-2001. C'est là aussi une manifestation
éclatante de la grande utilité pratique de l'usage illicite de la
marque.
Paragraphe 2 : Les modalités du délit d'usage
:
L'article 22 distingue nettement entre le délit d'usage
d'une marque et celui de l'usage d'une marque reproduite. Bien entendu, dans
les deux cas c'est l'usage qui est pris singulièrement en compte sauf
que dans la deuxième hypothèse le délit d'usage intervient
nécessairement comme la continuation d'un acte antérieur de
reproduction de la marque alors que dans le premier cas, le délit
d'usage existe indifféremment de toute reproduction.
La plus courante forme d'usage illicite de la marque, du moins
en jurisprudence tunisienne, consiste dans l'acte de dépôt de la
marque, cet acte d'usurpation et d'accaparement constitue un acte d'usage
illicite 1 au sens propre du terme, ce qui importe dans ce type
d'usage c'est le fait qu'un tiers dépose la marque pour son compte
indifféremment du fait que le dépôt ait abouti ou non
à l'acceptation de l'enregistrement par l'administration. De même,
il importe peu que la marque objet du dépôt frauduleux soit
utilisée ou non ultérieurement au dit acte de
dépôt.
Concernant le support de l'usage, il s'apparente à
celui de l'acte de reproduction de la marque du moment qu'il peut consister en
un usage à titre de nom commercial, dénomination sociale ou
enseigne comme çà était le cas dans l'affaire
L'OREAL c/ FLEUREAL.2 De
même, l'usage s'entend aussi d'un usage dans la
publicité,3 les factures, sur un cintre 4 et en
général tout usage impliquant un emploi par lequel la marque
usurpée continue encore à exercer sa fonction distinctive au sens
juridique et économique peu importe que l'usage soit oral, manuscrit
5 ou encore dans l'espace virtuel que constitue Internet. 6
A l'image du délit de reproduction, l'adjonction de
termes tels que façon, formule ou méthode n'est admise en aucun
cas à faire repousser le grief de contrefaçon par usage car
l'emploi de tels termes, qui ne sont d'ailleurs cités par l'article 22
qu'à titre indicatif, ne cherche en fait qu'à profiter de la
clientèle et de la renommée de la marque usurpée.
Le délit d'usage peut être consommé
même en l'absence de tout support matériel de reproduction, c'est
ce que confirme les quelques cas d'usages illicites qui suivent :
* Dans la publicité et même d'une manière
orale, l'usage d'une marque, sans autorisation, peut être entrepris
à titre de référence pour vendre des produits autres que
celle-ci désigne, c'est la pratique des marques d'appel qui
consiste à faire de la publicité sur une marque tout en ne
disposant pas des stocks suffisants de produits revêtus de cette marque
afin de vendre et de promouvoir d'autres produits concurrents et
généralement substituables à ceux désignés
par la marque d'appel qui ne sert en fait que d'appât.
* En matière de parfumerie, il est une pratique
fort répondue, que l'on appelle smell-alikes ou les
tables de concordance,7 qui consiste pour un producteur
à présenter une fragrance ou essence
1 CA, Tunis, Arrêt n°83724 du 6
février 2002. voir annexe n°4 ; CA, Tunis, Arrêt n°
60537 du 16 février 2000. voir annexe n°5. TPI, Sfax, Jugement
commercial n°970 du 14 mars 2000. voir annexe n°1.
2 CA, Tunis, Arrêt du 30 décembre 1985.
rapporté dans l'annexe du mémoire de BOUDEN (O): op. cit. p.
92.
3 TPI, Tunis, Jugement n°64617 du 28
février 1989. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997,
n°1. p. 144.
4 CA, Paris, 15 décembre 1987. Ann. 1989. P.
269.
5 TPI, Bizerte, correctionnel n°6206 du 22 avril
2003. Voir annexe n°8. En l'espèce, la marque ASTRAL a
été utilisée sur un dessein qui la représente
graphiquement ainsi que sur une bande de papier collant.
6 Voir en ce sens l'affaire SONY,
TGI, Nanterre du 20 mars 2000. Précité, voir supra. p. 83, note
n°16.
7 Voir en ce sens, CHAVANNE (A) : « Le
délit d'usage de marque et son évolution ». Mélanges
Paul Mathély, Litec 1990. p. 105.
de parfum comme étant la réplique d'un autre
tout en utilisant la marque de ce dernier. C'est, en effet, un cas d'usage
interdit qui ne saurait bénéficier de la tolérance
accordée aux personnes admises à utiliser la marque d'autrui
à titre de référence nécessaire au sens de
l'article 25.
Au même titre que l'usage illicite d'une marque
authentique, constitue une contrefaçon, au sens de l'article 22,
l'usage d'une marque reproduite. Il s'agit d'un acte d'usage
distinct de celui qui s'applique illicitement à une marque authentique
car il s'agit dans ce cas précis d'usage ayant pour objet une marque
reproduite. De même, ce délit se distingue de la reproduction de
marque car « il y a contrefaçon à reproduire la
marque, aussi bien qu'à utiliser la marque reproduite dans le commerce,
que l'utilisateur soit lui même l'auteur de la reproduction ou
non ».1
Reste la question de la vente par un tiers non-agrée de
produits marqués relevant d'un réseau licite de distribution
sélective, saurait-elle rentrer dans la qualification de délit
d'usage illicite de marque ? En se ralliant aux arguments avancés par M.
POLLAUD-DULIAN,2 il semble judicieux de qualifier la violation d'un
réseau de distribution sélective comme délit d'usage
illicite de marque.
Section 3 : Le délit d'apposition de marque
Au même titre que la reproduction et l'usage, l'article
22 de la loi du 17 avril 2001 sanctionne par voie de contrefaçon
l'apposition de la marque d'autrui sans autorisation sur des produits ou
services identiques à ceux qui figurent dans l'acte de
dépôt de cette marque.
Au sens de l'article 22, l'apposition est un délit
d'imprudence qui s'applique nécessairement à une marque
authentique et non pas reproduite ou imitée car le but poursuivi dans le
cas précis de l'apposition est celui de présenter des produits
sous une marque originale alors que ces mêmes produits proviennent d'une
origine autre que celle garantie par la marque usurpée.
Le droit d'apposer la marque sur un produit ou en
accompagnement d'un service est une prérogative qui revient
exclusivement au propriétaire, ce dernier est seul juge de
l'opportunité d'apposer ou non sa marque sur les objets qu'il offre dans
le commerce, d'autant plus que par cet acte, le titulaire de la marque certifie
au public des consommateurs qu'il est garant de l'origine du produit ou du
service avec tout ce qui en découle en terme de
responsabilité.
La violation de ce droit consiste donc pour un tiers dans le
fait de se servir matériellement d'une marque authentique, en dehors de
l'autorisation de son propriétaire, pour désigner des produits ou
accompagner des services qui n'ont pas droit à être
présentés sous cette marque car leur origine ne coïncide pas
avec celle que se propose de garantir la marque.
A la différence de l'article 15 al. 2 du décret
du 3 juin 1889 qui sanctionnait à titre de contrefaçon
« ceux qui ont frauduleusement apposé sur leurs
produits ou les objets de leur commerce une marque appartenant à
autrui », l'article 22 de la loi n°36-2001 a
écarté l'élément intentionnel du délit
d'apposition de marque en faisant de lui un délit d'imprudence
punissable du seul fait matériel d'apposer la marque d'autrui sur des
objets qui relèvent de sa spécialité.
1 POLLAUD-DULIAN (F) : op. cit. N°1375. p.
644.
2 Ibid. N° 1403 et sui. P.658 et sui.
De même, la constitution du délit d'apposition de
marque au sens de l'article 22 est indifférente à l'existence ou
non d'un risque de confusion dans l'esprit du public à propos de la
véritable origine des objets revêtus de la-dite marque car il
s'agit de produits identiques.
En outre, il importe peu que le produit ou le service sur
lequel la marque a été illicitement apposée soit
authentique car il revient souverainement au propriétaire de la marque
de choisir parmi ses produits ou services lesquels il entend revêtir de
sa marque. Ce qui compte donc c'est le défaut d'autorisation et non pas
la fausse ou la véritable origine des produits marqués.
On note par ailleurs, au sens de l'article 22,
l'inutilité des formules de correction qui tendent vainement à
dissimuler l'usurpation de la fonction de garantie d'origine que poursuit la
marque tel que « formule, façon, système, imitation,
méthode ou genre ». L'adjonction de l'un de ces termes ou
d'un autre du même ordre ne saurait repousser le délit de
contrefaçon par apposition.
S'agissant de l'élément matériel de
l'apposition, il peut consister en n'importe quel support sur lequel la marque
usurpée est matériellement appliquée afin de
désigner dans un but commercial des objets qui relèvent de la
spécialité de cette dernière. A ce stade, il est important
de souligner que le simple fait d'apposer la marque sur des objets identiques
suffit à retenir la contrefaçon indépendamment de toute
commercialisation car en apposant la marque d'autrui, le contrefacteur a
déjà violé les interdictions qui découlent de
l'enregistrement de la marque.
Concernant les marques de services, la
matérialité de l'apposition est retenue
généralement lorsque la marque d'autrui se trouve
appliquée par exemple sur un moyen de transport qui sert dans la
livraison du service, sur un manuel d'usage, quittance de livraison ou facture
accompagnant le service rendu.
S'agissant des marques de fabrique ou de commerce, les
modalités d'apposition deviennent encore plus diversifiées car ce
type de marque peut être apposé sur les produits eux-mêmes.
La modalité la plus courante dans ce cas précis consiste dans le
remplissage d'un récipient revêtu de la marque d'autrui par un
produit qui provient d'une origine autre que celle garantie par la marque
apposée sur le récipient.
C'est en effet le cas dans l'affaire
ORANGINA,1 là où un commerçant
a rempli des bouteilles revêtues de cette marque par ses propres produits
de boissons gazeuses. En l'espèce, la cour a rejeté, à
juste titre, l'argument du contrefacteur qui consistait à motiver ses
agissements par une nécessité impérieuse constituée
par une rupture de stock.
Dans une autre affaire, la contrefaçon a
été retenue à l'encontre du fabricant de pots en aluminium
qui a apposé, sur demande d'un tiers, la marque ASTRAL
2 -enregistrée pour désigner des produits de
peintures- sur des pots de peintures revêtus de la marque contrefaisante
SUPER PANDA ASTRAL . L'apposition peut aussi être
consommée suite à l'application matérielle de la marque ou
de son logo directement sur le produit comme çà était le
cas dans l'affaire PUMA 3 pour l'imprimeur qui a reproduit et
apposé cette marque sur des tissus même après la mise en
garde qui lui a été notifiée par le propriétaire de
la marque en question.
1 CA, Tunis, arrêt correctionnel n°2611 du
30 avril 1962. RJL 1963, n°10, p. 56.
2 TPI, Bizerte, correctionnel n°6206 du 22 avril
2003. Voir annexe n°8.
3 TPI, Tunis, jugement n°57782 du 2 octobre 1986.
Rapporté en annexe du mémoire de BOUDEN (O): op. cit. p. 121.
Parfois, il arrive qu'un tiers consomme à lui seul
plusieurs actes de contrefaçon, il en est ainsi du commerçant
qui, avant d'offrir à la vente des sacs en cuir revêtus de la
marque notoire Christian Dior,1 a reproduit,
utilisé et apposé la dite marque et son logo sur les sacs en
question.
Dans une autre affaire, la contrefaçon a
été retenue à l'encontre de celui qui, en dehors de toute
autorisation, appose la marque d'une maison de fabrique d'automobiles
PEUGEOT 2 à la devanture de son
établissement à titre d'enseigne.
En définitive, ce qui importe dans la constitution du
délit d'apposition c'est que la marque d'autrui soit appliquée
matériellement sur un produit ou en accompagnement d'un service
identique à celui pour lequel cette même marque a
été enregistrée.
Une fois apposée par le propriétaire, la marque
est légalement protégée par la loi contre toute
altération ou modification, en conséquence, se rend coupable de
contrefaçon au sens de l'article 22 (b) quiconque aura porté
atteinte à l'intégrité d'une marque
régulièrement apposée.
Section 4 : Le délit de modification ou de
suppression d'une
marque régulièrement apposée
Au même titre que l'apposition, l'article 22 de la loi
n°36-2001 du 17 avril 2001 interdit « sauf autorisation du
propriétaire :
b) La suppression ou la modification d'une marque
régulièrement apposée. »
L'incrimination de la suppression ou de la modification d'une
marque s'impose d'elle-même car elles portent atteinte directement
à la fonction distinctive de la marque et lui ôte son
utilité et sa fonction légale d'identification que lui
reconnaît la loi des marques.
Bien évidemment, le délit de suppression ou de
modification de marque est indifférent à la preuve de la bonne
foi de celui qui en est l'auteur car ces actes impliquent en eux-mêmes la
malice et la fraude, dès lors il serait insensé de subordonner
leur répression à la preuve d'une intention frauduleuse.
Au terme de l'article 22, l'incrimination porte à la
fois sur la suppression et sur la modification de la marque. Concernant la
suppression, on peut dire que c'est la manière la plus pure et simple de
porter atteinte aux droits du propriétaire car celui qui commet cet acte
se substitue en fait au propriétaire dans l'exercice du droit de
disposer de son bien qui implique entre autre l'abusus.
S'agissant de la marque victime de modification ou de
suppression, il est certain qu'il s'agit d'une marque enregistrée et
authentique et non pas reproduite ou imitée, c'est aussi une marque
apposée d'une manière régulière. La
régularité de l'apposition de la marque en question s'entend
normalement d'un marquage opéré par le propriétaire de la
marque ou avec son consentement.
1 CA, Tunis, Arrêt correctionnel n°2731 du
12 juillet 2001. (non publié) voir annexe n°7.
2 TPI, Sfax, jugement n°14801 du 16 janvier 1983.
Rapporté en annexe du mémoire de BOUDEN (O): op. cit. p. 173.
La matérialité de la suppression ne semble pas
poser de problèmes spécifiques d'appréciation, il suffit
que la marque soit effacée, détériorée ou encore
définitivement rayée du produit ou de son conditionnement. Quant
à la modification, elle semble d'une application plus large et d'une
appréciation plus subtile.
En pratique, l'acte de modification doit être entendu de
toute altération susceptible déstabiliser la fonction de garantie
d'origine d'une marque régulièrement
apposée.1
Pour qu'ils soient punissables à titre de
contrefaçon, les actes de suppression ou de modification doivent
intervenir dans un cadre commercial ou concurrentiel car ce n'est que dans ce
cadre précis qu'ils deviennent dommageables et attentatoires à la
fonction distinctive de la marque dans le commerce. En revanche, s'ils sont
commis à des fins d'usage privé, il semble qu'il n'y a aucune
raison valable qui motive la qualification de contrefaçon.
En l'absence d'une jurisprudence tunisienne en la
matière, il semble opportun de citer quelques cas de contrefaçon
par modification ou suppression jugés par les tribunaux français.
La question se pose généralement à propos de
licéité de la modification ou de la suppression d'une marque
suite à une opération de maintenance ou de réparation d'un
produit revêtu d'une marque régulièrement apposée,
en fait, la réponse dépend de l'étendue de l'intervention
à laquelle est soumis le produit marqué.
Si l'opération consiste à remplacer des
pièces de rechanges, réparer ou encore nettoyer le produit,
l'auteur de cette opération doit nécessairement maintenir la
marque apposée car celle-ci poursuit toujours sa fonction de garantie
d'origine.2
Par contre, si la modification du produit porte sur ce qu'il a
de plus caractéristique et d'essentiel de façon à ce qu'il
ne puisse plus être assimilé à l'objet d'origine avant la
rénovation ou la modification, « l'identité
d'origine n'existe plus et le titulaire de la marque ne saurait se voir
attribuer la responsabilité du produit transformé. En ce cas, le
reconstructeur n'a pas le droit d'utiliser la marque et doit la retirer du
produit » sans tomber sous le coup de la contrefaçon.
« S'il maintien la marque, il commet un usage illicite de la
marque et s'il la rétablit, le délit d'apposition
».3
Dans ce cas précis, la jurisprudence française
admet la suppression de la marque comme obligatoire car l'objet marqué
tel qu'il a été modifié, n'a plus droit à cette
marque.4
Bien qu'il constitue un délit de contrefaçon
distinct, l'acte de modifier ou de supprimer la marque est
généralement saisie comme un cas spécial d'usage illicite
de la marque d'autrui,5 cette qualification s'explique certainement
par le caractère foncièrement diversifié des
modalités d'intervention du délit d'usage auquel s'apparente le
délit d'importation ou d'exportation de marchandises
présentées sous une marque contrefaite.
1
Cass. Com., 28 janvier 1992. En
l'espèce un vendeur a délavé, sans l'autorisation du
titulaire de la marque, des « Blue- Jeans » marqués. De ce
fait, il s'est rendu coupable du délit de modification et d'usage
illicite de marque car « le maintien de celle-ci sur le produit
modifié tendait à faire croire au consommateur que le titulaire
de la marque était responsable du processus entier de fabrication
». RTD com., 1992, p. 370, obs. A. Chavanne.
2 Cass. Req., 4 avril 1940, Annales, 1940.48, p. 167 ;
Paris, 7 février 1908, Annales, 1911, p. 105.
3 POLLAUD-DULIAN (F) : op. cit. N° 1401,
p.657.
4 Lyon, 13 juillet 1976. Affaire « Chausson
», Annales, 1976, p. 244.
5 MATHELY (P): op. cit. p. 330. Également,
POLLAUD-DULIAN (F) : op. cit. n° 1401, p.657.
Section 5 : Le délit d'importation ou
d'exportation de marchandises présentées sous une marque
contrefaite
La répression de l'importation ou de l'exportation de
marchandises revêtues d'une marque contrefaite fait l'objet de l'article
51 de la loi n°36-2001, la prohibition est formulée comme suit :
« Sous réserves des peines prévues par des textes
spéciaux, sera puni d'une amende de 5000 à 50 000 dinars
quiconque aura :
b) importé ou exporté des marchandises
présentées sous une marque contrefaite ».
Si l'on se réfère à la définition
littérale de l'acte de contrefaçon au sens de l'article 44 tout
en gardant sous les yeux l'énumération stricte de ces actes en
tant qu'interdictions à la charge des tiers au sens des articles 22 et
23 de la loi n°36-2001 du 17 avril 2001, on finira par admettre que le
législateur tunisien a délibérément choisi
d'incriminer les actes d'importation et d'exportation de produits revêtus
d'une marque contrefaite sans pour autant les qualifier expressément
d'actes de contrefaçon malgré qu'ils soient passibles des
mêmes peines prévues pour n'importe quel acte de
contrefaçon au sens de la loi n°36-2001.
Cette distinction semble artificielle car il n'y a aucune
différence de nature entre ces actes et n'importe quel acte de
contrefaçon impliquant un usage illicite d'une marque
enregistrée. En effet, on est en droit de soutenir que l'acte d'importer
ou d'exporter des marchandises revêtues d'une marque contrefaite
constitue, selon le cas, un cas particulier du délit d'usage d'une
marque reproduite au sens de l'article 22 ou encore reproduite ou imitée
au sens de l'article 23.
La délictualisation de l'importation et de
l'exportation de produits revêtus d'une marque contrefaite est une mesure
de nature à consolider l'arsenal juridique protecteur des marques, elle
permet aux titulaires des droits de s'opposer à la mise en circulation
et à l'exportation de marchandises revêtues illicitement de leurs
marques, c'est aussi l'ultime chance de poursuivre des actes de
contrefaçon, jusque là non aperçus, qui impliquent au
moins la commission des délits de reproduction et d'apposition. Cette
prohibition permet en outre de poursuivre, dès l'entrée de ces
marchandises en Tunisie, des actes de contrefaçon consommés
à l'étranger.
Par ailleurs, on note que l'interception aux frontières
des marchandises revêtues d'une marque contrefaite est rendue commode
grâce à l'agencement, au sens de l'article 56 de la loi
n°36-2001, de mesures à la frontière 1 tendant
à suspendre, lors d'une opération d'importation, le
dédouanement des marchandises revêtues de marques contrefaites
à fin de prévenir leur intrusion dans les circuits du commerce
légitime.
Le fait d'importer ou d'exporter des marchandises
présentées sous une marque contrefaite constitue une violation
manifeste des interdictions qui découlent de l'enregistrement de la
marque. Cet enregistrement, confère, au sens de l'article 21 de la loi
n°36-2001, à son titulaire un droit privatif de
propriété sur la marque pour les produits et services qu'il a
désignés lors du dépôt. Ce droit exclusif est
foncièrement incompatible avec toute mise en circulation de produits
portant une marque contrefaisante, il bénéficie par ailleurs
d'une efficacité et d'une opposabilité qui s'étendent sur
tout le territoire national qui reconnaît le droit sur la marque en
question.
1 Conformément à ses engagements
internationaux en vertu de l'article 51 de l'accord sur les ADPIC, le
législateur tunisien a prévu dans le chapitre VII de la loi
n°36-2001 des mesures à la frontière tendant à
suspendre le dédouanement des marchandises revêtues de marques
contrefaites. Ces mesures ne sont applicables qu'aux marchandises
importées.
En conséquence, l'incrimination des actes d'importation
ou d'exportation se révèle comme l'expression géographique
par excellence des prohibitions qui découlent de l'enregistrement de la
marque. Ainsi se dégage la règle selon laquelle importer ou
exporter c'est encore contrefaire.
Aux fins de l'incrimination des actes d'importation ou
d'exportation, il n'est point exigé dans l'article 51 de la loi du 17
avril 2001 que ces actes doivent avoir été commis
délibérément ou frauduleusement, ce sont donc des
délits d'imprudence punissables du seul fait de la consommation des
actes d'importation ou d'exportation ayant pour objet de telles
marchandises.
Selon la lettre de l'article 51 de la loi du 17 avril 2001, la
prohibition se limite aux marchandises 1 à l'exclusion des
services. Le législateur n'a pas défini aux fins de
l'appréciation du délit d'importation ou d'exportation ce que
l'on doit entendre par « marchandises »
présentées sous une marque contrefaite, s'agit-il des
marchandises à caractère commercial ou simplement de marchandises
contenues dans les bagages personnels des voyageurs ?
A notre sens, le délit doit être retenu chaque
fois qu'il s'agit de marchandises à caractère commercial, la
question qui se pose à ce stade est celle de savoir si l'incrimination
porte sur toutes les marchandises situées dans le territoire tunisien
sous n'importe quel régime douanier ?
En droit français,2 depuis la mise en oeuvre
de la loi dite LONGUET du 5 février 1994, la contrefaçon
de marque est érigée en délit douanier. Ainsi,
l'importation sous tous régimes douaniers et l'exportation de
marchandises présentées sous une marque contrefaite sont
interdites à titre absolu, cette prohibition concerne aussi les
marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs. De
même, « la circulation sur le territoire français,
fût-ce sous le régime du transit, de la marchandise contrefaisante
constitue une atteinte au droit du propriétaire de la marque et doit
être réprimée quel que soit le régime qui lui est
applicable » .3
Bien entendu, le droit tunisien dans son état actuel ne
reconnaît pas une protection aussi rigoureuse des droits sur la marque,
ceci étant, rien n'empêche d'appliquer l'article 51 de la loi
n°36-200 1 à toute sorte de marchandises revêtues d'une
marque contrefaite à l'exception de celles contenues dans les bagages
personnels des voyageurs dans les limites réglementaires fixées
pour l'octroi d'une franchise douanière et ne présentant pas un
caractère commercial conformément à l'article 64 relatif
à la limitation du champ d'application des mesures à la
frontière.
La mise en oeuvre de la prohibition posée par l'article
51 de la loi des marques ne semble pas en contradiction avec les
impératifs régissant les différents régimes
douaniers d'admission des marchandises en territoire tunisien car ces
régimes n'ont pas pour effet de situer fictivement le délit
à l'étranger, ils jouent seulement en vue de l'application d'un
régime fiscal privilégié ou incitatif.
1 Le législateur tunisien semble adopter la
terminologie employée dans l'article 51 de l'accord sur les ADPIC qui
utilise le terme marchandises au lieu de produits. Le terme
marchandises est défini dans la note explicative n°14
relative à l'article 51 ADPIC comme suit : « Aux fins du
présent accord : a) l'expression «marchandises de marque
contrefaites» s'entend de toutes les marchandises, y compris leur
emballage, portant sans autorisation une marque de fabrique ou de commerce qui
est identique à la marque de fabrique ou de commerce valablement
enregistrée pour les dites marchandises, ou qui ne peut être
distinguée dans ces aspects essentiels de cette marque de fabrique ou de
commerce, et qui de ce fait porte atteinte aux droits du titulaire de la marque
en question en vertu de la législation du pays d'importation ».
2 DERRAC (M) : « Les nouveaux pouvoirs des douaniers et
le règlement communautaire du 22 décembre 1994 » GAZ. PAL du
13 juin 1996. N°3. p. 590 ; Sur la réglementation européenne
relative aux pouvoirs douaniers en matière de lutte
anticontrefaçon, voir ARNAUD (E) : « Sur le règlement du
conseil du 25 janvier 1999.. » Gaz. Pal du 14 avril 2000. N°2. p.
674. Voir également la nouvelle directive du 26 avril 2004, contre la
contrefaçon et le piratage, disponible sur :
www.europa.eu.
3 CA, Toulouse, Arrêt n°86 du 26 janvier
1993. publié sur l'adresse :
http://www.ca-toulouse.justice.fr
Dans cette optique, il semble utile de rappeler que l'article
116 du code des douanes exclu de l'admission sur le territoire tunisien sous le
régime de transit, « les marchandises portant de fausses
marques d'origine tunisienne ou d'un pays en union douanière avec la
Tunisie ».
De même, sont inadmissibles, au sens de l'article 128 du
code des douanes, à n'importe quel titre et dans les tous les types
d'entrepôts de douanes « les produits étrangers
portant de fausses marques de fabrique tunisiennes ou d'un pays en union
douanière avec la Tunisie ».
Sur la base de telles dispositions, on doit pouvoir admettre
que ce type de marchandises n'est admis ni au dédouanement à
l'importation ni à fortiori à la mise en circulation sur le
territoire tunisien. La constatation du délit d'importation ou
d'exportation présente une complexité particulière car
elle est souvent combinée à la mise en oeuvre de la
législation douanière.
S'agissant de la matérialité du délit, on
doit admettre qu'il y a importation de marchandises présentées
sous une marque contrefaite chaque fois que ces marchandises se situent sur le
territoire tunisien et tant qu'elles n'ont pas été soumises au
dédouanement car une fois qu'elles sont mises en circulation, le
délit d'importation cesse d'exister.1
Quant à l'acte de l'exportation, il devra être
retenu dès la présentation, au bureau des douanes
concerné, de la déclaration en détail concernant ces
marchandises conformément aux articles 72 et 73 du code des douanes. La
présentation de la dite déclaration déclenche
l'opération de l'exportation et prouve indubitablement l'intention et
l'acte matériel de l'exportation.
Ce qui importe c'est l'existence d'un fait matériel
permettant de conclure à la consommation de l'exportation, la chose a
été jugée au pénal par la chambre correctionnelle
du Tribunal de Première Instance de Bizerte.2 En
l'espèce, la marque ASTRAL a été
reproduite et apposée sur des pots en aluminium destinés à
être rempli par des produits de peintures ne provenant pas de la
société ASTRAL, ces marchandises étaient destinées
à être exportées en Libye sur la demande d'un importateur
libyen, le tribunal n'a pas retenu le délit d'exportation car
« le délit d'exportation de marchandises revêtues
d'une marque contrefaite n'est pas fondé en fait comme en droit du
moment qu'il n'y a pas eu exportation des pots revêtus de la marque
contrefaite à n'importe quelle destination hors des frontières
».
En définitive, il semble opportun de considérer
le délit comme constitué même concernant les petits envois
et les colis car les contrefacteurs font de plus en plus recours à cette
pratique afin de ne pas attirer l'attention des détenteurs des droits et
pour éviter les contrôles douaniers rigoureux relatifs aux
conteneurs et aux grandes cargaisons. Il convient aussi de souligner que le
délit de l'article 51 (b) doit pouvoir s'appliquer aussi bien pour les
opérations régulières d'importation ou d'exportation que
pour celles qui impliquent un trafic occulte de contrebande.
A travers l'étude de tous ces actes de
contrefaçon prévus dans l'article 22 et 51 (b) de la loi
n°36-2001, la protection de la marque semble rigoureuse en raison de
l'atteinte directe à la marque pour des produits ou services identiques
à ceux désignés dans l'acte d'enregistrement, cette
rigueur garde son intensité même dans le cas où l'atteinte
en question toucherait la marque pour des objets non pas identiques mais
seulement similaires à ceux qu'elle couvre mais dans ce cas un risque de
confusion dans l'esprit du public doit être constaté afin de
retenir la contrefaçon.
1 Toutefois, la mise en circulation de telles marchandises en
Tunisie peut tomber sous le coup de la contrefaçon selon qu'il s'agit
d'un usage au sens de l'article 22 de la loi n°36-2001 ou d'un cas
spécifique d'usage au sens de l'article 52.
2 TPI, Bizerte, correctionnel n°6206 du 22 avril 2003.
Affaire : ASTRAL c/ SUPER PANDA ASTRAL Voir
annexe n°8.
Chapitre 2 : Les actes de contrefaçon par
« confusion »
Selon l'article 23 de la loi n°36-2001 du 17 avril 2001,
« Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il
en peut résulter un risque de confusion dans l'esprit du public
:
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une
marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou
services similaires à ceux désignés dans
l'enregistrement,
b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque
imitée pour des produits ou services identiques ou similaires
à ceux désignés dans l'enregistrement ».
Dans l'article 22 de la loi n°36-2001, le droit de
propriété sur la marque bénéficie d'une protection
assez rigoureuse. Toutefois, l'étendue de cette protection semble un peu
restreinte dans la mesure où la marque n'est protégée, au
sens de l'article 22, que dans les étroites limites de sa
spécialité, c'est-à-dire contre toute usurpation de la
marque pour des produits ou services identiques à ceux
désignés dans l'enregistrement.
En traitant du principe de la spécialité de la
marque, on a vu1 que celle-ci s'entend d'une manière large
qui couvre par la même les produits identiques et ceux qui sont
simplement similaires à ceux pour lesquels la marque a été
enregistrée. L'apparition de la notion de produits similaires a vu le
jour progressivement après la première guerre mondiale. A cette
époque là, deux grands couturiers français à savoir
MOLYNEUX et YVES SAINT LAURENT avaient
lancé leurs propres marques de parfums, peu à peu la
jurisprudence française est arrivée à considérer
les produits de parfumerie comme similaires aux vêtements de haute
couture.2
Cette extension de la protection des droits du
propriétaire se justifie d'elle-même dans la mesure où
« l'utilisation de la même marque pour des produits
similaires par un tiers fausse la garantie d'origine attachée à
la marque et dénie la fonction distinctive du signe
».3 C'est dans le dessein de consacrer une telle protection que
l'article 23 se propose d'interdire, non sans une certaine complexité
pratique, certains actes de contrefaçon de marque.
Toutefois, La protection de la marque pour des produits ou
services seulement similaires semble, intrinsèquement, excessive et
attentatoire au principe de la liberté de la concurrence car l'emploi
d'une marque enregistrée en dehors de sa spécialité, au
sens stricte, telle que définie dans l'acte de dépôt n'est
ni condamnable en soi ni forcément préjudiciable puisqu'il ne
s'agit pas de produits ou de services identiques.
Dès lors, on doit s'attendre à ce que la loi
exige une certaine condition de nature à rendre cette interdiction
fondée voire même souhaitable surtout si l'utilisation non
autorisée de la marque pour des produits similaires cause un
préjudice concurrentiel.4
1 Sur l'extension de la protection aux produits ou
services similaires, voir supra. p. 61 et sui.
2 MATHELY (P): op. cit. p. 321.
3 POLLAUD-DULIAN (F) : op. Cit. N°1394. p.
653.
4 Voir concernant la définition du
préjudice concurrentiel, la remarquable étude de M. LE TOURNEAU
(PH) : « De la spécificité du préjudice concurrentiel
» R.T.D.com 1998. N° 1. p. 83. L'auteur soutient l'idée que le
préjudice concurrentiel est essentiellement caractérisé
par son unité et ce, malgré son caractère polymorphe.
La réponse apportée par l'article 23 confirme
cette préoccupation. En effet, la contrefaçon n'est retenue au
sens cet article que dans la mesure où l'exercice par un tiers d'un
quelconque acte prévu dans l'article 23 se révèle de
nature à créer « un risque de confusion dans
l'esprit du public » concernant la véritable origine ou
provenance des produits ou services couverts par cette marque.
En d'autre terme, si le public risque de confondre l'origine
des produits couverts par la marque avec des produits similaires
présentés sous la même marque et provenant d'un autre
opérateur économique, on doit pouvoir considérer qu'il y a
là une déstabilisation et un détournement de la fonction
distinctive de la marque du moment qu'elle ne peut plus rattacher et identifier
les objets qu'elle couvre en fonction de leur origine.
Dans cette optique, l'exigence d'un risque de confusion dans
l'esprit du public paraît intervenir afin de conforter et éclairer
le jugement sur le caractère illégitime, jusque là
douteux, de l'exploitation faite de la marque d'autrui pour des produits ou
services similaires.
Aux fins de l'appréciation de l'acte contrefaçon
au sens de l'article 23, le législateur tunisien pose indubitablement
l'exigence du risque de confusion dans l'esprit du public en tant que condition
de la constitution du délit de contrefaçon ( Section
1). Ceci étant la constante, la variante dans la constitution
du délit de contrefaçon au sens du même article consiste en
une distinction selon qu'il s'agit des actes de contrefaçon interdits
dans le point (a) ou dans le point (b) de l'article 23. ( Section
2 )
La distinction opérée dans l'article 23 implique
l'étude séparée des actes interdits pour des produits ou
services similaires au sens du point (a) de ceux qui selon le point (b) du
même article impliquent l'imitation de la marque indifféremment du
caractère identique ou similaire des produits ou services pour lesquels
la marque a été usurpée.
Section 1 : Le risque de confusion dans l'esprit du
public
comme élément constitutif du délit
de contrefaçon au sens de
l'article 23
Quoique l'on puisse admettre qu'il s'agit d'une condition
génératrice d'une complexité évidente, la
subordination de la condamnation des actes de contrefaçon au sens de
l'article 23 à l'existence d'un risque dans l'esprit du public semble
être une juste mesure car une telle confusion aura pour
conséquence directe la mise échec de la fonction de garantie
d'origine que poursuit la marque et que le droit des marques se propose de
sauvegarder.
L'existence d'un quelconque risque de confusion dans l'esprit
du public ainsi que son appréciation est évidemment une question
de fait qui échappe à toute définition légale
préalable, il appartient donc aux juges de fond de l'apprécier
casuistiquement et souverainement pourvu que leurs décisions soient
dûment motivées.
Pour qu'il soit constitutif de contrefaçon au sens de
l'article 23, l'emploi de la marque d'autrui doit nécessairement
générer un risque de confusion ( Paragraphe 1),
toutefois, cette confusion n'existe pas dans l'absolu, elle s'apprécie
forcément à l'égard d'un public bien
déterminé (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La signification du risque de confusion
:
D'emblée, il est permis de voir dans l'estimation du
risque de confusion une entreprise taxée d'une subjectivité plus
qu'évidente, car ce qui prête à confusion pour une personne
ne l'est pas du tout ou l'est à un moindre degré pour une autre
personne. C'est donc une notion variable et à caractère
foncièrement vacant.
Pour ce qui est de l'appréciation du risque de
confusion au sens de l'article 23 de la loi n°36- 2001, il est opportun de
signaler en premier lieu que la loi se limite, à juste titre, à
exiger l'existence d'un risque de confusion, il n'est donc pas
nécessaire de chercher si la confusion est effectivement
réalisée, il suffit juste qu'elle soit possible.
Cette souplesse se justifie d'elle-même, car si l'on
cherche à préserver la fonction distinctive de la marque, il
semble nécessaire que l'on doive prévenir d'office le risque ou
le danger même de confusion. En pratique, « il suffit que le
juge estime qu'une confusion peut se produire ; il suffit que le juge, sans se
borner à retenir un risque hypothétique ou probable, constate la
réalité de ce risque. » 1
Quant à la confusion, elle peut d'abord être
totale c'est-à-dire que l'on arrive à confondre purement et
simplement la marque originale à celle qui lui ressemble et qui se
trouve employée par un tiers afin de désigner des produits ou
services similaires à ceux couverts la première marque. Par
ailleurs, on doit admettre que la confusion peut être simplement comprise
à un niveau faible de similitude ou de proximité car, comme on
l'a déjà vu, le contrefacteur prend généralement le
soin d'introduire quelques éléments de nature dissiper la
confusion totale entre la marque originale et celle qui la contrefait.
Aux fins de l'appréciation de la contrefaçon qui
résulte d'une confusion au sens de l'article 23, le juge doit
impérativement prendre en considération la confusion entre les
marques en question car la contrefaçon n'est retenue que lorsque les
marques se révèlent, intrinsèquement, identiques ou
similaires abstraction faite des objets auxquels elles s'appliquent, en ce
sens, la cour d'appel de Tunis rappelle que « c'est la
ressemblance entre les marques et non pas l'identité des produits qui,
du simple fait de leur usage, trompe et induit le public des consommateurs en
erreur sur le véritable fabricant du produit
».2
Par ailleurs, le caractère identique ou similaire des
produits ou services ne compte que pour l'application du principe de
spécialité en vue de déterminer si l'atteinte
portée à la marque usurpée rentre dans le cadre de sa
spécialité ou non.
L'inobservation de la règle de l'appréciation de
la confusion par rapport aux signes eux-mêmes conduit
généralement à l'exclusion de la contrefaçon car
dans ce cas ce ne sont plus les marques qu'il convient de comparer mais ce sont
forcément des éléments extrinsèques tels que la
forme des produits, leur odeur, leur conditionnement ou leur
couleur.3
Sur la base d'une telle démarche erronée, la Cour
de Cassation n'a pas retenu la contrefaçon dans
1 MATHELY (P): op. cit. p. 301.
2 CA, Tunis, arrêt, n°60537 du 16
février 2000. (JOHNSON ENDSON. Inc c/ JASMINAL). Voir annexe
n°5.
3 TPI, Sfax, Jugement n°14808 du 13
février 1989. . Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997,
n°1. p. 144. La contrefaçon n'a pas été retenue,
à tort, car « les deux termes ne prêtent pas à
confusion dans l'esprit du consommateur ordinaire surtout que le volume des
flacons, leurs couleurs et l'odeur des parfums sont différents
».
dans l'affaire KIRI c/
RIKI,1 il en est de même des affaires Royal
Crown c/ S.C.B.G 2 et OMO
c/ ORO.3
Par ailleurs, on doit admettre que le demandeur en
contrefaçon sur la base de l'article 23 de la loi n°36-2001 n'a pas
à rapporter la preuve formelle de la confusion car celle-ci se
dégage simplement de la simple confrontation des deux marques
envisagées abstraitement et ce même avant toute apposition sur les
produits.
Parfois, la ressemblance entre deux marques se limite à
un élément particulier. Pour qu'il y ait confusion, on doit
exiger dans ce cas que cet élément reproduit ou imité soit
distinctif en soi car ce n'est que sur la base d'un tel caractère
original que la présence de cet élément dans une autre
marque devient susceptible de semer la confusion dans l'esprit du public.
La chose a été jugée par la Cour de
Cassation qui a censuré un arrêt qui n'a pas prêté un
intérêt particulier à la distinctivité de
l'élément reproduit. En effet, en méconnaissant cette
démarche, la cour d'appel ne pouvait parvenir à déterminer
si, de part son caractère distinctif, l'élément reproduit
dans la marque arguée de contrefaçon « saurait
attester la prétendue ressemblance dans l'esprit du consommateur
ordinaire d'attention moyenne de manière à l'induire en erreur
sur la provenance du produit désigné par la marque
».4
Du reste, on doit admettre que la confusion se trouve
caractérisée chaque fois qu'il résulte de la confrontation
des deux marques un simple rapprochement qui laisse à croire que l'on
est devant deux marques identiques ou tout le moins d'une évidente
ressemblance. Cette ressemblance est jugée d'après l'impression
générale des deux marques en présence, si l'impression
générale des deux marques se ressemble alors il y a risque de
confusion.
Le danger que constitue la marque contrefaisante, qui cherche
à se confondre dans l'esprit du consommateur avec la marque originale,
réside dans l'effet de perplexité et d'indécision qu'elle
engendre à propos de la véritable origine des produits ou
services qu'elle couvre. A ce propos, il est nécessaire de
préciser qu'il n'est pas essentiel que le consommateur ait
été effectivement trompé car, tout simplement, il importe
de se contenter du fait qu'il aurait pu l'être.
Par ailleurs, il semble utile de rappeler que certains
facteurs exercent en fait un pouvoir décisif sur l'esprit des juges lors
de l'appréciation de la confusion entre deux marques peu importe
qu'elles soient appliquées à des objets identiques ou similaires,
c'est, notamment, le cas où la marque usurpée se
révèle notoire.
Quoique l'article 23 ne le précise pas, la prise en
compte du degré de notoriété d'une marque paraît
s'imposer d'elle-même car la notoriété influe,
inconsciemment, sur le jugement d'une manière ou d'une autre surtout si
la marque en question a fait l'objet d'une publicité fracassante.
« Le caractère distinctif de la marque
antérieure, et en particulier sa renommée, doit être pris
en compte pour apprécier si la similitude entre les produits ou les
services désignés par les deux marques est suffisante pour donner
lieu à un risque de confusion ». C'est la réponse
donnée par la Cour de Justice des Communautés
Européennes5 à la question préjudicielle
consistant à savoir si
1 Cass-Civ, n°18698 du 4 décembre 1989.
Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 149.
2 CA, Sousse, arrêt n°10167 du 19 avril
1984. Chronique, R.T.D 1986. p. 572.
3 CA, Tunis, Arrêt n°62158 du 12 juin 1985.
BOUDEN (O): op. Cit. Annexe p. 79.
4 Cass-civ n° 65931 du 8 mai 2001. Bull Civ 2001,
p 103.
5 (Affaire : CANON c/ MGM) : CEJE, 29
septembre 1998. , PIOTRAUT (J-L) & DECHRISTE (P-J): « Jugements et
arrêts fondamentaux de la propriété intellectuelle ».
Editions TEC & DOC 2002. p. 552.
la notoriété de la marque contrefaite doit
être prise en compte pour apprécier si la similitude des produits
en cause suffisait pour donner lieu à un risque de confusion.
Tout en interprétant le paragraphe premier de l'article
4 de la directive européenne 89/104/CEE du 21 décembre 1988, la
cour a considéré qu'il faut entendre par risque de confusion
« le risque que le public puisse croire que les produits en cause
proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant,
d'entreprises liées économiquement » par
conséquent « il ne suffit pas, afin d'exclure l'existence
du-dit risque de confusion, de démontrer simplement l'absence du risque
de confusion dans l'esprit du public quant au lieu de production des produits
ou services en cause »
Afin de confirmer la vertu pratique d'une telle position, on
peut l'illustrer par les exemples suivants : Si l'on se trouve devant un
produit fabriqué en Turquie et portant une marque presque identique
à une marque française prestigieuse appliquée à un
produit identique ou similaire, on est tenté de croire que le produit
provenant de la Turquie a été fabriqué sous licence alors
que ce n'est probablement pas le cas.
De même, on peut légitimement attribuer à
la même marque l'origine d'un produit revêtu de cette
dernière alors que l'on n'est pas habitué à voir cette
marque appliquée à ce genre de produits. On croira alors que
l'application de cette marque à ce nouveau produit s'explique peut
être par la diversification, très courante de nos jours, de
l'activité de cette maison de fabrique.
Notons enfin, qu'en pratique, les manoeuvres frauduleuses du
contrefacteur, qui a sciemment cherché à créer la
confusion, devront compter pour beaucoup dans l'esprit du juge lors de
l'appréciation de la confusion entre deux marques car ce sont souvent
des circonstances de fait propres à chaque espèce qui forgent la
conviction du juge sur l'existence du risque de confusion.1
L'appréciation du risque de confusion au sens de
l'article 23 de la loi n°36-200 1 revient naturellement au juge qui
l'appréciera, bien entendu, en tant que consommateur, car c'est à
ce dernier que s'adresse en définitive la marque authentique ainsi que
celle qui la contrefait.
Paragraphe 2 : Le public considéré aux fins
de l'appréciation du risque de confusion
La confusion est un état d'esprit, c'est l'état de
ce qui n'est pas clair. Ainsi comprise, la confusion est donc sise dans
l'esprit de quelqu'un qui prend quelque chose pour quelque chose d'autre.
Appliquée au droit des marques, la confusion est celle
qui, au sens de l'article 23 de la loi n°36- 2001, s'installe «
dans l'esprit du public » car c'est dans son application
au destinataire final de la marque que la confusion revêt un sens et
devient, par la même, susceptible d'appréciation.
1 Dans chaque espèce, le risque de confusion
revêt un sens précis et une manifestation particulière.
C'est le cas de ces décisions dans lesquelles la confusion a
été retenue : (BOURGEOIS c/ BATTIKH) : TPI,
Tunis, jugement n°12716 du 6 juin 1982. RTD 1995. p. 299 ; (ROYAL
CROWN INK U.S.A c/ S.C.B.G) : TPI, Sousse, jugement n°477 du 20
décembre 1982. RTD 1986. p. 569 ; (DIXAN c/ DEXEL) :
TPI, Tunis, jugement commercial n° 11380 du 18 janvier 2003.
(inédit) voir annexe n°9. Confirmé en appel par CA Tunis,
Arrêt commercial n°1810 du 19 janvier 2004. voir annexe n°10 ;
(CRISTAL c/ KRISTAL) : TPI, Tunis, jugement N° 64616 du 5
juillet 1983. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p.
145 ; (KIRI c/ RIKI) : TPI, Tunis, jugement N°460/08 du
23 octobre 1983. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1.
p. 148 ; (SONY c/ SONYA) : CA, Tunis, Arrêt N°1593
du 13 février 1987. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997,
n°1. p. 150 ; (MAKNI c/ MAKNI AUDIO) : TPI, Tunis,
jugement n°81656 du 17 mai 1993. Cité par KTARI (S) :
pré-cit. R.J.L, mai 1997. p. 83 ; (WELLASTRATE c/ BEL
STRATE) : TPI, Tunis, jugement n°19598 du 27 décembre
1988. BOUDEN (O): op. cit. Annexe p. 170 ; (SUNSILK c/
SUPERSILK) : TPI, Tunis, JUGEMENT n°11049 du 4 mars 1985. BOUDEN
(O): op. cit. Annexe p. 103 ; (BENDIX c/ ALIF) : TPI, Tunis,
correctionnel n°18444 du 11 novembre 1989. BOUDEN (O): op. cit. Annexe p.
191.
Lors de l'appréciation du risque de confusion, le juge
se placera fictivement dans la situation d'un public de consommateur pour
savoir si confusion il y a ou non. La question qui se pose donc est celle de
savoir quel consommateur doit-on considérer à cette fin ?
S'agit-il d'un consommateur averti qui manifeste une attention
particulière à l'élément marque ou doit-on par
contre apprécier le risque de confusion par rapport au plus commun des
consommateurs ?
Raisonnablement, une jurisprudence à la fois ancienne
et constante a estimé, à juste titre, que le risque de confusion
doit être apprécié à l'égard d'un «
consommateur ordinaire d'attention moyenne »,1
ce n'est ni un esprit brillant ni un illettré, c'est une personne
douée de capacités mentales ordinaires. En effet, on ne peut
qu'approuver ce choix judicieux du moment qu'il rend compte de la
majorité écrasante du public des consommateurs.
Le consommateur est généralement conçu
comme l'antithèse du professionnel, c'est en effet une personne qui
acquiert ou utilise un bien ou un service à des fins privées.
Néanmoins, il n'y a pas lieu de distinguer, aux fins de
l'appréciation de la confusion, si le destinataire d'un quelconque
produit ou service est professionnel ou non car, même si l'on doit
admettre sa prise en compte, la qualité de professionnel ne joue -
semble t-il - qu'à titre de circonstance aggravante dans
l'esprit du juge toutes les fois où la contrefaçon se
révèle l'oeuvre d'un professionnel. 2
Une fois qu'on a admis le caractère ordinaire de la
personne à l'égard de laquelle s'apprécie le risque
confusion, on doit admettre par la même que cette entreprise doit
être opérée dans des conditions normales ou ordinaires qui
rendent compte du fait que le consommateur n'a pas forcément les deux
marques en question sous les yeux afin de les comparer.
De même, il faut considérer l'effet
d'accoutumance qu'exerce la marque qui par une sorte d'osmose fidélise
le public. Dans cette optique, il semble utile de citer une
considération décrivant cette situation : « La
marque de fabrique attire le consommateur final qui la retient et lui manifeste
un intérêt particulier s'il trouve satisfaction dans le produit
qu'elle désigne, en conséquence, il ne portera plus attention,
dorénavant, au nom du fabricant quiconque soit-il
».3
Dans le même sens, la Cour de Cassation a
rappelé, dans l'arrêt du 8 mai 2001,4 que la confusion
s'apprécie à l'égard « de l'acheteur
d'attention moyenne qui ne prête pas attention aux ressemblances de
détail dans les produits, qu'il se procure de temps à autre,
mais » garde en tête « une perception
d'ensemble de la marque qui les désigne sans s'attarder sur ses
particularités circonstanciées, ainsi, il ne garde (de
la marque) dans son esprit qu'une impression d'ensemble propre à
l'induire en confusion chaque fois qu'on lui mette sous les yeux une autre
marque qui lui ressemble sommairement ».
La jurisprudence tunisienne semble s'inscrire dans le droit fil
de cette démarche qui illustre pertinemment l'attitude du consommateur
tunisien à l'égard de la marque en général, par
1 Cass-civ n° 65931 du 8 mai 2001. Bull Civ 2001,
p 103. Les tribunaux utilisent souvent des formules équivalentes tel que
: consommateur ou acheteur ordinaire, moyennement attentif, d'attention ou
d'observation moyenne, etc.
2 TPI, Tunis, Jugement commercial n° 2703 du
11 avril 2000. (DRYPERS corporation c/
CIPAP). Voir annexe n°6. Les juges ont considéré
qu' « en vertu de son statut de professionnel, un commerçant doit
être en mesure de connaître pertinemment les marques notoires dans
son secteur d'activité, car étant soumis au droit commercial, il
se doit d'être loyal, diligent et de bonne foi afin de ne pas porter
atteinte à la règle de la confiance dans le domaine commercial
».
3 TPI, Sfax, jugement commercial n°970 du 14 mars
2000. (SCHWARZKOPF c/ JASMINAL) voir annexe n°1.
4 Cass-civ, n° 65931 du 8 mai 2001. Bull Civ
2001, p 103.
ailleurs, il est arrivé que les juges demandent l'avis de
personnes présentes à la salle d'audience sur l'existence du
risque de confusion entre deux marques dont l'une est la contrefaisante.
A notre sens, cette pratique ne peut qu'engendrer une grave
dénaturation de l'entreprise d'appréciation du risque de
confusion car il n'y a pas de meilleur moyen pour éclairer le jugement
qu'une expertise, d'autant plus que la personne interrogée sera
tentée de prendre en compte des éléments
extrinsèques aux marques elles-mêmes tels que les produits
eux-mêmes, les formes, les couleurs, l'emballage etc. Il en a
été ainsi dans deux affaires. 1
En définitive, on doit entendre par le risque de
confusion dans l'esprit du public au sens de l'article 23, la
possibilité d'une confusion créée, dans l'esprit d'un
consommateur d'attention moyenne, par la ressemblance de deux marques, l'une
originale et l'autre présumée contrefaisante, appliquées
à des produits ou services, selon le cas, identiques ou similaires.
Outre la condition de l'existence d'un risque de confusion, la
constitution du délit de contrefaçon au sens de l'article23
diffère selon qu'il s'agit des actes interdits pour des objets
similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ou des
actes répréhensibles du fait de leur application des objets
identiques ou similaires à ceux couverts par la marque
usurpée.
Section 2 : La panoplie des actes de contrefaçon
par « confusion »
La marque est protégée au sens de l'article 22
de certaines atteintes préjudiciables qui mettent en cause un emploi de
la marque pour les mêmes objets qu'elle désigne suivant ce qui a
été revendiqué lors de son dépôt. Il s'agit
donc d'une protection qui se doit d'être rigoureuse car l'atteinte dans
ce cas touche la marque dans sa spécialité au sens le plus
strict.
Dans ce contexte, la condamnation des actes de
contrefaçon selon l'article 23 de la loi n°36- 2001 doit être
entendue dans le sens d'une protection nécessaire, de nature à
compléter et à conforter celle prévue dans l'article
22.
Dans le point (a) de l'article 23, le législateur a
aménagé certaines interdictions propres à protéger
la marque des atteintes qui résultent de son emploi par un tiers non
autorisé pour des objets similaires à ceux que
cette dernière couvre, cet emploi de la marque par voie de reproduction,
usage ou apposition risque s'il en résulte un risque de confusion dans
l'esprit du public, de nuire gravement à la singularité de la
marque ainsi qu'à son propriétaire qui ne saurait assumer la
responsabilité qui découle de l'emploi d'une marque identique
à la sienne et désignant, par la même, des objets
similaires. (Paragraphe 1)
D'autre part, l'article 23 reconnaît, dans son point (b) au
propriétaire une protection contre l'imitation de sa marque ainsi que
l'usage d'une marque imitant la sienne.
1 (Affaire : KIRI c/ RIKI) : CA,
Tunis, Arrêt n° 61799 du 27 novembre 1985. Bulletin de la Doctrine
et de la Jurisprudence, publication de la Faculté de Droit de Sfax 1997,
n°1. p. 148. La cour affirme qu' « afin d'être rassurée,
la cour a procédé à la présentation des deux
produits dans la salle d'audience à trois personnes différentes
qui ont certifié unanimement qu'il n'y a pas de ressemblances entre les
produits » ; Dans le même sens, (Affaire : JACQUES JONY c/
SOTALCO) : TPI, Tunis, JUGEMENT n°15847 du 20 avril 1985. BOUDEN
(O): op. cit. Annexe p. 140. Dans les deux cas, on ne peut reprocher aux
personnes questionnées d'avoir comparé les produits et non pas
les marques elles-mêmes.
Contrairement à l'indiscrétion de l'atteinte
constitutive de contrefaçon au sens de l'article 22 et, à un
moindre degré, l'article 23 (a), l'acte d'imitation de la marque se
caractérise par une certaine subtilité qui n'implique pas le
reprise ou l'accaparement de la marque en substance, il consiste minutieusement
en l'emploi d'une marque qui, sans reprendre totalement ou même
partiellement la marque d'autrui, s'en rapproche approximativement au point de
créer un risque de confusion dans l'esprit du public concernant la
véritable origine des objets qu'elle désigne par rapport à
leurs identiques ou similaires couverts par
la marque imitée. (Paragraphe 2)
Paragraphe 1 : Les actes interdits pour des produits ou
services similaires à ceux désignés à
l'enregistrement :
Selon la lettre de l'article 23 (a), « Sont
interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il en peut
résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque,
ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services
similaires à ceux désignés dans l'enregistrement
».
Les actes de contrefaçon selon l'article 23 (a) se
distinguent de ceux de l'article 22 (a) à deux niveaux. Le premier est
celui de l'exigence d'un risque de confusion, quant au second il concerne le
caractère similaire des objets pour lesquels l'usurpation de la marque a
été consommée.
Nonobstant ces spécificités, les actes de
contrefaçon de l'article 22 (a) et ceux de l'article 23 (a) se recoupent
fondamentalement sur deux points essentiels.
En premier lieu et à l'image de l'article 22, la bonne
foi du contrefacteur demeure pour les mêmes raisons un
élément inopérant aux fins de l'appréciation du
délit de contrefaçon qui résulte au sens de l'article 23
de « La reproduction, l'usage ou
l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque
reproduite, pour des produits ou services similaires à
ceux désignés dans l'enregistrement ». Ainsi, la
contrefaçon sera retenue indépendamment de l'intention de celui
qui commet les actes énumérés à titre limitatifs
dans l'article 23.
En deuxième lieu, il est à préciser que
la matérialité des actes de reproduction, usage,
apposition d'une marque ainsi que celui de l'usage d'une
marque reproduite, au sens de l'article 23 de la loi n°36-2001 ne
se distingue en rien de celle de leurs semblables interdits dans l'article 22
de la même loi.
Ce sont les mêmes faits matériels qui constituent
le délit de contrefaçon dans les deux cas, de même, il
convient d'ajouter que les actes de reproduction, d'usage, d'apposition
d'une marque ainsi que celui de l'usage d'une marque
reproduite s'apprécient de la même manière et
interviennent selon les mêmes modalités peu importe qu'il s'agisse
de ceux interdits à l'article 22 ou de ceux prohibés dans
l'article 23.
La seule différence réside donc dans le
caractère similaire des produits et des services couverts par la marque
contrefaite. Cette similarité a bien entendu poussé le
législateur à exiger la survenance d'un risque de confusion dans
l'esprit du public afin de s'assurer que la fonction distinctive de la marque
ainsi que les intérêts légitimes de son propriétaire
ont été atteints par
l'existence et l'emploi d'une marque, qui en raison de son
caractère identique ou quasi-identique à la marque
usurpée, risque de laisser à croire que les produits qu'elle
désigne ont la même origine que ceux qui leurs sont similaires et
qui se trouvent couverts par la marque antérieure.
Outre la sensibilité de l'appréciation du risque
de confusion, c'est la détermination du caractère similaire des
produits ou des services en cause qui pose véritablement un
problème lors de l'appréciation du délit de
contrefaçon dans tous les cas de figure de l `article 23 (a).
D'emblée, l'estimation de la similarité souffre
d'une subjectivité accentuée, elle revêt par ailleurs une
importance capitale car elle débouchera sur la détermination de
l'étendue de la spécialité de la marque et par voie de
conséquence sur l'étendue de sa protection.
Raisonnablement, le juge doit d'abord déterminer les
produits qui figurent dans le dépôt de la marque peu importe
qu'ils soient exploités ou non à moins qu'une décision de
justice n'ait prononcé la déchéance des droits sur la
marque concernant le produit ou le service en question.
Avant d'aller plus loin, il importe de rappeler que
l'appartenance de deux produits à une même classe au sens du
classement de l'arrangement de Nice, ne devra pas compter pour quelque chose
dans la détermination de la similarité entre les produits car la
loi des marques ne reconnaît à l'appartenance d'un produit
à une classe donnée aucun effet de droit sur l'étendue de
la protection de la marque, par ailleurs, ces « classifications
sont plus ou moins arbitraires, et avec l'évolution des techniques se
révèlent parfois artificielles ».1
Objectivement, on peut considérer deux produits comme
similaires chaque fois que leur nature ainsi que leur usage se trouvent
manifestement voisins. Par ailleurs, si l'on examine la similarité sous
un angle économique, nécessairement plus souple, «
on considérera comme similaires des produits dont le public a
toutes raisons de croire qu'ils proviennent du même fabricant. On prendra
aussi en considération la destination commune des produits
».2
Sur la base d'un tel raisonnement, ont été
considérés comme similaires « les produits, qui en
raison de leur nature et de leur destination, peuvent être
attribués par les consommateurs à la même origine. Tel est
le cas des chaussures, des produits chaussants et des vêtements, tous ces
produits ayant une fonction commune qui est de vêtir l'homme
».3
Par ailleurs, il arrive qu'un produit soit similaire à
un service.4 De même, outre la condition de l'emploi de signes
identiques ou quasi-identiques, la similitude est envisageable entre l'objet
d'un service rendu par l'animateur d'un nom de domaine sur Internet et des
objets couverts par une marque de commerce, de fabrique ou de services
appartenant à autrui.
Les éléments qui devront compter lors de
l'appréciation de la similitude peuvent changer d'une espèce
à l'autre eu égard aux circonstances de fait pertinentes.
1 CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit.
n°1017. p. 579. Concernant l'arrangement de Nice, voir supra. p. 62.
2 Ibid. n°1018. p. 580.
3 Paris, 19 janvier 1993,
D. 1994. Somm. Com., p.
56.
4 CA, Paris, 30 mai 1969. Ann. 1970. p. 118. Selon
MATHELY, la similarité a été retenue entre une marque de
services et une marque de fabrique dans la mesure où l'activité
de la marque de services porte sur l'organisation d'une distribution
commerciale d'objets couverts par la marque de produit. Op. cit. p. 318.
Parmi ces éléments, on compte la
complémentarité des produits, leur destination à la
même clientèle ainsi que le caractère notoire de la marque
contrefaite.
Quoi qu'il en soit, l'estimation de la similarité doit
nécessairement s'opérer dans les limites du raisonnable tout en
gardant sous les yeux deux impératifs sensiblement peu conciliables. En
effet, sans aller jusqu'à provoquer l'éclatement de tout
l'édifice construit autour du principe de la spécialité
des marques en tenant pour semblables deux produits qui, manifestement, ne le
sont pas, le juge doit se porter garant d'une protection efficace des
intérêts du titulaire de la marque ainsi que du respect de la
fonction religieusement distinctive de celle-ci.
Contrairement à une jurisprudence française
abondante en matière d'appréciation de la similarité des
produits et des services,1 à notre connaissance, le juge
tunisien n'a pas encore été saisi d'une action en
contrefaçon impliquant des produits similaires à l'exception
d'une affaire, encore en instance, classée au greffe du
Tribunal de Première Instance d'Ariana sous le n°12127.
Dans cette affaire, la société COCA-COLA
COMPANY, propriétaire de la marque FANTA
enregistrée pour des produits de boissons gazeuses, s'est
opposée, sur la base des articles 23 et 24 de la loi n°36-2001,
à l'utilisation par un tiers de la marque FANTA CHIPS
appliquée à des produits alimentaires de pommes de terre
frites.
En l'espèce, il semble difficile d'admettre que la
contrefaçon soit retenue au sens de l'article 23 en raison du
caractère apparemment non similaire des produits en question à
moins que les juges ne soient d'un avis contraire.2
En définitive, il apparaît clair que la
constitution du délit de contrefaçon au sens de l'article 23 de
la loi n°36-2001 repose sur la réunion de trois conditions
cumulatives. En premier lieu, il faut que la marque contrefaisante soit
identique ou tout le moins quasi-identique à celle d'autrui, ensuite, il
faut que l'acte matériel de contrefaçon, consommé par voie
de reproduction, usage, apposition ou par l'usage d'une marque reproduite, soit
appliqué à des produits ou services similaires à ceux qui
figurent dans l'acte d'enregistrement de la marque usurpée. En dernier
lieu, il est nécessaire aux fins de la condamnation de ces actes qu'il
soit établit un risque de confusion dans l'esprit du public 3
concernant la véritable origine des produits ou des services en
question.
La distinction entre produits et services similaires ou
identiques perd son utilité concernant la constitution du délit
d'imitation de marque au sens de l'article 23 (b).
1 Voir en ce sens la jurisprudence citée par MATHELY (P):
op. cit. p. 315 et sui.
2 Dans sa requête introductive d'instance, le
propriétaire de la marque FANTA a mentionné les
articles 23, 24 et 44 de la loi n°36-2001 en tant que base légale
de sa demande. Par ailleurs, il nous a été
révélé que la stratégie de la demanderesse repose
plutôt sur l'article 24 relatif à l'engagement de la
responsabilité civile de l'auteur d'un emploi injustifié ou
préjudiciable d'une marque jouissant d'une renommée pour des
produits ou services non similaires à ceux pour lesquels cette
dernière a été enregistrée.
Ce choix semble raisonnable dans la mesure où les juges
reconnaîtront plus aisément le caractère notoire de la
marque FANTA que la nature similaire des produits en
question.
Toutefois, rien n'empêche le juge de retenir la
contrefaçon au sens de l'article 23 (a) pour ces raisons, d'abord, il
s'agit de deux produits alimentaires, de grande consommation, vendus
généralement dans les mêmes rayons en grande surface et que
les jeunes tendent de nos jours à consommer à des moments et en
des circonstances pareilles surtout avec la nouvelle culture de
consommation qui ne cesse de se rapprocher des standards américains en
la matière.
A ces considérations s'ajoute l'influence probable du
caractère notoire de la marque FANTA, ce
caractère pourra être pris en considération lors de
l'appréciation du risque de confusion dans l'esprit du public qui pourra
raisonnablement voir en la marque FANTA CHIPS la
désignation du nouveau produit de la marque mère
FANTA.
3 Cf. CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit.
n°1017. p. 579. Ces auteurs considèrent que le risque de confusion
n'est pas fonction de la similarité des produits ou services mais
uniquement fonction de l'identité des marques elles-mêmes.
109 Paragraphe 2 : Les actes interdits pour des produits ou
services identiques ou
similaires à ceux désignés à
l'enregistrement :
Selon l'article 23 de la loi n°36-2001, sont
également « interdits, sauf autorisation du
propriétaire, s'il en peut résulter un risque de confusion dans
l'esprit du public :
b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque
imitée pour des produits ou services identiques ou similaires
à ceux désignés dans l'enregistrement ».
Consécutivement à l'emploi de la conjonction
« et » dans l'article 23, il convient de distinguer
les interdictions posées par cet article selon qu'il s'agit d'un acte
d'imitation (1) ou celui d'usage d'une marque imitée.
(2)
1) Le délit d'imitation de marque :
L'interdiction de l'imitation en tant que telle était
consacrée déjà sous l'empire du décret du 3 juin
1889 et plus précisément par son article 16 qui puni «
ceux qui sans contrefaire une marque, en ont fait une imitation
frauduleuse de nature à tromper l'acheteur ».
La consécration de l'incrimination de l'imitation dans
l'article 23 de la loi n°36-2001 ne semble pas remettre en cause le mode
d'appréciation du fait matériel d'imitation ni les solutions
jurisprudentielles relatives à la détermination des
modalités d'intervention de ce délit. Ceci étant, l
`article 23 a opéré un changement fondamental relatif aux
éléments constitutifs du délit d'imitation, ceci est
percevable de la terminologie employée dans cet article.
En effet, l'article 23 interdit l'imitation en tant que telle
sans la qualifier de « frauduleuse » comme
çà était le cas dans l'article 16 du décret de
1889, c'est donc l'élément intentionnel qui a été
éliminé de la sphère des éléments
constitutifs de l'imitation de marque et ce aussi bien au civil comme au
pénal.
En ce sens, il est permis de voir dans la mise à
l'écart de l'intention criminelle des éléments
constitutifs de l'imitation de marque une des plus grandes innovations de la
loi n°36-2001 du 17 avril 2001.
En l'absence d'une définition textuelle, la doctrine la
plus autorisée tient pour imitation, l'acte qui « consiste
à reproduire le signe, constituant la marque non pas à
l'identique, mais approximativement ».1 Toutes les
définitions avancées par la doctrine se recoupent sur
l'idée que l'imitation n'implique pas la reproduction pure et simple de
la marque d'autrui, au contraire, c'est de similarité entre les marques
qu'il s'agit.
L'imitation est donc en quelque sorte une contrefaçon
par reproduction qui cherche à se déguiser derrière
quelques dissemblances créées par le contrefacteur afin de
repousser le grief de contrefaçon, c'est donc de ressemblance qu'il
s'agit et non pas d'identité totale ou partielle entre les marques en
question.
1 MATHELY (P): op. cit. p. 300.
L'imitation de la marque d'autrui est un acte
particulièrement grave qui perturbe le jugement et le choix du
consommateur sur la véritable origine du produit, revêtu de cette
marque car son attention sera retenue autant par les ressemblances entre les
marques que par leurs dissemblances et c'est là où entre en jeu
l'effet de la confusion voulu et soigneusement aménagé par le
contrefacteur par imitation.
L'imitation que le législateur tunisien
réprime dans l'article 23 est celle qui implique une ressemblance d'un
degré assez suffisant pour qu'il « en résulte un
risque de confusion dans l'esprit ».
En pratique, la distinction entre imitation et reproduction de
la marque semble être d'une délicatesse manifeste. La finesse de
la distinction n'a pas manqué de d'influer sur la terminologie
employée en ce sens par les juges tunisiens qui ne se donnent pas la
peine de trancher s'il s'agit d'un cas d'imitation ou de reproduction surtout
que les deux actes se trouvent interdits à la fois pour des produits
identiques ou similaires. Et pour couronner le tout, les juges, à une
exception près,1 emploient le terme contrefaçon ou
taklid indifféremment pour désigner les
deux délits.
Ce qui semble, donc, distinguer l'imitation de la
reproduction, c'est le fait que le signe imitant se rapproche approximativement
ou à peu près de la marque originale objet de l'imitation sans la
reprendre, comme dans la reproduction, totalement ou même
partiellement.
Comme on l'a déjà vu à propos du risque
de confusion, le consommateur ordinaire retient souvent une impression
générale de la marque ainsi que des éléments qui la
compose, il sera d'autant plus amené à croire qu'il se trouve
devant la marque authentique qu'il connaît chaque fois que la marque
contrefaisante reprend approximativement les éléments
caractéristiques ou potentiellement distinctifs de la marque
authentique.
Pour cette raison et compte tenu du caractère
déguisé de l'imitation, une jurisprudence constante admet
unanimement une méthode synthétique dans l'appréciation de
l'imitation de marque afin de relever les ressemblances entres les marques en
questions.
Cette méthode synthétique permet au juge
d'extrapoler l'impression d'ensemble que laisse la marque contrefaisante dans
l'esprit d'un consommateur ordinaire, si ce dernier se laisse tenté par
l'idée que la marque contrefaisante est suffisamment semblable à
la marque originale pour qu'il y ait risque de confusion dans son esprit, on
pourra alors retenir le délit d'imitation.
La confusion deviendra encore certaine si l'on admet que, dans
des conditions normales, le consommateur n'est ni censé comparer les
deux marques ni être en mesure de le faire car il n'est pas
supposé avoir sous les yeux les deux marques en même temps pour
qu'il puisse les comparer.
A l'image de l'appréciation de la reproduction, il est
évident que le juge doit prendre en considération les
éléments distinctifs de la marque imitée car ce sont ces
éléments que l'enregistrement protège, qui singularisent
la marque et qui de part leur présence 2 dans un
1 Le juge pénal semble plus précis
sur le plan terminologique. En effet, il emploi le terme NASKH et non pas
TAKLID pour désigner le délit de reproduction. Çà
était le cas des juges qui ont prononcé le jugement
correctionnel n°6206 du 22 avril 2003 rendu par le TPI de
Bizerte. Voir annexe n°8.
2 Voir dans le droit fil de cette affirmation : Cas
s-civ n° 65931 du 8 mai 2001. Bull Civ 2001, p 103.
ensemble présentant certaines démarcations, en
l'occurrence la marque contrefaisante, risquent de semer la confusion dans
l'esprit du public.
Il y a donc lieu de considérer que la
contrefaçon par imitation n'est pas constituée si les
éléments, imités, repris dans la marque contrefaisante ne
figurent pas dans le dépôt de la marque imitée ou s'il
s'avère qu'ils sont nécessaires, descriptifs ou encore usuels. Il
faut donc qu'ils soient protégeables et intrinsèquement
distinctifs.
Par ailleurs, on doit pouvoir exiger que la reprise
approximative de ces éléments distinctifs dans la marque
contrefaisante ne leur fasse pas perdre leur caractère
original.1 En effet, si ces éléments perdent leur
singularité tout en se dispersant dans l'ensemble auquel ils sont
assemblés, il y a lieu de dire qu'ils ne sont plus en mesure de rappeler
la marque antérieure dont ils faisaient partie. Dès lors, il n'y
aura pas de confusion ni par voie de conséquence d'imitation.
Il convient de noter que la conviction du juge sur l'existence
de l'imitation se nourrit souvent de la prise en compte de certaines
circonstances de fait propres à chaque espèce ainsi que d'une
touche de subjectivité inhérente, semble t-il, à
l'appréciation.
Cette touche de subjectivité explique peut être
l'exclusion de l'imitation comme çà était le cas dans
l'affaire KIRI c/ RIKI. La Cour de Cassation a
considéré qu'il n'y a pas d'imitation même s'il y a eu
inversion de la marque KIRI. Ceci étant, il est permis
de voir dans les motivations de cet arrêt l'exemple type de la
démarche à ne pas suivre dans l'appréciation de
l'imitation.
En effet, après avoir approuvé l'arrêt qui
a basé la comparaison sur les différences quant aux
dénominations -entre la marque RIKI, arguée de
contrefaçon, et la marque La Vache Qui Rit- ainsi que
sur les différences entre les produits quant à la forme et les
couleurs, la Cour de Cassation, tout en employant un terme dénué
de toute précision, en l'occurrence Tadliss,2 a
considéré que « l'imitation des marques de fabrique
suppose l'existence d'une confusion entre les deux marques et une
identité totale tant entre les dénominations que dans la
manière dont elles sont présentées au public afin
qu'il puisse en résulter une confusion dans l'esprit des
clients ». 3
De même, en raison de la comparaison des produits et non
pas des marques en causes, il a été jugé que la marque
NUIT de PARIS ne constitue pas une imitation de la marque
SOIR de PARIS.4
Dans les affaires où l'imitation a été
retenue, les juges motivent souvent remarquablement et dûment leurs
décisions, tel est le cas dans l'arrêt qui a
considéré que « la ressemblance établie entre
les marques SONY et SONYA est de nature à créer un doute et une
confusion auprès du commun des clients [....] La cour admet ainsi qu'il
y a une grande ressemblance entre les deux marques, c'est ce qui explique le
trouble et l'embrouillement du consommateur ordinaire. La responsabilité
qui en découle est à la charge du propriétaire de la
marque SONYA qui a choisi une marque similaire à celle de son concurrent
SONY sans considérer ni observer les antériorités ni les
marques déjà exploitées sur le marché dont il n'est
pas en droit d'ignorer l'enregistrement».5
1 Affaire CACHOU, Cour de Cassation française,
arrêt commercial du 24 janvier 1995. Rapportée dans le Bulletin de
la Doctrine et de la Jurisprudence, publication de la Cour d'Appel de Sfax
1997, n°1. p. 4. ( Partie en langue française )
2 Aux fins de la traduction, on tiendra le terme
tadliss pour équivalent d'imitation
frauduleuse au sens du décret de 1889.
3 Cass-Civ, n°18698 du 4 décembre 1989.
Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997, n°1. p. 149.
4 TPI, Sfax, Jugement n°14808 du 13
février 1989. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997,
n°1. p. 144.
5 CA, Tunis, arrêt n°1593 du 13
février 1987. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997,
n°1. p. 150. voir aussi dans le même sens, les motivations
pertinentes de l'arrêt : Cass-civ n° 65931 du 8 mai 2001. Bull Civ
2001, p 103.
L'imitation a été aussi retenue à
plusieurs reprises dans des cas très fréquents qui impliquent
l'utilisation par un tiers d'une marque dont la consonance est trop proche ou
rappelle excessivement la marque d'autrui, c'est la modalité
d'imitation sonore. Çà était le cas dans
l'affaire 1 POMPÉIA c/ PAON
BEYA et Rêve d'Or c/ Rêve
d'Aurore. De même dans les affaires WELLASTRATE
c/ BEL STRATE 2 et SUNSILK
c/ SUPERSILK. 3
A l'occasion de deux décisions rendues, dans l'affaire
DIXAN c/ DEXEL, postérieurement
à l'entrée en vigueur de la loi n°36-2001, les juges sont
parvenus à consacrer l'esprit même de la protection que le
législateur a voulu faire bénéficier au
propriétaire de la marque face à l'imitation.
En l'espèce les premiers juges 4 ont
considéré que la marque DEXEL,
enregistrée et appliquée à un détergent,
constituait une imitation de la marque antérieure DIXAN
enregistrée pour le même produit. Selon le tribunal,
« il ressort de la comparaison de l'élément nominal
des marques DIXAN et DEXEL en latin une ressemblance quant à l'aspect
général des deux mots d'autant plus que la grande similitude
relative à la prononciation des deux marques en langue arabe est de
nature à induire le consommateur à confondre ces marques, surtout
qu'il s'agit d'un produit identique, en l'occurrence un détergent, dont
la dénomination se confond, lors de la prononciation, à
l'appellation du produit de la demanderesse ».
Tout en confirmant la solution entérinée en
première instance, la Cour d'Appel de Tunis 5 a tenu à
rappeler que « la détermination de l'imitation d'une marque
de commerce passe par la mise en exergue des ressemblances, entre la marque
authentique et celle arguée d'imitation, susceptibles de semer la
confusion dans l'esprit du consommateur ordinaire qui n'est pas en mesure
d'exercer un contrôle afin de comparer la marque originale à la
marque contrefaisante.
Par ailleurs, les éléments
circonstanciés de dissemblance n'ont point d'effet sur le pouvoir
discrétionnaire du juge qui prend en considération les
caractéristiques de la marque ainsi que sa perception d'ensemble afin
d'établir l'imitation ».
Quant au modalités de l'imitation, elles varient en
fonction de la fécondité de l'imagination du contrefacteur. Parmi
ces modalités, on compte notamment l'imitation visuelle qui se trouve
généralement et non pas nécessairement accompagnée
par une imitation sonore, c'était le cas dans les affaires
précitées : WELLASTRATE c/ BEL STRATE
et SUNSILK c/ SUPERSILK.
L'imitation peut résulter aussi de la traduction de la
marque dans la mesure où elle laisse transparaître la marque
d'autrui,6 en ce sens, il a été jugé
7 que la marque « Après l'amour »
imitait la marque « After love » de même
« Master vox » et « Master
voice ».
De même, il est possible que l'imitation découle
d'une association d'idées dans des cas où le public ne peut
s'empêcher de rapprocher les deux marques comme dans le cas de «
Mignon Camembert » et « coquet Camembert
».8
1 TPI, Tunis, jugement du 5 juillet 1948. (PIVER /
BATTIKH) Ann. Prop. Ind 1948. p. 272.
2 TPI, Tunis, jugement n°19598 du 27
décembre 1988. BOUDEN (O): op. cit. Annexe p. 170.
3 TPI, Tunis, jugement n°11049 du 4 mars 1985.
BOUDEN (O): op. cit. Annexe p. 103
4 TPI, Tunis, commercial n° 11380 du 18 janvier
2003. voir annexe n°9.
5 CA, Tunis, arrêt commercial n°1810 du 19
janvier 2004. voir annexe n°10.
6 CHAVANNE (A) & BURST (J-J): op. cit.
n°1219. p. 726.
7 Ibidem.
8 Paris, 14 septembre 1925. Ann. 1926. p. 2.
Il est à noter que le juge tunisien n'a pas reconnu,
à tort, l'imitation par rapprochement à l'occasion de l'affaire
SOIR de PARIS c/ NUIT de PARIS. 1
Enfin, l'association d'idées s'opère aussi par
un contraste paradoxalement susceptible de semer la confusion, l'exemple
classique en ce sens est celui de la marque « La vache
sérieuse » qui, bien que différente, constitue la
réplique par contraste de la marque « La vache qui
rit ».2
Il importe en définitive de rappeler que l'imitation
est retenue au sens de l'article 23 chaque fois que cet acte s'applique
à « des produits ou services identiques ou
similaires à ceux désignés dans l'enregistrement
».
La condamnation de l'acte d'imitation de marque ne doit pas
déborder sur la protection de la marque en dehors des limites
raisonnables de sa spécialité ni permettre de sanctionner des
actes déloyaux qui ne rentrent pas raisonnablement et strictement dans
le champ d'application de la loi des
marques. la mise en oeuvre de tels
propos n'est évidemment pas une mince affaire si l'on admet que la
condition du risque de confusion inhérent à la condamnation de
l'imitation de marque est en quelque sorte une notion empruntée à
la terminologie et à l'esprit même de la répression des
actes de concurrence déloyale au sens de l'article 92 C.O.C.
2) Le délit d'usage d'une marque imitée
Comme dans le cas de la reproduction et de l'usage d'une marque
reproduite, l'article 23 interdit l'usage d'une marque imitée tout comme
l'acte d'imitation lui-même.
Cette interdiction s'impose de toute évidence dans la
mesure où l'on ne doit pas laisser en état d'impunité ceux
qui, sans imiter la marque d'autrui, utilisent une marque imitée.
Deux raisons semblent expliquer la justesse de cette
prohibition, d'abord, il arrive que l'imitation soit matériellement
consommée soit par une personne non identifiée ou dans une aire
géographique non couverte par le droit sur la marque imitée, il
sera donc très profitable au titulaire de la marque originale de pouvoir
poursuivre, sur la base du grief de l'usage, celui qui fait un quelconque usage
de la marque imitante sur le territoire tunisien pour des produits similaires
ou identiques à ceux que sa marque couvre.
Ensuite, on peut admettre que l'imitation de la marque devient
encore plus préjudiciable, tant aux intérêts du
propriétaire qu'à la fonction de garantie d'origine de la marque,
chaque fois qu'elle se trouve mise en oeuvre par le biais d'un usage commercial
de cette marque imitante.
L'usage dans ce cas s'entend d'un usage à titre
commercial de la marque imitée pour des produits identiques ou
similaires selon les mêmes modalités d'intervention du
délit d'usage de marque 3 au sens de l'article 22 de la loi
n°36-2001.
Dans l'affaire DIXAN c/ DEXEL,
le grief d'usage d'une marque imitée a été retenu
à l'encontre du titulaire de la marque DEXEL qui a
apposé, commercialisé et utilisé cette marque dans la
publicité pour des produits identiques à ceux couverts par la
marque DIXAN.4
1 TPI, Sfax, Jugement n°14808 du 13
février 1989. Bulletin de la Doctrine et de la Jurisprudence 1997,
n°1. p. 144.
2 Paris, 4 mars 1959. Ann. 1959. p. 141.
3 Voir supra. p. 85.
4 CA, Tunis, arrêt commercial n°1810 du 19
janvier 2004. voir annexe n°10.
Chapitre 3 : les actes intentionnels de
contrefaçon
Dans le dessein de faire bénéficier le
propriétaire de la marque d'une protection efficace qui couvre une large
panoplie d'actes susceptibles de porter atteintes aux droits
conférés par l'enregistrement de la marque, le législateur
tunisien, tout en s'inspirant largement du droit français, incrimine, au
même titre que les actes de contrefaçon interdits dans les
articles 22 et 23 de la loi n°36-2001, des actes qui constituent, en fait,
des cas particuliers d'usage illicite de la marque d'autrui.
Tel est le cas des actes interdits au sein de l'article 52 de
la loi n°36-200 1 en ces termes : « sous réserve des
peines prévues par des textes spéciaux, sera puni de la peine
prévue dans l'article 51 de la présente loi quiconque aura
détenu, sans motif légitime, des marchandises qu'il sait
revêtues d'une marque contrefaite ou aura sciemment vendu, mis en vente,
fourni ou offert de fournir des produits ou des services sous une telle
marque ».
De la lecture de cet article se dégage une remarque et se
pose une interrogation.
S'agissant de la remarque, il convient de souligner la
subordination de l'incrimination de ces actes à l'existence d'une
intention frauduleuse de la part de leurs auteurs, cette affirmation s'explique
évidemment par l'emploi des termes « sciemment
» et « sans juste motif ». L'emploi de cas
termes place indubitablement les actes interdits au sein de l'article 52 au
rang des actes intentionnels de contrefaçon de marque.
Quant à l'interrogation, il est permis de s'interroger
si l'on peut entendre par l'acte de fourniture, au sens de
l'article 52, un délit qui couvre l'acte de substitution de produits ou
de services et qui consiste pour une personne en la fourniture d'objets sous
une marque autre que celle qui lui aura été demandée pour
les mêmes produits et services.
A moins que l'on assimile, artificiellement, la substitution
des produits ou des services à l'acte de fou niture, il n'est
pas permis de prétendre, en application du principe de la
légalité des
r
peines et des délits ainsi que de la règle
d'interprétation stricte du texte pénal, que le
législateur tunisien a incriminé formellement l'acte de
substitution car en substituant à la marque enregistrée, sous
laquelle le produit ou le service a été demandé, une
marque différente de celle-
ne se rend pas coupable d'un quelconque emploi illicite de la
marque
1
ci, l'auteur d'un tel acte
enregistrée d'autrui à moins qu'il ne l'ait
supprimé ou modifié.
Toutefois, la substitution de la marque enregistrée par
une marque identique ou similaire devient condamnable à titre de
contrefaçon, selon le cas, au sens de l'articles 22 ou 23 (b).
Conformément à l'article 52 de la loi
n°36-2001, on s'intéressera aux délits de contrefaçon
en relation avec la vente intentionnelle de produits ou services revêtus
d'une marque contrefaite (Section 2) après avoir
déterminé les caractéristiques du délit de
détention illégitime de marchandises revêtues d'une marque
contrefaite (Section 1).
1 Cet acte constitue un délit au sens de la loi
n°117-92 du 7 décembre 1992, relative à la protection du
consommateur.
Section 1 : Le délit de détention de
marchandises revêtues
d'une marque contrefaite
La détention prohibée par l'article 52 consiste en
un acte de possession intervenu délibérément et ayant pour
objet des marchandises revêtues d'une marque contrefaite.
* Se rend coupable du délit de détention,
quiconque aura détenu à titre commercial ou à des fins
commerciales 1 des marchandises revêtues d'une marque
contrefaite. Bien que l'article 52 ne distingue pas en ce sens, il est
inconcevable que la contrefaçon soit retenue en dehors du commerce ou
d'un usage commercial de la marque contrefaite.
Cette précision tend évidemment à exclure
du champ d'application de l'article 52, ainsi que celui de la loi des marques,
les actes de contrefaçon consommés à des fins d'usage
privé qui ne sauraient porter atteinte aux droits conférés
par l'enregistrement d'aucune manière tant qu'elles se cantonnent dans
le cercle de la vie privé de celui qui en est l'auteur.
L'acte de détention est exprimé dans le texte
arabe de l'article 52 dans le sens de la possession, ainsi, on doit admettre
qu'il s'agit d'un « rapport de fait avec un bien »
ou d'une « maîtrise de fait qui peut être
dissociée du droit » disait Carbonnier.2 Le
détenteur n'est donc pas censé être le propriétaire
de ces marchandises, la possession doit suffire.
De même, il semble opportun d'exclure du champ
d'application du délit de détention au sens de l'article 52,
celui qui, au sens de l'article 53 du code des droits réels, acquiert de
bonne foi un bien meuble, fût-il revêtu d'une marque contrefaite,
car « la qualité de propriétaire légitime est
en principe incompatible avec celle de receleur ».3
* Les marchandises dont la détention est
répréhensible sont celles qui portent une marque contrefaite peu
importe que la marque en question soit reproduite ou imitée, ce qui
compte c'est le caractère non authentique de la marque qui figure sur
les marchandises. Par ailleurs, on constate que l'article 52 vise les
marchandises à l'exclusion des services.
Concernant la nature de ces marchandises, il semble qu'il importe
peu qu'elles soient à caractère commercial ou non du moment que
la détention qui en est faite revêt ce caractère.
De même, il est à préciser que seul le fait
de détention compte indépendamment de tout acte antérieur
de reproduction, d'imitation ou d'apposition illicite de la marque sur les
marchandises.
* L'incrimination de la détention de marchandises
revêtues d'une marque contrefaite est subordonnée selon la lettre
de l'article 52 à la condition qu'elle ait intervenue «
sans juste motif ». Il est donc exigé que le
détenteur ait parfaitement connaissance du fait que les marchandises
qu'il détient sont revêtues d'une marque contrefaite sans qu'il
soit en mesure d'invoquer un juste motif ou une raison susceptible de valider
le fait de la détention illicite.
1 La doctrine dominante subordonne l'incrimination
à une détention commerciale. Voir en ce sens : CHAVANNE (A) &
BURST (J-J): op. cit. n°1240. p. 740 ; Lamy Droit Commercial, «
Marques » 1993. N° 2119 et 2127. p. 914 et 916 ; POLLAUD-DULIAN (F) :
op. Cit. N° 1358 et 1400. p. 635 et 657.
2 CARBONNIER (J) : op. cit. N°41. p. 181.
3 CHAVANNE (A) & BURST (J-J): op. cit.
n°1240. p. 740.
L'appréciation du caractère intentionnel de la
détention illicite revient au juge qui le retient des circonstances de
fait qui entourent l'acte incriminé, en ce sens, il est permis de
considérer qu'il semble difficile que le juge ne tienne pas compte de la
notoriété de la marque contrefaite.
Le juste motif propre à disculper le détenteur
de marchandises revêtues d'une marque contrefaite peut varier d'une
espèce à l'autre, néanmoins, pour qu'il soit
opérant il doit dans tous les cas certifier que le détenteur ne
savait pas qu'il détenait des contrefaçons ou bien qu'il ait une
raison valable pour les détenir.
La raison valable pourra être retenue dans le cas d'une
détention effectuée par un préposé qui a agi pour
le compte et suivant les ordres de son employeur,1 de même, la
détention par le transporteur 2 ne doit pas être
condamnable car il ne fait qu'exécuter une obligation contractuelle qui
rentre dans sa fonction normale.
Il ressort de ces exemples que le détenteur puni par
l'article 52 doit non seulement agir sciemment mais encore dans le but de
profiter personnellement et sans juste motif des fruits de la
détention de ces produits précisément.
En définitive, il importe de rappeler que
détenteur peut prouver sa bonne foi ou son juste motif par tous les
moyens, néanmoins, cette preuve ne compte que sur le plan pénal
car au civil la preuve de la bonne foi n'exclut pas la responsabilité
qui découle du caractère dommageable ou fautif 3 de
cette détention même justifiée.
Section 2 : Les délits de vente, mise en vente,
fourniture
ainsi que l'offre de fournir des produits ou services
revêtus
d'une marque contrefaite
L'incrimination dans l'article 52 de la loi n°36-2001 vise
aussi celui qui « aura sciemment vendu, mis en vente, fourni ou
offert de fournir des produits ou des services » revêtus
d'une marque contrefaite. D'emblée, l'emploi de l'adjectif
« sciemment » avant l'énumération de
ces actes interdits confirme certainement leur caractère intentionnel
évident.
De même, conformément à l'approche
analytique suivie par le législateur tunisien concernant tous les actes
de contrefaçon, il y a lieu de dire que chacun de ces actes constitue
à lui seul un délit de contrefaçon distinct des autres.
L'incrimination des actes en relation avec la
commercialisation de la contrefaçon est une mesure qui témoigne
sûrement du souci que le législateur manifeste spécialement
à l'égard de ces actes car l'interdiction de l'usage d'une marque
reproduite ou imitée au sens des articles 22 et 23 de la même loi
aurait pu suffire à incriminer la vente ou la fourniture.
1 Le caractère contrefait de la marque
apposée sur les marchandises motive t-il un refus de détention de
la part d'un prestataire de services de dépôt ? Il semble que le
refus de vente du prestataire de services ne doit être retenu car l'objet
du contrat est illicite ce qui fait que le contrat lui-même sera
absolument nul.
2 MATHELY (P): op. cit. p. 328.
3 Sur la base de l'article 83 C.O.C relatif à la
responsabilité pour faute non-intentionnelle, le titulaire de la marque
peut demander la réparation du préjudice suite à cette
détention s'il prouve qu'elle était fautive.
Sans négliger la responsabilité qu'assume le
titulaire de la marque victime de contrefaçon à l'égard
des consommateurs en cas de défectuosité des produits, il semble,
d'un point de vue économique, qu'il n'y a pas de plus dommageable pour
le propriétaire de la marque que de voir un concurrent vendre ou mettre
en vente des produits ou des services revêtus illicitement de sa marque.
De la sorte, et sans omettre bien sûr le risque de
dépréciation de sa marque, le propriétaire perdra
sûrement un bénéfice certain qui découle directement
de la part de marché qui lui a été soustraite par la masse
de produits contrefaisants en circulation.
Les actes de vente, mise en vente, la fourniture ou l'offre de
fournir des objets revêtus d'une marque contrefaite sont
généralement perçus comme des cas particuliers du
délit d'usage illicite de la marque d'autrui. En effet, dans ces cas
précis il semble que l'on ne doit pas distinguer si ces actes sont
commis à des fins commerciales ou privées car ils renferment
intrinsèquement un caractère spéculatif ou lucratif
évident.
De même, on constate que le législateur n'a pas
exigé que ces actes doivent être commis à titre habituel ou
dans un débit, il y a lieu donc de considérer qu'un seul acte de
vente ou de fourniture suffit à consommer le délit peu importe
qu'il soit commis dans les circuits réguliers de la distribution des
biens ou sur le marché parallèle qui se présente en
Tunisie comme le terrain d'élection du commerce de la contrefaçon
de marque.1
Ainsi, il est permis de voir en la commercialisation d'objets
revêtus une marque contrefaite l'acte le plus dangereux et le plus
déstabilisateur d'un ensemble de mises axées sur la
marque et qui mettent en jeu, et en première ligne, le titulaire de la
marque, le consommateur objet de l'escroquerie, la loyauté de la
concurrence et l'ordre public économique.
Après avoir mis le point sur les traits communs
à ces délits, il y a lieu de s'intéresser à leurs
spécificités.
* Concernant le délit de vente, il est certain que l'on
doit entendre par la vente le contrat
défini par l'article 564 C.O.C. On doit donc exclure les
autres formes impliquant un le transfert de propriété du produit
ou du service en cause tel que la donation ou l'échange.
Le délit de vente est retenu indifféremment du
fait qu'il est consommé dans un local commercial ou en dehors de ce
cadre, on doit aussi admettre que le délit de vente est consommable sur
Internet surtout que l'animateur du nom de domaine n'est pas censé
être le propriétaire de la marque dont il commercialise les
produits.
On peut citer en ce sens une statistique confirmant qu' «
aux Etats Unis : 6.5% des noms de domaine en ( .com ) correspondent
vraiment à une société propriétaire du nom, de
même que 86% ont été déposés par d'autres
sociétés et 7.5% sont attribués à des
spécialistes de la contrefaçon ». 2
1 On peut citer à titre d'exemple tous les
marchés hebdomadaires existant dans la république tunisienne
ainsi que les marchés dénommés SOUK
LYBIA. Toutefois, il ne faut pas négliger le commerce de
contrefaçon entrepris dans les galeries marchandes et même celles
du commerce des articles de luxe. Voir en ce sens, la vente et la mise en vente
d'articles contrefaisants la marque notoire Christian Dior
à la galerie MAKNI. AFFAIRE : Christian Dior : CA, Tunis, Arrêt
correctionnel n°2731 du 12 juillet 2001. Voir annexe. N°7. Voir aussi
en ce sens, Baccouche (CH) : « La contrefaçon en Tunisie :
quand les faussaires se mettent au parfum »
Réalités, n°725 du 11 au 17 novembre 1999.
2 In « Contrefaçon de marques et
usurpation de noms de domaine, où en est la jurisprudence ? »
Conférence organisée par l'A.FNIC le 2 février 2001,
disponible à l'adresse : http : //
www.nic.fr.
Les produits et services désignés dans l'article
52 peuvent être détenus, vendus ou mis en vente par une
société totalement exportatrice au sens de l'article 10 de la loi
n°93-120 du 27 décembre 1993 portant promulgation du code
d'incitations aux investissements.
Une fois commis sur le territoire tunisien, 1 ces
actes deviennent passibles des sanctions de l'article 51 de la loi
n°36-2001 car les régimes incitatifs à l'investissement ou
encore les régimes douaniers ou fiscaux privilégiés
2 ne comptent que dans l'application de la loi fiscale et ne
permettent pas de localiser fictivement le délit de contrefaçon
à l'étranger en vertu de la territorialité de
l'application de la loi pénale. Cette règle se confirme par
l'incrimination des actes d'exportation et d'importation des produits
revêtus d'une marque contrefaite au sens de l'article 51 de la loi
n°36-2001.
Le délit de vente, au sens de l'article 52, porte sur
des produits ou services revêtus d'une marque contrefaite et non pas
authentique, ceci dit, même la vente non autorisée d'objets -
monopolisés ou non- acquis régulièrement ou non et
revêtus d'une marque authentique ne rentre pas dans le champ
d'application de l'article 52. 3
Par ailleurs, l'appréciation du délit de vente
doit naturellement prendre en considération les évolutions
relatives aux techniques de commercialisation tel que les ventes à
distances, par colis, porte à porte, etc. De même, on peut estimer
que le caractère notoire de la marque contrefaite pourra être pris
en considération pour retenir la mauvaise foi du vendeur ou encore pour
repousser la prétention d'ignorance de la contrefaçon que ce
dernier pourra invoquer.
Parfois, il arrive qu'un seul commerçant reproduise,
appose illicitement la marque d'autrui sur les produits, puis fini par les
vendre et les mettre en vente, c'est le cas du commerçant qui, avant de
vendre et d'offrir à la vente des sacs en cuir revêtus de la
marque notoire Christian Dior, avait reproduit,
utilisé et apposé la dite marque et son logo sur les sacs en
question. 4
De même, dans l'affaire « HAUT
MORNAG » le contrefacteur a consommé le délit
de contrefaçon depuis de la reproduction jusqu'à la vente. En
l'espèce, le contrefacteur était le sous- traitant du
propriétaire de la marque, cette qualité lui a permis d'avoir une
parfaite connaissance du produit, son emballage, la forme et la couleur des
bouteilles, etc.
Ces facteurs réunis ont permis au contrefacteur, avant
d'être condamné pour contrefaçon pour divers actes
illicites, de commercialiser ingénieusement, sous la même
marque, le même produit vinicole en Tunisie durant sept années
entières. 5
Le délit de vente permet également de poursuivre
ceux qui sans contrefaire la marque commercialisent les produits revêtus
de cette marque contrefaite, çà était le cas dans
l'affaire PURFLUX, là où un représentant
commercial sud coréen, d'une société de la même
nationalité,
1 La vente de produits dits «fabriqués
sous la loi 72» destinés à l'exportation est possible sur le
marché tunisien dans les proportions de 20% du chiffre d'affaire de la
société qui les fabrique conformément au décret
n°97-308 du 3 février 1997 tel que modifié par le
décret n°2000-867 du 24 avril 2000. (JORT 2000, n°2. p. 982).
Le commerce de ces produits portant à la fois la marque authentique et
celle contrefaisante connaît un essor considérable sur le
marché noir tunisien.
2 C.L.D BEN HAMIDA (H) : « les régimes
fiscaux privilégiés » Ecole Nationale des Douanes 2002.
Imprimerie C.R.D.
3 La question s'est posée en France concernant
la violation d'un réseau de distribution sélective licite. Voir
dans le sens de la condamnation pour délit d'usage illicite de marque,
POLLAUD-DULIAN (F) : op. cit. N° 1403 et sui. P.658 et sui.
4 CA, Tunis, arrêt correctionnel n°2731 du
12 juillet 2001. (non publié) voir annexe n°7.
5 CA, Tunis, arrêt commercial n°83724 du 6
février 2002. (non publié) voir annexe n°4.
avait commercialisé en Tunisie des produits contrefaits
fabriqués en Corée du sud et portant la marque reproduite
PURFLUX, dont la propriété légitime revient à la
société CIF. 1
* La mise en vente est également interdite par l'article
52, elle consiste à offrir ou à présenter
en vente des produits ou services revêtus d'une marque
contrefaite, la doctrine étend, à juste titre ce délit au
« stockage de produits destinés à la vente
».2
L'exposition publique ou même dans les locaux du vendeur
des produits et services prohibés dans l'article 52 présume leur
destination à la vente à moins que l'auteur de cet acte prouve sa
bonne foi ou son ignorance du caractère contrefaisant de la marque en
cause.
Le délit de mise en vente est également utile
car il permet de poursuivre ceux qui n'ont ni contrefait ni encore vendu de
tels produits comme c'est le cas de celui qui expose à titre
publicitaire ou informatif le produit revêtu de la marque contrefaite
à l'occasion d'une foire.
Les industriels européens accordent une grande
importance à la prévention de la contrefaçon par le biais
de l'interception des produits revêtus de marques contrefaisants les
siennes lors des foires.3
Par ailleurs, le délit de mise en vente revêt un
caractère dommageable certain pour le titulaire de la marque authentique
même s'il n'a pas produit son objectif final que constitue la vente, en
ce sens la Cour d'Appel de Toulouse rappelle remarquablement que «
la mise en vente de produits de moindre qualité et à
un prix inférieur déprécie l'image de la marque
contrefaite et détourne la clientèle des articles portant la
marque ainsi discréditée par les contrefaçons
condamnées.
Elle affaiblit le caractère distinctif et le
pouvoir attractif des marques antérieurement déposées et
le préjudice en résultant est d'autant plus important qu'il
s'agit de marques notoirement connues ayant une valeur patrimoniale
élevée ».4
* L'article 52 incrimine également celui qui sans
vendre ou mettre en vente, aura fourni ou simplement offert de fournir des
produits ou services revêtus d'une marque contrefaite. Le fournisseur
s'entend de celui qui consomme matériellement l'acte de la fourniture
des produits en question.
Quant à l'offre de fournir, le délit semble
être susceptible d'intervenir par des modalités diverses, on peut
penser, en ce sens, à l'offre constatée par écrit, fax,
téléphone, écrit ou message électronique et on doit
admettre aussi que l'offre peut être tout simplement verbale.
En définitive, il importe de rappeler que la preuve de
la bonne foi fournie par les auteurs des actes interdits dans l'article 52
n'opère que devant le juge pénal car au civil le caractère
dommageable ou fautif de ces actes ouvre la voie à celui qui
prétend en être la victime à une réparation à
titre de dommages-intérêts.
1 TPI, Tunis, JUGEMENT n°45395 du 26 mai 1983.
BOUDEN (O): op. Cit. Annexe. P. 153.
2 CHAVANNE (A) & BURST (J-J): op. cit.
n°1238. p. 740.
3 Voir en ce sens le rapport « COMBATTRE LA
CONTREFAÇON » rédigé par
l'ORGALIME avec le soutient de la Commission
Européenne. Octobre 2001. publié à l'adresse :
http://www.orgalime.orgpdfcounterfeiting_guide_fr.pdf
4 AFFAIRE : VUITTON c/ ESPORT 2000 :
CA, Toulouse, Arrêt n°86 du 26 janvier 1993. Publié sur le
site officiel de la Cour d'Appel de Toulouse :
http://www.ca-toulouse.justice.fr
Conclusion
L'identification de l'acte de contrefaçon de marque est,
semble t-il, teintée d'une incertitude évidente, malgré le
secours significatif de l'article 44 de la loi n°36-2001.
Allant d'une identification synthétique à une
identification analytique, l'alinéa premier et l'alinéa
deuxième de cet article ne permettent pas d'identifier à coup
sûr l'acte de contrefaçon car même les actes que le
législateur énumère à titre limitatif et qui
seraient constitutifs de contrefaçon ne sauraient déterminer avec
exactitude les manifestations possibles du-dit acte.
Des actes tels que la reproduction, l'usage, l'apposition...
de la marque d'autrui sont eux- mêmes des notions vacantes dont le
contenu n'est jamais déterminable avec certitude. A vrai dire
l'appréciation de l'acte de contrefaçon est une question de
mesure et de bon sens avec l'inévitable aspect plus ou moins subjectif
de l'appréciation.
A l'état actuel des choses, le juge tunisien ne semble
pas tout à fait familiarisé avec le caractère pointu et
technique du droit des marques et de l'atteinte au droit sur la marque que
constitue l'acte de contrefaçon.
Il est permis de considérer qu'une efficace protection
de la marque passe nécessairement à travers une identification de
l'acte de contrefaçon dans les règles de l'art de
l'appréciation juste des faits juridiques, l'entreprise de
l'identification pèse donc sur la poursuite de l'objectif même de
la loi n°36-2001.
Si la démarche poursuivie lors de l'identification est
erronée, le juge ne peut que finir par prononcer le non-fondé de
la demande en contrefaçon et on a vu sur ce point que chaque fois que le
juge confond la marque au produit ou tient compte seulement de
considérations de faits extrinsèques aux marques en question, le
résultat est toujours le même, le contrefacteur jouira d'une
impunité choquante et les droits du propriétaire de la marque se
trouvent ainsi bafoués.
La lutte anti-contrefaçon de marque participe du
développement économique dans ces temps- ci.
L'ineffectivité, l'inefficacité ainsi que le laxisme dans la mise
en oeuvre de la protection des marques tendent de nos jours à être
perçus comme des indices du désintéressement des pouvoirs
publics de la protection des droits des titulaires des marques.
Ce laxisme témoigne aussi souvent d'un état de
crise économique qui fait que l'économie parallèle et
informelle se substitue au circuit légitime et régulier du
commerce. Il est commun de nos jours de voir les titulaires des droits, les
groupes de pression 1 consuméristes ou
1 Les groupes de pression sont ces « groupes
organisés (en principe volontaires) qui cherchent à
réaliser leurs intérêts en obtenant des décisions
favorables des rouages de la structure politique. » Dictionnaire
encyclopédique de théorie et de sociologie du droit,
2ème édition, L.G.D.J, 1993, p 274.
professionnels 1 manifester leurs inquiétudes
à haute voix face aux dimensions planétaires et alarmantes de la
contrefaçon en général et spécialement celle
relative aux marques.
Nonobstant la divergence des motifs et des
intérêts mis en jeu concernant la lutte anticontrefaçon de
marque, tout le monde semble s'accorder sur le fait que la prévention de
la contrefaçon vaut mieux que sa répression. Néanmoins, et
sans négliger le caractère vital de la prévention, les
faits prouvent indubitablement que les contrefacteurs disposent d'une grande
faculté d'adaptation face aux dispositifs juridiques les plus
protecteurs des droits sur la marque.
Certains parlent de lois permissives, d'autres au contraire
reprochent aux acteurs de la lutte anti-contrefaçon, c'est-à-dire
les pouvoirs publics, les administrations concernées ainsi que les
juridictions, d'être plus ou moins laxistes dans l'application des
règles protectrices des droits sur la marque, d'autres mettent l'accent
sur le caractère déraisonnable des coûts et des
délais de la mise en oeuvre de la protection de la marque face à
la contrefaçon. 2
En droit comparé comme en droit international,
3 les lois relatives à la protection des marques sont de plus
en plus rigoureuses et sévères face au phénomène de
la contrefaçon.
L'illustration la plus récente de cette rigueur en est la
fermeté de la nouvelle directive européenne du 26 avril 2004,
contre la contrefaçon et le piratage,4 ainsi que la rigueur
exemplaire
1 Voir en ce sens à titre d'exemple les
rapports des associations interprofessionnelles françaises très
actives dans le domaine de la lutte anti-contrefaçon : « COMBATTRE
LA CONTREFAÇON » par ORGALIME avec le soutient de la commission
Européenne octobre 2001, publié sur : http//
www.orgalime.org/pdf/counterfeiting_guide_fr
; « La contrefaçon » Document émis par l'Union des
Fabricants, Association française de lutte anti- contrefaçon,
publié sur http//
www.unifab.fr ; « Les saisies
douanières » rapport sur les saisies sur les saisies
effectuées par les douanes françaises publié sur
http://www.finances.gouv.fr/douanes/actu/rapport/contrfac.htm#1.1;
« Informations économiques et conseils »
http://www.douane.minefi.gouv.fr/C1/d13625.htm
; « Les incidences économiques de la contrefaçon »
Document émis par l'OCDE 1998 (Organisation de Coopération et de
Développement Economiques) publié sur
www.oecd.org. voir aussi, sur les
compagnes et propositions en matière de lutte anti-contrefaçon en
France, le site officiel du Comité national anti-contrefaçon
(CNAC) :
http://www.industrie.gouv.fr/pratique/conseil/contrefa/f4p_contrefa.htm
2 Voir sur les défaillances des
systèmes de protection des marques dans dix pays parmi lesquels les 7
les plus industrialisés, : « Rapport sur l'application des
dispositions de l'accord relatif aux ADPIC portant sur le respect des droits
» Document émis par la Chambre du Commerce International,
rédigé par la Commission de la propriété
intellectuelle et industrielle. Publié sur le site officiel de la C.C.I
:
http://www.iccwbo.org/home/intellectual_property/tripsf.asp.
Voir aussi le rapport de la C.C.I « Déclaration de politique
générale : Commentaires d'ICC sur le Livre Vert de la CE sur la
lutte contre la contrefaçon et la piraterie dans le marché
intérieur » Commission de la propriété intellectuelle
et industrielle 1999. Publié sur
http://www.iccwbo.org/home/statements_rules/statements/1999/french_translations/combating_counterfeiting.asp.
3 Voir en ce sens le texte commenté de
l'accord sur les ADPIC publié sur :
http://www.jurisint.org- ADPIC.
Date de consultation le 22/10/2002.
4 Cette directive est largement inspirée des
bonnes pratiques des Etats membres, elle s'inscrit dans le cadre fixé
par l'accord ADPIC, tout en allant plus loin sur certains points, notamment :
La reconnaissance du droit des organismes collectifs de gestion des droits et
des organismes de défense professionnels d'ester en justice, la mise en
place de procédures relatives à la protection des preuves et de
mesures provisoires telles que les ordonnances et les saisies, la
possibilité pour les autorités judiciaires d'ordonner à
certaines personnes de fournir des informations sur l'origine et les
réseaux de distribution des marchandises ou services illicites, la
destruction, aux frais du contrevenant, des marchandises illicites mises sur le
marché et l'harmonisation des modes de calcul des
dommages-intérêts. Pour en savoir plus sur les nouveautés
apportées par cette directive voir :
http://europa.eu.int/comm/internal
market/fr/intprop/news/index.htm
de la loi française du 9 mars 2004, portant adaptation
de la justice aux évolutions de la criminalité, qui contient un
volet spécifique à la contrefaçon de
marque.1
Bien qu'elle soit relativement moderne, la loi n°36-2001
du 17 avril 2001 relative à la protection des marques doit être
révisée sur certains sujets et notamment celui relatif à
l'aggravation des sanctions de la contrefaçon qui ne dépassent
pas une amende allant de 5000 à 50 000 dinars.
Le montant de l'amende n'est suffisamment pas dissuasif, il
l'est encore moins si l'on tient en compte le fait que le juge tunisien n'est
encore jamais allé à condamner un contrefacteur au paiement d'un
montant voisin du plafond prescrit par la loi.
L'acte de contrefaçon n'est pas un
délit mineur qui ne trouble pas l'ordre public comme l'a estimé
certains juges tunisiens 2 qui ont couru au secours
d'un contrefacteur en abaissant le montant de l'amende pour ces motifs.
L'acte de contrefaçon est indubitablement l'une des
plus importantes gangrènes des économies modernes, et c'est
pourquoi l'on estime que le législateur ainsi que le juge tunisien en
tireront les conséquences pratiques de ce constat, le premier en
assouplissant davantage la gamme des actes de contrefaçon et en
renforçant les sanctions minimales, l'autre en l'identifiant suivant une
démarche appropriée et en le réprimant convenablement.
1 Cette loi a notablement aggravé les peines
relatives à la contrefaçon de marque, l'emprisonnement est
passé de 2 à 3 ans et les amendes de 150 000 à 300 000
€. Pour certains délits concernant les marques, les sanctions sont
même portées à 4 ans d'emprisonnement et 400 000 euros
d'amende. Par ailleurs, de nouvelles dispositions prévoient, lorsque les
délits sont commis en bande organisée, une peine d'emprisonnement
de 5 ans et 500 000 € d'amende. Pour de plus amples informations sur cette
loi, voir
http://www.inpi.fr ou encore
www.contrefacon-danger.com
/
2 CA, Tunis, arrêt correctionnel n°2731 du
12 juillet 2001. (non publié) voir annexe n°7.
Bibliographie générale
Ouvrages généraux :
* CARBONNIER (J) : Droit civil, T3, Les biens.
12ème éd, Thémis, PUF 1988..
* CHARFI (M) & MEZGHANI (A): Les droits subjectifs. Sud
Editions 1995. (en arabe)
* CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : Droit de la
propriété industrielle. 5ème éd, Dalloz
Delta 1998.
* CHRISTINE LABASTIE DAHDOUH & Habib DAHDOUH : Droit
commercial, 1ère édition. I.O.R.T 2002.
* COLOMBET (C) : Propriété littéraire et
artistique et droits voisins. 9ème éd, DALLOZ DELTA
1999.
* HUET (J): Traité de droit civil, les principaux contrats
spéciaux. L.G.D.J 1996.
* MEZGHANI (N) : Droit commercial. ( Actes de commerce,
Commerçants, Fonds de commerce) CPU 1999.
* PERROT (R) : Institutions judiciaires. 9ème
éd, Montchrestien 1998.
* PIOTRAUT (J-L) : Droit de la propriété
intellectuelle, Collection Référence Droit, Ellipses 2004.
* POLLAUD - DULIAN (F) : Droit de la propriété
industrielle. Montchrestien, E.J.A. , Paris, 1999.
* PRADEL (J) : Droit pénal général.
8ème éd, CUJAS 1992.
* ROUBIER (P) : Droit de la propriété industrielle.
Sirey 1952. T1.
* STEFANI (G), LEVASSEUR (G) et BOULOC (B) : Droit pénal
général. 16ème édition, Précis
Dalloz 1997.
* TERRE (F), SIMLER (PH) et LEQUETTE (Y) : Droit civil, Les
obligations. 7ème éd, Dalloz 1999.
Ouvrages spécialisés :
* Actes du colloque organisé par l'institut de recherche
en propriété intellectuelle HENRI-
DESBOIS (Paris 26 janv. 1994): «Arbitrage et
propriété intellectuelle». Librairie technique 1994.
* AMAMMOU (S) : « Le Manuel Permanent du Droit des Affaires
Tunisien » : « Brevets d'invention » septembre 2001.
« Dessins et modèles » septembre 2001.
« Marques de fabrique » juillet 1994.
« Propriété industrielle » juin 2000.
« Nom commercial » juillet 1994.
* ARNAUD (A-j) ( sous dir.) : « Dictionnaire
encyclopédique de théorie et de sociologie du droit »
2ème édition, L.G.D.J 1993.
* AUROUX (S) ( sous la dir.) : « Encyclopédie
Philosophique Universelle » Tome II, Les notions philosophiques. PUF
1990.
* BEN HAMIDA (H) : « les régimes fiscaux
privilégiés » Ecole Nationale des Douanes 2002. Imprimerie
C.R.D.
* BERTIN (G-Y) & WYATT (S) : « Multinationales et
propriété industrielle, le contrôle de la technologie
mondiale » IRF, PUF 1986.
* BOUCHE (N) : « Le principe de territorialité de la
propriété intellectuelle ». Collection Logiques Juridiques
2002.
* BURST (J-J) : « Concurrence déloyale et parasitisme
» DALLOZ, 1993. * CARBONNIER (J) : « Flexible droit » L.G.D.J
1995.
* CORNU (G) : « Linguistique juridique »
2ème éd, Montchrestien 2000.
* « Dictionnaire encyclopédique universel »,
Editions George Naef. Genève 1993.
* DIENER (M) : « Contrats internationaux de
propriété industrielle » Litec. ( La date de publication
n'est pas mentionnée)
* GASTOMBIDE (A) : « Traité théorique et
pratique des contrefaçons en tous genres ». Le grand &
Descaurier Éditeurs, Paris 1837.
* LAJMI (M) : « La réparation du dommage corporel en
droit tunisien et comparé » Editions Papyrus 1997. ( en arabe )
* LELOUP (J-M) : « La franchise, droit et pratique »
3ème édition, Delmas 2000.
* Le TOURNEAU (PH) & CADIET (L) : « Droit de la
responsabilité et des contrats » DALLOZ ACTION 2000/2001.
* MATHELY (P) : « Le nouveau droit français des
marques » éditions J.N.A. 1994. * ROUVILLOIS (F) : « Le droit
» GF Flammarion, 1999.
* PASSA (J) : « Contrefaçon et concurrence
déloyale » LITEC, 1997.
* PATRICK (B) : « La contrefaçon ». Que sais-je
? PUF, Paris 1986. N° 1611.
* PEYRET (S) : « Sous traitance industrielle »
Encyclopédie DELMAS, DALLOZ 2000.
* PIOTRAUT (J-L) & DECHRISTE (P-J): « Jugements et
arrêts fondamentaux de la propriété intellectuelle »
Editions TEC & DOC 2002.
* SALAH ZIN EDDINE : « Propriété industrielle
et commerciale » DARAL THAKAFA FOR PUBLISHING AND DITRIBUTION, AMMAN 2000.
( en arabe)
* TERCINET (A) : « Droit européen de la concurrence
» Montchrestien, Editions Gualino 2001. * ZHANG (SH) : « De l'OMPI au
GATT » LITEC 1994.
Mémoires :
* BOUDEN (O) : « La protection des marques de fabrique et de
commerce » Mémoire de D.E.A, Tunis 1990. Faculté de Droit et
des Sciences Politiques de Tunis.
Articles :
· ARNAUD (E) : « L'extension aux brevets et à
la marque communautaire du règlement européen fixant des mesures
en vue d'interdire la mise en libre pratique, l'exportation, la
réexportation et le placement sous un régime suspensif des
marchandises contrefaisantes » GAZ. PAL du 17 novembre 1998.N°6.
· ARNAUD (E) : « Sur le règlement du conseil du
25 janvier 1999.. » GAZ . PAL du 14 avril 2000.N°2.
· BACCOUCHE (CH) : « La contrefaçon en Tunisie
: quand les faussaires se mettent au parfum » Réalités,
n°725 du 11 au 17 novembre 1999.
· BAUD (E) et COLOMBET (S) : « La parodie de marque :
vers une érosion du caractère absolu des signes distinctifs ?
» D. 1998, n°23, Chron.
· BIENAYME (A) : « L'intérêt du
consommateur dans l'application du droit de la concurrence : un point de vue
d'économiste ». Revue Internationale de droit économique,
N°3, 1995.
· BLOCH (G) : « Acquisition en France des droits sur
une marque par usage » GAZ..PAL du 3 déc. 1991. N°6.
· BONET (G) : « Propriété
industrielle et libre circulation des produits des dans la communauté
économique européenne : La règle d'épuisement des
droits de propriété industrielle » GAZ. PAL du 26 mars
1994.N°2 .
· BOUAZZAOUI (A): « Le projet de loi sur la
protection de la propriété industrielle et la répression
de la contrefaçon » GAZ. PAL du 19 mars 2000.N°2.
· BOUROUROU (A) : « Les implications de l'accord
euro-méditerranéen d'association entre l'union européenne
et la tunisie. » RJL avril 1999.N°4.
· Brunot (V) et Haas (M-E) : « Le droit sur le nom de
domaine : vers un droit d'occupation... » Gaz. Pal du samedi 13 juillet
2002.
· CHAVANNE (A) : « Le délit d'usage de marque
et son évolution ». Mélanges Paul Mathély, Litec
1990.
· CORBOBESSE (P) : « La lutte contre la
contrefaçon , la contribution de l'imprimerie nationale » GAZ. PAL
du 13 juin 1996.N°3.
· DAVID (J) : « La contrefaçon dans l'industrie
automobile » ( in forum Sup'entreprise sur la contrefaçon du 26
avril 1994 à Eperyna) GAZ. PAL 1995. (1er sem).
· DERRAC (M) : « Les nouveaux pouvoirs des douaniers
et le règlement communautaire du 22 décembre 1994 » GAZ. PAL
du 13 juin 1996. N°3. p. 590.
· DESJEUX (X) : « Peut-on copier une forme utile
» GAZ.PAL du 2 janv. 1990.N°1.
· DURANCE (J-Y) & RICHEZ (B) : « Les services :
quelle libéralisation pour le XXI siècle ? »
Problèmes Economiques n°2.772 du 14 août 2002.
· DURRANDE (S) : « L'élément
intentionnel de la contrefaçon et le nouveau code pénal » D.
1999, n°30, Chron. p. 322.
· FEKETE (J-M) : « La concurrence déloyale et
sa sanction » GAZ. PAL ( 1er sem.) 1994.
· GAZA (N) :«L'action publique dans les délits
douaniers» R.J.L, octobre 1994.(en arabe)
· HANGARD (D) : « La lutte contre la
contrefaçon » GAZ. PAL du 13 juin 1996. N°3.
· HERTZ-EICHENRODE (CH) & SEELIG (G.W) : « De
quelques aspects de la nouvelle loi Allemande sur les marques » in
Mélanges JEAN-JACQUES BURST, LITEC 1997.
· IZORCHE (M-L) : « Les fondements de la sanction de
la concurrence déloyale et du parasitisme » R.T.D.Com 1998.
N°1.
· JALENQUES (D) & GODEFROY (N) : « La
protection de la propriété intellectuelle en Chine » GAZ.
PAL 1995.(2ème sem.).
· KESSLER (M) : « La contrefaçon dans
l'industrie automobile » GAZ. PAL du 26 mars 1994. N°2.
· KTARI (S) : « La marque de fabrique » R.J.L,
mai 1997. ( en arabe).
· LAMOUREUX (G-G) : « Le cadre juridique
français des marques » GAZ . PAL du 26 mars 1994.N°2.
· LAMPRE (C) : « Le Champagne ou le parfum de la
renommée » D. 1994, n°27, Chron.
· LE CACHEUX (J) : « Mondialisation
économique et financière : de quelques poncifs, idées
fausses et vérités » Revue de l'O.FC.E, hors série,
mars 2002. . Publié également dans « Problèmes
Economiques » n°2.772 du 14 août 2002.
· Le TALLEC (G): « La primauté des appellations
d'origine contrôlée sur les marques » Mélanges Paul
Mathély, Litec 1990.
· LE TOURNEAU (PH) : « De la spécificité
du préjudice concurrentiel » R.T.D.Com 1998. N° 1.
· MANDEL (S) : « L'indemnisation du préjudice
en cas de contrefaçon de marque ou de modèle » GAZ. PAL du
13 juin 1996.N°3.
· MEZGHANI (A): « Le 11 septembre 2001 et droit
économique » Revue Internationale de Droit Economique 2002.
N°1.
· MEZGHANI (N) : « Les implications des accords ADPIC
sur le droit de la propriété intellectuelle dans les pays arabes
du Maghreb » R.J.L, mai 1997.
· M'HAMED BEN SASSI : « Loi du 17 avril 2001,
protection de la marque de fabrique, de commerce et de services » La
Tunisie Économique, n°122, mai 2001.
· MONTEIRO (J) :« Droit des marques et
publicité comparative :propos sur des idées (communautaires)
réductrices ». GAZ. PAL du 13 juin 1996.N°3.
· NAUMANN (S) :« Commentaire sur la marque
communautaire » GAZ. PAL du 7 mars 1996.N° 2.
· NUSS (P) : « Le consommateur et la marque à
la veille d e l'an 2000 » GAZ. PAL du 27 mai 1999.N°3.
· PAISANT (G) : « L'obligation de
sécurité et le droit de la consommation » GAZ. PAL du 23
septembre 1997. N° spécial « La naissance de l'obligation de
sécurité ».
· PASQUA (CH) : « Contrefaçon: contre la loi de
la jungle» GAZ. PAL du 26 mars 1994. .N°2.
· PEROT-MOREL (M-A) : « L'opposabilité des
antériorités en matière de marque de fabrique, de commerce
ou de service » R.T.D.Com 1971.
· PIATTI (M-CH): « L'appellation d'origine »
R.T.D.Com 1999. N° 3.
· REMICHE (B) : « Révolution technologique,
mondialisation et droit des brevets » Revue Internationale de Droit
Economique 2002. N°1.
· ROUBIER (P) : «Théorie générale
de l'action en concurrence déloyale » R.T.D.Com 1948. I.
· SCHMIDT-SZALEWSKI (J) : « L'avenir de la
propriété industrielle » in Mélanges JEAN- JACQUES
BURST, LITEC 1997.
· SCHMIDT-SZALEWSKI (J) : « La distinction entre
l'action en contrefaçon et l'action en concurrence déloyale dans
la jurisprudence » R.T.D.Com 1994. N°3.
· SPECIAL CONTREFAÇON : « L'intervention du
ministre de l'économie et des finances » Allocution de
clôture du premier forum de la propriété industrielle. GAZ.
PAL du 13 juin 1996.N°3.
· SPECIAL CONTREFAÇON: « Les
contrefaçons » GAZ. PAL du 13 juin 1996.N°2. ( sans auteur
)
· STORCK (M) :« La déchéance d'une
marque à travers le temps :l'application dans Le temps de l'article 27
de la loi du 4 janvier 1991 » in Mélanges JEAN-JACQUES BURST, LITEC
1997.
· TOUMI (F) : « La propriété
industrielle en Tunisie et les conventions internationales » (En arabe)
Etudes Juridiques 2002. n°9. Faculté de Droit de Sfax.
· TURENNE (M) : « Il faut légaliser
l'économie informelle ». Courrier International, n°55 1 du 23
au 30 mai 2001. ( propos recueillis )
· VERON (P): « Le recours de l'acheteur contre le
vendeur de produits contrefaisants» in Mélanges JEAN-JACQUES BURST,
LITEC 1997.
· VILMARD (CH-M) : « La référence
à la marque d'autrui sera t-elle encore sanctionnée en dehors de
la contrefaçon ? Le cas de la parfumerie »GAZ.PAL du 21
février 1991.N°1.
· VILMART (CH) : « La répression de la
contrefaçon » les nouveaux moyens juridiques de protection des
droits de propriété intellectuelle en France et dans la
Communauté Européenne » GAZ. PAL du 17 septembre 1994.
N°5.
· VILMART (CH): « La protection des droits de
propriété intellectuelle dans les accords du GATT » GAZ. PAL
du 20 octobre 1994. N °5.
· WALINE (J) : « Propriété industrielle
et droit public » in Mélanges JEAN-JACQUES BURST, LITEC 1997.
· SANS AUTEUR : « La propriété
intellectuelle et les P.M.E » Conjoncture n° 223 du 6 au 12 octobre
2002. ( source : O.M.P.D )
BIBLIOGRAPHIE INTERNET :
-
http://www.barreau.qc.ca/journal/frameset.asp?article=/journal/vol31/no7/surlenet.html
« LES NOMS DE DOMAINE : au-delà du mystère
» par Marie-Hélène Deschamps-Marquis.
-
www.nic.fr.
« Contrefaçon de marques et usurpation de noms de
domaine : où en est la jurisprudence ? »
Association Française pour le Nommage Internet en
Coopération chargée de l'attribution des noms de domaine Internet
en .fr. Actes de la Conférence-débat à l'initiative de
l'AFNIC. Salon des Entrepreneurs vendredi 2 février 2001.
-
www.unifab.fr
« LA CONTREFACON «
Documents émis par l'Union des Fabricants, Association
française de lutte anti- contrefaçon.
- http:// www.orgalime.orgpdfcounterfeiting_guide_fr.pdf
« COMBATTRE LA CONTREFAÇON »
par ORGALIME avec le soutient der la commission Européenne
octobre 2001.
-
www.irpi.fr.
« LA JURISPRUDENCE RELATIVE A LA CONTREFAÇON DE
DROITS DE PROPRIETE INTELECTUELLE »
-
http://www.robic.ca/publications/210.shtml
« Exercice des droits de propriété
intellectuelle Contrefaçon et responsabilité » Par Jacques
A. Léger, c.r. LEGER ROBIC RICHARD.
-
http://www.finances.gouv.fr/douanes/actu/rapport/contrfac.htm
« Les saisies douanières »
-
http://www.iccwbo.org/home/intellectualproperty/tripsf.asp
« Rapport sur l'application des dispositions de l'accord
relatif aux ADPIC portant sur le respect des droits » Document émis
par la Chambre du Commerce International rédigé
par la Commission de la propriété intellectuelle et
industrielle.
-
http://www.douane.minefi.gouv.fr/C1/d13625.htm
« Informations économiques et conseils »
-
httpwww.oecd.org.
pdfM00024000M0002461 9.pdf
« Les incidences économiques de la contrefaçon
» par L'Organisation de Coopération et de Développement
Economiques 1998. (OCDE)
-
http://www.ifrance.com/contrefait/
«Contrefaçon et malfaçons
des médicaments en Afrique » par SOPHIE SCHMIDT, thèse
1999.
L'identification de l'acte de contrefaçon de
marque
Table des matières
Introduction 1
Titre 1 : L'approche synthétique de l'acte de
contrefaçon :
une atteinte au droit de propriété sur la
marque 15
Chapitre 1 : Le droit sur la marque : objet
spécifique de l'acte de contrefaçon 18
Section 1 : La validité du droit
sur la marque 19
Paragraphe 1 : Les conditions de validité du signe
constitutif de la
marque 20
- A - Les divers signes susceptibles de
constituer une marque ..20
1) Les signes nominaux 21
2) Les signes figuratifs ..22
3) Les signes sonores .....23
- B - Les conditions de validité du signe choisi
comme marque 23
-1- Le caractère licite du signe choisi
..23
-a- Les signes interdits comme marque ...24
-b- Les signes contraires à l'ordre public ou aux bonnes
moeurs........24
-c- Les signes trompeurs ou déceptifs
-2- Le caractère distinctif du signe constitutif
de la marque
-a - Les signes dépourvus du caractère
distinctif
|
132
26
...28
28
|
-1- Les signes génériques
|
..29
|
-2- Les signes descriptifs
|
...29
|
|
-3- Les signes visés dans l'article 3
alinéa (c)
|
31
|
-b - Le caractère disponible de la marque
|
...32
|
Paragraphe 2 : L'acquisition du droit sur la marque
|
.35
|
-A- Le dépôt de la demande d'enregistrement
|
36
|
-B- La publication du dépôt .
|
..37
|
|
-C- L'inscription au registre national des marques
38
Section 2 : L'opposabilité du droit sur la marque
40
Paragraphe 1 : Le retrait de la demande d'enregistrement
de la marque
|
...40
|
Paragraphe 2 : La renonciation aux effets de
l'enregistrement
|
41
|
Paragraphe 3 : La déchéance des droits sur
la marque
|
42
|
-A- La déchéance pour
défaut d'exploitation de la marque
|
..43
|
-B- La déchéance de la marque
devenue déceptive
|
44
|
-C- La déchéance de la marque
devenue usuelle
|
45
|
-1- Le caractère usuel de la marque
|
.46
|
-2- Une marque usuelle dans le commerce
|
46
|
|
-3- Le fait du titulaire de la marque
|
...46
|
Chapitre 2 : Les spécificités de l'atteinte
constitutive
de l'acte de contrefaçon 48
Section 1 : Le défaut d'autorisation comme
condition d'illégalité
de l'acte de contrefaçon ...49
Paragraphe 1 : L'intervention de l'acte de
contrefaçon en dehors d'une
autorisation contractuelle .50
-A- De quelques formes d'exploitation
autorisées par le propriétaire ...51
1) Le contrat de licence ..51
2) Le contrat de franchise .52
3) La convention de sous-traitance .53
-B- Les conséquences du
dépassement des prérogatives
consenties par le propriétaire ...54
Paragraphe 2 : L'intervention de l'acte de
contrefaçon en dehors d'une autorisation légale ..56
-A- La tolérance accordée à certains signes
distinctifs
antérieurs à la marque 56
-B- La tolérance accordée au tiers utilisant son
nom ..58
patronymique
-C- La tolérance reconnue aux fabricants d'accessoires
58
Section 2 : La localisation tridimensionnelle de l'acte
de
Contrefaçon 60
Paragraphe 1 : L'acte de contrefaçon : une
atteinte dans la spécialité de la
Marque .61
Paragraphe 2 : La territorialité de l'acte de
contrefaçon 66
Titre deuxième :
Les manifestations de l'acte de
contrefaçon 70
Chapitre 1 : Les actes de contrefaçon
érigés en délits
matériels 72
Section 1 : La reproduction de la marque pour des
produits
ou services identiques 73
Paragraphe 1 : Les éléments
indifférents à la constitution
du délit de reproduction ..74
-A- L'indifférence de la bonne foi ..74
-B- L'indifférence du risque de confusion 75
-C- L'indifférence de l'appréciation du
degré de distinctivité de la marque 76
Paragraphe 2 : L'étendue de la reproduction de la
marque 77
Paragraphe 3 : Les modalités de la reproduction de
la
Marque 81
Section 2 : Le délit d'usage de marque 84
Paragraphe 1 : Les caractéristiques du
délit de contrefaçon de
marque par usage .....84
Paragraphe 2 : Les modalités du délit
d'usage 85
Section 3 : Le délit d'apposition de marque
...86
Section 5 : Le délit d'importation ou d'exportation
de
marchandises présentées sous une marque
contrefaite 90
Chapitre 2 : Les actes de contrefaçon
par
« confusion » .........93
Section 1 : Le risque de confusion dans l'esprit du
public
comme élément constitutif du délit de
contrefaçon au sens de
l'article 23 94
Paragraphe 1 : La signification du risque de confusion
.....95
Paragraphe 2 : Le public considéré aux fins
de l'appréciation du risque de confusion .97
Section 2 : La panoplie des actes de contrefaçon
par «Confusion».....99
Paragraphe 1 : Les actes interdits pour des produits ou
services similaires à ceux désignés à
l'enregistrement ....100
Paragraphe 2 : Les actes interdits pour des produits ou
services identiques ou similaires à ceux désignés à
l'enregistrement .103
-A- Le délit d'imitation de marque 103
-B- L'usage d'une marque imitée ..107
Chapitre 3 : Les actes intentionnels de
Contrefaçon ..108
Section 1 : Le délit de détention de
marchandises revêtues d'une
marque contrefaite 109
Section 2 : Les délits de vente, mise en vente,
fourniture ainsi que
l'offre de fournir de produits ou services revêtus
d'une
marque contrefaite 110
Conclusion ...114
Bibliographie générale 117
Table des matières 125
Annexes 131
Table des jugements et décisions
inédits rapportés dans le
mémoire
ANNEXES
AFFAIRE : SCHWARZKOPF c/ JASMINAL :
Annexe n°1 : TPI, SFAX, Jugement
commercial n° 970 du 14 mars 2000 132
AFFAIRE : Sté TUNISIENNE D'ETANCHEITE (DERBIGUM) c/
Sté MAGRHEBINE D'ETANCHEITE ( COMMET ).
Annexe n°2 : TPI, Ben AROUS,
jugement n°9918 du 21 novembre 2001 .133
Annexe n°3 : CA Tunis n°546 du
3 décembre 2003 ..134
AFFAIRE : UCCV c/ Coopérative viticole BOU ARGOUB :
Annexe n°4 : CA , Tunis, arrêt
n°83724 du 6 février 2002 ..135
AFFIRE : JOHNSON ENDSON c/ JASMINAL :
Annexe n°5 : CA, Tunis, arrêt
n° 60 537 du 16 février 2000 136
AFFAIRE : DRYPERS c/ CIPAP :
Annexe n°6 : TPI, Tunis, jugement
commercial n° 2703 du 11 avril 2000 ..137
AFFAIRE : Christian Dior :
Annexe n°7 : CA, Tunis, Arrêt
correctionnel n°273 1 du 12 juillet 2001 138
AFFAIRE : ASTRAL c/ SUPER BANDE ASTRAL et autres :
Annexe n°8 : TPI, Bizerte, jugement
correctionnel n°6206 du 22 avril 2003 139
AFFAIRE : HENKEL ALKI ( DIXAN ) c/ SODET ( DEXELL ) :
Annexe n°9 : TPI, Tunis Jugement
commercial n°11380 du 18 janvier 2003 ...140
Annexe n°10 : CA, Tunis, commercial
n°1810 du 19 janvier 2004 .141
|